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  • Iris Brey : Le female gaze

    Le-Regard-feminin.jpgIl existe un regard féminin, ou female gaze, un regard qui nous fait ressentir l’expérience d’un corps féminin à l’écran. Ce n’est pas un regard créé par des artistes femmes, c’est un regard qui adopte le point de vue d’un personnage féminin pour épouser son expérience. Pour le faire émerger, les cinéastes ont dû tordre le corps de la caméra, inventer et réinventer une forme filmique afin de s’approcher au plus près de l’expérience des femmes. D’Alice Guy, qui utilise pour la première fois le gros plan au cinéma à des fins dramatiques dans Madame a des envies en 1906, à Phoebe Waller-Bridge, qui utilise le regard caméra pour créer non plus une distanciation mais un lien entre l’héroïne et les spectateur.trice.s (Fleabag, 2016), le regard féminin est là, sous nos yeux.

    Pourtant, même si de nombreuses œuvres privilégient cette perspective depuis les débuts du cinéma, le regard féminin semble avoir été relégué à une culture souterraine, invisible. Dès lors, il s’est doté d’une autre puissance, d’une autre aura, celle des œuvres secrètes qui existent dans un murmure, dans les soupirs de celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans le cinéma dominant. Un régime d’images qui appellent à désirer autrement, à explorer nos corps, à laisser nos expériences nous bouleverser. Des images qu’il faut aujourd’hui nommer et définir.

    Iris Brey, Le regard féminin : Une révolution à l'écran (2020)

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  • "Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles"

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  • Gosling : L'art du féminisme

    En manifestant contre miss Monde, la libération des femmes a frappé un grand coup.... face à la manière dont sont perçues lesfemmes d'un point de vue purement physique et la place qu'on leur alloue au sein de la société. Mais avant tout ce fut un coup porté à la passivité, pas uniquement la passivité contrainte les filles sur scène, mais celle que nous ressentions toutes en nous même.

    Lucinda Gosling, L'art du féminisme (2019)

    Photo : Pexels - Karla Fajardo

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  • Harmange : "Moi les hommes, je les déteste"

    Si la misandrie est la caractéristique de qui déteste les hommes, et la misogynie celle de qui déteste les femmes, il faut bien admettre qu'en réalité, ces deux concepts ne sont pas égaux, que ce soit en termes de dangerosité pour leurs cibles ou de moyens utilisés pour s'exprimer. On rappelle que les misogynes usent d'armes allant du harcèlement en ligne jusqu'à l'attentat, comme celui de l'Ecole Polytechnique de Montréal en 1989, dont il n'y a à ce jour pas d'équivalent misandre. On ne peut pas comparer misandrie et misogynie, tout simplement parce que la première n'existe qu'en réaction à la seconde.

    Pauline Harmange, Moi les hommes, je les déteste (2022)

    Photo : Pexels -  Pittrom

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  • Camille Froidevaux-Metterie : Un corps à soi

    Il y a d'abord la neutralité blanche de la toile sur laquelle toutes les formes sont possibles. Le moment de la sexuation ne serait pas celui d'une assignation mais celui d'une autodétermination : chaque personne devrait pouvoir choisir librement les caractéristiques sexuées et genrées par lesquelles elle se présente aux autres et au monde. Non pas que cette liberté soit imposée, en un retournement ironique de la normativité dominante, mais dans la mesure où chacun.e disposerait du temps nécessaire à une entrée sereine dans son genre et où les phases d'exploration des possibilités genrées seraient acceptées et même encouragées.

    Il y a ensuite les couleurs froides de l'indifférence à la question des dimensions incarnées de l'existence. Dans tous les aspects de la vie sociale, les caractéristiques physiques et sexuées seraient aussi anodines les unes que les autres. Chercher un emploi, faire du sport, fonder une famille, quel que soit le domaine concerné, les individus auraient droit à l'indifférence corporelle. L'apparence ne serait pas plus importante que la météo du jour. Les traces laissées par le temps sur les visages, pas plus déterminantes que la couleur des vêtements. La masse du corps ou la couleur de la peau, pas plus cruciales que la forme du sourire ou la longueur des cheveux.

    Il y a enfin les couleurs chaudes de l'indétermination et du changement, qui nous indiquent que tous les corps sont éminemment fluides et changeants. Les expressions genrées de soi pourraient varier en fonction de l'humeur et des projets. Les manifestations esthétiques de la représentation de soi seraient conçues dans leur indépassable variété et débarrassées du poids des prescriptions patriarcalo-libérales. Nous serions tou.te.s laissé.e.s libres d'exprimer notre singularité sexuée, et valorisé.e.s dans la diversité des expériences de soi.

    L'objectif visé me semble pouvoir être ramassé dans la formule de l'autonomie corporelle.

    Camille Froidevaux-Metterie, Un corps à soi (2021)

    Photo - Pexels - Céline

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  • Rousseau : Désir et imagination

    Tant qu’on désire on peut se passer d’être heureux ; on s’attend à le devenir : si le bonheur ne vient point, l’espoir se prolonge, et le charme de l’illusion dure autant que la passion qui le cause. Ainsi cet état se suffit à lui-même, et l’inquiétude qu’il donne est une espèce de jouissance qui supplée à la réalité, qui vaut mieux peut-être. Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère, et l’on est heureux qu’avant d’être heureux. En effet, l’homme avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu’il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l’objet même ; rien n’embellit plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu’on voit ; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède, l’illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité et tel est le néant des choses humaines, qu’hors l’Être existant par lui-même, il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas.

    Jean-Jacques Rousseau, La Nouvelle Héloïse (1761)

    Photo : Pexels - Cavalier du loup YURTSEVEN

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  • "Les Amants d'un Jour"

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  • Ils ont dit, au sujet du désir

    "Dieu collabore avec tout homme animé d'un désir ardent." [Eschyle]

    "Pour bien vivre, il faut laisser prendre à ses passions tout l'accroissement possible" [Platon]

    "Jamais nous ne posséderons en suffisance l'objet de notre désir" [Platon]

    "Ceux qui désirent le moins de choses sont les plus près des dieux." [Aristote]

    "Le désir est l’appétit de l’agréable." [Aristote]

    "Ce n'est pas par la satisfaction du désir que s'obtient la liberté, mais par la destruction du désir." [Épictète]

    "Quel que soit le bonheur qu'il y a dans le monde, il provient du désir de bonheur pour les autres. Quelle que soit la souffrance qu'il y a dans le monde, elle provient du désir de bonheur pour soi-même." [Sénèque]

    "Il faut changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde" [René Descartes"

    "Le désir qui naît de la joie est plus fort que le désir qui naît de la tristesse." [Baruch Spinoza]

    "Nous ne désirons aucune chose parce que nous la trouvons bonne mais, au contraire, nous jugeons qu’une chose est bonne parce que nous la désirons." [Baruch Spinoza]

    "Les hommes sont conduits plutôt par le désir aveugle que par la raison." [Baruch Spinoza]

    "Entre l'appétit et le désir il n'existe aucune différence"  [Baruch Spinoza]

    "Et le désir s'accroît quand l'effet se recule." [Pierre Corneille]

    "Nous ne désirerions guère de choses avec ardeur, si nous connaissions parfaitement ce que nous désirons." [François de La Rochefoucauld]

    "On dit que le désir naît de la volonté, c'est le contraire, c'est du désir que naît la volonté. Le désir est fils de l'organisation." [Denis Diderot]

    "Ceux qui répriment leur désir, sont ceux dont le désir est faible assez pour être réprimé." [William Blake]

    "Ce n'est pas dans la jouissance que consiste le bonheur, c'est dans le désir, c'est à briser les freins qu'oppose à ce désir." [Marquis de Sade]

    "Le désir sexuel — spécialement quand, se fixant sur une femme déterminée, il se concentre en amour — est la quintessence de toute la duperie de ce noble monde." [Arthur Schopenhauer]

    "On en vient à aimer son désir et non plus l'objet de son désir." [Friedrich Nietzsche]

    "Le désir est signe de guérison ou d'amélioration." [Friedrich Nietzsche]

    "Il y a deux manières d'être malheureux : ou désirer ce que l'on a pas, ou posséder ce que l'on désirait." [Pierre Louÿs]

    "Nous n'arrivons pas à changer les choses suivant notre désir, mais peu à peu notre désir change.” [Marcel Proust]

    "Le désir est, à ce que je crois, un très petit personnage…" [Alain] 

    "Le rêve est la satisfaction d’un désir." [Sigmund Freud]

    "Un jour vient où vous manque une seule chose et ce n'est pas l'objet de votre désir, c'est le désir." [Marcel Jouhandeau]

    "L'homme est une création du désir, non pas une création du besoin." [Gaston Bachelard]

    "La séduction est de l'ordre du rituel, le sexe et le désir de l'ordre du naturel." [Jean Baudrillard]

    "Le désir est une conduite d'envoûtement." [Jean-Paul Sartre]

    "Le désir est désir de l’Autre." [Jacques Lacan]

    "Le désir est inextinguible." [Jacques Lacan]

    "Le désir possède une persistance indestructible." [Jacques Lacan]

    "Tout se réduit en somme au désir et à l’absence de désir. Le reste est nuance." [Emil Michel Cioran]

    "L'intérêt peut être trompé, méconnu ou trahi, mais pas le désir." [Gilles Deleuze] 

    "Les spectateurs ne trouvent pas ce qu'ils désirent, ils désirent ce qu'ils trouvent." [Guy Debord]

    "Le désir n'a jamais fait la preuve de l'existence de l'objet du désir." [Françoise Giroud]

    "L'érotisme n'est pas seulement désir du corps, mais, dans une égale mesure, désir d'honneur. Un partenaire que nous avons eu, qui tient à nous et qui nous aime, devient notre miroir, il est la mesure de notre importance et de notre mérite." [Milan Kundera]

    Photo : Pexels - Ivan-Samkov

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  • Schopenhauer : "Tout désir naît d’un manque"

    Tout désir naît d’un manque, d’un état qui ne nous satisfait pas ; donc il est souffrance, tant qu’il n’est pas satisfait. Or, nulle satisfaction n’est de durée ; elle n’est que le point de départ d’un désir nouveau. Nous voyons le désir partout arrêté, partout en lutte, donc toujours à l’état de souffrance ; pas de terme dernier à l’effort ; donc pas de mesure, pas de terme à la souffrance […] Mais que la volonté vienne à manquer d’objet, qu’une prompte satisfaction vienne à lui enlever tout motif de désirer, et les voilà tombés dans un vide épouvantable, dans l’ennui ; leur nature, leur existence, leur pèse d’un poids intolérable. La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui ; ce sont là les deux éléments dont elle est faite, en somme.

    Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation (1818)

    Photo : Pexels - Alax Matias

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  • Platon : Le désir est un manque

    SOCRATE : Tout ce que je veux savoir, c’est si Eros éprouve ou non le désir de ce dont il est amour.
      AGATHON : Assurément, il en éprouve le désir.
      – Est-ce le fait de posséder ce qu’il désire et ce qu’il aime qui fait qu’il le désire et qu’il l’aime, ou le fait de ne pas le posséder ?
      – Le fait de ne pas le posséder, cela du moins est vraisemblable.
      – Examine donc si au lieu d’une vraisemblance il ne s’agit pas d’une nécessité : il y a désir de ce qui manque, et il n’y a pas désir de ce qui ne manque pas ? Il me semble à moi, Agathon, que cela est une nécessité qui crève les yeux ; que t’en semble-t-il ?
      – C’est bien ce qu’il me semble.
      – Tu dis vrai. Est-ce qu’un homme qui est grand souhaiterait être grand, est-ce qu’un homme qui est fort souhaiterait être fort ?
      – C’est impossible, suivant ce que nous venons d’admettre.
      – Cet homme ne saurait manquer de ces qualités, puisqu’il les possède.
      – Tu dis vrai.
      – Supposons en effet qu’un homme qui est fort souhaite être fort, qu’un homme qui est rapide souhaite être rapide, qu’un homme qui est en bonne santé souhaite être en bonne santé, car quelqu’un estimerait peut-être que, en ce qui concerne ces qualités et toutes celles qui ressortissent au même genre, les hommes qui sont tels et qui possèdent ces qualités, désirent encore les qualités qu’ils possèdent. C’est pour éviter de tomber dans cette erreur que je m’exprime comme je le fais. Si tu considères, Agathon, le cas de ces gens-là, il est forcé qu’ils possèdent présentement les qualités qu’ils possèdent, qu’ils le souhaitent ou non. En tout cas, on ne saurait désirer ce que précisément on possède. Mais supposons que quelqu’un nous dise : « Moi, qui suis en bonne santé, je n’en souhaite pas moins être en bonne santé, moi, qui suis riche, je n’en souhaite pas moins être riche ; cela même que je possède, je ne désire pas moins le posséder. » Nous lui ferions cette réponse : « Toi, bonhomme, qui es doté de richesse, de santé et de force, c’est pour l’avenir que tu souhaites en être doté, puisque, présentement en tout cas, bon gré mal gré, tu possèdes tout cela. Ainsi, lorsque tu dis éprouver le désir de ce que tu possèdes à présent, demande-toi si ces mots ne veulent pas tout simplement dire ceci : « Ce que j’ai à présent, je souhaite aussi l’avoir dans l’avenir. » » Il en conviendrait, n’est-ce pas ? […] Dans ces conditions, aimer ce dont on n’est pas encore pourvu et qu’on ne possède pas, n’est-ce pas souhaiter que, dans l’avenir, ces choses-là nous soient conservées et nous restent présentes ?
      – Assurément.
      – Aussi l’homme qui est dans ce cas, et quiconque éprouve le désir de quelque chose, désire ce dont il ne dispose pas et ce qui n’est pas présent ; et ce qu’il n’a pas, ce qu’il n’est pas lui-même, ce dont il manque, tel est le genre de choses vers quoi vont son désir et son amour.

    Platon, Le Banquet (Ve s. av. JC)

    Photo : Pexels - Thirdman

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  • La valise philosophique du mois : Café philo du 28 février 2025

    Retrouvez notre traditionnelle "Valise philosophique" du mois. Elle est consacrée à la séance du vendredi 28 février  2025 qui aura pour sujet : "Peut-on être maître de ses désirs ?" Cette séance aura lieu à la Médiathèque de Montargis.

    Comme pour chaque séance, nous vous avons préparé (colonne de gauche) des documents, textes, extraits de films ou de musiques servant à illustrer et enrichir les débats mensuels.

    Restez attentifs : régulièrement de nouveaux documents viendront alimenter cette rubrique d'ici la séance.

    Photo : Pexels - Caffeine

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  • Sade : Du libertinage

    CVT_La-philosophie-dans-le-boudoir_3234.pngL'imagination ne nous sert que quand notre esprit est absolument dégagé de préjugés : un seul suffit à la refroidir. Cette capricieuse portion de notre esprit est d'un libertinage que rien ne peut contenir ; son plus grand triomphe, ses délices les plus éminentes consistent à briser tous les freins qu'on lui oppose ; elle est ennemie de la règle, idolâtre du désordre et de tout ce qui porte les couleurs du crime.

    Marquis de Sade, La philosophie dans le boudoir (1795)

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  • S. Augustin : Le désir est vain

    Je vins à Carthage et de tous côtés j'entendais bouillonner la chaudière des amours infâmes. Je n'aimais pas encore mais j'aimais l'amour et par une indigence secrète je m'en voulais de n'être pas assez indigent. Aimant l'amour, je cherchais un objet à mon amour ; je haïssais la sécurité, la voie sans pièges, parce qu'au fond de moi j'avais faim : je manquais de la nourriture intérieure, de toi-même, mon Dieu, mais ce n'est pas de cette faim-là que je me sentais affamé ; je n'avais pas d'appétit pour les aliments incorruptibles, non que j'en fusse rassasié : plus j'en manquais, plus j'en étais dégoûté. Et mon âme était malade ; rongée d'ulcères, elle se jetait hors d'elle-même, misérablement avide de se gratter contre le sensible. Mais le sensible, certes, on ne l'aimerait pas s'il était inanimé.

    Aimer et être aimé m'était encore plus doux si je trouvais en outre jouir du corps de l'être aimé. Je souillais donc la source de l'amitié des ordures de la concupiscence et je voilais sa blancheur du nuage infernal de la convoitise. Et pourtant, dans l'excès de ma vanité, tout hideux et infâme que j'étais, je me piquais d'urbanité distinguée. Je me jetai ainsi dans l'amour où je désirais être pris. Mon Dieu, ô ma miséricorde, de quel fiel ta bonté a-t-elle assaisonné ce miel ! Je fus aimé. Je parvins en secret aux liens de la jouissance, je m'emmêlais avec joie dans un réseau d'angoisses pour être bientôt fouetté des verges brûlantes de la jalousie, des soupçons, des craintes, des colères et des querelles.

    Saint Augustin, Confessions (IVe s. ap. JC)

    Photo : Pexels - Maary Loura

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  • Spinoza : "Entre l'appétit et le désir il n'existe aucune différence"

    Toute chose s'efforce - autant qu'il est en son pouvoir - de persévérer dans son être. L'effort par lequel toute chose s'efforce de persévérer dans son être n'est rien d'autre que l'essence actuelle de cette chose. Cet effort, en tant qu'il a rapport à l'âme seule, s'appelle : Volonté. Mais lorsqu'il a rapport en même temps à l'Âme et au Corps, il se nomme : Appétit. L'appétit, par conséquence, n'est pas autre chose que l'essence même de l'homme, de la nature de laquelle les choses qui servent à sa propre conservation résultent nécessairement ; et par conséquent, ces mêmes choses, l'homme est déterminé à les accomplir.

    En outre, entre l'appétit et le désir il n'existe aucune différence, sauf que le désir s'applique, la plupart du temps, aux hommes lorsqu'ils ont conscience de leur appétit et, par suite, le désir peut être ainsi défini : « Le désir est un appétit dont on a conscience. » Il est donc constant, en vertu des théorèmes qui précèdent, que nous ne nous efforçons pas de faire une chose, que nous ne voulons pas une chose, que nous n'avons non plus l'appétit ni le désir de quelque chose parce que nous jugeons que cette chose est bonne ; mais qu'au contraire nous jugeons qu'une chose est bonne parce que nous nous efforçons vers elle, que nous la voulons, que nous en avons l'appétit et le désir.

    Baruch Spinoza, Éthique (1675)

    Photo : Pexels - Polina Tankilevitch

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  • Descartes : Au sujet de l'excès des passions

    Pour les remèdes contre les excès des passions, j'avoue bien qu'ils sont difficiles à pratiquer, et même qu'ils ne peuvent suffire pour empêcher les désordres qui arrivent dans le corps, mais seulement pour faire que l'âme ne soit point troublée, et qu'elle puisse retenir son jugement libre. A quoi je ne juge pas qu'il soit besoin d'avoir une connaissance exacte de la vérité de chaque chose, ni même d'avoir prévu en particulier tous les accidents qui peuvent survenir, ce qui serait sans doute impossible ; mais c'est assez d'en avoir imaginé en général de plus fâcheux que ne sont ceux qui arrivent, et de s'être préparé à les soutenir. Je ne crois pas aussi qu'on pèche guère par excès en désirant les choses nécessaires à la vie ; ce n'est que des mauvaises ou superflues que les désirs ont besoin d'être réglés. Car ceux qui ne tendent qu'au bien sont, ce me semble, d'autant meilleurs qu'ils sont plus grands ; et quoique j'aie voulu flatter mon défaut, en mettant une je ne sais quelle langueur entre les passions excusables, j'estime néanmoins beaucoup plus la diligence de ceux qui se portent toujours avec ardeur à faire les choses qu'ils croient être en quelque façon de leur devoir, encore qu'ils n'en espèrent pas beaucoup de fruit.

    René Descartes, Lettre à Élisabeth (mai 1646)

    Photo : Pexels Ron Lach

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  • Stanculescu : "L'éblouissement des petites filles"

    CVT_Leblouissement-des-petites-filles_9502.pngCe regard qu’il pose sur moi… Quelle douceur, quelle gentillesse dans son visage, c’est la douceur des forts, la gentillesse des forts. Ce visage près de moi, cette voix qui ne s’adresse qu’à moi, je pourrais rester là jusqu’à la fin de ma vie sans jamais avoir envie de partir, sans jamais avoir envie de voir un autre visage, d’entendre une autre voix, de respirer une autre odeur. Je ne me suis jamais sentie autant à ma place qu’en sa présence. Dès qu’il est là c’est l’univers entier qui se met en ordre, en équilibre. Je ne veux jamais le quitter.

    Timothée Stanculescu, L'éblouissement des petites filles (2021)

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  • Platon : "Pour bien vivre, il faut laisser prendre à ses passions tout l'accroissement possible"

    CALLICLES - Voici ce qui est beau et juste suivant la nature, je te le dis en toute franchise, c'est que pour bien vivre, il faut laisser prendre à ses passions tout l'accroissement possible, au lieu de les réprimer, et, quand elles ont atteint toute leur force, être capable de leur donner satisfaction par son courage et son intelligence et de remplir tous ses désirs à mesure qu'ils éclosent.

    Mais cela n'est pas, je suppose, la portée du vulgaire. De là vient qu'il décrie les gens qui en sont capables, parce qu'il a honte de lui-même et veut cacher sa propre impuissance. Il dit que l'intempérance est une chose laide, essayant par là d'asservir ceux qui sont mieux doués par la nature, et ne pouvant lui même fournir à ses passions de quoi les contenter, il fait l'éloge de la tempérance et de la justice à cause de sa propre lâcheté...

    La vérité que tu prétends chercher, Socrate, la voici : le luxe, l'incontinence et la liberté, quand ils sont soutenus par la force, constituent la vertu et le bonheur ; le reste, toutes ces belles idées, ces conventions contraires à la nature, ne sont que niaiseries et néant.

    Platon, Gorgias (Ve s. av. JC)

    Photo : Pexels - Polina Tankilevitch

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  • Platon : "Jamais nous ne posséderons en suffisance l'objet de notre désir"

    Aussi longtemps que nous aurons notre corps et que notre âme sera pétrie avec cette chose mauvaise, jamais nous ne posséderons en suffisance l'objet de notre désir. Or cet objet, c'est disons-nous, la vérité. Et non seulement mille et mille tracas nous sont en effet suscités par le corps à l'occasion des nécessités de la vie ; mais, des maladies surviennent-elles, voilà pour nous de nouvelles entraves dans notre chasse au réel ! Amours, désirs, craintes, imaginations de toute sorte, innombrables sornettes, il nous en remplit si bien, que par lui (oui, c'est vraiment le mot connu) ne nous vient même, réellement, aucune pensée de bon sens ; non, pas une fois ! Voyez plutôt : les guerres, les dissensions, la bataille, il n'y a pour les susciter que le corps et ses convoitises ; la possession des biens, voilà en effet la cause originelle de toutes les guerres, et, si nous sommes poussés à nous procurer des biens, c'est à cause du corps, esclaves attachés à son service ! Par sa faute encore, nous mettons de la paresse à philosopher à cause de tout cela.

    Mais ce qui est le comble, c'est que, sommes-nous arrivés enfin à avoir de son côté quelque tranquillité, pour nous tourner alors vers un objet quelconque de réflexion, nos recherches sont à nouveau bousculées en tous sens par cet intrus qui nous assourdit, nous trouble et nous démonte, au point de nous rendre incapables de distinguer le vrai. Inversement, nous avons eu réellement la preuve que, si nous devons jamais savoir purement quelque chose, il nous faudra nous séparer de lui et regarder avec l'âme en elle-même les choses en elles-mêmes. C'est alors, à ce qu'il semble, que nous appartiendra ce dont nous nous déclarons amoureux : la pensée ; oui, alors que nous aurons trépassé, ainsi que le signifie l'argument, et non point durant notre vie !

    Platon, Phédon (Ve s. av. JC)

    Photo : Pexels - Mikhail Nilov

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