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  • Marc Aurèle : "Le présent est la seule chose dont on peut être privé"

    Dusses-tu vivre trois mille ans et autant de fois dix mille ans, souviens-toi pourtant que personne ne perd une autre vie que celle qu'il vit, et qu'il n'en vit pas d'autre que celle qu'il perd. Donc le plus long et le plus court reviennent au même. Car le présent est égal pour tous ; est donc égal aussi ce qui périt ; et la perte apparaît ainsi comme instantanée ; car on ne peut perdre ni le passé ni l'avenir ; comment en effet pourrait-on vous enlever ce que vous ne possédez pas ? Il faut donc se souvenir de deux choses : l'une que toutes les choses sont éternellement semblables et recommençantes, et qu'il n'importe pas qu'on voie les mêmes choses pendant cent ou deux cents ans ou pendant un temps infini ; l'autre qu'on perd autant, que l'on soit très âgé ou que l'on meure de suite : le présent est en effet la seule chose dont on peut être privé, puisque c'est la seule qu'on possède, et que l'on ne perd pas ce que l'on n'a pas.

    Marc Aurèle, Pensées (IIe s. ap. JC)

    Photo : Pexels - Cottonbro

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  • Elias : "Passé", "présent", "avenir"

    Si la signification de "passé", "présent" et "avenir", en rapport avec la série de changements exprimable selon le comput de notre ère par une série linéaire de chiffres (1605, 1606, 1607, etc.), est en évolution constante, la raison en est que les hommes auxquels ces concepts renvoient et dont ils traduisent l'expérience sont eux-mêmes en évolution constante, et que ce rapport à l'expérience humaine vient s'inscrire dans leur contenu de signification. Ce que sont "passé", "présent" et "avenir" dépend des générations vivantes du moment. Et comme celles-ci se relaient constamment d'âge en âge, le contenu de signification attaché au "passé", au "présent" et à l' "avenir" ne cesse d'évoluer. Ici, comme dans les concepts temporels plus simples de caractère sériel, comme l' "année" ou le "mois", s'exprime la capacité humaine à opérer des synthèses, dans le cas présent à éprouver en simultanéité ce qui ne se produit pas en simultanéité. Mais ces concepts du type "année", "mois" ou "heure" n'intègrent pas cette capacité, que pourtant ils présupposent, dans leur contenu de signification. Ils représentent simplement des séquences continues d'événements de longueur diverse en tant que telles. Les concepts de "passé", de "présent", et d' "avenir", en revanche, expriment la relation qui s'établit entre une série de changements et l'expérience qu'en fait une personne (ou un groupe). Un instant déterminé à l'intérieur d'un flux continu ne prend l'aspect d'un présent qu'en relation à un être humain en train de le vivre, tandis que d'autres prennent l'aspect d'un passé ou d'un futur. En leur qualité de symbolisations de périodes vécues, ces trois expressions représentent non pas seulement une succession, comme l' "année" ou le couple "cause-effet", mais aussi la présence simultanée de ces trois dimensions du temps dans l'expérience humaine. On pourrait dire que "passé", "présent" et "avenir" constituent, bien qu'il .s'agisse de trois mots différents, un seul et même concept."

    Norbert Elias, Du temps (1984)

    Photo : Pexels - Polina Kovaleva

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  • Heidegger : "Le temps apparaît comme la succession des maintenants"

    Être_et_Temps.jpgLe temps apparaît comme la succession des maintenants – desquels chacun, à peine nommé déjà s'évanouit dans le "moment d'avant" et déjà se fait chasser par le "moment d'après". Kant dit, parlant du temps ainsi représenté : "Il n'a qu'une seule dimension" (Critique de la raison pure A 31, B 47). C'est bien le temps entendu comme le coup sur coup dans la suite des maintenants que l'on a dans l'idée lorsqu'on mesure et calcule le temps. Le temps calculé, nous l'avons devant nous, à pouvoir immédiatement le palper – du moins telle est l'apparence – quand nous prenons en main la montre, le chronomètre, quand nous jetons le regard sur la position des aiguilles...

    Nous disons "maintenant", et nous avons dans l'esprit le temps. Mais nulle part, attenant à la montre qui nous donne l'heure, nous ne trouvons le temps, ni sur le cadran, ni dans le mouvement...

    Perpétuellement, l'absence vient à nous, comme ce qui nous regarde. D'abord en ceci que bien des choses ne se déploient plus à notre rencontre selon le mode de déploiement tel que nous le connaissons, c'est-à-dire au sens du déploiement de présence... Cet être du passé ne s'abîme pas, comme ce qui simplement a cessé d'être, hors du maintenant d'autrefois. L'avoir-été (en tant qu'être du passé) se déploie bien plutôt à notre rencontre, quoique sur son mode propre. Dans l'avoir-été, c'est l'approche d'un être qui est procurée.

     Mais l'absence nous regarde et vient à nous encore dans le sens du non-encore-présent, sur le mode du déploiement à notre rencontre, entendu au sens du venir-sur-nous de l'avenir [...]. Dans l'à-venir, dans le venir-sur-nous, l'approche d'un être qui est procuré... L'unité des trois dimensions temporelles repose dans le jeu par lequel chacune se tient et se tend pour chacune. Ce jeu de tension s'avère comme la véritable porrection, celle qui joue dans le propre du temps, donc en quelque sorte comme la quatrième dimension…

    Ce qu'en énumérant nous nommons la quatrième dimension […] est la première […]. Elle apporte dans le survenir, dans l'avoir-été, dans le présent, l'avancée d'être qui chaque fois leur est propre, elle les tient – faisant éclaircie – les uns hors des autres, et les tient ainsi les uns pour les autres dans la proximité à partir de laquelle les trois dimensions restent rapprochées les unes des autres. C'est pourquoi (…) nous la nommons : la proximité approchante... Mais elle approche l'avenir, l'avoir-été, le présent les uns des autres dans la mesure où elle libère et déploie un lointain. Car elle tient ouvert l'avoir-été tandis qu'elle empêche sa venue comme présent. Cet approchement de la proximité tient ouvert le sur-venir depuis l'avenir en ce que, dans le venir, elle réserve la possibilité du présent. La proximité approchante a le caractère de l'empêchement et de la réserve."

    Heidegger, Temps et Être (1976)

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  • Pascal : "Nous ne nous tenons jamais au temps présent"

    Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l'avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé, pour l'arrêter comme trop prompt : si imprudents que nous errons dans les temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient : et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. C'est que le présent, d'ordinaire, nous, blesse. Nous le cachons à notre vue parce qu'il nous afflige et s'il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l'avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance, pour un temps où nous n'avons aucune assurance d'arriver.

    Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et l'avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir. Le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais.

    Pascal, Pensées (+1669)

    Photo : Pexels - Mateo Almendares

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  • La valise philosophique du mois : Café philo du 28 mars 2025

    Retrouvez notre traditionnelle "Valise philosophique" du mois. Elle est consacrée à la séance du vendredi 28 mars 2025 qui aura pour sujet : "Peut-on vivre au présent ?" Cette séance aura lieu à la Médiathèque de Montargis.

    Comme pour chaque séance, nous vous avons préparé (colonne de gauche) des documents, textes, extraits de films ou de musiques servant à illustrer et enrichir les débats mensuels.

    Restez attentifs : régulièrement de nouveaux documents viendront alimenter cette rubrique d'ici la séance.

    Photo : Pexels - Caffeine

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  • S. Augustin : "Qu'est-ce que le temps ?"

    Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais : mais que je veuille l'expliquer à la demande, je ne le sais pas ! Et pourtant - je le dis en toute confiance - je sais que si rien ne se passait il n'y aurait pas de temps passé, et si rien n'advenait, il n'y aurait pas d'avenir, et si rien n'existait, il n'y aurait pas de temps présent. Mais ces deux temps, passé et avenir, quel est leur mode d'être alors que le passé n'est plus et que l'avenir n'est pas encore ? Quant au présent, s'il était toujours présent sans passer au passé, il ne serait plus le temps mais l'éternité.

    Si donc le présent, pour être du temps, ne devient tel qu'en passant au passé, quel mode d'être lui reconnaître, puisque sa raison d'être est de cesser d'être, si bien que nous pouvons dire que le temps a l'être seulement parce qu'il tend au néant...

    Enfin, si l'avenir et le passé sont, je veux savoir où ils sont. Si je ne le puis, je sais du moins que, où qu'ils soient, ils n'y sont pas en tant que choses futures ou passées, mais sont choses présentes. Car s'ils y sont, futur il n'y est pas encore, passé il n'y est plus. Où donc qu'ils soient, quels qu'ils soient, ils n'y sont que présents.

    Quand nous racontons véridiquement le passé, ce qui sort de la mémoire, ce n'est pas la réalité même, la réalité passée, mais des mots, conçus d'après ces images qu'elle a fixées comme des traces dans notre esprit en passant par les sens.

    S.Augustin, Confessions (IVe s.)

    Photo : Pexels - Olya Prutskova

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  • Proust : "Le temps retrouvé"

    images.jpgAussi je pensais à l’illusion dont nous sommes dupes quand, entendant parler d’un célèbre vieillard, nous nous fions d’avance à sa bonté, à sa justice, à sa douceur d’âme ; car je sentais qu’ils avaient été, quarante ans plus tôt, de terribles jeunes gens dont il n’y avait aucune raison pour supposer qu’ils n’avaient pas gardé la vanité, la duplicité, la morgue et les ruses.

    Et pourtant, en complet contraste avec ceux-ci, j’eus la surprise de causer avec des hommes et des femmes, jadis insupportables, et qui avaient perdu à peu près tous leurs défauts, soit que la vie, en décevant ou comblant leurs désirs, leur eût enlevé de leur présomption ou de leur amertume. Un riche mariage qui ne nous rend plus nécessaire la lutte ou l’ostentation, l’influence même de la femme, la connaissance lentement acquise de valeurs autres que celles auxquelles croit exclusivement une jeunesse frivole, leur avait permis de détendre leur caractère et de montrer leurs qualités. Ceux-là en vieillissant semblaient avoir une personnalité différente.

    Marcel Proust, Le Temps retrouvé (1927)

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  • Iris Brey : Le female gaze

    Le-Regard-feminin.jpgIl existe un regard féminin, ou female gaze, un regard qui nous fait ressentir l’expérience d’un corps féminin à l’écran. Ce n’est pas un regard créé par des artistes femmes, c’est un regard qui adopte le point de vue d’un personnage féminin pour épouser son expérience. Pour le faire émerger, les cinéastes ont dû tordre le corps de la caméra, inventer et réinventer une forme filmique afin de s’approcher au plus près de l’expérience des femmes. D’Alice Guy, qui utilise pour la première fois le gros plan au cinéma à des fins dramatiques dans Madame a des envies en 1906, à Phoebe Waller-Bridge, qui utilise le regard caméra pour créer non plus une distanciation mais un lien entre l’héroïne et les spectateur.trice.s (Fleabag, 2016), le regard féminin est là, sous nos yeux.

    Pourtant, même si de nombreuses œuvres privilégient cette perspective depuis les débuts du cinéma, le regard féminin semble avoir été relégué à une culture souterraine, invisible. Dès lors, il s’est doté d’une autre puissance, d’une autre aura, celle des œuvres secrètes qui existent dans un murmure, dans les soupirs de celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans le cinéma dominant. Un régime d’images qui appellent à désirer autrement, à explorer nos corps, à laisser nos expériences nous bouleverser. Des images qu’il faut aujourd’hui nommer et définir.

    Iris Brey, Le regard féminin : Une révolution à l'écran (2020)

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  • "Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles"

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  • Gosling : L'art du féminisme

    En manifestant contre miss Monde, la libération des femmes a frappé un grand coup.... face à la manière dont sont perçues lesfemmes d'un point de vue purement physique et la place qu'on leur alloue au sein de la société. Mais avant tout ce fut un coup porté à la passivité, pas uniquement la passivité contrainte les filles sur scène, mais celle que nous ressentions toutes en nous même.

    Lucinda Gosling, L'art du féminisme (2019)

    Photo : Pexels - Karla Fajardo

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  • Harmange : "Moi les hommes, je les déteste"

    Si la misandrie est la caractéristique de qui déteste les hommes, et la misogynie celle de qui déteste les femmes, il faut bien admettre qu'en réalité, ces deux concepts ne sont pas égaux, que ce soit en termes de dangerosité pour leurs cibles ou de moyens utilisés pour s'exprimer. On rappelle que les misogynes usent d'armes allant du harcèlement en ligne jusqu'à l'attentat, comme celui de l'Ecole Polytechnique de Montréal en 1989, dont il n'y a à ce jour pas d'équivalent misandre. On ne peut pas comparer misandrie et misogynie, tout simplement parce que la première n'existe qu'en réaction à la seconde.

    Pauline Harmange, Moi les hommes, je les déteste (2022)

    Photo : Pexels -  Pittrom

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  • Camille Froidevaux-Metterie : Un corps à soi

    Il y a d'abord la neutralité blanche de la toile sur laquelle toutes les formes sont possibles. Le moment de la sexuation ne serait pas celui d'une assignation mais celui d'une autodétermination : chaque personne devrait pouvoir choisir librement les caractéristiques sexuées et genrées par lesquelles elle se présente aux autres et au monde. Non pas que cette liberté soit imposée, en un retournement ironique de la normativité dominante, mais dans la mesure où chacun.e disposerait du temps nécessaire à une entrée sereine dans son genre et où les phases d'exploration des possibilités genrées seraient acceptées et même encouragées.

    Il y a ensuite les couleurs froides de l'indifférence à la question des dimensions incarnées de l'existence. Dans tous les aspects de la vie sociale, les caractéristiques physiques et sexuées seraient aussi anodines les unes que les autres. Chercher un emploi, faire du sport, fonder une famille, quel que soit le domaine concerné, les individus auraient droit à l'indifférence corporelle. L'apparence ne serait pas plus importante que la météo du jour. Les traces laissées par le temps sur les visages, pas plus déterminantes que la couleur des vêtements. La masse du corps ou la couleur de la peau, pas plus cruciales que la forme du sourire ou la longueur des cheveux.

    Il y a enfin les couleurs chaudes de l'indétermination et du changement, qui nous indiquent que tous les corps sont éminemment fluides et changeants. Les expressions genrées de soi pourraient varier en fonction de l'humeur et des projets. Les manifestations esthétiques de la représentation de soi seraient conçues dans leur indépassable variété et débarrassées du poids des prescriptions patriarcalo-libérales. Nous serions tou.te.s laissé.e.s libres d'exprimer notre singularité sexuée, et valorisé.e.s dans la diversité des expériences de soi.

    L'objectif visé me semble pouvoir être ramassé dans la formule de l'autonomie corporelle.

    Camille Froidevaux-Metterie, Un corps à soi (2021)

    Photo - Pexels - Céline

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  • Rousseau : Désir et imagination

    Tant qu’on désire on peut se passer d’être heureux ; on s’attend à le devenir : si le bonheur ne vient point, l’espoir se prolonge, et le charme de l’illusion dure autant que la passion qui le cause. Ainsi cet état se suffit à lui-même, et l’inquiétude qu’il donne est une espèce de jouissance qui supplée à la réalité, qui vaut mieux peut-être. Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère, et l’on est heureux qu’avant d’être heureux. En effet, l’homme avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu’il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l’objet même ; rien n’embellit plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu’on voit ; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède, l’illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité et tel est le néant des choses humaines, qu’hors l’Être existant par lui-même, il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas.

    Jean-Jacques Rousseau, La Nouvelle Héloïse (1761)

    Photo : Pexels - Cavalier du loup YURTSEVEN

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  • "Les Amants d'un Jour"

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  • Ils ont dit, au sujet du désir

    "Dieu collabore avec tout homme animé d'un désir ardent." [Eschyle]

    "Pour bien vivre, il faut laisser prendre à ses passions tout l'accroissement possible" [Platon]

    "Jamais nous ne posséderons en suffisance l'objet de notre désir" [Platon]

    "Ceux qui désirent le moins de choses sont les plus près des dieux." [Aristote]

    "Le désir est l’appétit de l’agréable." [Aristote]

    "Ce n'est pas par la satisfaction du désir que s'obtient la liberté, mais par la destruction du désir." [Épictète]

    "Quel que soit le bonheur qu'il y a dans le monde, il provient du désir de bonheur pour les autres. Quelle que soit la souffrance qu'il y a dans le monde, elle provient du désir de bonheur pour soi-même." [Sénèque]

    "Il faut changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde" [René Descartes"

    "Le désir qui naît de la joie est plus fort que le désir qui naît de la tristesse." [Baruch Spinoza]

    "Nous ne désirons aucune chose parce que nous la trouvons bonne mais, au contraire, nous jugeons qu’une chose est bonne parce que nous la désirons." [Baruch Spinoza]

    "Les hommes sont conduits plutôt par le désir aveugle que par la raison." [Baruch Spinoza]

    "Entre l'appétit et le désir il n'existe aucune différence"  [Baruch Spinoza]

    "Et le désir s'accroît quand l'effet se recule." [Pierre Corneille]

    "Nous ne désirerions guère de choses avec ardeur, si nous connaissions parfaitement ce que nous désirons." [François de La Rochefoucauld]

    "On dit que le désir naît de la volonté, c'est le contraire, c'est du désir que naît la volonté. Le désir est fils de l'organisation." [Denis Diderot]

    "Ceux qui répriment leur désir, sont ceux dont le désir est faible assez pour être réprimé." [William Blake]

    "Ce n'est pas dans la jouissance que consiste le bonheur, c'est dans le désir, c'est à briser les freins qu'oppose à ce désir." [Marquis de Sade]

    "Le désir sexuel — spécialement quand, se fixant sur une femme déterminée, il se concentre en amour — est la quintessence de toute la duperie de ce noble monde." [Arthur Schopenhauer]

    "On en vient à aimer son désir et non plus l'objet de son désir." [Friedrich Nietzsche]

    "Le désir est signe de guérison ou d'amélioration." [Friedrich Nietzsche]

    "Il y a deux manières d'être malheureux : ou désirer ce que l'on a pas, ou posséder ce que l'on désirait." [Pierre Louÿs]

    "Nous n'arrivons pas à changer les choses suivant notre désir, mais peu à peu notre désir change.” [Marcel Proust]

    "Le désir est, à ce que je crois, un très petit personnage…" [Alain] 

    "Le rêve est la satisfaction d’un désir." [Sigmund Freud]

    "Un jour vient où vous manque une seule chose et ce n'est pas l'objet de votre désir, c'est le désir." [Marcel Jouhandeau]

    "L'homme est une création du désir, non pas une création du besoin." [Gaston Bachelard]

    "La séduction est de l'ordre du rituel, le sexe et le désir de l'ordre du naturel." [Jean Baudrillard]

    "Le désir est une conduite d'envoûtement." [Jean-Paul Sartre]

    "Le désir est désir de l’Autre." [Jacques Lacan]

    "Le désir est inextinguible." [Jacques Lacan]

    "Le désir possède une persistance indestructible." [Jacques Lacan]

    "Tout se réduit en somme au désir et à l’absence de désir. Le reste est nuance." [Emil Michel Cioran]

    "L'intérêt peut être trompé, méconnu ou trahi, mais pas le désir." [Gilles Deleuze] 

    "Les spectateurs ne trouvent pas ce qu'ils désirent, ils désirent ce qu'ils trouvent." [Guy Debord]

    "Le désir n'a jamais fait la preuve de l'existence de l'objet du désir." [Françoise Giroud]

    "L'érotisme n'est pas seulement désir du corps, mais, dans une égale mesure, désir d'honneur. Un partenaire que nous avons eu, qui tient à nous et qui nous aime, devient notre miroir, il est la mesure de notre importance et de notre mérite." [Milan Kundera]

    Photo : Pexels - Ivan-Samkov

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  • Schopenhauer : "Tout désir naît d’un manque"

    Tout désir naît d’un manque, d’un état qui ne nous satisfait pas ; donc il est souffrance, tant qu’il n’est pas satisfait. Or, nulle satisfaction n’est de durée ; elle n’est que le point de départ d’un désir nouveau. Nous voyons le désir partout arrêté, partout en lutte, donc toujours à l’état de souffrance ; pas de terme dernier à l’effort ; donc pas de mesure, pas de terme à la souffrance […] Mais que la volonté vienne à manquer d’objet, qu’une prompte satisfaction vienne à lui enlever tout motif de désirer, et les voilà tombés dans un vide épouvantable, dans l’ennui ; leur nature, leur existence, leur pèse d’un poids intolérable. La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui ; ce sont là les deux éléments dont elle est faite, en somme.

    Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation (1818)

    Photo : Pexels - Alax Matias

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  • Platon : Le désir est un manque

    SOCRATE : Tout ce que je veux savoir, c’est si Eros éprouve ou non le désir de ce dont il est amour.
      AGATHON : Assurément, il en éprouve le désir.
      – Est-ce le fait de posséder ce qu’il désire et ce qu’il aime qui fait qu’il le désire et qu’il l’aime, ou le fait de ne pas le posséder ?
      – Le fait de ne pas le posséder, cela du moins est vraisemblable.
      – Examine donc si au lieu d’une vraisemblance il ne s’agit pas d’une nécessité : il y a désir de ce qui manque, et il n’y a pas désir de ce qui ne manque pas ? Il me semble à moi, Agathon, que cela est une nécessité qui crève les yeux ; que t’en semble-t-il ?
      – C’est bien ce qu’il me semble.
      – Tu dis vrai. Est-ce qu’un homme qui est grand souhaiterait être grand, est-ce qu’un homme qui est fort souhaiterait être fort ?
      – C’est impossible, suivant ce que nous venons d’admettre.
      – Cet homme ne saurait manquer de ces qualités, puisqu’il les possède.
      – Tu dis vrai.
      – Supposons en effet qu’un homme qui est fort souhaite être fort, qu’un homme qui est rapide souhaite être rapide, qu’un homme qui est en bonne santé souhaite être en bonne santé, car quelqu’un estimerait peut-être que, en ce qui concerne ces qualités et toutes celles qui ressortissent au même genre, les hommes qui sont tels et qui possèdent ces qualités, désirent encore les qualités qu’ils possèdent. C’est pour éviter de tomber dans cette erreur que je m’exprime comme je le fais. Si tu considères, Agathon, le cas de ces gens-là, il est forcé qu’ils possèdent présentement les qualités qu’ils possèdent, qu’ils le souhaitent ou non. En tout cas, on ne saurait désirer ce que précisément on possède. Mais supposons que quelqu’un nous dise : « Moi, qui suis en bonne santé, je n’en souhaite pas moins être en bonne santé, moi, qui suis riche, je n’en souhaite pas moins être riche ; cela même que je possède, je ne désire pas moins le posséder. » Nous lui ferions cette réponse : « Toi, bonhomme, qui es doté de richesse, de santé et de force, c’est pour l’avenir que tu souhaites en être doté, puisque, présentement en tout cas, bon gré mal gré, tu possèdes tout cela. Ainsi, lorsque tu dis éprouver le désir de ce que tu possèdes à présent, demande-toi si ces mots ne veulent pas tout simplement dire ceci : « Ce que j’ai à présent, je souhaite aussi l’avoir dans l’avenir. » » Il en conviendrait, n’est-ce pas ? […] Dans ces conditions, aimer ce dont on n’est pas encore pourvu et qu’on ne possède pas, n’est-ce pas souhaiter que, dans l’avenir, ces choses-là nous soient conservées et nous restent présentes ?
      – Assurément.
      – Aussi l’homme qui est dans ce cas, et quiconque éprouve le désir de quelque chose, désire ce dont il ne dispose pas et ce qui n’est pas présent ; et ce qu’il n’a pas, ce qu’il n’est pas lui-même, ce dont il manque, tel est le genre de choses vers quoi vont son désir et son amour.

    Platon, Le Banquet (Ve s. av. JC)

    Photo : Pexels - Thirdman

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  • La valise philosophique du mois : Café philo du 28 février 2025

    Retrouvez notre traditionnelle "Valise philosophique" du mois. Elle est consacrée à la séance du vendredi 28 février  2025 qui aura pour sujet : "Peut-on être maître de ses désirs ?" Cette séance aura lieu à la Médiathèque de Montargis.

    Comme pour chaque séance, nous vous avons préparé (colonne de gauche) des documents, textes, extraits de films ou de musiques servant à illustrer et enrichir les débats mensuels.

    Restez attentifs : régulièrement de nouveaux documents viendront alimenter cette rubrique d'ici la séance.

    Photo : Pexels - Caffeine

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