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Documents - Page 4

  • Tesson : "L’ennui ne me fait aucune peur"

    Dans-les-forets-de-Siberie.jpgL’ennui ne me fait aucune peur. Il y a morsure plus douloureuse : le chagrin de ne pas partager avec un être aimé la beauté des moments vécus. La solitude : ce que les autres perdent à n’être pas auprès de celui qui l’éprouve. A Paris, avant le départ, on me mettait en garde. L’ennui constituerait mon ennemi mortifère ! J’en crèverais ! J’écoutais poliment. Les gens qui parlaient ainsi avaient le sentiment de constituer à eux seuls une distraction formidable. "Réduit à moi seul, je me nourris, il est vrai, de ma propre substance, mais elle ne s’épuise pas…" écrit Rousseau dans les Rêveries.

    Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie (2011)

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  • Schopenhauer : Seul le présent est réel

    Au lieu de nous occuper sans cesse exclusivement de plans et de soins d’avenir, ou de nous livrer, à l’inverse, aux regrets du passé, nous devrions ne jamais oublier que le présent seul est réel, que seul, il est certain, et qu’au contraire l’avenir se présente presque toujours autre que nous ne le pensions.

    Arthur Schopenhauer

    Photo : Pexels - Engin Akyurt

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  • Honoré : Eloge de la lenteur

    9782501150620-475x500-1.jpgDans un monde professionnel où tout va très vite, où les informations pleuvent et les délais courent à toute allure, nous sommes tous mis en demeure de penser vite. Plus que la réflexion, c'est la réaction qui est à l'ordre du jour. pour rentabiliser notre temps au maximum et éviter l'ennui, nous remplissons chaque moment disponible par de la stimulation mentale - à quand remonte la dernière fois où vous vous êtes assis(e) sur une chaise et avez fermé les yeux, juste pour vous détendre ?

    Carl Honoré, Eloge de la lenteur (2007)

     

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  • Rosa : Le triomphe de l'accélération

    CVT_Acceleration--Une-critique-sociale-du-temps_9091.pngOn peut donc tirer trois conclusions de l'histoire du conflit culturel autour des technologies de l'accélération. Premièrement, le processus d'accélération technologique ne se déroule pas uniformément, mais par à-coups, en se heurtant à des obstacles, des résistances et des mouvements de réaction qui le ralentissent, l'interrompent et peuvent même, à l'occasion, en inverser le sens.
    Deuxièmement, une poussée d'accélération est presque toujours suivie d'un discours sur l'accélération et la décélération, dans lequel l'appel à la décélération et l'aspiration nostalgique à un retour au "monde lent" - lenteur qui ne devient une qualité distincte que dans cette vision rétrospective - l'emportent généralement sur l'enthousiasme à l'égard des rythmes plus élevés (...)
    Troisièmement, en dépit de l'hégémonie du discours des partisans de la décélération, chacun de ces conflits culturels s'est jusqu'à présent soldé par une victoire des adeptes de l'accélération, c'est-à-dire par l'introduction et l'implantation victorieuse de la technologie nouvelle.

    Hartmut Rosa, Accélération, Une critique sociale du temps (2010)

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  • Rozenfeld : Contempler un lever de soleil...

    CVT_Les-sentinelles-du-futur_3507.pngIl scrutait le ciel qui s’éclaircissait doucement, à mesure que le soleil, énorme boule orange pâle, se levait derrière la Skyline qui se découpait en ombre chinoise sur la lumière vive. Le cockpit s’assombrit automatiquement afin de tempérer l’éclat, mais Elon n’y prêta aucune attention. Perché à huit kilomètres d’altitude, étourdi de silence et de solitude, il assistait à son premier lever de soleil. Le soleil… Jusqu’ici, il ne l’avait vu qu’en images sur l’écran géant de l’amphithéâtre, quand il apparaissait dans un film ou une photo.

    Carina Rozenfeld, Les sentinelles du futur (2013)

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  • La valise philosophique du mois : Café philo du 27 juin 2025

    Retrouvez notre traditionnelle "Valise philosophique" du mois. Elle est consacrée à la séance du vendredi 27 juin 2025 qui aura pour sujet : "Prendre son temps est-ce le perdre ?" Cette séance aura lieu à la Médiathèque de Montargis.

    Comme pour chaque séance, nous vous avons préparé (colonne de gauche) des documents, textes, extraits de films ou de musiques servant à illustrer et enrichir les débats mensuels.

    Restez attentifs : régulièrement de nouveaux documents viendront alimenter cette rubrique d'ici la séance.

    Photo : Pexels - Caffeine

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  • Rimbaud : Derniers vers

    Oisive jeunesse
    A tout asservie,
    Par délicatesse
    J’ai perdu ma vie.
    Ah ! Que le temps vienne
    Où les coeurs s’éprennent.

    Je me suis dit : laisse,
    Et qu’on ne te voie :
    Et sans la promesse
    De plus hautes joies.
    Que rien ne t’arrête,
    Auguste retraite.

    J’ai tant fait patience
    Qu’à jamais j’oublie ;
    Craintes et souffrances
    Aux cieux sont parties.
    Et la soif malsaine
    Obscurcit mes veines.

    Ainsi la prairie
    A l’oubli livrée,
    Grandie, et fleurie
    D’encens et d’ivraies
    Au bourdon farouche
    De cent sales mouches.

    Ah ! Mille veuvages
    De la si pauvre âme
    Qui n’a que l’image
    De la Notre-Dame !
    Est-ce que l’on prie
    La Vierge Marie ?

    Oisive jeunesse
    A tout asservie,
    Par délicatesse
    J’ai perdu ma vie.
    Ah ! Que le temps vienne
    Où les coeurs s’éprennent !

    Arthur Rimbaud

    Photo : Pexels - Milada Vigerova

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  • Perry : l'art de remettre au lendemain

    CVT_La-Procrastination-Lart-de-remettre-au-lendemain_3339.pngMais, de la procrastination ou du perfectionnisme, lequel est cause de l'autre ?
    A mon avis, c'est le perfectionnisme qui mène à la procrastination...

    Souvent, les procrastinateurs ne savent pas qu'ils sont perfectionnistes pour la bonne raison qu'ils n'ont jamais rien accompli de parfait. Personne ne nous dit jamais que notre travail est parfait et nous-mêmes, nous n'avons pas l'impression qu'il l'est.
    Nous nous imaginons que, pour être perfectionniste, il faut forcément s'acquitter parfaitement d'une tâche.
    Ce raisonnement passe à côté de la logique même du perfectionnisme...

    Qu'est-ce que le perfectionnisme ? Il s'agit moins de produire un travail parfait, ou presque parfait, que de prendre prétexte de travaux en cours pour alimenter ses fantasmes de perfection.

    En quoi le fantasme de perfection est-il propice à la procrastination ? Tout simplement parce qu'il n'est pas si simple de faire les choses à la perfection. (C'est du moins ce que je suppose. Si jamais je parviens un jour à produire quelque chose de parfait, je vous en dirai plus.) J'imagine qu'il faut y passer du temps et que les conditions optimales soient réunies.

    John Perry, La Procrastination: Perry :  l'art de remettre au lendemain (2012)

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  • Bouvier : Plénitude

    9782707179012.jpgEnsuite, j'ai fumé un narghilé en regardant la montagne. À côté d'elle, le poste, le drapeau noir-rouge-vert, le camion chargé d'enfants pathans leur long fusil en travers des épaules, toutes les choses humaines paraissaient frustes, amenuisées, séparées par trop d'espace comme dans ces dessins d'enfants où la proportion n'est pas respectée. La montagne, elle, ne se dépensait pas en gestes inutiles : montait, se reposait, montait encore, avec des assises puissantes, des flancs larges, des parois biseautées comme un joyau. Sur les premières crêtes, les tours des maisons-fortes pathanes luisaient comme frottées d'huile ; de hauts versants couleur chamois s'élevaient derrière elles et se brisaient en cirques d'ombre où les aigles à la dérive disparaissaient en silence. Puis des pans de rocs noirs où les nuages s'accrochaient comme une laine. Au sommet, à vingt kilomètres de mon banc, des plateaux maigres et doux écumaient de soleil. L'air était d'une transparence extraordinaire. La voix portait. J'entendais des cris d'enfants, très haut sur la vieille route des nomades, et de légers éboulis sous le sabot de chèvres invisibles, qui résonnaient dans toute la passe en échos cristallins. J'ai passé une bonne heure immobile, saoulé par ce paysage apollinien. Devant cette prodigieuse enclume de terre et de roc, le monde de l'anecdote était comme aboli. L'étendu de montagne, le ciel clair de décembre, la tiédeur de midi, le grésillement du narghilé et jusqu'aux sous qui sonnaient dans ma poche, devenaient les éléments d'une pièce où j'était venu, à travers bien des obstacles, tenir mon rôle à temps. « Pérennité… transparente évidence du monde… appartenance paisible… » moi non plus, je ne sais comment dire...

    Nicolas Bouvier, L'usage du monde (1963)

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  • Renoir : "La paresse est une valeur humaine qui est en train de disparaître"

    91qQk-ACJbL._AC_UF1000,1000_QL80_.jpgLa paresse est une valeur humaine qui est en train de disparaître.

    C’est fou ce qu’à notre époque les gens peuvent être actifs.

    Que quelques amis se réunissent le dimanche pour un bon déjeuner, à peine la dernière bouchée avalée, il se trouve toujours quelqu’un pour demander : « Alors.. ? Qu’est ce qu’on fait ?… » Une espèce d’angoisse bouleverse ses traits, tant est grand son désir de faire quelque chose ; Et il insiste : « Qu’est ce qu’on fait ? – Mais rien ! », ai-je toujours envie de répondre… Pour l’amour de Dieu, ne faisons rien. Restons un bon après midi sans rien fiche du tout.

    Ça ne suffit donc pas d’être avec de bons amis, de jouer à sentir cet invisible courant qui, dans le silence, règle les cœurs à la même cadence, de regarder le jour décroître sur les toits, sur la rivière, ou plus simplement sur le coin du trottoir ?

    J’exagère sans doute. C’est que j’aime tant la paresse, mais la vraie paresse, consciente, intégrale, que je voudrais bien lui trouver toutes les bonnes vertus.

    Bien sûr elle est comme toutes les bonnes choses, comme le vin, comme l’amour ; il faut la pratiquer avec modération. Mais croyez-moi, la terre ne tournerait pas moins rond si ses habitants avaient le courage de se forcer chaque semaine à rester quelques heures bien tranquilles, sans occupation apparente, à guetter les signaux invisibles et puissants que vous adresse le monde vaste et généreux.

    Jean Renoir (1937)

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  • Kerouac : Sur la route

    818kHs1DhnL.jpgJ’ai rencontré Neal pas très longtemps après la mort de mon père… Je venais de me remettre d’une grave maladie que je ne raconterai pas en détail, sauf à dire qu’elle était liée à la mort de mon père, justement, et à ce sentiment affreux que tout était mort. Avec l’arrivée de Neal a commencé cette partie de ma vie qu’on pourrait appeler ma vie sur la route. Avant, j’avais toujours rêvé d’aller vers l’Ouest, de voir le pays, j’avais toujours fait de vagues projets, mais sans jamais démarrer, quoi, ce qui s’appelle démarrer. Neal, c’est le type idéal, pour la route, parce que lui, il y est né, sur la route, en 1926, pendant que ses parents traversaient Salt Lake City en bagnole pour aller à Los Angeles. La première fois que j’ai entendu parler de lui, c’était par Hal )Chase, qui m’avait montré quelques lettres écrites par lui depuis une maison de correction, dans le Colorado. Ces lettres m’avaient passionné, parce qu’elles demandaient à Hal avec une naïveté attendrissante de tout lui apprendre sur Nietzsche et tous ces trucs intellectuels fabuleux, pour lesquels il était si justement célèbre. À un moment, Allen Ginsberg et moi, on avait parlé de ces lettres, en se demandant si on finirait par faire la connaissance de l’étrange Neal Cassady. Ça remonte loin, à l’époque où Neal n’était pas l’homme qu’il est aujourd’hui, mais un jeune taulard, auréolé de mystère. On a appris qu’il était sorti de sa maison de correction, qu’il débarquait à New York pour la première fois de sa vie ; le bruit courait aussi qu’il avait épousé une fille de seize ans, nommée Louanne. Un jour que je traînais sur le campus de Columbia, Hal et Ed White me disent que Neal vient d’arriver, et qu’il s’est installé chez un gars nommé Bob Malkin, dans une piaule sans eau chaude, à East Harlem, le Harlem hispano. Il était arrivé la veille au soir, et découvrait New York avec Louanne, sa nana, une chouette fille ; ils étaient descendus du Greyhound dans la 50e Rue, et ils avaient cherché un endroit où manger ; c’est comme ça qu’ils s’étaient retrouvés chez Hector, à la cafétéria que Neal considère depuis comme un haut lieu new-yorkais. Ils s’étaient payé un festin de gâteaux et de choux à la crème.

    Jack Kerouac, Sur la route (1957)

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  • La Rochefoucault : La paresse est-elle bonne ou mauvaise ?

    De toutes les passions celle qui est la plus inconnue à nous-mêmes, c'est la paresse ; elle est la plus ardente et la plus maligne de toutes, quoique sa violence soit insensible, et que les dommages qu'elle cause soient très cachés ; si nous considérons attentivement son pouvoir, nous verrons qu'elle se rend en toutes rencontres maîtresse de nos sentiments, de nos intérêts et de nos plaisirs ; c'est la rémore qui a la force d'arrêter les plus grands vaisseaux, c'est une bonace plus dangereuse aux plus importantes affaires que les écueils, et que les plus grandes tempêtes ; le repos de la paresse est un charme secret de l'âme qui suspend soudainement les plus ardentes poursuites et les plus opiniâtres résolutions ; pour donner enfin la véritable idée de cette passion, il faut dire que la paresse est comme une béatitude de l'âme, qui console de toutes ses pertes, et qui lui tient lieu de tous les biens. 

    François de La Rochefoucauld, Maximes et réflexions diverses (1657)

    Photo : Pexels - Kaboompics.com 

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  • Rousseau : La paresse

    Il est inconcevable à quel point l'homme est naturellement paresseux. On dirait qu'il ne vit que pour dormir, végéter, rester immobile; à peine peut-il se résoudre à se donner les mouvements nécessaires pour s'empêcher de mourir de faim. Rien ne maintient tant les sauvages dans l'amour de leur état que cette délicieuse indolence. Les passions qui rendent l'homme inquiet, prévoyant, actif, ne naissent que dans la société. Ne rien faire est la première et la plus forte passion de l'homme après celle de se conserver. Si l'on y regardait bien, l'on verrait que, même parmi nous, c'est pour parvenir au repos que chacun travaille: c'est encore la paresse qui nous rend laborieux.

    Jean-Jacques Rousseau, Essai sur l'origine des langues (1781)

    Photo : Pexels - Kaboompics.com

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  • Proust : "Longtemps, je me suis couché de bonne heure"

    Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « Je m’endors. » Et, une demi-heure après, la pensée qu’il était temps de chercher le sommeil m’éveillait ; je voulais poser le volume que je croyais avoir encore dans les mains et souffler ma lumière ; je n’avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour un peu particulier ; il me semblait que j’étais moi-même ce dont parlait l’ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles Quint. Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon réveil ; elle ne choquait pas ma raison mais pesait comme des écailles sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le bougeoir n’était plus allumé. Puis elle commençait à me devenir inintelligible, comme après la métempsycose les pensées d’une existence antérieure ; le sujet du livre se détachait de moi, j’étais libre de m’y appliquer ou non ; aussitôt je recouvrais la vue et j’étais bien étonné de trouver autour de moi une obscurité, douce et reposante pour mes yeux, mais peut-être plus encore pour mon esprit, à qui elle apparaissait comme une chose sans cause, incompréhensible, comme une chose vraiment obscure. Je me demandais quelle heure il pouvait être ; j’entendais le sifflement des trains qui, plus ou moins éloigné, comme le chant d’un oiseau dans une forêt, relevant les distances, me décrivait l’étendue de la campagne déserte où le voyageur se hâte vers la station prochaine ; et le petit chemin qu’il suit va être gravé dans son souvenir par l’excitation qu’il doit à des lieux nouveaux, à des actes inaccoutumés, à la causerie récente et aux adieux sous la lampe étrangère qui le suivent encore dans le silence de la nuit, à la douceur prochaine du retour.

    Marcel Proust, Du côté de chez Swann (1913)

    Photo : Pexels - Pixabay

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  • Pascal : "Nous ne nous tenons jamais au temps présent"

    Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l'avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé pour l'arrêter comme trop prompt : si imprudents, que nous errons dans les temps qui ne sont point nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient ; et si vains, que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et nous laissons  échapper sans réflexion le seul qui subsiste. C'est que le présent, d'ordinaire, nous blesse. Nous le cachons à notre vue, parce qu'il nous afflige ; et, s'il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l'avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance pour un temps où nous n'avons aucune assurance d'arriver.

    Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l'avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir. Le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais.

    Blaise Pascal, Pensées (+ 1662)

    Photo : Pexels - Pixabay

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  • Jouary : L'art de prendre son temps...

    51ZC7C6196L._SX195_.jpgAinsi, contradictoirement, le mouvement n'est rationnellement compris comme rapport espace-temps qu'en perdant en chemin sa dimention proprement temporelle. Alors que Platon séparait le sensible temporel et l'éternité des Idées, Galilée ne les réconcilie qu'en niant la temporalité dans le sensible lui-même.

    En ce sens, je dirais que la conception galiléenne est cohérente, mais que cette cohérence s'organise tout entière autour d'une contradiction antagonique, puisque la réconciliation de l'essence et de l'apparence se réalise au détriment du temps et de la qualité - c'est à dire de la matière. Or, l'essentiel de la philosophie classique s'enracine dans cette révolution contradictoire, qu'Ilya Prigogine caractérise comme un "idéal d'éternité"...

    L'idée que je propose, c'est que la philosophie politique classique s'est structurée aussi autour de cette contradiction - dont il n'est d'ailleurs nullement certain que nous soyons encore affranchis. 

    Jean-Paul Jouary, L'art de prendre son temps : Essai de philosophie politique (1994)

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  • Toussaint : "L'urgence de la patience"

    J’ai toujours remarquablement bien travaillé mentalement, il est vrai, me laissant peu à peu imprégner par le livre que je projetais d’écrire en suivant simplement le fil de mes pensées, tandis que, sans que j’agisse le moins du monde pour en perturber le cours affluaient tout doucement dans mon esprit une multitude d’impressions et de rêveries, de structures et d’idées souvent inachevées, éparses, inaccomplies mais en gestation ou déjà abouties, d’intuitions et de bribes, de douleurs et d’émois auxquels il ne me restait plus qu’à donner leur forme définitive (…) Et je songeais que, finalement dans la perspective même d’écrire, ne pas écrire est au moins aussi important qu’écrire.

    Jean-Philippe Toussaint, L'urgence de la patience (2012)

    Photo : Pexels - Pixabay

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  • Bachelard : Vérités et sciences

    Si l'on pose maintenant le problème de la nouveauté scientifique sur le plan plus proprement psychologique, on ne peut manquer de voir que cette allure révolutionnaire de la science contemporaine doit réagir profondément sur la structure de l'esprit. L'esprit a une structure variable dés l'instant où la connaissance a une histoire. En effet, l'histoire humaine peut bien, dans ses passions, dans ses préjugés, dans tout ce qui relève des impulsions immédiates, être un éternel recommencement ; mais il y a des pensées qui ne recommencent pas ; ce sont les pensées qui ont été rectifiées, élargies, complétées. Elles ne retournent pas à leur aire restreinte ou chancelante. Or l'esprit scientifique est essentiellement une rectification du savoir, un élargissement des cadres de la connaissance. Il juge son passé historique en le condamnant. Sa structure est la conscience de ses fautes historiques. Scientifiquement, on pense le vrai comme rectification historique d'une longue erreur, on pense l'expérience comme rectification de l'illusion commune et première.

    Gaston Bachelard, Le nouvel esprit scientifique (1934)

    Photo : Pexels

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  • Rousseau : Vérité, ignorance et partialité

    Il s'en faut bien que les faits décrits dans l'histoire ne soient la peinture exacte des mêmes faits tels qu'ils sont arrivés. Ils changent de forme dans la tête de l'historien, ils se moulent sur ses intérêts, ils prennent la teinte de ses préjugés. Qui est-ce qui sait mettre exactement le lecteur au lieu de la scène pour voir un événement tel qu'il s'est passé ? L'ignorance ou la partialité déguisent tout. Sans altérer même un trait historique, en étendant ou resserrant des circonstances qui s'y rapportent, que de faces différentes on peut lui donner ! Mettez un même objet à divers points de vue, à peine paraîtra-t-il le même, et pourtant rien n'aura changé que l'œil du spectateur. Suffit-il pour l'honneur de la vérité de me dire un fait véritable, en me le faisant voir tout autrement qu'il n'est arrivé ? Combien de fois un arbre de plus ou de moins, un rocher à droite ou à gauche, un tourbillon de poussière élevé par le vent ont décidé de l'événement d'un combat sans que personne s'en soit aperçu ?... Or que m'importent les faits en eux-mêmes, quand la raison m'en reste inconnue, et quelles leçons puis-je tirer d'un événement dont j'ignore la vraie cause ?... La critique elle-même, dont on fait tant de bruit, n'est qu'un art de conjecturer, l'art de choisir entre plusieurs mensonges celui qui ressemble le mieux à la vérité.

    Jean-Jacques Rousseau, L'Émile (1762)

    Photo : Pexels

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  • Popper : Science et vérité

    Nous pouvons si nous le voulons distinguer quatre étapes différentes au cours desquelles pourrait être réalisée la mise à l'épreuve d'une théorie. Il y a, tout d'abord, la comparaison logique des conclusions entre elles par laquelle on éprouve la cohérence interne du système. En deuxième lieu s'effectue la recherche de la forme logique de la théorie, qui a pour objet de déterminer si elle constituerait un progrès scientifique au cas où elle survivrait à nos divers tests. Enfin, la théorie est mise à l'épreuve en procédant à des applications empiriques des conclusions qui peuvent en être tirées.
    Le but de cette dernière espèce de test est de découvrir jusqu'à quel point les conséquences nouvelles de la théorie - quelle que puisse être la nouveauté de ses assertions - font face aux exigences de la pratique, surgies d'expérimentations purement scientifiques ou d'applications techniques concrètes. Ici, encore, la procédure consistant à mettre à l'épreuve est déductive. A l'aide d'autres énoncés préalablement acceptés, l'on déduit de la théorie certains énoncés singuliers que nous pouvons appeler « prédictions » et en particulier des prévisions que nous pouvons facilement contrôler ou réaliser. Parmi ces énoncés l'on choisit ceux qui sont en contradiction avec elle. Nous essayons ensuite de prendre une décision en faveur (ou à l'encontre) de ces énoncés déduits en les comparant aux résultats des applications pratiques et des expérimentations.

    Si cette décision est positive, c'est-à-dire si les conclusions singulières se révèlent acceptables, ou vérifiées, la théorie a provisoirement réussi son test : nous n'avons pas trouvé de raisons de l'écarter. Mais si la décision est négative ou, en d'autres termes, si, les conclusions ont été falsifiées, cette falsification falsifie également la théorie dont elle était logiquement déduite. Il faudrait noter ici qu'une décision ne peut soutenir la théorie que pour un temps car des décisions négatives peuvent toujours l'éliminer ultérieurement. Tant qu'une théorie résiste à des tests systématiques et rigoureux et qu'une autre ne la remplace pas avantageusement dans le cours de la progression scientifique, nous pouvons dire que cette théorie a « fait ses preuves » ou qu'elle est "corroborée".

    Karl Popper, La Logique de la découverte scientifique (1934)

    Photo : Pexels - Chokniti Khongchum

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  • Leibniz : Les vérités particulières ou individuelles

    Les sens, quoique nécessaires pour toutes nos connaissances actuelles, ne sont point suffisants pour nous les donner toutes, puisque les sens ne donnent jamais que des exemples, c'est-à-dire des vérités particulières ou individuelles. Or tous les exemples qui confirment une vérité générale, de quelque nombre qu'ils soient, ne suffisent pas pour établir la nécessité universelle de cette même vérité, car il ne suit pas que ce qui est arrivé arrivera toujours de même. Par exemple les Grecs et Romains et tous les autres peuples de la terre ont toujours remarqué qu'avant le décours de 24 heures, le jour se change en nuit, et la nuit en jour. Mais on se serait trompé, si l'on avait cru que la même règle s'observe partout, puisqu'on a vu le contraire dans le séjour de Nova Zembla. Et  celui-là se tromperait encore qui croirait que c'est dans nos climats au moins une vérité nécessaire et éternelle, puisqu'on doit juger que la terre et le soleil même n'existent pas nécessairement, et qu'il y aura un temps où ce bel astre ne sera plus, au moins dans sa présente forme, ni tout son système. D'où il paraît que les vérités nécessaires, telles qu'on les trouve dans les mathématiques pures  et particulièrement dans l'arithmétique et dans la géométrie, doivent avoir des principes qui ne dépendent point des exemples, ni par conséquent du témoignage des sens ; quoique sans les sens on ne se serait jamais avisé d'y penser. C'est ce qu'il faut bien distinguer, et c'est ce qu'Euclide a si bien compris, qu'il démontre souvent par la raison ce qui se voit assez par l'expérience et par les images sensibles.

    Gottfried Wilhelm Leibniz, Nouveaux Essais sur l'entendement humain (1765)

    Photo : Pexels - RDNE Stock project

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  • Ils ont dit, au sujet de la vérité...

    "Ce que l'homme appelle vérité, c'est toujours sa vérité, c'est-à-dire l'aspect sous lequel les choses lui apparaissent." [Protagoras]

    "Le langage de la vérité est simple." [Sénèque]

    "En doutant, on atteint la vérité." [Cicéron]

    "Le temps est père de vérité." [François Rabelais]

    "La vérité est si obscurcie en ces temps et le mensonge si établi, qu’à moins d’aimer la vérité, on ne saurait la reconnaître." [Blaise Pascal]

    "Le contraire de la vérité est la fausseté : quand elle est tenue pour vérité, elle se nomme erreur." [Emmanuel Kant]

    "Cette vieille erreur, qu'il n'y a de parfaitement vrai que ce qui est prouvé, et que toute vérité repose sur une preuve, quand, au contraire, toute preuve s'appuie sur une vérité indémontrée." [Arthur Schopenhauer]

    "La science a-t-elle promis le bonheur ? Je ne le crois pas. Elle a promis la vérité, et la question est de savoir si l’on fera jamais du bonheur avec de la vérité." 
    [Émile Zola]

    "La vie a besoin d'illusions, c'est-à-dire de non-vérités tenues pour des vérités." [Friedrich Nietzsche]

    "Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les sacrés mensonges et les statistiques." [Mark Twain]

    "Un mensonge peut faire le tour de la terre, le temps que la vérité mette ses chaussures." [Mark Twain]

    "Il y a quelque impiété à faire marcher de concert la vérité immuable, absolue, et cette sorte de vérité imparfaite et provisoire qu'on appelle la science." [Anatole France]

    "Il faut aimer la vérité plus que soi-même et les autres plus que la vérité." [Romain Rolland]

    "Il ne faut pas partager le monde entre les gens qui mentent et ceux à qui l’on dit la vérité, mais entre ceux à qui l’on dit la vérité et ceux à qui l’on est obligé de mentir." [Tristan Bernard]

    "Il n'est pas de tyran au monde qui aime la vérité ; la vérité n'obéit pas." [Alain]

    "« Chacun sa vérité » est une formule juste car chacun se définit par la vérité vivante qu'il dévoile." [Jean-Paul Sartre]

    "Je dis toujours la vérité : pas toute, parce que toute la dire, on n'y arrive pas... Les mots y manquent... C'est même par cet impossible que la vérité tient au réel." [Jacques Lacan]

    "Jamais la psychologie ne pourra dire sur la folie la vérité, puisque c'est la folie qui détient la vérité de la psychologie." [Michel Foucault]

    "La philosophie n’est pas la recherche du bonheur qui serait possession de la Vérité, car posséder la Vérité est impossible." [Marcel Conche]

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