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=>Saison. 16

  • "La raison avant la passion"

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  • Pascal : La raison et le coeur

    Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur, c’est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes et c’est en vain que le raisonnement, qui n’y a point de part, essaie de les combattre. Les pyrrhoniens, qui n’ont que cela pour objet, y travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons point, quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison ; cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l’incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le prétendent. Car la connaissance des premiers principes, comme qu’il y a espace, temps, mouvement, nombres, est aussi ferme qu’aucune de celles que nos raisonnements nous donnent et c’est sur ces connaissances du cœur et de l’instinct qu’il faut que la raison s’appuie et qu’elle y fonde tout son discours - Le cœur sent qu’il y a trois dimensions dans l’espace et que les nombres sont infinis et la raison démontre ensuite qu’il n’y a point deux nombres carrés dont l’un soit double de l’autre. Les principes se sentent, les propositions se concluent et le tout avec certitude quoique par différentes voies - et il est aussi inutile et aussi ridicule que la raison demande au cœur des preuves de ses premiers principes pour vouloir y consentir, qu’il serait ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu’elle démontre pour vouloir les recevoir. Cette impuissance ne doit donc servir qu’à humilier la raison, qui voudrait juger de tout, mais non pas à combattre notre certitude, comme s’il n’y avait que la raison capable de nous instruire ; plût à Dieu que nous n’en eussions au contraire jamais besoin et que nous connaissions toutes choses par instinct et par sentiment, mais la nature nous a refusé ce bien ; elle ne nous a au contraire donné que très peu de connaissances de cette sorte, toutes les autres ne peuvent être acquises que par raisonnement. Et c’est pourquoi ceux à qui Dieu a donné la religion par sentiment du cœur sont bien heureux et bien légitimement persuadés, mais ceux qui ne l’ont pas, nous ne pouvons la donner que par raisonnement en attendant que Dieu la leur donne par sentiment de cœur, sans quoi la foi n’est qu’humaine et inutile pour le salut.

    Blaise Pascal, Pensées (1670)

    Photo : Pexels - Anastasiya Badun

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  • Dumas : Kean

    kean-alexandre-dumas-jean-paul-sartre-theatre-de-l-oeuvre-credit-lot-affiche.jpgKEAN - Oui, je suis roi, c’est vrai… trois fois par semaine à peu près, roi avec un sceptre de bois doré, des diamants de strass et une couronne de carton ; j’ai un royaume de trente-cinq pieds carrés, et une royauté qu’un bon petit coup de sifflet fait évanouir. Oh ! oui, oui, je suis un roi bien respecté, bien puissant, et surtout bien heureux, allez !

    ANNA - Ainsi, lorsque tout le monde vous applaudit, vous envie, vous admire…

    KEAN - Eh bien ! parfois, je blasphème, je maudis, je jalouse le sort du portefaix1, courbé sous son fardeau… du laboureur sur sa charrue, et du marin couché sur le pont du vaisseau.

    ANNA - Et si une femme, jeune, riche, et qui vous aimât, venait vous dire : Kean, ma fortune, mon amour, sont à vous… sortez de cet enfer qui vous brûle… de cette existence qui vous dévore… quittez le théâtre…

    KEAN - Moi ! moi ! quitter le théâtre… moi ! Oh ! vous ne savez donc pas ce que c’est que cette robe de Nessus qu’on ne peut arracher de dessus ses épaules qu’en déchirant sa propre chair : moi, quitter le théâtre, renoncer à ses émotions, à ses éblouissements, à ses douleurs ! moi, céder la place à Kemble et à Macready, pour qu’on m’oublie au bout d’un an, au bout de six mois, peut-être ! Mais rappelez-vous donc que l’acteur ne laisse rien après lui, qu’il ne vit que pendant sa vie, que sa mémoire s’en va avec la génération à laquelle il appartient, et qu’il tombe du jour dans la nuit… du trône dans le néant… Non ! non ! lorsqu’on a mis le pied une fois dans cette fatale carrière, il faut la parcourir jusqu’au bout…, épuiser ses joies et ses douleurs, vider sa coupe et son calice4, boire son miel et sa lie 20 5… Il faut finir comme on a commencé, mourir comme on a vécu… mourir comme est mort Molière, au bruit des applaudissements, des sifflets et des bravos !…Mais lorsqu’il est encore temps de ne pas prendre cette route, lorsqu’on n’a pas franchi la barrière… il n’y faut pas entrer… croyez-moi, miss, sur mon honneur ! croyez-moi.

    Alexandre DUMAS, Kean, acte II, scène 4 (1836)

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  • Diderot : Les passions violentes

    Mais quels reproches pourrons-nous faire à l’homme tourmenté par des passions si violentes que la vie même lui devient un poids onéreux s’il ne les satisfait, et qui, pour acquérir le droit de disposer de l’existence des autres, leur abandonne la sienne ? Que lui répondrons-nous, s’il dit intrépidement : « Je sens que je porte l’épouvante et le trouble au milieu de l’espèce humaine ; mais il faut ou que je sois malheureux, ou que je fasse le malheur des autres ; et personne ne m’est plus cher que je me le suis à moi-même. Qu’on ne me reproche point cette abominable prédilection ; elle n’est pas libre. C’est la voix de la nature qui ne s’explique jamais plus fortement en moi que quand elle me parle en ma faveur. Mais n’est-ce pas dans mon cœur qu’elle se fait entendre avec la même violence ? Ô hommes, c’est à vous que j’en appelle ! Quel est celui d’entre vous qui, sur le point de mourir, ne rachèterait pas sa vie aux dépens de la plus grande partie du genre humain, s’il était sûr de l’impunité et du secret ? Mais, continuera-t-il, je suis équitable et sincère. Si mon bonheur demande que je me défasse de toutes les existences qui me seront importunes, il faut aussi qu’un individu, quel qu’il soit, puisse se défaire de la mienne, s’il en est importuné. La raison le veut, et j’y souscris. Je ne suis pas assez injuste pour exiger d’un autre un sacrifice que je ne veux point lui faire. »
    iv. J’aperçois d’abord une chose qui me semble avouée par le bon et par le méchant, c’est qu’il faut raisonner en tout, parce que l’homme n’est pas seulement un animal, mais un animal qui raisonne ; qu’il y a par conséquent dans la question dont il s’agit des moyens de découvrir la vérité ; que celui qui refuse de la chercher renonce à la qualité d’homme, et doit être traité par le reste de son espèce comme une bête farouche ; et que la vérité une fois découverte, quiconque refuse de s’y conformer, est insensé ou méchant d’une méchanceté morale.

    Que répondrons-nous donc à votre raisonneur violent, avant que de l’étouffer ? Que tout son discours se réduit à savoir s’il acquiert un droit sur l’existence des autres en leur abandonnant la sienne ; car il ne veut pas seulement être heureux, il veut encore être équitable, et par son équité écarter loin de lui l’épithète de méchant ; sans quoi il faudrait l’étouffer sans lui répondre. Nous lui ferons donc remarquer que quand bien même ce qu’il abandonne lui appartiendrait si parfaitement qu’il en pût disposer à son gré, et que la condition qu’il propose aux autres leur serait encore avantageuse, il n’a aucune autorité légitime pour la leur faire accepter ; que celui qui dit : « je veux vivre » a autant de raison que celui qui dit : « je veux mourir » ; que celui—ci n’a qu’une vie, et qu’en l’abandonnant il se rend maître d’une infinité de vies ; que son échange serait à peine équitable, quand il n’y aurait que lui et un autre méchant sur toute la surface de la terre ; qu’il est absurde de faire vouloir à d’autres ce qu’on veut ; qu’il est incertain que le péril qu’il fait courir à son semblable soit égal à celui auquel il veut bien s’exposer ; que ce qu’il permet au hasard peut n’être pas d’un prix disproportionné à ce qu’il me force de hasarder ; que la question du droit naturel est beaucoup plus compliquée qu’elle ne lui paraît ; qu’il se constitue juge et partie, et que son tribunal pourrait bien n’avoir pas la compétence dans cette affaire.

    Denis Diderot, « Droit naturel », L’Encyclopédie (1755-1756)

    Photo : Pexels - George Sharvashidze

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  • Kant : Est-ce que les sens ne trompent pas ?

    Les sens ne trompent pas. Cette proposition est la négative du reproche le plus grave, mais aussi, lorsqu’il est mûrement réfléchi, le plus mal fondé qui soit adressé aux sens ; et cela, non parce qu’ils jugent toujours juste, mais parce qu’ils ne jugent pas du tout. Ce qui fait constamment retomber l’erreur à la charge de l’entendement. — Cependant, l’apparence sensible (species, apparentia), aboutit toujours à l’entendement, non sans doute pour le justifier, mais cependant pour l’excuser. C’est pourquoi l’homme est souvent dans le cas de regarder le subjectif de son mode de représentation comme objectif (la tour carrée dont le lointain ne lui permet pas de percevoir les angles, comme une tour ronde ; la mer, dont la partie éloignée ne lui est visible que par des rayons lumineux plus élevés, comme plus haute que le rivage (altam mare) ; la pleine lune qu’il aperçoit ? ? l’horizon à travers un air épais, quoique comprise dans le même angle visuel, comme plus éloignée, par conséquent aussi comme plus grande, que lorsqu’elle apparaît au méridien), et, par conséquent, de prendre un phénomène pour une expérience. Mais s’il tombe ainsi dans l’erreur, c’est la faute de l’entendement, ce n’est pas celle des sens.

    Un blâme dirigé par la logique contre la sensibilité, c’est qu’on regarde la connaissance qui en provient comme marquée d’étroitesse (individualité, limitation à l’individuel), en même temps qu’on accuse l’entendement de sécheresse, parce qu’il tend au général, et qu’il doit par cette raison se prêter à des abstractions. La manière esthétique, dont la popularité est la première condition, suit une voie qui permet d’éviter cette double faute.

    Emmanuel Kant, Anthropologie (1798) 

    Photo : Pexels - Lil Artsy

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  • "Des millions de larmes"

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  • Bacon : Le phénomène étudié

    Au nombre des instances prérogatives, nous placerons au quatorzième rang les Instances de la Croix, en empruntant le mot aux croix qui, dressées aux bifurcations, indiquent et signalent la séparation des chemins... Voici en quoi elles consistent. Lorsque dans l'étude d'un phénomène, l'entendement est placé dans un état d'équilibre, ne sachant auquel de deux phénomènes (ou parfois d'un plus grand nombre) doit être attribuée ou assignée la cause du phénomène étudié, en raison du concours répété et ordinaire de nombreux phénomènes, les instances de la croix montrent que le lien de l'un de ces phénomènes (avec le phénomène étudié) est étroit et indissoluble, et celui de l'autre variable et susceptible d'être rompu; ce qui met un terme à la question, le premier phénomène étant alors retenu comme cause, l'autre étant écarté et répudié. Ainsi, les instances de cette sorte répandent la plus grande lumière.

    Francis Bacon, Novum Organum (1620)

    Photo : Pexels - Pixabay

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  • Bachelard : L'observation, la science et la raison

    Déjà l’observation a besoin d’un corps de précautions qui conduisent à réfléchir avant de regarder, qui réforment du moins la première vision, de sorte que ce n’est jamais la première observation qui est la bonne. L’observation scientifique est toujours une observation polémique; elle confirme ou infirme une thèse antérieure, un schéma préalable, un plan d’observation; elle montre en démontrant; elle hiérarchise les apparences; elle transcende l’immédiat; elle reconstruit le réel après avoir reconstruit ses schémas. Naturellement, dès qu’on passe de l’observation à l’expérimentation, le caractère polémique de la connaissance devient plus net encore. Alors il faut que le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments, produit sur le plan des instruments. Or les instruments ne sont que des théories matérialisées. Il en sort des phénomènes qui portent de toutes parts la marque théorique.

    Gaston Bachelard, Le nouvel esprit scientifique (1934)

    Photo : Pexels - Anthony

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  • Aristote : "Le plaisir n'est pas un bien"

    Le fait que l'ami est autre que le flatteur semble montrer clairement que le plaisir n'est pas un bien, ou qu'il y a des plaisirs spécifiquement différents. L'ami, en effet, paraît rechercher notre compagnie pour notre bien, et le flatteur pour notre plaisir, et à ce dernier on adresse des reproches et à l'autre des éloges, en raison des fins différentes pour lesquelles ils nous fréquentent. En outre, nul homme ne choisirait de vivre en conservant durant toute son existence l'intelligence d'un petit enfant, même s'il continuait à jouir le plus possible des plaisirs de l'enfance; nul ne choisirait non plus de ressentir du plaisir en accomplissant un acte particulièrement déshonorant, même s'il ne devait jamais en résulter pour lui de conséquence pénible. Et il y a aussi bien des avantages que nous mettrions tout notre empressement à obtenir, même s'ils ne nous apportaient aucun plaisir, comme voir, se souvenir, savoir, posséder les vertus. Qu'en fait des plaisirs accompagnent nécessairement ces avantages ne fait pour nous aucune différence, puisque nous les choisirions quand bien même ils ne seraient pour nous la source d'aucun plaisir. Qu'ainsi donc le plaisir ne soit pas le bien, ni que tout plaisir soit désirable, c'est là une chose, semble-t-il, bien évidente.

    Aristote, Ethique à Nicomaque (IVème s. av. J.C.)

    Photo : Pexels - Andrea Piacquadio

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  • Aristote : Bonheur et Souverain Bien

    Revenons encore une fois sur le bien qui fait l’objet de nos recherches, et demandons-nous ce qu’enfin il peut être. En effet, le bien nous apparaît comme une chose dans telle action ou tel art, et comme une autre chose dans telle autre action ou tel autre art − il est autre en médecine qu’il n’est en stratégie, et ainsi de suite pour le reste des arts. Quel est donc le bien dans chacun de ces cas ? N’est-ce pas la fin en vue de quoi tout le reste est effectué ? En médecine, c’est la santé, en stratégie la victoire, dans l’art de bâtir, une maison, dans un autre art c’est une autre chose ; mais dans toute action comme dans tout choix, le bien est la fin, car c’est en vue de cette fin qu’on accomplit toujours le reste. Par conséquent, s’il y a une chose qui soit la fin de tous nos actes, c’est cette chose-là qui sera le bien réalisable − et s’il y a plusieurs choses, ce seront ces choses-là.
    Puisque les fins sont manifestement multiples, et nous choisissons certaines d’entre elles (par exemple la richesse, les flûtes et en général les instruments) en vue d’autres choses, il est clair que ce ne sont pas là des fins parfaites, alors que le Bien Suprême est, de toute évidence, quelque chose de parfait. Il en résulte que s’il y a une seule chose qui soit une fin parfaite, elle sera le bien que nous cherchons, et s’il y en a plusieurs, ce sera la plus parfaite d’entre elles. Or, ce qui est digne d’être poursuivi par soi, nous le nommons plus parfait que ce qui est poursuivi pour une autre chose; et ce qui n’est jamais désirable en vue d’une autre chose, nous le déclarons plus parfait que les choses qui sont désirables à la fois par elles-mêmes et pour cette autre chose; enfin, nous appelons parfait − au sens absolu − ce qui est toujours désirable en soi-même et ne l’est jamais en vue d’une autre chose.

    Or, le bonheur semble être au suprême degré une fin de ce genre, car nous le choisissons toujours pour lui-même et jamais en vue d’une autre chose; au contraire, l’honneur, le plaisir, l’intelligence ou toute vertu quelconque, sont des biens que nous choisissons sûrement pour eux-mêmes (puisque, même si aucun avantage n’en découlait pour nous, nous les choisirions encore), mais nous les choisissons aussi en vue du bonheur, car c’est par leur intermédiaire que nous pensons devenir heureux. Par contre, le bonheur n’est jamais choisi en vue de ces biens, ni d’une manière générale en vue d’autre chose que lui-même.

    Aristote, Éthique à Nicomaque (IVème s. av. JC)

    Photo : Pexels - Eze Joshua

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  • Arasse : "Le verrou"

    Dans Le verrou, peint par Fragonard entre 1776 et 1780, la moitié gauche de la toile est occupée par le baldaquin et le désordre du lit. On y voit des tentures et des draperies magnifiquement peintes, dans la ligne de ces pans de tissus où on a vu s'affirmer et s'afficher dans le tableau le pictural et le peintre. Dès 1785, pourtant, ils sont expliqués en liaison avec le sujet de la toile : "un intérieur d'appartement dans lequel sont un jeune homme et une jeune fille : celui-ci fermant le verrou de la porte, l'autre s'efforçant de l'empêcher. La scène se passe auprès d'un lit, dont le désordre indique le reste du sujet". Sans doute... Mais à la condition d'ajouter que cette indication du "reste du sujet" se fait par un reste de peinture, de la peinture qui est, si l'on peut dire, "en reste", surplus ou résidu opaques de la transparence descriptive et narrative.

    Ce désordre est en effet difficile à justifier aussi bien du point de vue de la vraisemblance descriptive de l'appartement que de la cohérence narrative de la scène qui s'y déroule : le cadrage de l'image exclut toute information sur la façon dont sont retenues ces immenses draperies suspendues, énoncées purement comme de la peinture de draperies dans le tableau, de la draperie de peinture. Par ailleurs, le désordre considérable de ces draperies et de la literie se fait mal comprendre narrativement dans la mesure où il semble indiquer qu'a été déjà consommé (et avec quelle énergie !) l'acte que tente d'empêcher la jeune fille et que voudrait protéger la fermeture du verrou...

    Si, donc, le désordre du lit a quelque rapport avec ce reste du sujet qui ne serait pas représenté par l'action des figures, il n'indique pas ce reste selon la logique narrative de l'accessoire ou du détail "hiéroglyphique" à la manière de Greuze.

    Le désordre du lit occupe la moitié de la toile, une zone qui, loin d'être "vide" comme on l'a malencontreusement écrit, est très pleine - de peinture précisément et d'une peinture dont la virtualité expressive obéit à ce que l'on pourrait appeler une logique configurative. S'amplifiant des dessins à l’œuvre, en même temps que l'ensemble se simplifie et évacue ses détails narratifs, les draperies et leur désordre précisent peu à peu leur organisation purement formelle pour devenir une figure de l'innommable "reste" du sujet : déplacés loin de la tête du lit (qui est située dans l'ombre vers l'extrême gauche de la toile), les oreillers se dessinent peu à peu pour faire surgir le profil d'une poitrine féminine qui s'enfoncerait dans l'ouverture rougeoyante de la draperie du fond et, en s'entrouvrant, les plis de cette dernière font deviner une secrète intimité, augurer la figure d'un sexe féminin. Au premier plan du lit, rendu visible par le rejet de la couverture, l'angle satiné du drap évoque une cuisse et un genou habillés du même tissu que le jupon de la jeune fille. Sur la gauche, la grande chute du rideau s'achève en deux gonflements vaguement sphériques qui ont l'air curieusement sans poids, reposant légèrement sur la table et ne suscitant pas la cassure affirmée que l'on attendrait dans la coulée rouge qui les domine - au point qu'on imaginerait presque ce tissu soulevé et tendu vers le haut plutôt que tombant sous son propre poids...

    Ni narratif ni vide, ce désordre est plein de sens "virtuel". Les pans de tissu qui l'élaborent sont autant de pans de peinture où prend figure la pulsion des personnages, à "l'instant où le tout-puissant désir s'empare des deux êtres et les emporte irrésistiblement". Le reste, que le peintre ne pouvait pas décemment représenter, est présent, virtuel dans le corps même de la peinture, qui a charge de lui donner figure.

    Des dessins à l'esquisse et à l’œuvre finale, le détail de cette configuration se précise à telle point qu'il n'a pu qu'être sciemment élaboré. (...) Plus encore que "l'objet du désir" que le peintre ne cesserait de "prendre pour objet", c'est le désir qui est ici, en lui-même, l'objet du peintre, son objet de peintre. L'idée proprement géniale que Fragonard élabore dans Le verrou consiste à figurer la force naturelle et surhumaine, sublime, de ce désir à travers l'emportement des figures, la syntaxe picturale de la peinture elle-même, et le détail d'une configuration déplacée.

    Daniel Arasse, Le détail (1992)

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  • "Sa raison d'être"

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  • Nietzsche : "Fie-toi à ton sentiment !"

    Il est évident que les sentiments moraux se transmettent par le fait que les enfants remarquent chez les adultes des prédilections violentes et de fortes antipathies à l’égard de certaines actions, et que ces enfants, étant des singes de naissance, imitent les prédilections et les antipathies ; plus tard, au cours de leur existence, alors qu’ils sont pleins de ces sentiments bien appris et bien exercés, ils considèrent un examen tardif, une espèce d’exposé des motifs qui justifieraient ces prédilections et ces antipathies comme affaire de convenance. Mais cet « exposé des motifs » n’a rien à voir chez eux ni avec l’origine, ni avec le degré des sentiments : on se contente de se mettre en règle avec la convenance, qui veut qu’un être raisonnable connaisse les arguments de son pour et de son contre, des arguments qu’il puisse indiquer et qui soient acceptables...

    « Fie-toi à ton sentiment ! » — Mais les sentiments ne sont rien de définitif, rien d’original ; derrière les sentiments il y a les jugements et les appréciations qui nous sont transmis sous forme de sentiments (prédilections, antipathies). L’inspiration qui découle d’un sentiment est petite-fille d’un jugement — souvent d’un jugement erroné ! — et, en tous les cas, pas d’un jugement qui te soit personnel. — C’est obéir plus à son grand-père, à sa grand-mère et aux grands-parents de ceux-ci, qu’aux dieux qui sont en nous, notre raison et notre expérience.

    Friedrich Nietzsche, Aurore (1881)

    Photo : Pexels - Calil Encarnación

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  • Rousseau : "On ne commença pas par raisonner, mais par sentir"

    On ne commença pas par raisonner, mais par sentir. On prétend que les hommes inventèrent la parole pour exprimer leurs besoins ; cette opinion me paraît insoutenable. L’effet naturel des premiers besoins fut d’écarter les hommes et non de les rapprocher. Il le fallait ainsi pour que l’espèce vînt à s’étendre, et que la terre se peuplât promptement ; sans quoi le genre humain se fût entassé dans un coin du monde, et tout le reste fût demeuré désert.

    De cela il suit avec évidence que l’origine des langues n’est point due aux premiers besoins des hommes ; il serait absurde que de la cause qui les écarte vînt le moyen qui les unit. D’où peut donc venir cette origine ? Des besoins moraux, des passions. Toutes les passions rapprochent les hommes que la nécessité de chercher à vivre force à se fuir. Ce n’est ni la faim, ni la soif mais l’amour, la haine, la pitié, la colère, qui leur ont arraché les premières voix. Les fruits ne se dérobent point à nos mains ; on peut s’en nourrir sans parler : on poursuit en silence la proie dont on veut se repaître : mais pour émouvoir un jeune coeur, pour repousser un agresseur injuste, la nature dicte des accents, des cris, des plaintes. Voilà les plus anciens mots inventés, et voilà pourquoi les premières langues furent chantantes et passionnées avant d’être simples et méthodiques.

    Jean-Jacques Rousseau, Essai sur l’origine des langues (1781)

    Photo : Pexels - Agung Pandit Wiguna

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  • "A perdre la raison"

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  • Delacourt, La liste de mes envies

    CVT_cvt_La-liste-de-mes-envies_1724.pngNos besoins sont nos petits rêves quotidiens. Ce sont nos petites choses à faire, qui nous projettent à demain, à après-demain, dans le futur ; ces petits riens qu'on achètera la semaine prochaine et qui nous permettent de penser que la semaine prochaine, on sera toujours vivants.

    Grégoire Delacourt, La liste de mes envies (2012)

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  • Kant : Construire son édifice grâce à la raison

    Une partie de ces connaissances [a priori], les connaissances mathématiques, sont depuis longtemps en possession de la certitude, et font espérer le même succès pour les autres, quoique celles-ci soient peut-être d'une nature toute différente. En outre, dès qu'on a mis le pied hors du cercle de l'expérience, on est sûr de ne plus être contredit par elle. Le plaisir d'étendre ses connaissances est si grand que l'on ne pourrait être arrêté dans sa marche que par une évidente contradiction, contre laquelle on viendrait se heurter. Or il est aisé d'éviter cette pierre d'achoppement, pour peu que l'on se montre avisé dans ses fictions, qui n'en restent pas moins des fictions. L'éclatant exemple des mathématiques nous montre jusqu'où nous pouvons aller dans la connaissance a priori sans le secours de l'expérience. Il est vrai qu'elles ne s'occupent que d'objets et de connaissances qui peuvent être représentés dans l'intuition ; mais on néglige aisément cette circonstance, puisque l'intuition dont il s'agit ici peut être elle-même donnée a priori, et que, par conséquent, elle se distingue à peine d'un simple et pur concept. Entraînés par cet exemple de la puissance de la raison, notre penchant à étendre nos connaissances ne connaît plus de bornes. La colombe légère, qui, dans son libre vol, fend l'air dont elle sent la résistance, pourrait s'imaginer qu'elle volerait bien mieux encore dans le vide. C'est ainsi que Platon, quittant le monde sensible, qui renferme l'intelligence dans de si étroites limites, se hasarda, sur les ailes des idées, dans les espaces vides de l'entendement pur. Il ne s'apercevait pas que, malgré tous ses efforts, il ne faisait aucun chemin, parce qu'il n'avait pas de point d'appui où il pût appliquer ses forces pour changer l'entendement de place. C'est le sort commun de la raison humaine dans la spéculation, de commencer par construire son édifice en toute hâte, et de ne songer que plus tard à s'assurer si les fondements en sont solides.

    Emmanuel Kant, Critique de la raison pure (1781)

    Photo : Pexels

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  • "Aimer à perdre la raison"

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  • Hume : Former notre raisonnement

    Dans toutes les sciences démonstratives, les règles sont certaines et infaillibles, mais lorsque nous les appliquons, nos facultés incertaines et faillibles sont fortement sujettes à s'en écarter et à tomber dans l'erreur. Il nous faut, par conséquent, former, pour chacun de nos raisonnements, un nouveau jugement pour vérifier ou contrôler notre croyance ou jugement premier ; notre vision doit s'élargir jusqu'à inclure une sorte d'historique de tous les cas où notre entendement nos a trompés, comparés à ceux où son témoignage était juste et vrai. Nous pouvons donc considérer notre jugement comme une sorte de cause, dont la vérité est l'effet naturel, mais un effet tel qu'il peut fréquemment être empêché par l'irruption d'autres causes ainsi que par l'inconstance des pouvoirs de notre esprit. La conséquence en est que toute connaissance dégénère en probabilité, et cette probabilité est plus ou moins grande suivant l'expérience que nous avons de la véracité ou du caractère trompeur de notre entendement, et aussi selon la simplicité ou la complexité de la question.

    David Hume, Traité de la nature humaine (1740)

    Photo : Pexels - Ruslan Rozanov

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  • Kant : La raison humaine

    La raison humaine a cette destinée singulière, dans un genre de ses connaissances, d'être accablée de questions qu'elle ne saurait éviter, car elles lui sont imposées par sa nature même, mais auxquelles elle ne peut répondre, parce qu'elles dépassent totalement le pouvoir de la raison humaine.

    Ce n'est pas sa faute si elle tombe dans cet embarras. Elle part de principes dont l'usage est inévitable dans le cours de l'expérience et en même temps suffisamment garanti par cette expérience. Aidée par eux, elle monte toujours plus haut (comme du reste le comporte sa nature), vers des conditions plus éloignées. Mais s'apercevant que, de cette manière, son œuvre doit toujours rester inachevée, puisque les questions n'ont jamais de fin, elle se voit dans la nécessité d'avoir recours à des principes qui dépassent tout usage possible dans l'expérience et paraissent néanmoins si dignes de confiance qu'ils sont même d'accord avec le sens commun. De ce fait, elle se précipite dans une telle obscurité et dans de telles contradictions qu'elle peut en conclure qu'elle doit quelque part s'être appuyée sur des erreurs cachées, sans toutefois pouvoir les découvrir, parce que les principes dont elle se sert, dépassant les limites de toute expérience, ne reconnaissent plus aucune pierre de touche de l'expérience. Le terrain [Kampfplatz] où se livrent ces combats sans fin se nomme la Métaphysique.

    Emmanuel Kant, Critique de la raison pure (1781)

    Photo : Pexels

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  • "Raisons et sentiments"

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  • Austen : "Raisons et sentiments"

    Jane-Austen-Raison-et-sentiments.jpgJe me suis souvent surprise moi-même à faire ce genre d'erreur, dit Elinor, à me méprendre sur quelque aspect d'un caractère; on s'imagine que les gens sont plus gais ou plus graves, plus ingénieux, plus stupides qu'ils ne le sont en réalité, et il est difficile de dire comment et en quoi l'erreur a pris naissance. Parfois, on se fonde sur ce qu'ils disent eux-même et, plus fréquemment, sur ce qu'en disent les autres, sans se donner à soi-même le loisir de réfléchir et de juger.

    Jane et Austen, Raisons et sentiments (1811)

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  • Prochaine séance : "L'émotion est-elle un obstacle à la raison ?"

    La prochaine séance du Café Philosophique de Montargis aura lieu le vendredi 30 janvier 2026 à 19 heures à la Médiathèque de l'AME.

    Le sujet portera sur cette question : "L'émotion est-elle un obstacle à la raison ?"

    A bientôt !

    Affiche téléchargeable ici

    Photo : Pexels - Mihiel

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  • Merci aux participants de la séance du vendredi 28 novembre 2025

    Entre 35 personnes étaient présentes à la séance du 28 novembre pour la première séance de saison 16, "Est-ce qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis ?"

    Merci aux participants de cette séance à la Médiathèque de l'AME.

    Le Café Philosophique de Montargis fait une pause hivernale avant son prochain rendez-vous le 30 janvier 2026, à la Médiathèque de l'AME. Le débat portera sur ce sujet : "L'émotion est-elle un obstacle à la raison ?"

    A bientôt !

    Photo : Pexels -Tima Miroshnichenko

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  • "Être ou ne pas être"

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  • "Je retourne ma veste"

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  • Spinoza : Scepticisme

    Si, par la suite, quelque sceptique se trouvait dans le doute à l’égard de la première vérité elle-même et de toutes celles que nous déduirons, selon la norme, de cette première vérité, c’est, ou bien qu’il parlera contre sa conscience, ou bien nous avouerons qu’il y a des hommes dont l’esprit est complètement aveugle, qu’il le soit de naissance ou que les préjugés, c’est-à-dire quelque accident extérieur, l’aient rendu tel. En effet ils n’ont même pas conscience d’eux-mêmes : s’ils affirment quelque chose ou doutent de quelque chose, ils ne savent pas qu’ils affirment ou qu’ils doutent ; ils disent qu’ils ne savent rien, et cela même qu’ils ne savent rien, ils déclarent l’ignorer ; encore ne le disent-ils pas sans restriction, car ils craignent de s’avouer existants, alors qu’ils ne savent rien, si bien qu’il leur faut enfin garder le silence pour être sûrs de ne rien admettre qui ait senteur de vérité. . Il faut, en définitive, s’abstenir de parler de sciences avec eux (car pour ce qui concerne l’usage de la vie et de la société, la nécessité les oblige à admettre leur propre existence, à chercher ce qui leur est utile, à affirmer et à nier sous serment bien des choses). Leur prouve-t-on quelque chose, en effet, ils ne savent si l’argumentation est probante ou défectueuse. S’ils nient, concèdent, ou opposent une objection, ils ne savent qu’ils nient, concèdent, ou opposent une objection ; il faut donc les considérer comme des automates entièrement privés de pensée.

    Baruch Spinoza, Traité de la réforme de l’entendement (1677)

    Photo : Pexels - Pavel Danilyuk

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  • Kant : Suspendre notre jugement

    Réserver ou suspendre notre jugement, cela consiste à décider de ne pas permettre à un jugement provisoire de devenir définitif. Un jugement provisoire est un jugement par lequel je me représente qu’il y a plus de raison pour la vérité d’une chose que contre sa vérité, mais que cependant ces raisons ne suffisent pas encore pour que je porte un jugement déterminant ou définitif par lequel je décide franchement de sa vérité. Le jugement provisoire est donc un jugement dont on a conscience qu’il est simplement problématique. On peut suspendre le jugement à deux fins : soit en vue de chercher les raisons du jugement définitif, soit en vue de ne jamais juger. Dans le premier cas la suspension du jugement s’appelle critique (…) ; dans le second elle est sceptique (…). Car le sceptique renonce à tout jugement, le vrai philosophe au contraire suspend simplement le sien tant qu’il n’a pas de raisons suffisantes de tenir quelque chose pour vrai.

    Emmanuel Kant, Logique (1800)

    Photo : Pexels - Ron Lach

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  • Bernheim et Storch : "Pourquoi les imbéciles ne changent pas d'avis ?"

    téléchargement.jpgNous avions deux interrogations :
    – Pourquoi est-ce si difficile de changer d’avis ? Et nous pensions à la boutade d’Einstein qui disait "Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé".
    – Comment faire changer d’avis ? Et là, nous pensions à l’aphorisme d’Oscar Wilde : "Je déteste les discussions car elles vous font parfois changer d’avis".

    Yves Bernheim et Laurent Storch, Pourquoi les imbéciles ne changent pas d'avis ? (2019)

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  • Foucault : "Loupé" !

    On est perdu dans sa vie, dans ce qu'on écrit, dans un film que l'on fait lorsque, précisément, on veut s'interroger sur la nature de l'identité de quelque chose. Alors là, c'est "loupé", car on entre dans les classifications. Le problème, c'est de créer justement quelque chose qui se passe entre les idées et auquel il faut faire en sorte qu'il soit impossible de donner un nom et c'est donc, à chaque instant, d'essayer de lui donner une coloration, une forme et une intensité qui ne dit jamais ce qu'elle est. C'est ça l'art de vivre ! L'art de vivre, c'est de tuer la psychologie, de créer avec soi-même et avec les autres des individualités, des êtres, des relations, des qualités qui soient innomées.

    Michel Foucault

    Photo : Pexels - Anastasia Shuraeva

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