Thème du débat : « FAUT-IL BRÛLER FREUD ? »
Date : 3 juillet 2010 à la Brasserie du centre commercial de la Chaussée.
Il s'agit de la 7ème séance du Café Philosophique de Montargis. Une vingtaine de personnes étaient présentes pour cette séance (ce qui correspond grosso modo à la moyenne des personnes présentes cette saison).
La Brasserie du Centre commercial de la Chaussée accueillait une vingtaine de personnes pour débattre de la question de savoir s'il fallait « brûler Sigmund Freud », c'est-à-dire l'œuvre du père de la psychanalyse.
Il a avant tout été question de faire un petit bilan sur la séance précédente, laquelle avait vu plusieurs élèves de Gien participer. Nous nous étions alors interrogés sur les causes et finalité du travail et avions proposé un plan dialectique correspondant à ceux attendus à l'épreuve du bac de philo (cf. cliquez sur ce lien). Malheureusement, le travail n'a pas été proposé à la session 2010. Il demeure qu'au delà du fond, la forme possède une importance conséquente en philosophie. Les élèves et apprentis philosophes « bloquent » souvent sur les exigences méthodologiques. Être philosophe n'est-ce pas au départ, la remise en question, l'apprentissage, bref, le cheminement d'une pensée qui se veut et se fait autonome, davantage que des doctrines classiques et attendues, à coucher sur le papier ou à exposer à l'écrit ?
N'hésitez pas à vous exercer philosophe ! Les sujets proposés au bac 2010 sont disponibles sur notre blog (cf. ce lien).
Pourquoi ce sujet : « Faut-il brûler Freud ? ». Au cours de cette première saison, il a été, à plusieurs reprises, question d'Inconscient, d'inconscience, d'irresponsabilité, de connaissance de soi, tant au sein même des débats, qu'à travers des sujets proposés par les participants (ceux-ci proposaient « l'inconscient existe-t-il ? »). D'autre part, la sortie du brûlot de Michel Onfray (Le Crépuscule d'une idole, l'affabulation freudienne) met ce sujet au cœur de l'actualité. Cliquez ici pour en savoir plus.
Il s'est agi pour Bruno de faire une rapide biographie de Sigmund Freud, en précisant les rencontres scientifiques dont il a été l'acteur et qui lui ont permis de s'acheminer vers la psychologie. Cf. Ce lien pour en savoir plus sur sa biographie. Il en profite pour ajouter un élément au débat du Freud : les références d’une critique du livre d’Onfray par Serafino Malaguarnera, Critique du Crépuscule d'une Idôle par M. Onfray. Cliquez ici.
En réalité, il est très vite mis en exergue que Freud ne s'est jamais pensé psychologue mais scientifique et thérapeute. En effet, Freud définit la psychanalyse comme une science à part – et à part entière – qui n'a rien à envier aux autres disciplines scientifiques. Le psychanalyste est un scientifique et un médecin. Ce médecin soigne les maladies psychiques enfouies sous un tas de symptômes que n'arrivent pas à décrypter les autres médecines. Freud prétend ainsi (cf. notamment Introduction à la psychanalyse) expliquer ce qui jusqu'à lui était inexplicable, soigner l'incurable.
C'est donc une réelle fracture dans l'histoire de la pensée, et surtout dans celle de la définition de l'homme, que crée Freud. Jusqu'alors en effet l'homme est d'abord un être conscient, que la raison (principe des Lumières) définit : un individu sujet et non objet de ses actes, et par là acteur de l'histoire et responsable de celle-ci. Freud lui impose donc une humiliation conséquente lorsqu'il affirme que « le moi n'est pas maître dans sa propre maison », ce à quoi il ajoute que la conscience, qui jusque là nous permettait de savoir ce que nous faisions et qui nous étions, n'en est tenue qu'à des renseignements rares et fragmentaires de ce que nous sommes et de ce que nous voulons. Si Leibniz et Spinoza avaient commencé à mettre à mal l'omnipotence de l'homme, Sigmund Freud inflige donc une humiliation conséquente à l'individu. Après Copernic (l’homme n’est pas au centre de l’univers) et Darwin (l’homme n’est pas au centre de l’évolution naturelle), il se dit lui même opposer « la troisième humiliation » au genre humain. La conscience n'est qu'une infime partie du psychisme qui veut et agit. Nous ne savons pas qui nous sommes vraiment, et parfois pouvons être réduits à des pantins guidés par les pulsions, dire le contraire c'est se mentir à soi-même.
Cette découverte est en effet à considérer comme historique, voire magique pour la pensée. Avec la psychanalyse, Freud ouvre des champs immenses à explorer, ce qui d'ailleurs est souligné par les nombreuses recherches perdurant à ce jour. « Freud et l'Inconscient » représentent pour beaucoup un moment unique ; à leur découverte nous devenons autres et remettons tout en question. Onfray lui-même affirme en début de l'œuvre citée ci-avant que la lecture de Freud a été très importante et conséquente dans sa philosophie, dans sa vie d'homme. Freud explique tout et autrement, en insérant vices et pulsions, immoralité et sexualité exacerbée en nous. Et en plus cela marche ! En effet, il est rappelé que les topiques sont les résultats de thérapies. C'est à travers le soin de ses patients que le psychanalyste postule l'existence des première puis deuxième topiques. Freud insère dès lors bon nombre de « cas » qu'il conte telles des histoires magiques, dans ses œuvres. Ces cas sont souvent présentés comme énigmatiques et surtout désespérés ! Mais Freud amène son patient à trouver la clé de ses maux, le traumatisme refoulé qui a tout déclenché...
Toutefois, ces topiques ne sont que postulat inobservable et surtout irréfutable. C'est pourquoi Onfray accuse Freud de s'être pris pour celui qu'il n'était pas, et en cela pouvoir être dit usurpateur. Comme Popper avant lui, le philosophe français taxe en effet Freud de faux scientifique : l'Inconscient ne rentre en rien dans les exigences qu'un objet scientifique se doit de tenir.
De plus, la cure psychanalytique semble elle aussi être un écran de fumée. Fondée sur la parole de l'unique analysé, celle-ci dure très longtemps et ne tient qu'à un fil, celui de la confiance de l'analysé pour l'analyste. Au fil des séances, l'analysé se soigne tout seul en parlant. Onfray accuse cette méthode d'être usurpatrice autant que destructrice.
Si plusieurs participants sont en complet désaccord avec cette accusation, il est rappelé que l'efficacité d'une psychanalyse a été fortement mise à mal par l'OMS qui la place en deçà d'autres méthodes, telles les TCC (Thérapies Comportementales et Cognitives). De plus, deux points intéressants sont mis en exergue : tout d'abord le prix conséquent d'une analyse (Attention ! Pour Freud car c'est bien de Freud que nous traitons et non des psychanalystes dans leur ensemble). Le père de la psychanalyse affirme que le prix accordé à son analyse représente la volonté de l'analysé de se soigner, en donnant de l'argent il donne de sa personne...
Un participant affirme, contre un autre, que la psychanalyse peut faire du mal dans le sens où l'analysé est persuadé de se soigner, en toute confiance qu'il est dans sa relation avec son analyste, et reste parfois plusieurs années sans aucune amélioration alors que manifestement cette cure ne lui convient pas. Que penser d'une thérapie lorsqu'un homme aux douleurs inexpliquées, en dépression certaine, donne des sommes assez considérables à son « médecin » durant des années sans toutefois aller mieux ?
Un débattant affirme alors que Freud n'a jamais prétendu soigner les névroses mais les psychoses, et réduit par là le champ de son intervention. Il ajoute que l'important est de trouver une méthode qui nous aide à ne pas aller plus mal car « on ne guérit de rien (...) même pas d'une angine ».
La question est posée par Bruno de savoir si le conflit entre la psychanalyse et les TCC ne marque pas une opposition culturelle entre l'Europe et les États-Unis. Il est répondu que non étant donné que l'on trouve plusieurs groupes importants de la psychanalyse aux États-Unis notamment.
Le café philo conclut sur un bilan très positif de cette première saison à Montargis, ce qui n’était pas gagné au départ. Nous nous félicitons du succès de cette animation. Depuis le début en effet, le café philosophique attire une vingtaine de personnes, en dépit d'horaires peu pratiques (et qui seront sans doute changées à partir de la rentrée prochaine).
Il est rappelé que la philosophie ne donne pas de réponse, et un participant affirme qu'il s'attache à venir se remettre en question en toute humilité. C'est sans doute ce que nous retenons en clôturant cette première saison : peu importe le point sur lequel se termine un café philo, c'est sans doute la ou les réflexions et doutes qu'il a fait naitre qui sont importants. Venir avec des idées arrêtées et préconçues ne sert à rien, nous savons tous recopier ce que nous lisons ou entendons, mais il est plus difficile de devenir autonome...
Claire attendant un enfant, l'ouverture de la nouvelle saison se fera soit en octobre, soit en novembre, sans doute sur la question de la place de la philosophie...
Plusieurs thèmes sont demandés pour cette prochaine saison, la politique et l'art en tête.
Nous promettons d'y travailler et avons déjà hâte d'en débattre !
De bonnes vacances sont souhaitées.