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  • Ils ont dit, au sujet des techniques

    "Et que, pour bien diriger, il n’y a que deux choses, l’opinion vraie et la science ; et l’homme qui les possède est un bon guide." [Platon]

    "L’homme était en possession du savoir qui concerne la vie, mais il n’avait pas le savoir politique ; en effet, celui-ci se trouvait chez Zeus."
    [Platon]

    "La main semble être non pas un outil, mais plusieurs ? Car elle est pour ainsi dire un outil qui tient lieu de tous les autres. Car la main devient griffe, serre, corne ou lance ou épée, ou toute autre arme ou outil. Elle peut être tout, cela parce qu’elle est capable de tout saisir et de tout tenir." [Aristote]

    "Ne jamais manquer de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu'il jugera être les meilleures." [René Descartes]

    "Mais l’on aura déjà compris à quoi j’en veux venir, à savoir que c’est encore et toujours une croyance métaphysique sur quoi repose notre croyance en la science." [Friedrich Nietzsche]

    "Dans la manufacture et le métier, l'ouvrier se sert de son outil ; dans la fabrique il sert la machine." 
    [Karl Marx]

    "En définitive, l’intelligence, envisagée dans ce qui paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils, et d’en varier indéfiniment la fabrication." [Bergson]

    "Il est hélas devenu évident aujourd'hui que notre technologie a dépassé notre humanité."
    [Albert Einstein]

    "L'homme et sa sécurité doivent constituer la première préoccupation de toute aventure technologique." [Albert Einstein]

    "Le progrès technique est comme une hache qu’on aurait mis dans les mains d’un psychopathe." [Albert Einstein]

    "Un monde gagné pour la technique est perdu pour la liberté." [Georges Bernanos]

    "Des sciences de la nature est sortie la technique. Elle a tout d’abord été conforme à sa destination : elle a libéré l’homme de ses difficultés, et elle a suscité de nouveaux modes d’existence. Plus tard, elle est devenue ambiguë, dès l’instant où elle a développé parallèlement les chances de progrès et les risques de destruction. Pour finir, elle s’est pervertie, le jour où elle a fait de la production d’objets une fin en soi." [Karl Jaspers]

    "Le défi de notre siècle sera de formuler un pacte entre l’homme et la technologie. " [Pascal Chabot]

    "On peut définir la Science-Fiction comme la branche de la littérature qui se soucie des réponses de l'être humain aux progrès de la science et de la technologie." [Isaac Asimov]

    "Notre imprudence aveugle se joindra à notre puissance technologique pour produire des effets dévastateurs." [Michael Crichton]

    "La religion s'insère entre les fissures du mur de la technologie tel du lierre. Quel que soit l'état de la science, la question de la naissance de l'univers se posera toujours." [Ray Bradbury]

    “Je ne crois pas que la littérature ait quoi que ce soit à craindre de la technologie. Au contraire. Plus la technologie progressera, plus les gens s’intéresseront aux possibilités du seul esprit humain." [Isaac Bashevis Singer]

    "Les prouesses réalisées par des individus exceptionnels, grâce à leur art et à leur intelligence, tôt ou tard la technologie les rend possibles à tout le monde." [Roland Topor]

    "La technique nous écarterait-elle de notre passé, au point de nous le rendre inintelligible ?" [Alexis Philonenko]

    "Despote conquérant, le progrès technique ne souffre pas l'arrêt. Tout ralentissement équivalant à un recul, l'humanité est condamnée au progrès à perpétuité." [Alfred Sauvy]

    "L'invention technique procède de l'homme seul et non de ses besoins vitaux, mais de ses rêves, c'est-à-dire de ses vrais désirs." [Denis de Rougemont]

    "J'échangerai toute ma technologie pour un après-midi avec Socrate." [Steve Jobs] 

    "La science, c'est ce que le père enseigne à son fils. La technologie, c'est ce que le fils enseigne à son papa." [Michel Serres]

    "Nous avons construit un monde où l'intelligence est la premières des facultés, où la science et la technique nous tirent en avant et nous chutons, en produisant plus de misères, de famines, de maladies." [Michel Serres]

    "Face à la croissance explosive des techniques de communication de l'information, les capacités de notre cerveau d'acquérir, de stocker, d'assimiler et d'émettre de l'information sont restées inchangées." [Pierre Joliot]

    "S'appuyer sur l'expérience du passé devrait suffire à démontrer que la plupart des révolutions technologiques sont issues de recherches dont la seule motivation était le progrès de la connaissance." [Pierre Joliot]

    "Loin d’être le surveillant d’une troupe d’esclaves, l’homme est l’organisateur permanent d’une société des objets techniques qui ont besoin de lui comme les musiciens ont besoin du chef d'orchestre." [Gilbert Simondon]

    "Afin de se maintenir, l'économie est en permanence obligée de créer et de répandre davantage de technologie. C'est comme si l'enfant à naître dévorait sa mère dans le ventre de celle-ci." [Edward Bond]

    "Dans le passé la technologie a été un bienfait pour l'homme, maintenant elle devient un danger. Même en tant de paix elle commence à détruire la terre." [Edward Bond]

    "La vitesse est la forme d'extase dont la révolution technique a fait cadeau à l'homme." [Milan Kundera]

    "Grâce à la technologie des armes et des transports, le XXème siècle a découvert une barbarie que ni l'Antiquité ni le Moyen Âge n'avait connue, la guerre contre les enfants." [Boris Cyrulnik]

    "Avec des nouvelles technologies, ne sommes-nous pas en train d'assister à la disparition inéluctable de l'auteur ou du créateur au profit d'une marque ?" [Paul Virilio]

    "La science est devenue un moyen de la technique." [Jacques Ellul]

    "Nous sommes actuellement au stade d'évolution historique d'élimination de tout ce qui n'est pas technique." [Jacques Ellul]

    "La civilisation technique a un tort énorme : elle n'a pas encore supprimé la mort." [Jacques Ellul]

    "Tout ce qui est techniquement faisable et économiquement exploitable doit être mis en oeuvre sans détour préalable par la discussion." [Jürgen Habermas]

    "Nos institutions et nos technologies ont changé, mais nos émotions viennent de l’âge de pierre."
     [Yuval Noah Harari]
     
    "L’IA est la première technologie de l’histoire humaine qui ne soit pas un outil mais un agent.”
     [Yuval Noah Harari]

    "La technique est moins importante que les hommes ou que la société, l'important, c'est le projet humain qui est derrière." [Dominique Wolton]

    "Nous avons l'impression que les forces économiques, les marchés financiers, les nouvelles technologies, transforment notre vie de tous les jours bien davantage que nos ministres ou nos parlementaires." [Luc Ferry]

    "Avenir : Sombre, incertain, complexe mais aussi ouvert, flexible, changeant... Comme l’économie et comme les technologies." [Luc Fayard]

    "L’intelligence de l’Homme a progressé au niveau technologique, mais pas au niveau des sentiments." [Monica Bellucci]

    "Les jeunes, de nos jours, ne sont plus équipés pour un monde qui, pour l’essentiel, est d’une complexité technique bien supérieure à la formation que leur assure l’école. Personne ne reçoit plus les armes nécessaires pour s’en sortir, s’élever et trouver une structure qui permet de s’insérer dans un monde chaque jour plus cataclysmique." [David Bowie]

    "Tout le monde se réclame aveuglément du progressisme, alors que bien des progrès techniques peuvent s’assortir d’aliénations sociales redoutables." [Sylviane Agacinski]

    Photo : Pexels - Pavel Danilyuk

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  • Descartes : "... Comme maîtres et possesseurs de la nature"

    … Au lieu de cette philosophie spéculative qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices qui feraient qu’on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie.

    René Descartes, Discours de la Méthode, Sixième partie (1637)

    Photo : Pexels - Bradley Hook

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  • Descartes : L'homme possesseur de la nature

    Sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j’ai remarqué jusques où elles peuvent conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusqu’à présent, j’ai cru que je ne pouvais les tenir cachées  sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer, autant qu’il est en nous, le bien général de tous les hommes. Car elles m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative, qu’on enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices, qui feraient qu’on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie. 

    René Descartes, Discours de la méthode (1637)

    Photo : Pexels - Chevanon

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  • Descartes : Au sujet de l'excès des passions

    Pour les remèdes contre les excès des passions, j'avoue bien qu'ils sont difficiles à pratiquer, et même qu'ils ne peuvent suffire pour empêcher les désordres qui arrivent dans le corps, mais seulement pour faire que l'âme ne soit point troublée, et qu'elle puisse retenir son jugement libre. A quoi je ne juge pas qu'il soit besoin d'avoir une connaissance exacte de la vérité de chaque chose, ni même d'avoir prévu en particulier tous les accidents qui peuvent survenir, ce qui serait sans doute impossible ; mais c'est assez d'en avoir imaginé en général de plus fâcheux que ne sont ceux qui arrivent, et de s'être préparé à les soutenir. Je ne crois pas aussi qu'on pèche guère par excès en désirant les choses nécessaires à la vie ; ce n'est que des mauvaises ou superflues que les désirs ont besoin d'être réglés. Car ceux qui ne tendent qu'au bien sont, ce me semble, d'autant meilleurs qu'ils sont plus grands ; et quoique j'aie voulu flatter mon défaut, en mettant une je ne sais quelle langueur entre les passions excusables, j'estime néanmoins beaucoup plus la diligence de ceux qui se portent toujours avec ardeur à faire les choses qu'ils croient être en quelque façon de leur devoir, encore qu'ils n'en espèrent pas beaucoup de fruit.

    René Descartes, Lettre à Élisabeth (mai 1646)

    Photo : Pexels Ron Lach

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  • Descartes : "Je pense donc je suis"

    J'avais dès longtemps remarqué que, pour les mœurs, il est besoin quelquefois de suivre des opinions qu'on sait être fort incertaines, tout de même que si elles étaient indubitables, ainsi qu'il a été dit ci-dessus; mais, pour ce qu'alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la  vérité, je pensai qu'il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse, comme absolument faux, tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne resterait point, après cela, quelque chose un ma créance, qui fût entièrement indubitable. Ainsi, à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu'il n'y avait  aucune chose qui fût telle qu'ils nous la font imaginer. Et pour ce qu'il y a des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des paralogismes', jugeant que j'étais sujet à faillir, autant qu'aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que j'avais prises auparavant pour démonstrations. Et  enfin, considérant que toutes les mêmes pensées, que nous avons étant éveillés, nous peuvent aussi venir quand nous dormons, sans qu'il y en ait aucune, pour lors, qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées en l'esprit, n'étaient non plus vraies que les illusions de mes songes. Mais, aussitôt après, je pris garde  que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais".

    René Descartes, Discours de la Méthode (1637)

    Photo : Pexels - Alina Matveycheva

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  • Descartes : Vivre sans philosopher ?

    J’aurais voulu premièrement y expliquer ce que c’est que la philosophie, en commençant par les choses les plus vulgaires, comme sont : que ce mot philosophie signifie l’étude de la sagesse, et que par la sagesse on n’entend pas seulement la prudence dans les affaires mais une parfaite connaissance de toutes les choses que l’homme peut savoir, tant pour la conduite de sa vie que pour la conservation de sa santé et 1’invention de tous les arts ;  et qu’afin que cette connaissance soit telle, il est nécessaire qu’elle soit déduite des premières causes, en sorte que pour étudier à l’acquérir, ce qui se nomme proprement philosopher, il faut commencer par la recherche de ces premières causes, c’est-à-dire des principes ; et que ces principes doivent avoir deux conditions :  l’une, qu’ils soient si clairs et si évidents que l’esprit humain ne puisse douter de leur vérité lorsqu’il s’applique avec attention à les considérer, l’autre, que ce soit d’eux que dépende là connaissance des autres choses, en sorte qu’ils puissent être connus sans elles, mais non pas réciproquement elles sans eux ; et qu’après cela il faut tâcher de déduire tellement de ces principes la connaissance des choses qui en dépendent, qu’il n’y ait rien en toute la suite des déductions qu’on en fait qui ne soit très manifeste. Il n’y a véritablement que Dieu seul qui soit parfaitement sage c’est-à-dire : qui ait l’entière connaissance de la vérité de toutes choses ; mais on peut dire que les hommes ont plus ou moins de sagesse à raison de ce qu’ils ont plus ou moins de connaissance des vérités plus importantes. Et je crois qu’il n’y a rien en ceci dont tous les doctes ne demeurent d’accord.

    J’aurais ensuite fait considérer l’utilité de cette philosophie, et montré que, puisqu’elle s’étend à tout ce que l’esprit humain peut savoir, on doit croire que c’est elle seule qui nous distingue des plus sauvages et barbares, et que chaque nation est d’autant plus civilisée et polie que les hommes y philosophent mieux ; et ainsi que c’est le plus grand bien qui puisse être en un État que d’avoir de vrais philosophes. Et outre cela que, pour chaque homme en particulier, il n’est pas seulement utile de vivre avec ceux qui s’appliquent à cette étude, mais qu’il est incomparablement meilleur de s’y appliquer soi-même ; comme sans doute il vaut beaucoup mieux se servir de ses propres yeux pour se conduire, et jouir par même moyen de la beauté des couleurs et de la lumière, que non pas de les avoir fermés et suivre la conduite d’un autre ; mais ce dernier est encore meilleur que de les tenir fermés et n’avoir que soi pour se conduire. C’est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans philosopher ; et le plaisir de voir toutes les choses que notre vue découvre n’est point comparable à la satisfaction que donne la connaissance de celles qu’on trouve par la philosophie ; et, enfin, cette étude est plus nécessaire pour régler nos mœurs et nous conduire en cette vie, que n’est l’usage de nos yeux pour guider nos pas. Les bêtes brutes, qui n’ont que leur corps à conserver, s’occupent continuellement à chercher de quoi le nourrir ; mais les hommes, dont la principale partie est l’esprit, devraient employer leurs principaux soins à la recherche de la sagesse, qui en est la vraie nourriture ; et je m’assure aussi qu’il y en a plusieurs qui n’y manqueraient pas, s’ils avaient espérance d’y réussir, et qu’ils sussent combien ils en sont capables. Il n’y a point d’âme tant soit peu noble qui demeure si fort attachée aux objets des sens qu’elle ne s’en détourne quelquefois pour souhaiter quelque autre plus grand bien, nonobstant qu’elle ignore souvent en quoi il consiste. Ceux que la fortune favorise le plus, qui ont abondance de santé, d’honneurs, de richesses, ne sont pas plus exempts de ce désir que les autres ; au contraire, je me persuade que ce sont eux qui soupirent avec le plus d’ardeur après un autre bien, plus souverain que tous ceux qu’ils possèdent.

    René Descartes, Principes de la Philosophie (1644)

    Photo : Pexels - Doina Gavrilov

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  • Descartes : "Je pense donc je suis"

    descartes.jpgSi la formule "Je pense, donc je suis" est restée célèbre, c'est qu'elle marque une rupture dans l'histoire de la philosophie. Pour connaître soi et le monde, il faut, comme le souligne Descartes, partir de la conscience de soi et non de l'expérience du monde – voir ainsi le sujet pensant comme première certitude.

    Je ne sais si je dois vous entretenir des premières méditations que j'ai faites ; car elles sont si métaphysiques et si peu communes, qu'elles ne seront peut-être pas au goût de tout le monde. Et toutefois, afin qu'on puisse juger si les fondements que j'ai pris sont assez fermes, je me trouve en quelque façon contraint d'en parler. J'avais dès longtemps remarqué que, pour les mœurs, il est besoin quelquefois de suivre des opinions qu'on sait être fort incertaines, tout de même que si elles étaient indubitables, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, mais, pource [parce] qu'alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu'il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse, comme absolument faux, tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne resterait point, après cela, quelque chose en ma créance, qui fût entièrement indubitable. Ainsi, à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu'il n'y avait aucune chose qui fût telle qu'ils nous la font imaginer. Et pource qu'il y a des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des paralogismes, jugeant que j'étais sujet à faillir, autant qu'aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que j'avais prises auparavant pour démonstrations. Et enfin, considérant que toutes les mêmes pensées, que nous avons étant éveillés, nous peuvent aussi venir quand nous dormons, sans qu'il y en ait aucune, pour lors, qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées en l'esprit n'étaient non plus vraies que les illusions de mes songes.

    Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense donc je suis, était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais.

    René Descartes, Discours de la MéthodeDesc (1637)

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  • Descartes : Je pense donc je suis

    Descartes+.jpgJe ne sais si je dois vous entretenir des premières méditations que j'ai faites ; car elles sont si métaphysiques et si peu communes, qu'elles ne seront peut-être pas au goût de tout le monde. Et toutefois, afin qu'on puisse juger si les fondements que j'ai pris sont assez fermes, je me trouve en quelque façon contraint d'en parler. J'avais dès longtemps remarqué que, pour les mœurs, il est besoin quelquefois de suivre des opinions qu'on sait être fort incertaines, tout de même que si elles étaient indubitables, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, mais, pour ce [parce] qu'alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu'il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse, comme absolument faux, tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne resterait point, après cela, quelque chose en ma créance, qui fût entièrement indubitable. Ainsi, à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu'il n'y avait aucune chose qui fût telle qu'ils nous la font imaginer. Et pour ce qu'il y a des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des paralogismes, jugeant que j'étais sujet à faillir, autant qu'aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que j'avais prises auparavant pour démonstrations. Et enfin, considérant que toutes les mêmes pensées, que nous avons étant éveillés, nous peuvent aussi venir quand nous dormons, sans qu'il y en ait aucune, pour lors, qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées en l'esprit n'étaient non plus vraies que les illusions de mes songes.

    Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense donc je suis, était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais.

    René Descartes, Discours de la Méthode (1637)

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  • Ils ont dit, au sujet de la peur

    "Le sage, au contraire, ne fait pas fi de la vie et il n'a pas peur non plus de ne plus vivre." [Epicure]

    "Le courage est le juste milieu entre la peur et l’audace." [Aristote]

    "Le raisonnement vaut aussi pour le courage ; en nous accoutumant à mépriser la peur et en supportant les dangers, nous devenons courageux." [Aristote]

    "Cependant ils se gardent bien d'ajouter : « Mais le regret de tous ces biens ne te suit pas, et ne pèse plus sur toi dans la mort". Si l'on avait pleine conscience de cette vérité, si l'on y conformait ses paroles, on libèrerait son esprit d'une angoisse et d'une crainte bien grandes »." [Marc-Aurèle]

    " c'est plutôt la vaine crainte des dieux qui tourmente la vie des mortels, et la peur des coups dont le destin menace chacun de nous." [Lucrèce]

    "Il ne faut cependant pas qu'un prince ait peur de son ombre, et écoute trop facilement les rapports effrayants qu'on lui fait." [Machiavel]

    " Tantôt la peur nous donne des ailes aux pieds, comme pour les deux premiers ; tantôt elle nous cloue sur place." [Montaigne]

    "La mort est moins à craindre que rien, s'il y avait quelque chose de moins... Elle ne vous concerne ni mort, ni vif ; vif parce que vous êtes ; mort parce que vous n'êtes plus. Nul ne meurt avant son heure." [Montaigne]

    "Pour ce qui est de la peur ou de l’épouvante, je ne vois point qu’elle puisse jamais être louable ni utile." [René Descartes]

    " Et parce que la principale cause de la peur est la surprise, il n’y a rien de meilleur pour s’en exempter que d’user de préméditation et de se préparer à tous les événements, la crainte desquels la peut causer." [René Descartes]

    " Les hommes ont mépris pour la religion. Ils en ont haine et peur qu’elle soit vraie. Pour guérir cela il faut commencer par montrer que la religion n’est point contraire à la raison." [Blaise Pascal]

    "La peur est le Désir d'éviter par un moindre mal un mal plus grand, que nous craignons." [Baruch Spinoza]

    "La peur de la mort est naturelle à tous les hommes, et fût-ce au plus sage, n'est pas un frémissement d'horreur devant le fait de périr, mais comme le dit justement Montaigne, devant la pensée d'avoir péri." [Emmanuel Kant]

    " Il ne faut pas avoir peur de la vérité parce qu'elle seule est belle." [Henri Poincaré]

    " L’étude des rêves, des fantasmes et des mythes nous a encore appris que la crainte pour les yeux, la peur de devenir aveugle, est un substitut fréquent de la peur de la castration." [Sigmund Freud]

    " Imagine-toi deux nuits et un jour à vivre dans l’angoisse ! Nous ne pensions à rien, restions assis là dans l’obscurité totale car Madame, de peur, avait complètement dévissé l’ampoule, les voix chuchotaient, à chaque craquement on entendait des « chut, chut »." [Anne Franck]

    "L'Homme, dit-on, a un sentiment religieux inné : mais on peut interpréter celui-ci comme étant originellement de la peur, ou la recherche obscure d'une causalité théologique." [Lucien Cuénot]

    "L'existentialiste déclare volontiers que l'homme est angoisse." [Jean-Paul Sartre]

    "Cédant de nouveau à la peur, le christianisme rétablit l'autre monde, ses espoirs, ses menaces et son dernier jugement. Il ne reste plus à l'Islam qu'à lui enchaîner celui-ci." [Claude Lévi-Strauss]

    "Le dernier dieu disparaîtra avec le dernier des hommes. Et avec lui la crainte, la peur, l'angoisse, ces machines à créer des divinités." [Michel Onfray]

    "Vivre en permanence dans la peur peut avoir de graves conséquences." [Tinneke Beeckman]

    Photo : Pexeks - David Fagundes

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  • Descartes : De l'usage de la peur

    41gEbCdjfQL.jpgPour ce qui est de la peur ou de l’épouvante, je ne vois point qu’elle puisse jamais être louable ni utile ; aussi n’est-ce pas une passion particulière, c’est seulement un excès de lâcheté, d’étonnement et de crainte, lequel est toujours vicieux, ainsi que la hardiesse est un excès de courage qui est toujours bon, pourvu que la fin qu’on se propose soit bonne. Et parce que la principale cause de la peur est la surprise, il n’y a rien de meilleur pour s’en exempter que d’user de préméditation et de se préparer à tous les événements, la crainte desquels la peut causer.

    René Descartes, Les Passions de l'Âme (1649)

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  • Descartes : "Changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde"

    Et enfin, comme ce n'est pas assez, avant de commencer à rebâtir le logis où l’on demeure, que de l'abattre, et de faire provision de matériaux et d'architectes, ou s'exercer soi-même à l'architecture, et outre cela d'en avoir soigneusement tracé de dessin, mais qu'il faut aussi s'être pourvu de quelque autre où l’on puisse être logé commodément pendant le temps qu’on y travaillera ; ainsi, afin que je ne demeurasse point irrésolu en mes actions, pendant que la raison m’obligerait de l’être en mes jugements, et que je ne laissasse pas de vivre dès lors le plus heureusement que je pourrais, je me formai une morale par provision, qui ne consistait qu’en trois ou quatre maximes dont je veux bien vous faire part.

    La première était d’obéir aux lois et aux coutumes de mon pays, retenant constamment la religion en laquelle Dieu m’a fait la grâce d’être instruit dès mon enfance, et me gouvernant en toute autre chose suivant les opinions les plus modérées et les plus éloignées de l’excès qui fussent communément reçues en pratique par les mieux sensés de ceux avec lesquels j’aurais à vivre. Car, commençant dès lors à ne compter pour rien les miennes propres, à cause que je les voulais remettre toutes à l’examen, j’étais assuré de ne pouvoir mieux que de suivre celles des mieux sensés...

    Ma seconde maxime était d’être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais, et de ne suivre pas moins constamment les opinions les plus douteuses lorsque je m’y serais une fois déterminé, que si elles eussent été très assurées : imitant en ceci les voyageurs, qui, se trouvant égarés en quelque forêt, ne doivent pas errer en tournoyant tantôt d’un côté tantôt d’un autre, ni encore moins s’arrêter en une place, mais marcher toujours le plus droit qu’ils peuvent vers un même côté, et ne le changer point pour de faibles raisons, encore que ce n’ait peut-être été au commencement que le hasard seul qui les ait déterminés à le choisir ; car, par ce moyen, s’ils ne vont justement où ils désirent, ils arriveront au moins à la fin quelque part où vraisemblablement ils seront mieux que dans le milieu d’une forêt... 

    Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l’ordre du monde, et généralement de m’accoutumer à croire qu’il n’y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir que nos pensées, en sorte qu’après que nous avons fait notre mieux touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est au regard de nous absolument impossible...

    Enfin, pour conclusion de cette morale, je m’avisai de faire une revue sur les diverses occupations qu’ont les hommes en cette vie, pour tâcher à faire choix de la meilleure ; et, sans que je veuille rien dire de celles des autres, je pensai que je ne pouvais mieux que de continuer en celle-là même où je me trouvais, c'est-à-dire que d’employer toute ma vie à cultiver ma raison, et m’avancer autant que je pourrais en la connaissance de la vérité, suivant la méthode que je m’étais prescrite."

    René Descartes, Discours de la méthode (1637)

    Photo : Pexels - Marlon Schmeiski

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  • Ils ont dit, au sujet du désir

    "Mieux vaut l’ordre de l’âme que les désirs insatiables opposés à la raison." [Platon]

    "quiconque éprouve le désir de quelque chose, désire ce dont il ne dispose pas et ce qui n’est pas présent." [Platon]

    "L'homme aux tonneaux pleins n'a plus aucun plaisir, et c'est justement là ce que j'appelais tout à l'heure vivre à la façon d'une pierre : une fois les tonneaux remplis, on n'a plus ni joie ni peine." [Platon]

    "Le désir est l’appétit de l’agréable." [Aristote]

    "Il faut se rendre compte que parmi nos désirs les uns sont naturels, les autres vains, et que, parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires et les autres naturels seulement." [Épicure] 

    "Parmi les choses, les unes dépendent de nous, les autres n’en dépendent pas." [Épictète] 

    "Ce n'est pas par la satisfaction du désir que s'obtient la liberté, mais par la destruction du désir." [Épictète] 

    "Il faut changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde." [René Descartes]

    "Le désir est l’appétit accompagné de la conscience de lui-même." [Baruch Spinoza]

    "Le désir qui naît de la joie est plus fort que le désir qui naît de la tristesse." [Baruch Spinoza]

    "Les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent." [Baruch Spinoza]

    "Nous ne désirons aucune chose parce que nous la trouvons bonne mais, au contraire, nous jugeons qu’une chose est bonne parce que nous la désirons." [Baruch Spinoza]

    "Les hommes sont conduits plutôt par le désir aveugle que par la raison." [Baruch Spinoza]

    "Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu'il possède. On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère et l'on n'est heureux qu'avant d'être heureux." [Jean-Jacques Rousseau] 

    "L’homme est conscience de soi et capacité de dire « Je »." [Emmanuel Kant]

    "L’homme se définit comme désir négateur, lequel permet d’accéder à la conscience de soi." [Emmanuel Kant]

    "Ce n'est pas dans la jouissance que consiste le bonheur, c'est dans le désir, c'est à briser les freins qu'oppose à ce désir." [Sade]

    "L’homme est conscience de soi, cette conscience est déchirée." [Hegel]

    "L’homme vacille ainsi entre peine et souffrance." [Arthur Schopenhauer]

    "Le désir est énergie mais aussi vie dans l’instant pur." [Soren Kierkegaard]

    "Le désir est signe de guérison ou d'amélioration." [Friedrich Nietzsche]

    "Nous n'arrivons pas à changer les choses suivant notre désir, mais peu à peu notre désir change." [Marcel Proust]

    "Par source de la pulsion, on entend le processus somatique qui est localisé dans un organe ou une partie du corps et dont l'excitation est représentée dans la vie psychique par la pulsion." [Sigmund Freud]

    "Le rêve est la satisfaction d’un désir." [Sigmund Freud]

    "“L'homme est une création du désir, non pas une création du besoin." [Gaston Bachelard]

    "Le désir est manque et dépassement de son manque." [Jean-Paul Sartre]

    "Le désir est une conduite d'envoûtement." [Jean-Paul Sartre]

    "Tout désir naît d’un manque et représente un cycle sans fin." [Jean-Paul Sartre]

    "L’homme doit assumer son désir et agir en conformité avec lui." [Jacques Lacan]

    "Le désir est inextinguible." [Jacques Lacan]

    "Tout se réduit en somme au désir et à l’absence de désir. Le reste est nuance." [Emil Cioran]

    "Peut-être aucun autre type de société n'a jamais accumulé, et dans une histoire relativement si courte, une telle quantité de discours sur le sexe. De lui, il se pourrait bien que nous parlions plus que de toute autre chose." [Michel Foucault]

    Photo : Pexels – Marcela Oliveira

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  • Descartes : Réussir sa vie sans philosopher?

    C'est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans philosopher ; et le plaisir de voir toutes les choses que notre vue découvre n'est point comparable à la satisfaction que donne la connaissance de celles qu'on trouve par la philosophie ; et, enfin, cette étude est plus nécessaire pour régler nos mœurs et nous conduire en cette vie, que n'est l'usage de nos yeux pour guider nos pas. Les bêtes brutes, qui n'ont que leur corps à conserver, s'occupent continuellement à chercher de quoi le nourrir ; mais les hommes, dont la principale partie est l'esprit, devraient employer leurs principaux soins à la recherche de la sagesse, qui en est la vraie nourriture ; et je m'assure aussi qu'il y en a plusieurs qui n'y manqueraient pas, s'ils avaient espérance d'y réussir, et qu'ils sussent combien ils en sont capables. Il n'y a point d'âme tant soit peu noble qui demeure si fort attachée aux objets des sens qu'elle ne s'en détourne quelquefois pour souhaiter quelque autre plus grand bien, nonobstant qu'elle ignore souvent en quoi il consiste. Ceux que la fortune favorise le plus, qui ont abondance de santé, d'honneurs, de richesses, ne sont pas plus exempts de ce désir que les autres ; au contraire, je me persuade que ce sont eux qui soupirent avec le plus d'ardeur après un autre bien, plus souverain que tous ceux qu'ils possèdent.

    René Descartes, Lettre-Préface à l'édition française des Principes de la philosophie (1644)

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  • Descartes : Pourquoi nous trompons-nous ?

    Parce que nous savons que l'erreur dépend de notre volonté, et que personne n'a la volonté de se tromper, on s'étonnera peut-être qu'il y ait de l'erreur en nos jugements. Mais il faut remarquer qu'il y a bien de la différence entre vouloir être trompé et vouloir donner son consentement à des opinions qui sont cause que nous nous trompons quelquefois. Car encore qu'il n'y ait personne qui veuille expressément se méprendre, il ne s'en trouve presque pas un qui ne veuille donner son consentement à des choses qu'il ne connaît pas distinctement: et même il arrive souvent que c'est le désir de connaître la vérité qui fait que ceux qui ne savent pas l'ordre qu'il faut tenir pour la rechercher manquent de la trouver et se trompent, à cause qu'il les incite à précipiter leurs jugements, et à prendre des choses pour vraies, desquelles ils n'ont pas assez de connaissance.

    René Descartes, Principes de la philosophie (1644)

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  • Descartes : La vraie philosophie

    Il doit commencer tout de bon à s’appliquer à la vraie philosophie, dont la première partie est la métaphysique qui contient les principes de la connaissance entre lesquels est l’explication des principaux attributs de Dieu, de l’immatérialité de nos âmes et de toutes les notions claires et simples qui sont en nous. La seconde est la physique, en laquelle, après avoir trouvé les vrais principes des choses matérielles, on examine en général comment l’univers est composé... En suite de quoi il est besoin aussi d’examiner en particulier la nature des plantes, celle des animaux, et surtout celle de l’homme... Ainsi toute la philosophie est comme un arbre dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences.

    René Descartes, Principes de la philosophie (1647)

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  • Les sujets du bac philo

    Les sujets de l'épreuve de philosophie du bac 2019 sont tombées, et à l'heure qu'il est les lycéennes et lycéens planchent toujours. Voici ces sujets, série par série :

    Série littéraire

    - 1er sujet: Est-il possible d'échapper au temps ?

    - 2e sujet: A quoi bon expliquer une oeuvre d'art ?

    - Explication d'un texte extrait de Principes de la philosophie du droit de Hegel (1820)

    Série économique et sociale

    - 1er sujet: La morale est-elle la meilleure des politiques ?

    - 2e sujet: Le travail divise-t-il les hommes ?

    - Explication d'un texte extrait de Remarques sur la partie générale des principes de Descartes de Leibniz (1692)

    Série scientifique

    - 1er sujet: La pluralité des cultures fait-elle obstacle à l'unité du genre humain ?

    - 2e sujet: Reconnaître ses devoirs, est-ce renoncer à sa liberté ?

    - Explication d'un texte extrait de L'avenir d'une illusion de Freud (1927)

    Séries technologiques (sauf Techniques de la Musique et de la Danse et Sciences et Technologies de l'Hôtellerie et de la Restauration)

    - 1er sujet: Seul ce qui peut s'échanger a-t-il de la valeur ?

    - 2e sujet: Les lois peuvent-elles faire notre bonheur ?

    - Explication d'un texte extrait des Essais de Montaigne (1580)

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  • Compte-rendu du débat: "Est-on possesseur de son corps ?"

    Le café philosophique de Montargis se réunissait le 22 mars 2019 pour une nouvelle séance qui portait sur ce sujet : "Est-on possesseur de son corps ?"

    D’emblée, une première réponse est donnée par une personne du public : mon corps m’appartient bien, du moment qu’il ne gêne pas les autres. Mais si je suis contaminé, c’est la société qui s’en occupe afin que je ne contamine pas les autres. Si mon corps me lâche, intervient une personne du public, je suis presque en lutte avec, avec la notion d’âge qui fait que j’use de mon corps avec plus ou moins de zèle. Ne dit-on pas : "Être en pleine possession de ses moyens ?" Quoique là, on parle plus de possession physique que psychologique. Pour une personne du public, le corps nous appartient pour notre vie entière si on sait l’écouter, via des exercices de respiration par exemple ou de la méditation.

    Puis-je faire de mon corps ce que je veux ? Pour répondre à cette question, est-il dit, il y a deux visions du corps : une vision qui viserait à subir son corps et une autre qui propose un effort pour s’en occuper. "Notre corps (…) est l’enveloppe de l’âme, qui, de son côté, en est la gardienne et la protectrice" écrivait Lucrèce. Une personne du public fait aussi remarquer que physiologiquement, une grande partie de mon propre corps ne m’appartient pas car il est constitué de corps étrangers, de bactéries notamment.

    Une personne souhaite que l’on ne confonde pas la possession de son corps avec l’amour qu’on lui porte et l’entretien de celui-ci. Ce n’est pas parce que l’on n’aime pas son corps qu’il ne nous appartient pas, ajoute-t-il. Or, intervient un animateur, le fait que l’on se dise possesseur de son corps est peut-être le risque de se faire déposséder. Se poser cette question c’est déjà ouvrir une brèche, qui peut être le premier pas vers une forme d’esclavage.

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    Lien permanent Catégories : =>Saison. 10, Comptes-rendus des débats, [79] "Est-on possesseur de son corps?", [80] "Un bon artiste est-il un artiste mort ?", [81] "Se mettre à la place des autres?" Imprimer 0 commentaire Pin it!
  • Compte-rendu du débat: "Faut-il vivre comme si nous ne devions jamais mourir?"

    Le vendredi 13 avril, le café philosophique de Montargis se délocalisait exceptionnellement à la Médiathèque de Montargis pour un nouveau débat qui avait pour thème : "Faut-il vivre comme si nous ne devions jamais mourir ?" L’équipe de la médiathèque avait mis les petits plats dans les grands pour accueillir un public d’une soixantaine de personnes venus débattre.

    Ce sujet est capital en philosophie, comme le disait en substance Albert Camus. Pour un premier participant, la question du débat semblerait poser problème dans sa formulation. Deux autres intervenants abordent le sujet de ce soir comme un appel à avoir en finalité notre mort future, sans perdre de vue pour autant cette vie qui nous est donnée et dont nous devons tirer profit. Si "philosopher c’est apprendre à mourir" comme le disait Montaigne, cela ne doit pas être une obsession ni nous empêcher d’agir – dans la mesure de nos moyens – choisir nos actions à entreprendre, avec le minimum d’impacts sur notre planète.

    La question du débat de ce soir interpelle une autre personne du public. "Faut-il vivre comme si nous ne devions jamais mourir ?" : le "comme si" interpelle. C’est un "comme si" qui implique une forme de mensonge ou d’illusion puisque de toute manière nous mourrons tous un jour.

    Par ailleurs, pour une autre personne du public, la question ne se pose pas au conditionnel : quand on naît, on vit et il y a par la suite un instinct de vie qui nous fait avancer lorsque nous sommes enfants. La pensée de la mort viendrait après – et en tout cas pas.

    Finalement, est-il encore dit, dans la question de ce soir, "Faut-il vivre comme si nous ne devions jamais mourir ?", chacun de ces termes pose problème, et, mis bout à bout, nous serions hors-sujet. La proposition de ce soir, intervient un animateur du café philo, est aussi celle que nous propose la société de consommation dans laquelle nous sommes. Dans des temps plus anciens, la mort était par contre plus présente qu’aujourd’hui, ne serait-ce que parce que les guerres étaient plus présentes.

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  • Compte-rendu du débat: "Tout doit-il être fait par passion?"

    Environ 40 participants étaient présents pour la séance du 23 mars au Belman, "Tout doit-il être fait par passion ?"

    La séance commence par la diffusion d’un court extrait de l’émission de Raphaël Enthoven, Philo, portant sur les passions. La séance commence par une question ouverte sur le thème du débat de ce soir mais aussi sur des exemples de passions. Finalement qu’est-ce qu’être passionné ? Un premier intervenant parle de ses passions pour les sciences astronomiques, physiques, électroniques, informatiques ou en intelligence artificielle. Être passionné c’est aller très loin dans ses actes et dans ses réflexions, dans tous les domaines. Il serait difficile d’avoir plusieurs passions dans sa vie, et toute sa vie. Cette personne parle de "beauté" en évoquant ses passions.

    Il y aurait plusieurs objets de passions, mais une forme d’"unité" dans cette passion. Ce dont il est question est bien de savoir si l’enjeu n’est pas dans l’objet de la passion. D’autre part, dans la question "Tout doit-il être fait par passion ?", il y a ce fameux "tout" globalisant à la fois notre énergie, notre temps et aussi, quelque part, cette multiplicité des passions, passées ou en devenir et comme autant de "champs de bataille à conquérir", comme l’a montré le premier intervenant.

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  • Compte-rendu du débat : "La vérité finit-elle toujours par triompher?"

    Le café philosophique de Montargis se réunissait au Belman le vendredi 19 janvier pour un débat portant sur cette question : "La vérité finit-elle toujours par triompher ?" Une soixantaine de personnes étaient présentes pour cette nouvelle séance.

    Pour commencer ce débat, les animateurs proposent une définition et une étymologie de la vérité : le terme de vérité, de veritas en latin ("vraie"), peut la définir dans trois dimensions: une vérité ontologique, la réalité dans sa quintessence, dans son intensité et sa pureté (comme l’or dans la joaillerie), il y aurait ensuite cette vérité définie par Thomas d’Aquin, qui serait l’adéquation entre l’esprit et la chose, c’est-à-dire une conformité entre mon jugement et la réalité ("Ce que l'homme appelle vérité, c'est toujours sa vérité, c'est-à-dire l'aspect sous lequel les choses lui apparaissent", Protagoras), et enfin la vérité logique dans le théorème scientifique ou mathématiques, qui serait dans l’ordre de la cohérence logique mais qui, pour le coup, peut ne pas correspondre à une réalité (les propriétés du triangle sont vraies quand bien même il n’existerait pas de triangles dans la nature).

    S’agissant de ce thème du triomphe de la vérité, il y a l’un des exemples les plus fameux : celui du de l’affaire Dreyfus et du J’Accuse d’Émile Zola.Un premier intervenant réagit au sujet du débat de ce soir. Une telle question sous-entend que quelqu’un cache la vérité, que ce soit une personne, un groupe de personnes ou un système. C’est le cas de l’Affaire Dreyfus par exemple. S’agissant de cette cas historique, il y a dichotomie entre la vérité et la justice. Pour que cette vérité triomphe, il faut l’investissement d’une personne pugnace, a fortiori lorsqu’il s’agit d’enjeux importants. Dans ce cas le triomphe de la vérité serait compliqué.

    Pour un autre intervenant, la vérité serait d’abord vivante et fonction de telle ou telle personne, tel ou tel sujet. Chacun a sa propre vérité et cette vérité bouge constamment au cours de notre vue. La vérité sur Dieu change, y compris dans notre existence. Une vérité immuable devient quelque chose de non-libre, voire dictatoriale. La recherche de la vérité doit être active tout au long de notre vie, selon les philosophes comme Socrate ou Platon.

    Dans ce qui est dit, réagit une autre personne du public, il y a une sorte de pluralité dans la notion de vérité. Or, comment différencier cela d’un simple avis, d’un simple avis ? Cela constituerait d’emblée un obstacle à sa recherche.

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  • Compte-rendu de la séance "Les sciences vont-elles trop loin?"

    Pour cette première séance de la saison à laquelle assistaient entre 35 et 40 personnes, l’équipe du café philo invitait Thierry Berlanda, philosophe, conférencier et romancier, auteur notamment d’un thriller paru récemment, Nadja (éd. du Rocher). Le sujet de ce débat portait sur cette question : "Les sciences vont-elles trop loin ?" Ce roman a pour sujet une enquête policière qui mène deux enquêteurs jusqu’au Nigeria où une multinationale a fait des biotechnologies un inquiétant projet scientifique autant qu’économique. Thierry Berlanda met en scène sur un plan romanesque un thème qui, philosophiquement, est important : le devenir de l’homme avec les révolutions techno-scientifiques et les périls qu’elles peuvent charrier.

    Cette question présente aujourd’hui, et depuis longtemps dans la littérature et le cinéma, n’est plus l’effet d’une mode ou d’un engouement médiatique. Ce n’est plus un épiphénomène : elle nous concerne d’une manière paradoxale. En effet, cette révolution techno-scientifique, la plupart d’entre-nous nous n’y comprenons pratiquement rien et nous n’y adhérons pas. D'autre part, nous ne nous sommes pas appropriés éthiquement cette question. De ce fait, nous sommes doublement dépassés d’un point de vue intellectuel et d’un point de vue moral.

    Thierry Berlanda insiste sur la notion de vie. Notre vie, dit-il, "dans laquelle nous ne nous sommes pas apportés nous-même" comme le dit en substance le philosophe Michel Henry, nous précède toujours et nous dépasse. Et pourtant, elle nous concerne très intimement. La techno-science, la révolution biotechnologique, la "prothètisation du vivant" nous dépassent à la fois par la compréhension que nous en avons – ou pas – et par l’appropriation de ce sujet.

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  • Compte-rendu de la séance "Pouvons-nous nous passer du progrès?"

    Le café philosophique de Montargis se réunissait le 23 juin 2017 pour la dernière séance de la saison 8. Le débat portait sur cette question : "Pouvons-nous nous passer du progrès?"

    La notion de progrès, abordée lors du café philo du 23 juin 2017, appelle d’abord une mise au point étymologique : venant du latin "progressum", supin du verbe "progredi", le mot revêt un sens spatial puisqu’il renvoie à une marche en avant (notamment militaire) et, au sens figuré, à l’avancement dans une affaire (par exemple amoureuse), à l’amélioration graduelle d’un être ou d’une chose – d’où l’emploi pluriel, "faire des progrès", ou absolu ("le progrès"), évolution active (et non subie ou aléatoire) et positive (sur quels critères ?) de l’humanité vers un terme idéal : on pense à la philosophie des Lumières, à Condorcet dans son Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain (1795). Notons que cette idée d’une évolution scientifique et technique suscite au XIXe siècle la vision d’un progrès social suggéré par maintes utopies socialistes, ce qui implique une prise en compte de l’expérience humaine du progrès et de ses conséquences sur l’individu, d’où les interrogations modernes sur les risques ou les dangers d’un progrès mal maîtrisé.

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  • Pouvons-nous nous passer du progrès?

    Le café philosophique de Montargis fixe son nouveau rendez-vous le vendredi 23 juin 2017 à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée. Pour cette nouvelle séance, les participants débattront sur cette question : "Pouvons-nous nous passer du progrès ?"

    Le progrès est, depuis le Siècles des Lumières et jusqu’au XXe siècle, une notion capitale en Europe comme dans de nombreux pays du monde. Le progrès aurait valeur d’amélioration et serait un processus historique irrésistible. Au regard de nombreux philosophes, le progrès serait ce qui permet de rendre l’homme meilleur. Cependant, cette affirmation est-elle tenable ? Et qu’entend-on nous par progrès : progrès technique, progrès politiques et de civilisation ou encore progrès des connaissances et de notre rapport au monde ? Tout progrès est-il une amélioration ? Si le progrès est, comme le dit Descartes, la maîtrise de la nature, l’homme n’a-t-il pas échoué si l’on considère les dérèglements climatiques ? La notion de progrès peut-elle être encore d’actualité ?

    Ce sont quelques-uns des points qui seront traités au cours de cette séance du 23 juin, à partir de 19 heures à la brasserie du Centre Commercial de La Chaussée de Montargis. La participation sera libre et gratuite.

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  • Compte-rendu du débat "L’échec : tomber, se relever"

    Le 20 janvier 2017, le café philosophique de Montargis se réunissait pour une nouvelle séance autour de ce sujet : "L’échec : tomber, se relever." Au préalable, Bruno présentait les nouveaux propriétaires de la Brasserie de la Chaussée, Fabrice et Michèle. Le sujet de cette séance a été assez peu traité par la philosophie et, une fois n’est pas coutume, le sujet de ce soir n’est pas une question mais un postulat qui sera discuté par les participants de cette séance.

    Bruno commence cette séance par parler des échecs que le café philo a essuyé à sa création : débats houleux, sujets peu consensuels, critiques cinglantes y compris dans la presse locale. Peut-on réellement parler d‘échecs dans ce cas, réagit un premier intervenant, en sachant que le café philo existe toujours ? Le fait qu’il y ait eu des difficultés mais que le café philo poursuit son petit bonhomme de chemin laisserait entendre que le terme d’échec n’est pas approprié. Pour Claire, dans cette notion d’échec il est question de subjectivité. Parler d’échec c’est "vivre l’échec", le ressentir tel quel. Pour reprendre Épictète, il convient de ne pas considérer comme un échec ce qui ne dépend pas de nous. “C'est le fait d'un ignorant d'accuser les autres de ses propres échecs ; celui qui a commencé de s'instruire s'en accuse soi-même ; celui qui est instruit n'en accuse ni autrui ni soi-même.

    Prendre ce recul, c’est acquérir une forme de rigueur, voire de rudesse, suivant l’exemple du philosophe et empereur Marc Aurèle. Échouer, au contraire, pourrait être une forme d’humanisme et d’humilité, avouer les travers de l’humanité. Vivre sa vie de manière linéaire, (donc) sans échec pourrait en soit vivre de manière inhumaine.

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  • Compte-rendu du débat : "Qu'est-ce qu'être français ?"

    Le vendredi 4 novembre 2016, le café philosophique de Montargis se réunissait à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée pour un nouveau débat qui portait sur cette question :"Qu’est-ce qu’être français ?"

    Au préalable, Bruno remercie Marc Lalande pour son soutien au café philo. Le responsable de la brasserie est sur le point de laisser la main et confier les clés de l’établissement à de nouveaux propriétaires courant décembre.
    Ce débat sur l’identité française est animé par Bruno, Claire et Micheline. Mettre sur la table une telle question sur l’identité française, objet de polémiques et de vives controverses, peut paraître une gageure, mais Bruno fait confiance au public du café philo, rassemblant entre 40 et 50 personnes, afin que la discussion ne se transforme pas en pugilat, au risque de faire sonner quelques cloches !

    A priori, la question du sujet proposé ne devrait pas poser problème : être français est inscrit dans le code de la nationalité, avec des règles précises. Être français appartiendrait d’abord à la sphère administrative avec des textes de loi. Or, il semble bien que ce sujet sur l’identité se pose en tant que vécu et ne va pas de soi.

     

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  • Compte-rendu de la 50e séance : "la philosophie a-t-elle une quelconque utilité?"

    Thème du débat : "La philosophie a-t-elle une quelconque utilité ?" 

    Date : 19 juin 2015 à la Brasserie du centre commercial de la Chaussée

    Le vendredi 19 juin 2015, le café philosophique de Montargis se réunissait à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée pour sa 50e séance, et aussi la dernière de sa saison 6. À cette occasion, le débat proposé, et choisi par les participants de la séance précédente, portait sur cette question: "La philosophie a-t-elle une quelconque utilité ?"

    Au préalable, Bruno rappelle la genèse et les grands événements qui ont marqué les six années et les 50 séances du café philo. Il insiste sur la naissance mouvementée de l'animation de la Chaussée, ses débuts difficiles, les sujets polémiques qui ont émaillé son histoire (Dieu, la mort ou... le Père Noël), la fierté des animateurs et médiateurs de voir l'engouement autour du café philo mais aussi les émissions de radio "La Philosophie au Comptoir" (en 2014) qui ont marqué le café philosophique de Montargis.  

    Pour lancer le débat, outre le sujet du débat de ce soir, "La philosophie a-t-elle une quelconque utilité ?" Bruno pose aux participants deux autres questions : "Fait-on de la philosophie lors d'un café philo ?" et "Que venez-vous faire ici, au café philo ?"

    Un premier intervenant réagit en citant Michel de Montaigne pour justifier l'utilité de la philosophie : "Philosopher c'est apprendre à mourir". Pour lui, alors que le débat sur la la fin de vie fait des remous, la philosophie semble avoir une très grande utilité. Claire rebondit sur cette intervention. Il y a une distinction entre utilité et nécessité, dit-elle, car, souvent, on a tendance à commettre un abus de langage : on considère comme utile ce qui est nécessaire, or ce n'est pas le cas. L'utilité vise "l'outil". La question peut donc se poser ainsi : est-ce que la philosophie mène à quelque chose ? Et si la philosophie est un outil, quelle est sa finalité ?   

    Pour un autre intervenant, la philosophie a une utilité indéniable ; encore faut-il savoir de quelle philosophie l'on parle : il peut y avoir autant des courants de pensées hermétiques peu appréciés que des pratiques philosophiques, plus terre-à-terre, pragmatiques et qui peuvent intéresser tout un chacun. Finalement, cette dernière intervention pose cette question : la philosophie est un moyen pour faire quoi ? La philosophie, qui est étymologiquement l'amour de la sagesse, trouve sa finalité dans l'apprentissage de la mort et dans l'orientation de ses actions pratiques afin de réfléchir à certains sujets pour ensuite les vivre, et vivre mieux ("Nous vivre mieux") . L'amour de la sagesse n'est pas l'amour du savoir. Le sage n'est pas celui qui sait tout mais plutôt "celui qui ne sait rien" (Socrate). Dès lors, philosopher c'est sans doute commencer à s'interroger et remettre en question ce qui fait notre existence et notre identité. Au sein du café philo, chacun réfléchit à comment agir, avec la morale, à l'orientation pratique de notre vie, de nos actions, ici et maintenant.

    Au sein du café philo, la question est bien de savoir si dans le cadre des débats on est dans un moyen d'atteindre ces objectifs philosophiques. Michel Onfray refuse par exemple d'admettre que l'on philosophe au sein d'un café philosophique. Une intervenante réagit en regrettant la durée des séances : souvent, un deuxième débat pourrait être utile, remarque-t-elle, tant les questions appellent d'autres questions et aussi des demandes d'approfondissements. Bruno ajoute toutefois que les animateurs sont là pour susciter des questions et pas d'apporter des réponses comme le feraient des gourous de sectes ! Philosopher, comme le dit une participante, "c'est exploiter la capacité que l'humain a de se poser des questions auxquelles il ne peut pas répondre". C'est aussi un échappatoire à l'uniformité des discussions triviales, afin d'éviter "la stagnation de l'esprit".

    La philosophie ne consiste pas à apporter des solutions abouties à des questions posées, réagit un participant. Pour Claire, les philosophes dits "systématiques" ont pour rôle de répondre à des questions. Le café philo, dans ce sens, est "non-philosophique", dans le sens où le café philo n'apporte pas des éléments pour répondre à des questions. Pour autant, nous pourrions dire qu'au sein du café philo nous pratiquons un "philosopher", dans le sens où le café philo sert à cheminer dans une pensée. Certaines interventions nous renvoient d'autres pensées. "La pratiques collective" de la réflexion est en effet un élément capital, réagit une autre personne du public car cela peut peut permettre d'approfondir des sujets. Par toutes nos expériences, réagit une autre participante, par nos différences, "mettre en commun nos idées, les confronter à l'exemple de la maïeutique (Platon), ce n'est pas nous permettre d'avoir tous la même mais d'avoir tous la nôtre."

    Une participante s'exprime ainsi : "La philo n'est ni dans l'action ni dans la morale mais Jean-Paul Sartre a dit qu'elle nous apprenait à être libre et responsable de nos actes". La philosophie a bien une utilité, affirme un intervenant : même si elle n'est pas poussée, elle nous permet de côtoyer des gens différents, de s'exprimer, d'échanger dans le respect, de se frotter à la réalité et d'affiner ses opinions au contact des autres. La philosophie antique, dans l'agora, est, quelque part, ressuscitée au sein des cafés philos – qui pourraient aussi bien se passer dans d'autres lieux publics.   

    La réflexion collective permettrait de passer de l'opinion, qui est de l'ordre de la représentation individuelle, à l'idée, qui est collective. L'idée est forte de justification et l'altérité, en apportant la contradiction à notre opinion, permet d'asseoir notre jugement grâce aux arguments et presque en savoir. Claire rappelle que la différence entre le croire et le savoir n'est pas tant la véracité de la représentation mais c'est dans le fait que le croire est une représentation qui est tenue pour vraie sans capacité de la justifier alors que le savoir implique qu'une représentation est tenue pour vraie car il existe des justifications, des raisons d'être. On peut se sentir un peu plus fort de ses principes si un philosophe vient à notre rescousse ("Descartes l'a dit...") ou si la confrontation avec les idées collectives et les opinions d'autrui viennent appuyer ce que je peux penser. "Les débats philosophiques permettent de s'enrichir au niveau de l'être.

    L'utilité cathartique du café philo est également avérée : prendre la parole, s'approprier un micro ("un bâton de parole") et confronter ses idées avec celles des autres est au cœur de nos débats. Le café philo peut être aussi une pratique de la démocratie, dans un cercle de citoyens différents, de tous âges. Jean-Pierre Vernant affirme d'ailleurs que la raison naît dans le cadre de la naissance de la première cité démocratique grecque. Or, dans cette société, deux groupes de pensées s'opposent : les "instituteurs de la République" – les sophistes – qui visent à apprendre aux citoyens à parler et qui visent l'utilisation d'un langage pour s'exprimer. Dès lors, l'objectif pour ces sophistes est d'apprendre à parler bien plutôt que de parler vrai. Or, contre eux, les philosophes vont s'insurger, et parmi eux, Socrate. Pour ces philosophes, parler bien c'est utiliser le langage en l'enlevant de sa sa valeur. Celui qui ne chercher que la communication et la beauté le rend caduc car l'homme doué de langage se doit de chercher la vérité. Le philosophe ne va pas chercher de réponse mais il va s'interroger sans cesse pour nuancer et s'approcher de la réalité et de la vérité.  

    Un participant nuance ces propos : est-ce que pour parler vrai il ne faut pas parler bien ? Cette question fait aussi référence à un précédent débat : "Le langage trahit-il la pensée ?" Pour Michel Onfray, justement, dans la philosophie il y a une forme d'académisme et d'exigence. Michel Onfray ne dénie pas l'utilité démocratique des cafés mais ils sont pour lui plus "citoyens" que "philosophiques". Philosopher implique des bases, des lectures, des connaissances, l'acquisition de lettres de noblesse (parler correctement). Certains philosophes inaccessibles peuvent du reste se targuer d'être inaccessibles. Certains auteurs peuvent être lisibles et claires (Albert Camus) ; d'autres hermétiques (Critique de la Raison Pure de Hegel ou L'Être et le Néant de Sartre). Ces problèmes de compréhension apparaissent comme susceptible de dénaturer la pensée philosophique affirme Ludwig Wittgenstein ("Ce dont on  ne peut pas parler, il faut le taire"). Il y a aussi cette idée que la philosophie touche aux hautes sphères de l'intellect (la métaphysique par exemple) et peut donc faire fuir une grande partie de la population. Le café philosophique de Montargis a, par contre, eut très vite pour ambition d'amener la philosophie dans la Cité et de la rendre accessible 

    Un participant rappelle l'étymologie de "philosophie", qui est "l'amour de la vérité". On est philosophe non pas quand on détient la vérité mais lorsqu'on la recherche. Au sein, Un café philosophique qui a pour objectif de rechercher – avec curiosité – la vérité fait donc, n'en déplaise à Michel Onfray, de la philosophie.   

    Claire conclut cet échange par deux citations. La première est de Platon : "Sans raisonnement, tu mèneras l'existence non pas d'un homme mais d'une éponge ou de ces êtres marins qui habitent dans des coquillages" (Philète). Descartes, lui, affirmait dans Principes de la Philosophie (Préface) : "C'est précisément avoir les yeux fermés, sans jamais tâcher de les ouvrir, que de vivre sans philosopher."  

    La seconde partie de ce 50e café philosophique est consacré à un blind-test, un jeu proposé à l'assistance que le café philo avait proposé par le passé :

    - Qu'est-ce que la maïeutique ? Réponse : l'art d'accoucher les esprits, les âmes (Socrate)

    - Qui a écrit le Tractatus logico-philosophicus ? Réponse : Ludwig Wittgenstein

    - Pourquoi appelle-t-on les disciples d'Aristote les Péripatéticiens ? Réponse : parce que dans le peripatos grec, le "promenoir" littéralement, les philosophes du Lycée d'Aristote philosophaient en marchant. On les appelait donc les péripatéticiens.

    - Qui a parlé de l'homme comme d'"une invention récente" ? Réponse : Michel Foucault

    - Quand on traite de la philosophie, on dit que l'une des formules principales du philosopher est "gnoti seauton". Qu'est-ce que ça signifie ? Réponse : "Connais-toi toi-même

    - Qui est le concepteur de la dialectique du maître et de l'esclave ? Réponse : Hegel

    - Qu'est-ce qu'une tautologie ? Réponse : "Dire deux fois la même chose", la répétition de deux expressions signifiant une chose identique

    - La philosophe Hannah Arendt a été la maîtresse d'un philosophe controversé. Qui est-il?  Réponse : Martin Heidegger 

    - Qu'est ce que l'ataraxie. Réponse : "La paix de l'âme"

    - Quel philosophe anglais est l'auteur de La Nouvelle Atlantide, roman sur l'île utopique Bensalem ?  Réponse : Francis Bacon

    - De quel philosophe anglais se sont inspirés les auteurs de la série Lost pour la création de l'un de leur personnage ? Réponse : John Locke

    - Qui a parlé de la religion comme d'une "névrose obsessionnelle de l'Humanité ?"  Réponse : Sigmund Freud

    - Quel philosophe est tourné en dérision dans Les Nuées ?  Réponse : Socrate

    - Qui a dit : "Les hommes se trompent en ce qu'ils se pensent être libres ?"  Réponse : Baruch Spinoza

    - Qui est l'auteur de la Lettre à Newcastle ?  Réponse : Descartes

    - Que signifie "Sapere aude" ? Réponse : "Aie le courage de te servir de ton propre entendement"

    - Avec quel compositeur et ami Friedrich Nietzsche s'est-il brouillé dans les dernières années de sa vie ?  Réponse : Richard Wagner

    - Quel philosophe français, romancier et homme politique révolutionnaire est l'auteur de l'ouvrage "Français, encore un effort !si vous voulez être Républicains" ?  Réponse : Le Marquis de Sade

    - Quel philosophe tchèque est le fondateur de la phénoménologie contemporaine et le concepteur de l'intentionnalité ?  Réponse : Edmund Husserl

    - Quel compositeur français est l'auteur de l'ouvrage lyrique Socrate ?  Réponse : Erik Satie

    - De qui d'Aristote a-t-il été le précepteur ?  Réponse : Alexandre Le Grand ?

    montaigne,socrate,onfray,platon,sartre,descartes,camus,hegel,wittgenstein,aristote,locke,bacon,foucault,arendt,heidegger,freud,spinoza,nietzsche,sade,husserlExceptionnellement, aucun sujet n'est proposé pour la prochaine séance.

    Claire remercie chaleureusement les personnes présentes et exprime sa fierté d'avoir pu participer avec Bruno à cette belle aventure du café philosophique de Montargis. Ce dernier remercie à son tour Claire pour son travail et son implication au sein du café philo.

    La première séance de la saison 7 sera fixée ultérieurement en septembre ou octobre 2015.

     

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  • COMPTE-RENDU DE LA SÉANCE : "EST-IL RAISONNABLE DE CROIRE EN DIEU?"

    Thème du débat : "Est-il raisonnable de croire en Dieu?" 

    Date : 22 mai 2015 à la Brasserie du centre commercial de la Chaussée

    Cafe_philo_anges_raphael.jpgLe 22 mai 2015, la 49ème séance du café philosophique de Montargis portait sur cette question : "Est-il raisonnable de croire en Dieu ?" Cette séance est co-animée par Marie Tellier et de Katharina Kim, élèves de Terminale du lycée Saint-François de Sales de Gien. D'emblée, Bruno remarque qu'un tel  sujet, particulièrement d'actualité, est particulièrement clivant. Les organisateurs du café philo ne souhaitent cependant pas faire du débat de la soirée une discussion polémique sur les religions ou sur Dieu, comme cela avait pu être le cas quelques années plus tôt pour le débat "La religion : opium du peuple ?" Le but n'est pas de parler de ses opinions, de ses croyances mais de philosopher sur la religion et la raison. 

    Un premier participant commence par dédramatiser ce sujet. Dieu peut parfois servir à justifier des petits tracas de la vie quotidienne – une tartine de beurre qui tombe du bon côté ou bien un verre qui tombe mais ne se casse pas. Dans ce cas "il y a un bon Dieu" ! Pourquoi le choix de ce terme "raisonnable" plutôt que "rationnel", s'interroge-t-il ? Dans "raisonnable" il y a une connotation morale. L'intitulé du sujet, dit un autre participant, pose problème en effet. "Dans "Est-il raisonnable de croire en Dieu ?", les termes de raison et de passion  (la foi) s'opposent. "C'est un peu un oxymore." La question, quelque part est soit mal posée soit provocatrice, tant il ne peut pas être raisonnable de croire en Dieu ! Pour un nouveau participant, le sujet interroge et, avec un peu plus de malice, il aurait pu s'intituler : "Est-il bien raisonnable de croire en Dieu ?" Pour un autre intervenant, cela aurait pu être : "Est-il sensé de croire en Dieu ?

    la-cene-david-lachapelle.jpgUn membre du public veut sortir de cette question du titre et pose cette autre question : "Est-il raisonnable de croire ?", de croire en quoi que ce soit : Dieu, cette chaise, voire la physique des particules. Cette physique des particules, justement, est considérée comme démontrée scientifiquement bien que l'on ne puisse jamais la voir en action. De la même manière, face au doute que peut nous inspirer Dieu, le mystique répondra : "Si Dieu existe, Dieu fonctionne et la foi a du sens." Qu'est-ce qui pèche donc lorsque l'on parle de l'existence des trous noirs que personne n'a observé ? Comment, plus généralement, se positionne la raison lorsque l'on parle de choses que l'on ne peut pas voir et quelle est la différence entre le prêtre et le scientifique ? Un intervenant réfute cette vision car, selon lui, tout est question de méthodes scientifiques et critiques et de théories prouvées ou non, avec des expérimentations et des faits. Par contre, le religieux décrète. C'est un axiome : "C'est comme ça : je crois en Dieu !" et, d'emblée, elle n'est pas en posture d'accepter la critique. Flaubert a dit que prêcher Dieu "c'est expliquer l'incompréhensible par l'absurde." Dit autrement, Dieu peut être une justification facile et incongrue à des questions qui nous dépassent.   

    Pour Claire, ce sujet du café philosophique de Montargis entend distinguer le rationnel du raisonnable. René Descartes définit la raison comme la faculté de discerner le vrai du faux et le bien du mal (voir ce texte). Et en cela, il distingue le caractère rationnel (vrai/faux) et le caractère raisonnable (bien/mal). Le mot raisonnable a été choisi car il semblerait qu'il est rationnel de croire, dans le sens où la croyance est une tentative d'explication du monde. Auguste Comte dit que lorsque l'homme se met à vouloir donner du sens à la réalité en l'expliquant (en y incluant Dieu, par exemple), lorsqu'il énonce une vérité, il rationalise. C'est donc utiliser sa raison que de croire. La question est ensuite de savoir si le raisonnable impose des enjeux beaucoup plus importants que ce que le côté rationnel suppose. S'interroger sur le caractère raisonnable d'une croyance c'est se demander si, "quant aux conséquences du croire,  je vis mieux..." Par là, puis-je atteindre une forme de bonheur et de morale grâce à la croyance ? De même la distinction entre le croire et le savoir n'est pas au niveau de la vérité. La foi dans quelque chose vient du latin "fides" qui signifie "avoir confiance". La différence entre celui qui croit et celui qui sait est une question de démonstration. Ce n'est pas la vérité qui est en jeu ici : on peut croire dans quelque chose de vrai. Mais celui qui croit ne demande pas de justification ou de preuve. Croire en Dieu c'est croire en une vérité révélée, c'est avoir confiance, avoir foi, et de manière exhaustive et absolue. 

    Un intervenant se fait moins polémique que caustique en brocardant Dieu : entité masculine et justification d'actes violents (cf. ce texte de Michel Onfray). "Si Dieu existe, tout est permis", dit SartreUne intervenante réagit en citant Saint-Exupéry : "Que m'importe que Dieu n'existe pas. Dieu donne à l'homme de la divinité." La raison est capitale à l'homme. Dieu est l'incarnation, non de la divinité, mais d'un idéal en dehors de toute religion. Est-ce que nous n'avons pas besoin de croire en quelque chose qui nous dépasse, et ce depuis le début des civilisations ?

    b-lachapelle-intervention-web1.jpgLes dieux de l'Antiquité étant cités, Bruno remarque que selon plusieurs spécialistes, dont Paul Veynes, les citoyens romains ou grecs ne croyaient pas stricto sensu dans leurs dieux, que ce suit Jupiter, Diane ou Hermès (voir cet article). Il s'agissait plus d'entités lointaines que l'on pouvait invoquer par une sorte de superstition. Cette vision diffère de notre posture par rapport à Dieu, qui est plus vu comme une présence, qu'elle soit lointaine ou non et ce, même s'il y a un continuum entre les religions polythéistes et les religions monothéistes. Pour une participante, la croyance impose non des preuves mais plutôt des signes – comme en amour.  

    Croire en Dieu, dit une autre participante, participe d'une volonté d'élévation de l'esprit – de l'âme, pour les croyants. La question du libre-arbitre est posée, à laquelle Blaise Pascal répond par "le pari de Dieu". La croyance en Dieu serait sensée mener au bonheur. Pour un participant, ce serait "tout bénef" de croire en Dieu. Or, si j'en viens à croit à un au-delà, à tort car cet au-delà n'existe pas, au final, et contrairement au "pari de Pascal", la perte n'est pas nulle. On a tendance à moins modifier le monde si l'on se dit qu'il y a mieux ailleurs. Toute une mouvance philosophique du XIXe siècle prône cela : Nietzsche, Alain, Sartre, etc. Lorsque quelqu'un comme Nietzsche dit que "Dieu est mort", il affirme par là que c'est ici et maintenant qu'il s'agit de créer sa vie (voir aussi ce texte). Il faut s'extraire de cette forme de rédemption et de rachat mais également s'échapper de cette idée que ma route serait toute tracée  car c'est ici et maintenant que l'on est responsable. Dans ce monde là, c'est à l'homme décrire son sens, à l'exemple de Sartre.   

    La question, dit une autre participante, n'est pas tant l'existence de Dieu mais la foi. Celle-ci peut-elle me permettre, de manière individuelle d'avancer dans la vie ? Dans les familles élevées dans la religion, Dieu peut être considéré comme une tradition qui se transmet et qui nous rattache, en tant qu'individu, à nos origines. Pour un participant, il paraît difficile d'admettre que l'idée abstraite de Dieu nous aide à vivre ; par contre, les messages transmis via les religions (les Évangiles par exemple) le peuvent. Ce qui explique d'ailleurs pourquoi les religions ont cherché à "humaniser Dieu", afin que cette idée soit plus proche de nous. 

    Claire réagit, considérant qu'en philosophie "le relativisme est toujours de mauvais aloi." Les différenciations n'ont pas lieu d'être, même pour un sujet comme celui-ci. Pour l'homme philosophe, est-ce que cela apporte quelque chose – bonheur, morale, etc. – de croire ? Est-ce que l'homme peut être homme si l'on cesse de croire, que ce soit en Dieu ou en autre chose ? Pour une participante, la croyance apparaît comme nécessaire, que ce soit en une entité divine, les droits de l'homme ou au Surhomme nietzschéen. 

    david_la_chapelle_-_Jesus-is-my-homeboy-600x391.jpgLa raison mais aussi la science sont au centre de ce débat. "La science est le contraire de Dieu", même si, comme le rappelle Einstein, "Un peu de science éloigne de Dieu, beaucoup l'en approche". Un participant remarque que nombre de grands scientifiques étaient de fervents croyants. Pour un autre intervenant, des indices dans la nature peuvent nous interroger sur une présence divine en action dans le monde : la vie sur terre, l'agencement de l'univers, l'algorithme dans la nature (la suite de Fibonacci). Voltaire lui-même affirmait : "Je ne puis, en contemplant cette horloge, croire qu'il n'y ait point d'horloger."  Il voulait aussi que tout le monde puisse croire en Dieu, y compris son tailleur car cela lui permettait de moins courir le risque d'être volé !

    La question posée est aussi celle du doute dans la vie de l'homme. La différence entre la démonstration scientifique et la démonstration du religieux, qui affirment tous deux une connaissance et un savoir, c'est que la démonstration scientifique admet le doute. Chaque nouvelle connaissance scientifique est une réponse à une contradiction qui est ensuite dépassée (par exemple la physique quantique par rapport à la physique de Newton). Il y a construction et déconstruction permanente. Or, la connaissance religieuse n'admet pas le doute : elle affirme, en se basant sur des écrits "stables et jamais remis en question", au risque que cela freine l'homme dans le progrès et de contraindre nos sociétés. Bruno ajoute que ce doute peut bel et bien être présent dans les religions, certes sous une autre forme (Thérèse de Lisieux ou Jean de la Croix, cf. cet article). 

    Un autre intervenant considère que la croyance en Dieu nous interroge lorsqu'elle dépasse la sphère privée et s'impose à nous, dans la sphère publique. Claire remarque aussi que le discours anti-Dieu vient souvent de personnes qui s'en sont libérés. Un discours affirmerait que le salut de l'homme se trouverait dans cette fin des religions, qui peuvent effrayer. Voire. Des enfants sans éducation religieuse se trouvent de nos jours face à une incapacité à comprendre, traduire et interpréter certains œuvres artistiques. Sans rapport à la foi, proche ou lointaine, un homme peut avoir du mal à exercer sa vie d'homme. Le besoin de spiritualité est même croissant aujourd'hui. Dans la nature humaine, la religion peut apporter la conscience morale, ce qui est un socle important, y compris pour une meilleure vie en société. Pour autant, dit un intervenant, l'ensemble des religions monothéistes peuvent apparaître écrasantes, aliénantes, voire violentes. S'agissant des valeurs transmises par les religions, la charité peut être louable ; mais elle est aussi la marque d'une incapacité, voire d'une indifférence d'un État à résoudre la misère humaine. 

    artwork_images_424157556_176230_DavidLaChapelle111.jpgUne co-animatrice réagit par la différence entre les dogmes qui sont imposées par les religions et les valeurs qui peuvent nous construire.

    Arrivé à cette étape du débat, Claire souhaite rappeler l'étymologie du mot "religion" (religio), qui vient de "religare" et de "religere" qui signifient l'assemblée d'une part (comme l'église ou la synagogue), le lien entre les hommes et ensuite le recueillement. Il s'agit de s'interroger sur ce qui fait d'un homme un être humain et donc de donner du sens. Comme il a été dit, il est rationnel de croire puisque c'est une tentative de donner une explication et un sens. Dès lors, il y a une interrogation dans le recueillement mais force est de constater qu'il faut distinguer entre le dogme qui s'impose et qui ne laisse pas de place au doute et la valeur qui est l'idée que l'on souhaite donner à sa vie. Le mot sens signifie donner une direction mais aussi une signification. 

    Parler d'un Dieu et parler de religion ne sont pas exactement la même chose, dit une autre personne du public. La fonction de la vérité (divine, scientifique, etc.) est importante dans un monde où de plus en plus de vérités coexistent, tentent de s'affirmer les unes par rapport aux autres ; et la vérité scientifique en est une. L'étymologie du mot religion fait également sens. La religion (au sens de "relier") peut avoir une fonction raisonnable car elle suppose une notion de "vivre ensemble", de relier les personnes, ce qui a peut-être permis de souder les individus entre eux, voire de "sauver l'humanité". Pour un autre participant, derrière le mot foi, tout le monde ne croit pas à la même chose. Des dogmes ne sont pas unilatéralement partagés, contrairement aux consensus que les religions veulent croire comme acquis. La réalité est à géométrie variable, à commencer par les dogmes des églises. À travers l'Histoire, les religions ont autant uni que divisé.     

    Mais les dogmes, dit un participant, sont avant tout des connaissances données au commun des mortels, sans autre explication. Ce qui ne veut pas dire que cela se limite à cela. Les religieux dépassent ces dogmes, cet exotérisme, pour aller vers l'ésotérisme. L'ésotérisme est très présent dans certaines religions; comme le montre René Guénon. Cette métaphysique pure qui n'est pas dénuée d'intérêt. 

    alachapelle.jpgDans la religion, il y a également la question du verbe, du langage et du symbole. Qu'est-ce qui peut faire sens pour tout le monde ? Qu'est-ce qui peut être le dénominateur commun capable de rassembler ? L'idée de Dieu peut permettre de rassembler car elle peut amener à des abstractions importantes et permettre à chacun de vivre une expérience individuelle et de vivre ensemble sur une même planète. Les dogmes religieux peuvent d'ailleurs, remarque une intervenante, fonder des lois morales durables, comme le jeun – pour préserver la nourriture disponible – ou la monogamie – qui a indéniablement des vertus sanitaires. Il y a une utilité pragmatique aux valeurs de la religion : dans ce point de vue, il est raisonnable de croire en Dieu ! 

    En dehors de cet aspect utilitaire, les dogmes imposés par ces religions peuvent aussi être considérées comme des bornes pour les personnes incapables de donner elles-mêmes un sens à leur vie. La religion peut donner des réponses, qu'elles soient contestables ou non. Ces règles de vie peuvent avoir une réelle utilité sociale et personnelle. L'idée, vraie ou non, qu'une présence supérieure veuille sur soi peut responsabiliser l'individu. L'absence de doute que l'homme de raison peut reprocher à l'homme croyant peut, certes, être critiquable. Pour autant, cette absence de doute signifie aussi la peur de la perte de sens, ce qui n'est pas déraisonnable dans le fond. Un participant pointe du doigt les dérives des religions – croisades, persécutions ou guerres. Pour autant, répond une intervenante, parler de ces dérives pour stigmatiser les religions n'a aucun sens dans la mesure où le but des religions est d'aider l'homme à atteindre un idéal. Si l'on pose l'hypothèse de l'existence d'un Dieu qui permettrait de faire progresser l'Humanité, force est de constater que le bilan des valeurs humaines (liberté, libération de la femme, droits de l'homme) est positif depuis une cinquantaine d'année, au moins dans nos sociétés occidentales, une opinion que ne partagent pas une partie de l'assistance. 

    En conclusion, un participant remarque que pendant tout ce café philo, on a, sans surprise, parlé de religion pour parler de Dieu, "tout comme on a bien du mal à manger un yaourt sans cuillère" ! Il a été opposé la science et la religion. Il y a la physique et la métaphysique et, derrière cette métaphysique, il est question d'un ordonnateur, de Dieu ou du grand Horloger. La science propose des modèles, régulièrement remis en cause, et qui a eu sa période obscurantiste comme l'a prouvé le procès de Galilée. La science a eu ses dogmes, tout comme la religion en a ; peut-être qu'à l'avenir le concept de Dieu va échapper à ces dogmes pour que nous puissions avoir une compréhension  métaphysique du Dieu qui nous rapproche et qui nous relie. 

    Le débat se termine par le vote du sujet du prochain débat, qui aura lieu le vendredi 19 juin 2015, qui sera 50ème débat du café philosophique de Montargis. Quatre sujets sont proposés : "Doit-on prendre ses rêves pour la réalité ?", "La philosophie a-t-elle une quelconque utilité ?", "Le souci de la beauté révèle-t-il à l'homme son humanité ?" et "De quelle laïcité parlons-nous ?" C'est le sujet "La philosophie a-t-elle une quelconque utilité ?" qui est élu "démocratiquement" comme sujet pour le 50ème débat du café philosophique, qui sera le dernier de cette saison.        

     

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  • COMPTE-RENDU DE LA SÉANCE : "AUTRUI, ANTIDOTE À LA SOLITUDE ?"

    Thème du débat : "Autrui, antidote à la solitude ?" 

    Date : 20 mars 2015 à la Brasserie du centre commercial de la Chaussée

    Le café philosophique de Montargis se réunissait le 20 mars 2015 à la Brasserie du centre commercial de la Chaussée pour un débat intitulé : "Autrui, antidote à la solitude?" 

    Un premier participant réagit au mot "antidote", lourd de sens. L'antidote est étymologiquement "un médicament agissant contre une substance toxique" ou encore "un remède contre un mal psychologique". Cela voudrait donc dire que la solitude est connotée de manière négative, comme un mal. Le mot "antidote" serait-il donc le plus adapté ?    

    Pour un autre participant, souhaitant s'arrêter sur le terme d'autrui, ce mot conduit à nous interroger sur ce qu'est justement autrui : un compagnon ou une compagne, un conjoint ou bien un individu dans un groupe, ou bien un ami, y compris "un ami Facebook" (en référence aussi à un sketch des Bodin's). Comment dois-je définir autrui ? S'interroge Claire. Doit-il celui ou celle grâce à qui je me nourris ?  Est-il un moyen ou une fin ? Est-ce que mon alter ego doit être l'antidote de quelque chose ? Puis-je m'en défaire complètement ? Est-ce que je dois entendre son jugement lorsqu'il porte un regard différent du mien ? Ou bien dois-je rompre avec lui à partir du moment où je défends ma singularité ? 

    Autrui condamne à la solitude selon un autre participant car, dès qu'il me quitte, il me contraint à l'isolement social. "Il me condamne aussi car il a sa complétude que je n'ai pas et, de ce point de vue, la solitude est un poison pour moi. Et en tant que poison, autrui en fait partie. Il n'est pas un antidote et il ne peut pas l'être. Voire, il ne veut pas l'être : "Ce qui ennuie autrui est de nous apporter quelque chose...

    Claire s'interroge : y a-t-il une solitude irréductible, voire une espèce de solipsisme, au sens cartésien du terme ? Il y a l'idée, selon Descartes, que nous sommes enfermés perpétuellement dans une forme de solitude. Autrui n'aurait donc pas d'existence proprement dite qui me permettrait d'échanger, de partager. Il semblerait qu'une communion avec mon "alter ego" soit de l'ordre de l'impossible. La communication, de la même manière, reste difficile, y compris avec la personne qui m'accompagne et qui ne peut pas, de fait, souffrir avec moi ce que j'endure. De ce point de vue aussi, la solitude serait irréductible. Mais dans ce cas, quel rôle doit jouer, dans mon existence, l'autre qui est mon ami ou mon compagnon ? Devrait-il me porter à bout de bras ou bien me renverrait-il fatalement à cette solitude et donc face à moi-même.  

    Une participante témoigne que la solitude n'est, selon elle, ni une maladie ni un poison ; elle est au contraire un bienfait – et aussi "un besoin", rajoute une autre personne. En dehors de la compagnie des hommes, il y a la possibilité de s'accomplir, dans les endroits déserts – comme, paradoxalement, dans des foules aliénantes (le terme de "méditation" est employé au cours de la soirée).  La solitude est aussi la manifestation de la singularité, ce qui ne veut pas dire que l'on dénigre la différence.

    Face à l'altérité, ne sommes nous pas ramenés à notre solitude ? Ou au contraire nous renvoie-t-elle moins péjorativement à la singularité ? Le regard de l'autre joue un regard fondamental. Claire cite l'exemple de l'exclusion honteuse, de l'isolement imposé (l'étranger ou bien les quartiers de haute-sécurité en prison) ou bien du monstre, qui avait été discuté lors d'un café philosophique précédent. J'apparais tel qu'autrui me regarde, comme le dit Sartre. Autrui peut certes jouer un effet miroir, commente un participant ; encore faut-il que ce ne soit pas un "miroir déformant" ! Claire cite une anecdote racontée par Jean-Paul Sartre : un jour, le philosophe s'incruste discrètement dans un groupe en train de discuter – un groupe où, du reste, se trouve Simone de Beauvoir. Et il se trouve que ce groupe parle de Sartre lui-même, sans avoir remarqué sa présence. Le philosophe existentialiste avoue par la suite s'être trouvé "en flagrant délit d'existence". Dépasser le miroir déformant ("L'enfer c'est les autres" dit la fameuse citation sartrienne) est un obstacle terrible. De la même manière, l'indifférence de l'autre peut nous détruire.   

     

    Autrui n'est pas un poison pour un autre intervenant ; il se pourrait même qu'il soit une solution. Ainsi, pour prendre un exemple concret, toute œuvre d'art se fait dans le cadre d'un groupe social, plus ou moins important, que ce soit dans ses sources, sa culture, ses acquis, sa reconnaissance, etc. "La solitude créé un vide qui appelle un comblement" et ce comblement peut se faire en partie avec les autres et en partie seul : "on se nourrit dans la solitude". Chez l'enfant, la gestion de l'ennui et de la solitude aide à la construction de la personnalité. C'est aussi une manière de se ressourcer chez l'adulte, ajoute un autre participant (cette fameuse "méditation", évoquée précédemment).

    Un autre intervenant souligne par contre que certaines personnes – par exemple de grands malades – sont contraintes à l'isolement et à la solitude. Si elle est contrainte, celle-ci est néfaste pour l'homme (capacités cognitives, mémoire, etc.) : "Nous sommes faits pour vivre avec autrui... qui peut nous apporter énormément". "Il n'est pas bon que l'homme reste seul" dit encore la Genèse. Or, précise Bruno, socialement la solitude a le vent en poupe : 39 % de la population est célibataire en France et ce chiffre atteint les 50 % aux États-Unis, qui donnent souvent le la des évolutions futures en Europe. La solitude est-elle le mal absolu ? Le sociologue américain Eric Klinenberg considère que le solitaire urbain est celui qui, statistiquement et de fait, va plus s'investir dans des associations ou des ONG et... avoir une vie sociale ("Dans le sociétés les plus riches, les gens emploient une part considérable de l'argent qu'ils gagnent à s'offrir la solitude"). 

    Si l'on s'intéresse à la philosophie proprement dite, il faut ajouter que les philosophes ont souvent vécu et travaillé seuls : Nietzsche, Hegel ou Schopenhauer. Ce même Schopenhauer considérait d'ailleurs que la solitude était une disposition de l'esprit, demandant un certain courage pour bénéficier d'un "remplissage de soi-même", bénéfique pour l'esprit : "La solitude offre à l'homme intellectuellement haut placé un double avantage : le premier, d'être avec soi-même, et le second de n'être pas avec les autres", disait-il. Il écrivait également ceci : "On ne peut être vraiment soi qu'aussi longtemps qu'on est seul ; qui n'aime donc pas la solitude n'aime pas la liberté, car on n'est libre qu'étant seul". Selon un participant, Schopenhauer est un pragmatique qui parle de la solitude comme inévitable lorsque la vieillesse est là : on doit finir seul, dit-il en substance. Il considère que de ce point de vue la caractéristique du vieillissement est la fatigue croissante, rendant la communication devenue de plus en plus difficile : on a de moins en moins à dire et, partant, on est de plus en plus seul. Bruno considère que chez Schopenhauer il y a une contrainte de la solitude en même temps qu'une recherche de cette solitude, en tant qu'accomplissement de soi. 

    "Est-ce que l'autre ? L'alter ego nous altère-t-il ?" s'interroge un autre intervenant. Autrui pourrait prendre de notre essence. Il nous aliénerait. Freud explique que le cerveau de l'enfant est achevé par la relation à la mère : autrui répondrait donc à un besoin physiologique. Dans le même ordre d'idée, ajoute ce participant, la solitude peut rendre fou, comme peuvent le montrer des expériences dans l'espace. L'absence d'autrui altère nos fonctions cognitives et peut nous atteindre durablement. Claire prend pour exemple la série Rectify relatant la sortie d'un homme des couloirs de la mort. Cet ancien condamné à mort retrouve la société et la liberté mais est devenu en raison de son isolement carcéral "posthume à lui-même" (expression sartrienne). Michel Tournier relate dans Vendredi ou les Limbes du Pacifique l'aventure d'un homme seul sur une île, pouvant survivre mais incapable d'affronter l'idée que le monde entier le croit mort. 

    Pour une personne de l'assistance, cet autre pouvant nous aider à vivre debout (Alain) pourrait aussi bien être cette personne qui nous dissout. "À cause de l'autre, j'existe moins". En partageant, j'enlève une partie de moi-même qui me rendait heureux car c'est cet ego qui permet mon accomplissement. Comment répondre à cette "mutilation ? Par une forme d'altruisme : "Ce que je demande à la "non-solitude" c'est "l'autre-présent" : et me voilà heureux !" Sommes-nous prêts à accepter cette dissolution ? Rien n'est moins sûr. Le partage n'est pas évident, le sacrifice de soi non plus ! S'exposer dans sa faiblesse c'est accepter un abandon dévastateur autant que le jugement : "- Ça va ? - Oui, ça va. Car si ça ne va pas, cela peut gêner l'autre !", commente Claire. Je peux tout à fait choisir de protéger ma singularité plutôt que de m'exposer : "Mon jardin secret est une prison" disait Gaston Berger. On porte sans doute des masques (Calderón) afin de se mouvoir dans la société, tout en se protégeant. Sauf à "prendre le risque" de faire confiance à l'autre. Réagissant à ce pari de s'affronter à l'autre, Claire s'interroge : "Est-ce qu'en disant le mal je me dis vraiment ?" Est-ce que je peux avec des mots dire ma singularité ? cf. débat du café philo "Le langage trahit-il la pensée ?" Est-ce que je doit m'interdire de laisser l'occasion à l'autre de pouvoir m'abandonner et prendre une partie de moi ? Ou bien n'est-ce qu'un "associé" qui n'a pas vocation à être un antidote à ma solitude ? 

    Partager son for-intérieur, répond un intervenant, peut se traduire par un "besoin d'être ensemble", comme nous l'ont montré les manifestations du 11 janvier dernier suite aux attentats de Charlie Hebdo et de l'épicerie Casher. Claire rebondit par ce constat que l'interdépendance est omniprésente. Certes, un groupe ne suffit pas à faire une société mais "je ne peux pas vivre sans l'autre". L'échange peut se faire économiquement mais il y a également des causes communes et des valeurs : faire le bien, dit un nouvel intervenant, prenant l'exemple de Alexandre Jollien. Dans mon existence même, autrui peut apparaître comme le médiateur entre moi et moi-même, comme le disait Sartre. Autrui est le témoin de mon existence, comme le constatait douloureusement Robinson ou bien le personnage en rupture de ban du film Into The Wild.

    Un participant constate que le débat porte sur des idées élevées qui se nomment confiance, dissolution, réflexion sur la l'isolement sociétal, aliénation, construction ou préservation de soi et "grande solitude". Pourquoi ne pas s'arrêter sur quelque chose de plus terre à terre, à savoir cette première strate de la solitude, une strate presque prosaïque ? Les conversations simples de la vie quotidienne, "sur des bouts de chiffons" ou des sottises, suffisent à chasser cette "stupide solitude". Ces hommes et ces femmes qui discutent de choses simples, de réflexions insensées ou de bêtises permettent de faire changer quelque chose. Ce n'est pas rien ! Grâce à ces petits événements de la vie quotidienne, "on est déjà à la porte de la solitude". Les conversations qui n'ont pas de sens en ont justement un : la fin de la solitude. 

    Ces conversations peuvent aussi être, dit un autre intervenant, le temps de la confiance trouvée ou retrouvée. C'est un temps permettant de trouver le ton juste, de s'ajuster, même s'il peut être long. La notion de temporalité apporte la connaissance de l'autre et cette justesse, au sens "d'ajuster" (Louis Althusser). Cela conduit à s'interroger sur la régulation, la bienveillance, l'accueil de l'autre et l'acceptation.    

    Claire conclut en rappelant que cette lutte contre la solitude est également au coeur des discussions au sein de nos café philosophiques, lieux d'échanges autant que lieux de rencontre. Elle termine par par une citation du philosophe Alain : "Je puis vouloir une éclipse, ou simplement un beau soleil qui sèche ce grain, au lieu de cette tempête grondeuse et pleureuse ; je puis, à force de vouloir, espérer et croire enfin que les choses iront comme je veux ; mais elles vont leur train. D'où je vois bien que ma prière est d'un nigaud. Mais quand il s'agit de mes frères les hommes, ou de mes sœurs les femmes, tout change. Ce que je crois finit souvent par être vrai. Si je me crois haï, je serai haï ; pour l'amour, de même. Si je crois que l'enfant que j'instruis est incapable d'apprendre, cette croyance écrite dans mes regards et dans mes discours le rendra stupide ; au contraire, ma confiance et mon attente est comme un soleil qui mûrira les fleurs et les fruits du petit bonhomme. Je prête, dites-vous, à la femme que j'aime, des vertus qu'elle n'a point ; mais si elle sait que je crois en elle, elles les aura. Plus ou moins ; mais il faut essayer ; il faut croire. Le peuple, méprisé, est bientôt méprisable ; estimez-le, il s'élèvera. La défiance a fait plus d'un voleur ; une demi-confiance est comme une injure ; mais si je savais la donner toute, qui donc me tromperait ? Il faut donner d'abord."

    Trois sujets sont proposés au vote pour la séance du 17 avril 2015 : "Y a-t-il une morale politique ?",  "Y a-t-il des civilisations supérieures à d'autres ?" et "Suis-je ce que mon passé fait de moi ?" C'est ce dernier sujet qui est choisi par la majorité des personnes présentes.   

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  • COMPTE-RENDU DE LA SÉANCE : "LE LANGAGE TRAHIT-IL LA PENSÉE ?"

    Thème du débat : "Le langage trahit-il la pensée ?" 

    Date : 30 janvier 2015 à la Brasserie du centre commercial de la Chaussée

    Le vendredi 30 janvier 2015, le café philosophique de Montargis se réunissait pour un débat intitulé "Le langage trahit-il la pensée ?"

    Un premier participant s'interroge au préalable sur l'intitulé de ce sujet : parle-t-on du langage des mots ou bien cela inclut-il d'autres langages (des matériaux, des signes, des arts, etc.) ? Claire répond que par définition le langage désigne un ensemble de signes ou de symboles, "socialement institués et stables". Le langage artistique, par exemple, peut entrer dans ce cadre si l'on peut entrer en relation au travers de ces signes ou symboles. Encore faut-il,ajoute Claire, qu'ils puissent traduire et non pas trahir notre pensée. Descartes dit que ce qui distingue l'automate ou l'animal de l'être humain c'est le langage car, a contrario d'un perroquet, l'homme est capable d'utiliser des mots, des signes, des symboles ou autres pour dire quelque chose de lui-même qui pourra être traduit par l'autre et échangé. On ne se contente pas de répéter des choses : on leur donne du sens. Or, la question est de savoir si ce sens, comme il est conformé autour d'un certains nombre de symboles, est fidèle à la réalité qu'il désigne. Quant on parle, par exemple, est-on fidèle à ce que l'on veut dire ? N'y a-t-il pas trahison dans la compréhension de ce que je peux dire ? Ne dit-on, pas dans le langage courant, "je te donne ma parole" pour désigner un serment solide ?

    Pour un autre participant, la question autour de ce sujet porte sur la notion de "pensée". Quand je pense, je serais sans doute dans une "sorte de nuage, d'un rêve indéterminé, avec des formes, des couleurs..." Il y a une sorte d'abstraction du langage, à l'image de l'abstraction de la pensée. Claire rebondit sur cette intervention : dès la naissance de la philosophie, il y a cette question de la définition de la pensée. Peut-on appeler une pensée un  mot, un sens, etc. Une pensée pourrait être caractérisée par un ensemble de flux intérieurs qui peut aussi désigner des sentiments, confus, dispersés. On peut réellement parler d'affrontement : beaucoup de philosophes, dont Hegel ou Wittgenstein, disent que ce qui se conçoit bien s'énonce clairement : toute pensée qui n'arrive pas à se dire est une pensée obscure. Au contraire, le langage viendrait officialiser et encadrer quelque chose qu'on n'arriverait pas correctement à signifier.

    Encore faudrait-il, ajoute quelqu'un de l'assistance, que je puisse disposer d'un vocabulaire et d'une syntaxe suffisamment riche pour refléter mes pensées, si encore je peux trouver des mots adéquats. Une question pourrait se poser : peut-il y avoir une pensée sans langage ? D'emblée, Claire distingue le langage de la langue. C'est Montaigne qui dit que l'on habite une nation et que l'on appartient à un peuple lorsque l'on sait s'exprimer dans la langue de ce pays. La langue, avec toutes ses imperfections, nous informe comme nous forme de ce sens. D'ailleurs, au sujet de cette formation, Bruno souligne que l'enfant, cet être encore en devenir est, par définition l'infans, en latin, c'est à dire "celui qui ne parle pas." Pour l'auteur des Essais, le langage n'est rien ; pourtant, il n'y a rien d'autre qui compte davantage, y compris dans nos relations à autrui, pour le meilleur et pour le pire – donner sa parole à autrui ou lui mentir ! 

    Est-ce que la réalité est sensée au départ ? Le langage est-il capable de vérité ? L'épistémologie s'interroge sur ces questions. Claire la repose lors de cette séance. Un participant répond que le langage, "assurément", trahit la pensée. En effet, une personne, un "émetteur", qui encode sa pensée grâce au langage, transmis à un récepteur, qui doit, ensuite décoder le langage, le comprendre, et manifester un feed-back, via un ré encodage qui sera ensuite codé à nouveau. Il y a donc "de la perte en, ligne", en sachant qu'il n'y pas un encodage identique à 100 %, chaque mot pouvant être différent d'une personne à une autre (en raison de la culture, du passé de chacun, etc.). L'actualité, même récente, nous apprend les malentendus quotidiennement. À ce sujet, Claire évoque Ludwig Wittgenstein, qui s'interrogeait sur la restitution fidèle d'une langue. Le philosophe essayait, dans son Tractatus logico-philosophicus de parvenir à une vérité universelle mais il avouait, à la fin de son ouvrage, n'y être pas parvenu. Il énonçait, en conclusion, cette pensée : "Ce dont on ne peut parler, il faut le taire."  

    Le langage, selon une participante, serait une interprétation du monde, à l'exemple du langage scientifique. Ce dernier tente d'approcher la vérité universelle. Au contraire, le langage poétique aurait d'autres fins. N'y aurait-il pas plusieurs strates dans le langage, selon les besoins ? Claire évoque à ce sujet Henri Bergson qui dit qu'à côté de la science et de la philosophie, il y a la vie. On utilise nos différents médias selon ce que nous faisons : nous nous bornons à lire les étiquettes collés sur les choses ; par contre, un philosophe ou un scientifique tente d"intuitionner" la réalité, c'est-à dire enlever le filtre du langage, qui vient déformer cette réalité. Héraclite disait que l'on ne se baigne jamais dans le même fleuve ; pour autant, il faut bien l'appeler ainsi, ce fleuve-là ! Dans la vie, dit Bergson, on conforme la réalité dans des cadres de pensées, des normes, des concepts, au risque d'être à la surface de ceux-ci. 

    Pour un participant, il y a deux sens dans le concept de "trahison de la pensée" : la trahison comme comme impossibilité et impuissance à exprimer la pensée (le fameux "traduire c'est trahir") et la trahison, souvent non-verbale (gestuelle, mimiques, onomatopées, lapsus, actes manqués, etc.), qui survient sans que je l'aie désirée. Claire précise d'ailleurs à ce sujet que toute la cure psychanalytique est fondée sur cela. Freud montre bien toute la richesse et la densité des rêves : une scène d'un rêve désigne littéralement un roman. 

    Le langage, même imparfaitement, même avec ses limites, est au centre de mes tentatives d'énoncer mes pensées, au risque de laisser se dresser une barrière entre moi et l'humanité et les autres : "Mon jardin secret est une prison" disait Peter L. Berger. Un participant s'interroge au sujet de cette trahison non désirée, en rapport avec un inconscient qui nous dépasserait : peut-on dans ce cas parler de trahison puisque cet inconscient, justement, ne m'est pas accessible ? Un acte manqué ne serait pas à proprement parlé une trahison. D'autant plus que penser, ajoute une autre personne, est un acte réfléchi : "Penser est un verbe d'action", au contraire de la réflexion. Tel un homme face à un miroir, la réflexion me rend plus passif, alors que dans la pensée, je dois mâcher et digérer des choses pour en faire quelque chose d'unique : on pense contre, on se frotte au monde.          

    Une autre intervenante se demande si le langage des signes ne trahit pas la pensée, ce langage étant une identité propre. Une personne de l'assistante, pratiquant cette langue, répond que le langage des signes est un de ces langages qui "trahit le moins la pensée" : il s'agit d'un langage très concis et très précis, tout en étant capable d'abstraction. 

    Qui dit langage, dit une autre personne, dit aussi disposition à accueillir le langage de tel ou tel autre ou bien une œuvre d'art – qui peut nous parler tel ou tel jour, alors que ce n'était pas le cas quelques temps plus tôt. Le problème du langage, ajoute un autre intervenant, a remué les courants artistiques au XXe siècle : le surgissement du conceptuel a pu avoir lieu pour appréhender de manière plus objective la réalité. Cette idée se retrouve en philosophie, ajoute Claire : pourquoi nombre de philosophes sont grecs ou allemands ? Cette question n'est ni anodine ni provocatrice : la langue allemande permet d'exprimer facilement des concepts, alors que les néologismes français ont très vite leurs limites. Et en grec, le mot logos a vingt sens différents (le langage, la raison, le fait de coucher, de rassembler, etc.). Chaque mot est polysémique. On considère le mot comme une richesse et les différents tons que l'on peut lui donner permet d'aller vers la nuance, ce que font les poètes et les écrivains. Cite l'exemple de la pièce Un Mot pour un Autre de Jean Tardieu, avec des dialogues et des polylogues dans lesquels les mots sont utilisés à la place d'autres, sans que le texte soit incompréhensible, cf. cet extrait

    De quoi parle-t-on ? Et pourquoi parle-t-on ? Peut-être pour se différencier des animaux qui ne vivent que pour se nourrir et pour chasser. Notre humanité est en jeu dans ce langage comme reflet de notre pensée. La pensée et le langage sont intimement liés, dit une autre participante. Ils se nourrissent l'un l'autre, est-il également dit. Au point que l'on peut se poser cette question : est-ce que l'on pense mal si l'on parle mal ? Si qui ne se dirait pas n'aurait pas de consistance. Ce dont il est question est la pauvreté du vocabulaire qui est un frein à l'expression de la pensée ("Si vous saviez comme ça tourne là-haut ! Si vous saviez comme j'ai envie de dire ce que j'ai dans la tête... mais je n'y arrive pas !"). La communication est d'ailleurs au centre de notre société, notamment chez les adolescents d'aujourd'hui, via les réseaux sociaux et le besoin de s'exprimer n'est pas amoindri. Et sans doute, dit un participant, que la jeunesse d'aujourd'hui est en train de nous faire grandir : "les enfants parlent mieux en l'absence de leurs parents", même s'il peut y avoir "perte d'informations" ! Il est dit que le langage n'est pas une question d'âge, mais plutôt de culture ; par ailleurs, le langage ne peut être considéré comme un outil pouvant mesurer l'intelligence d'une personne (par exemple, certains autistes). 

    La rhétorique permet d'enrichir le langage, dit un autre participant, au risque de trahir la pensée. Claire évoque cette question de la rhétorique, à l'origine du premier grand conflit entre philosophes grecs. Il y a d'un côté Platon qui dit qu'il faut utiliser le langage pour faire comprendre aux Athéniens la richesse de la pensée ; et de l'autre côté, il y a les sophistes, des "instituteurs de la République", mandatés pour faire apprendre aux citoyens grecs un langage unique afin qu'ils se comprennent et communiquent entre eux. Pour Platon, les sophistes inculquent aux citoyens athéniens la manière de parler "bellement" de choses "laides". Les sophistes d'aujourd'hui sont sans nul doute les avocats et les hommes politiques – hommes politiques qui sont d'ailleurs souvent des avocats ! La langue peut être maniée afin d'amener l'assentiment général. A contrario, celui qui n'arriverait pas à s'exprimer correctement – que ce soit avec des mots ou avec des signes – ne pourrait pas amener une pensée remplie de sens. 

    Jean Berko Gleason et Noam Chomsky disent à ce sujet que dans les langues, par exemple dans les langages africains, le découpage de la langue découpe aussi la réalité. Le botaniste s'arrache les cheveux dans ces pays lorsqu'il est question de définir telle ou telle couleur.. Pour le coup, derrière le mot, il y a la réalité, même si Ferdinand de Saussure assure que ce n'est pas le mot qui compte mais la structure du langage. Mais derrière la langage et sa structure, on compartimente et on informe de la réalité. Des textes d'épistémologies parlent de ces étudiants en médecine qui découvrent pour la première fois la radiographie. Au départ, ces jeunes gens jugent leur professeur comme un "fou dingue" bâtissant "tout un roman" à partir de quelque chose qui n'existe pas – du noir. Sauf qu'en interprétant ce noir, et en "nommant" les choses, un nouveau monde surgit, fascinant.  La réalité semblerait donc exister à partir du moment où elle est arrêtée par un signe.

    D'après un participant, il y a une réelle difficulté dans le passage de la pensée à l'écriture. Cette dernière est non seulement plus lente mais aussi moins fidèle que la pensée. Par ailleurs, si je sais que l'autre va être témoin, il peut y avoir blocage parce qu'appréhension du jugement d'autrui. La facilité de l'écriture est une réelle richesse mais elle n'est pas généralisée : coucher sur le papier ou parler lorsque tout le monde nous regarde n'est pas évident. La richesse du langage est décrite par cet intervenant comme la manifestation d'une synergie entre la pensée et le langage : "quand on veut être précis dans son langage, quand on veut chercher le mot adéquat, forcément on est en contact de sa pensée. On est en train de la vivre. Et quand on est en train de la vivre, on n'est plus réel et du coup on arrive à mieux transcrire sa pensée. Et on s'oblige à le faire... Il y a une synergie, il y a quelque chose qui se créée qui fait que je pense encore plus parce que je je dois m'exprimer mieux." Ce participant ajoute que l'expression est un exutoire par la parole (tel un citron que l'on presse) et s'il n'y a pas cet exutoire oral, comment la pensée va-t-elle pouvoir sortir et se densifier ? La parole, même si elle n'est pas fidèle à la pensée, améliore en tout cas la pensée : pour preuve, ces formateurs en entreprise qui, de retour à leur poste de travail après avoir transmis leurs connaissances, s'en trouvent changés : ils ont la rhétorique pour eux et en eux.

    Dans communiquer, il y a deux sens : faire passer un message et être en relation, telles deux pièces qui communiquent l'une à l'autre. Faire passer un message est capital et donc, la forme du langage est importante pour rester à l'écoute. Ainsi, la provocation peut être utile pour des gens qui se connaissent mais elle peut aussi être dangereuse. Cela n'exclut pas, dit Claire, que le langage puisse évoluer, s'enrichir, se différencier, via par exemple de nouvelles expressions, des néologismes, etc. S'exprimer, s'affirmer, c'est aussi afficher sa singularité et aussi s'engager. Dès lors, lorsque l'on est exposé, on peut davantage recevoir des coups, que ce soit verbaux ou autres. N'oublions pas, précise un intervenant, que dans l'Histoire, le barbare est, par définition, celui qui s'exprime en faisant "ba ba", c'est-à-dire celui que l'on ne comprend pas.  

    Bruno conclut ce débat par deux citations : Alain qui disait : "La langue est un instrument à penser" et  Roland Barthes qui affirmait ceci : "Le langage est une peau : je frotte mon langage contre l’autre."

    En fin de séance, trois sujets sont proposés pour la séance suivante, fixée le vendredi 20 mars 2015 (et non pas le 13 comme annoncé à l'origine) : "Vox populi, vox dei ?", "Y a-t-il une morale politique ?" et "Autrui, antidote à la solitude ?" C'est ce dernier sujet qui est élu par les participants.

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  • COMPTE-RENDU DE LA SÉANCE "FAUT-IL TROUVER UN SENS À CHAQUE CHOSE?"

    Thème du débat : "Faut-il trouver un sens à chaque chose ?" 

    Date : 9 mai 2014 à la Brasserie du centre commercial de la Chaussée

    Un peu plus de 70 personnes s'étaient réunis le 9 mai 2014 à la Brasserie du centre commercial de la Chaussée de Montargis pour un nouveau café philosophique intitulé "Faut-il trouver un sens à chaque chose ?" Il s'agissait d'une séance exceptionnelle en ce que Claire et Bruno étaient accompagnés pour l'occasion de six lycéennes, venues en tant que co-animatrices : Marine, Marion, Camille, Coraline, Alice et Caroline, représentaient la quasi-totalité de la classe de Terminale littéraire du Lycée Saint-François de Sales de Gien.

    "Faut-il trouver un sens à chaque chose ?" Au préalable, avance un premier participant, se poser une telle question c'est déjà apporter une partie de la réponse ; c'est admettre que ce questionnement a un sens. Comment interroger un tel sujet ? se demande Claire. Finalement, en vertu de quoi devrions-nous trouver un sens à chaque chose ? Et quelles sont ces "choses" ? A contrario, que signifierait ne pas en trouver ? Puis-je être dans ma vie comme détachée de toute explication qui me dépasserait ? Par ailleurs, une philosophie de vie et une philosophie pratique seraient-elles viables si l'on choisissait de n'assigner aucun sens aux choses ?

    Un intervenant souhaite apporter un éclairage sur le sujet de ce débat : parle-t-on de "trouver" ou de "chercher" ? Il est certainement question ici, souligne une des co-animatrice, d'une notion de devoir et de morale. À moins qu'une démarche de philosophie pratique nous pousse à un carpe diem salvateur (Horace), c'est-à-dire à accepter ce qui nous est imposé. Il se pourrait aussi, dit un participant, que ces deux démarches – trouver et chercher – soient complémentaires dans nos vies.

    Dans la question de savoir s'il faut trouver un sens, il y a  la notion d'assignation, ou non, d'une valeur aux choses, de repères, à l'instar de Friedrich Nietzsche qui affirmait que n'importe quelle valeur valait mieux qu'aucune. L'autre point soulevé par Claire est la notion de sens : la signification est-elle nécessaire ? Si l'on prend l'exemple d'une œuvre d'art, celle-ci doit-elle être simplement vécue et reçue tel quel ou bien doit-elle être décryptée pour être comprise et accueillie ?

    Quand on s'interroge sur le sens qu'on donne aux choses – une "auberge espagnole", est-il dit : événements, objets, relations à l'autre, etc. – le sens intègre aussi une finalité, y compris une finalité spirituelle. La signification c'est aussi l'orientation : dire "je t'aime", par exemple, cela peut vouloir autant dire "je ne te déteste pas" que "je m'engage dans une relation avec toi". Je nomme les choses, j'y mets une sorte d'étiquette – une volonté aussi. Autrement dit, je nomme les éléments et les objets, pour reprendre ce qu'affirmait Henri Bergson : je les classe, voire je les oriente. Il y a donc derrière cela une notion d'utilité. Cela peut être une utilité pragmatique lorsqu'il est question d'un objet (d'un ouvre-boîte, d'une voiture, etc.)  mais cela peut aussi être une utilité plus noble lorsqu'il s'agit de sentiments (l'amour, l'amitié, le pardon, etc.). Donner un sens, complète un participant, c'est aussi donner une définition : de quoi parle-t-on ? Trouver du sens, réagit un intervenant, est sans doute insuffler du concret dans une démarche a priori incompréhensible. Il prend pour exemple la construction du Château de Versailles au XVIIe siècle. Cette création "insensée" obéissait à des raisons politiques – voire économique, ajoute-t-il sous forme de boutade : "un investissement à long terme pour le développement du tourisme trois siècles plus tard" ! 

    Une question se pose dès lors : y a-t-il un devoir moral, voire une contrainte physique, à assigner des significations à ce qui pourrait nous arriver ? Ou bien faudrait-il, comme il a été dit précédemment,  se contenter de vivre une vie détachée de ces questions angoissantes. L'être humain se trouve dans une situation aporétique et être terrifié. Il se trouve coi devant le choix qui lui est proposé, affirme un intervenant : comprendre et être au monde ou bien être passif. 

    Cette passivité, dit une des co-animatrices de ce soir, se trouve illustrée de manière frappante dans le roman d'Albert Camus, L'Étranger. Meursaut, personnage étranger à son monde, ne veut pas trouver de sens à sa vie. Son existence est absurde. Il est indifférent et passif à chaque chose : à sa vie sentimentale, à ses proches, au décès d'autrui et même à sa propre mort. Cette posture simplifie sans nul doute le rapport au monde et aux autres : c'est en effet une chose de donner une signification à un objet, à une chaise par exemple ; c'en est une autre de donner du sens à une relation (à un "je t'aime, par exemple"), infiniment plus complexe. C'est d'ailleurs ce qui différencie l'animal de l'homme : en dehors du stimulus extérieur qui nous protège d'un danger, la conscience nous permet de revenir en arrière sur une action passée et de se projeter vers l'avenir. L'impératif catégorique du "Connais-toi toi-même" (Platon) est piétiné par Meursaut,qui choisit de subir les événements sans vivre sa vie d'homme. Ce qui nous met mal à l'aise dans le roman de Camus est également l'absence d'émotion du personnage, ces émotions qui sont aussi des catalyseurs de la recherche de sens, pour ne pas dire un besoin (culturel, spirituel, etc.) inhérent à l'homme.

    Nous retrouvons là cette problématique abordée plus tôt : trouver ou rechercher ? Qu'est-ce qui pourrait nous empêcher de voir dans la vie quelque chose d'absurde et/car subie ? Dans ce cas, nous pourrions être dans le monde déconnectés de toute signification et vivre une "vie insensée" ! Une telle vie incohérente – et pas forcément absurde et qui nous permettrait peut-être de vivre malgré tout notre vie d'homme debout (Alain). Le fou – celui qui aurait compris avant tout le monde que le monde n'a pas de sens ! – ne serait-il pas le parfait exemple de ce type d'existence, incohérente ? Vivre de manière insensée semble ne pas être possible, réagit un participant, dans la mesure où la société a son mot à dire. Le vivre ensemble l'impose, ce qui fait dire à plusieurs personnes dans l'assistance que c'est fondamentalement ce qui différencie l'homme de l'animal. 

    Chercher un sens c'est trouver des repères, dit un nouvel intervenant, à la manière par exemple des personnes sans emploi que l'on tente de remettre sur une voie. L'action peut, par contre, être un moyen d'avancer, sans y mettre ce trop-plein de signes et vivre dans le mouvement. Cette assertion est discutée. Agir et se donner un ou des buts – professionnels, personnels, sportifs ou autre – c'est en soi donner une orientation et, par là, un sens à sa vie. D'ailleurs, pour dépasser des obstacles qui se dresseraient devant nous, le rappel du sens permet aussi de les dépasser et d'être dans le monde.

    Comment appréhender ce monde justement et faut-il y trouver un sens ? Cette question posée par Claire nous interroge sur la recherche de la vérité, qui est par exemple l'objectif de la justice. La véracité importe finalement peu : l'essentiel est d'avoir des repères, tels ces aveugles capables de s'orienter dans notre monde grâce à d'autres vecteurs. D'où, ce problème de William Molyneux : que se passe-t-il lorsqu'un aveugle recouvre la vue ? Pourra-t-il reconnaître des objets sans les toucher ? Certains films de science-fiction appréhendent le sens et le réel de manière inédite et troublante, capables "de nous mettre la tête à l'envers" (Inception pour ne prendre que cet exemple). 

    Si, en tant que sujet, je donne le sens à l'objet – dans son sens le plus large : choses matérielles, relations, événements, etc. – que j'ai en face de moi, est-ce que je ne trahis pas cette réalité en lui donnant une signification ? Dit autrement, assigne-t-on du sens à une chose parce que l'on est incapable de vivre sans repère ? L'école philosophique des gestaltistes a théorisé la Psychologie de la Forme (Gestaltpsychologie) : ils affirment que l'être humain est ainsi fait qu'il ne peut pas pouvoir faire sans sens, et plus précisément sans forme. Le monde lui été donné brut et ne peut pas être analysé par notre cerveau s'il ne lui assigne pas des formes, qu'elles soient véritables ou non (cf. aussi ce lien). À leur suite, Henri Bergson affirme que nous ne sommes pas "véritables" au monde. Nous collerions des étiquettes sur tel ou tel objet et ces étiquettes permettent de donner des repères et s'orienter. Faut-il donc tout signifier ou devrions-nous vivre le monde en spectateur, contemplatifs ? Henri Bergson, encore lui,  parle de l'art et affirme que lorsqu'un peintre représente des objets sur une toile – les pommes de Cézanne, par exemple – il en retire l'aspect pragmatique : ces pommes ne sont plus des pommes – tout comme la pipe de Magritte n'en est pas une, cf. ce lien ! Or, le spectateur va tout de même considérer que ces "fausses pommes" en sont. Tout se passe comme si en enlevant le côté utile et utilitaire de tel ou tel objet, ceux-ci sont vus tels qu'ils sont et retrouvent pleinement leur sens. 

    Sommes nous capables d'apposer des sens à des choses moins rationnelles. Ne faudrait-il pas mieux laisser les choses avoir leur propre sens, sans chercher à les interpréter ? Cette question se heurte à notre appréhension de l'Histoire. Les événements historiques acquièrent un sens, mais seulement a posteriori. À l'heure où plusieurs commémorations rythment notre actualité (70 ans du Débarquement de Normandie, centenaire du début de la première guerre mondiale), il est admis que nombre de vérités, jugées incontestables à une certaine période, sont réexaminés avec le temps : ainsi, les fusillés pour l'exemple pendant la guerre 14-18 ne sont plus du tout considérés comme des "traîtres à la Nation" de nos jours. 

    L'expression courante "cela n'a pas de sens" paraît intenable. Les faits ne peuvent pas s'appréhender bruts, sans une signification ou une orientation intelligible. La logique du bonheur pourrait résulter a contrario du refus d'une compréhension du monde, à l'image de Candide. "Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes", affirme le personnage de Voltaire : je n'ai pas à trouver du sens car il est là, devant moi. Disons aussi que les religions proposent aussi ce genre de pensées : les événements passées sont passées et un ordre invisible régit notre monde. Les stoïciens affirment de leur côté qu'il y a ce qui dépend de moi et ce qui n'en dépend pas. Ce qui ne dépend pas de moi, je dois m'en détacher, sans trouver du sens. Quant à ce qui dépend de moi, il est admis que cela représente une part relativement tenue.     

    Donner du sens participe aussi à une forme d'engagement mais aussi à une forme de cohésion des sociétés humaines. L'absence de sens pourrait signifier quelque part que tout est permis. Dire "Chacun sa vérité" ou "Les goûts et les couleurs se valent" ne serait-ce pas "un relativisme de mauvais aloi" ? Le sens que l'on donne aux choses est à tout le moins relatif. Les religions vivent sur des vérités et des repères différents. Si Blaise Pascal proclame justement : "Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà", pour René Descartes "le bon sens est la chose la mieux partagée au monde" (Discours de la Méthode). Mais est-ce que ce bon sens, s'interroge un intervenant, est suffisant pour donner du sens à sa vie ? Claire répond que selon le même Descartes, c'est une chose de l'avoir, ce bon sens, c'est une autre chose que de "l'appliquer bien", et a fortiori de le partager pour en faire un "sens commun" (cf. aussi ce lien). Un intervenant réagit à ce sujet : "Il n'y a pas de sens unique même s'il y a souvent du sens commun." 

    Un participant se demande si la recherche du sens ne peut pas être comparée aux théories scientifiques : elles ne servent qu'un temps, aussi longtemps qu'elles fonctionnent, jusqu'au jour où on leur donne un autre sens qui convient davantage. "On n'est pas sensible à tout ; mais on n'est pas insensible non plus", dit un autre intervenant : le sens fait intrinsèquement partie de l'homme. Une des co-animatrice en revient à la Psychologie de la Forme : chaque chose a un sens mais pour soi uniquement, ce qui  vient en contradiction avec la religion, véhicule de vérités et de sens pris dans un... sens collectif. Du coup, lorsque Nietzsche proclame que "Dieu est mort", cela implique que tout est permis et que c'est l'individu qui se réapproprie la recherche de sens. 

    Dans le monde, Jean-Paul Sartre dit que nous sommes condamnés à être libres, obligés de faire des choix, en permanence. Après la mort de Dieu (Nietzsche ), ce dont on a accusé Sartre c'est de pratiquer une philosophie du désespoir car aucun être immanent ne me sauverait et je n'ai pas la possibilité d'être guidé ni pardonné en dernier ressort. La recherche de sens est d'abord un acte libre. Est-ce à dire que cette recherche est simple ? Non. Certaines personnes ont trouvé leur sens, définitivement. Ces gens-là, Sartre ne les envie pas et considère qu'elles sont posthumes à elles-mêmes.  

    Une intervenante aborde la question des religions en tant que pourvoyeuses de vérité, pour ne pas dire de "valeurs communes". Des valeurs qui peuvent aussi aider à adopter et adapter une philosophie pratique. Créer son propre sens, admet Claire, peut être jouissif et appartenir à un idéal de liberté. Pour autant, admettre que tout vaut tout, remiser au placard toutes les valeurs morales, est considéré par nombre de psychologues comme nocif, à commencer par l'éducation des enfants. Le sens fait sens justement en ce qu'il créé des repères pour la vie. Dans cette optique, les valeurs communes – y compris religieuses – peuvent nous rassurer. Un autre exemple, celui de la justice, nous interroge en ce qu'il apparaîtrait que cette institution est interrogée sur ce qu'il faut faire ou non. La justice deviendrait référent. Tout se passe comme s'il y avait une injonction sociale pour que les juges et les avocats décident des valeurs communes pour vivre en société. D'où ce danger que la société en deviendrait dépendante ! Il est, là, aussi question de pouvoir, cette mainmise qui a pu – et qui est encore – le reproche fait aux religions.   

    "Sous prétexte de sens, il peut y avoir beaucoup de complaisance", affirme un intervenant : l'esprit de système peut se baser sur cette soif de sens pour trouver un sens commun qui peut à la longue devenir sclérosant, voire aliénant. Il y a un côté rassurant dans le système, sans même parler d'esprit grégaire. Cette satisfaction mentale rassurante est illustrée par ces vers de Louis Aragon : "Vous voudriez au ciel bleu croire / Je le connais ce sentiment / J'y crois moi aussi par moments / Comme l'alouette au miroir / J'y crois parfois je vous l'avoue / A n'en pas croire mes oreilles / Ah je suis bien votre pareil / Ah je suis bien semblable à vous."

    L'on parle de satisfaction ; pourquoi ne pas parler de cette quête du bonheur ? Une quête du bonheur mais aussi l'appréhension de la mort et le désir de bien mourir. Comme le dit Claire, pour bien mourir, il faut avoir bien vécu, c'est-à-dire avoir trouvé son sens et avoir pris ses responsabilités. 

    Cette quête de sens, une quête pour la vie, est capitale pour se mouvoir dans la vérité, voire trouver une justification a posteriori afin de se conforter dans ses propre choix. Une personne accepte sa mort – par exemple un patient dans des soins palliatifs – à partir du moment où sa vie lui paraît cohérente. Ainsi un sentiment de plénitude aide à accepter notre propre mort. Dès lors, le "Connais-toi toi-même" socratique semble avoir trouvé un aboutissement.

    Pour aller plus loin dans ce débat, retrouvez cette émission de La Philosophie au Comptoir (C2L) qui est consacrée à ce sujet.

    Trois sujets sont mis au vote en fin de débat : "Suis-ce ce que la culture fait de moi ?", "Avons-nous ce que nous méritons ?" et "Une morale sans Dieu est-elle possible ?" C'est le sujet  "Avons-nous ce que nous méritons ?" qui est élu et qui fera l'objet d'un débat lors de la séance du 13 juin 2014, la dernière de cette saison 5 du café philosophique de Montargis.

     

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