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Textes et livres

  • Alain : Le non

    Penser, c’est dire non. Remarquez que le signe du oui est d’un homme qui s’endort ; au contraire le réveil secoue la tête et dit non. Non à quoi ? Au monde, au tyran, au prêcheur ? Ce n’est que l’apparence. En tous ces cas-là, c’est à elle-même que la pensée dit non. Elle rompt l’heureux acquiescement. Elle se sépare d’elle-même. Elle combat contre elle-même. Il n’y a pas au monde d’autre combat. Ce qui fait que le monde me trompe par ses perspectives, ses brouillards, ses chocs détournés, c’est que je consens, c’est que je ne cherche pas autre chose. Et ce qui fait que le tyran est maître de moi, c’est que je respecte au lieu d’examiner. Même une doctrine vraie, elle tombe au faux par cette somnolence. C’est par croire que les hommes sont esclaves. Réfléchir, c’est nier ce que l’on croit. Qui croit ne sait même plus ce qu’il croit. Qui se contente de sa pensée ne pense plus rien.

    Alain

    Photo : Pexels - Vie Studio

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  • Alain : Le doute

    Le doute est le sel de l’esprit : sans la pointe du doute, toutes les connaissances sont bientôt pourries. J’entends aussi bien les connaissances les mieux fondées et les plus raisonnables. Douter quand on s’aperçoit qu’on s’est trompé ou que l’on a été trompé, ce n’est pas difficile : je voudrais même dire que cela n’avance guère ; ce doute forcé est comme une violence qui nous est faite ; aussi c’est un doute triste : c’est un doute de faiblesse ; c’est un regret d’avoir cru, et une confiance trompée.

    Le vrai c’est qu’il ne faut jamais croire, et qu’il faut examiner toujours. L’incrédulité n’a pas encore donné sa mesure.

    Croire est agréable. C’est une ivresse dont il faut se priver. Ou alors dites adieu à liberté, à justice, à paix.

    Alain

    Photo : Pexels - RDNE Stock Project

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  • Descartes : Vivre sans philosopher ?

    J’aurais voulu premièrement y expliquer ce que c’est que la philosophie, en commençant par les choses les plus vulgaires, comme sont : que ce mot philosophie signifie l’étude de la sagesse, et que par la sagesse on n’entend pas seulement la prudence dans les affaires mais une parfaite connaissance de toutes les choses que l’homme peut savoir, tant pour la conduite de sa vie que pour la conservation de sa santé et 1’invention de tous les arts ;  et qu’afin que cette connaissance soit telle, il est nécessaire qu’elle soit déduite des premières causes, en sorte que pour étudier à l’acquérir, ce qui se nomme proprement philosopher, il faut commencer par la recherche de ces premières causes, c’est-à-dire des principes ; et que ces principes doivent avoir deux conditions :  l’une, qu’ils soient si clairs et si évidents que l’esprit humain ne puisse douter de leur vérité lorsqu’il s’applique avec attention à les considérer, l’autre, que ce soit d’eux que dépende là connaissance des autres choses, en sorte qu’ils puissent être connus sans elles, mais non pas réciproquement elles sans eux ; et qu’après cela il faut tâcher de déduire tellement de ces principes la connaissance des choses qui en dépendent, qu’il n’y ait rien en toute la suite des déductions qu’on en fait qui ne soit très manifeste. Il n’y a véritablement que Dieu seul qui soit parfaitement sage c’est-à-dire : qui ait l’entière connaissance de la vérité de toutes choses ; mais on peut dire que les hommes ont plus ou moins de sagesse à raison de ce qu’ils ont plus ou moins de connaissance des vérités plus importantes. Et je crois qu’il n’y a rien en ceci dont tous les doctes ne demeurent d’accord.

    J’aurais ensuite fait considérer l’utilité de cette philosophie, et montré que, puisqu’elle s’étend à tout ce que l’esprit humain peut savoir, on doit croire que c’est elle seule qui nous distingue des plus sauvages et barbares, et que chaque nation est d’autant plus civilisée et polie que les hommes y philosophent mieux ; et ainsi que c’est le plus grand bien qui puisse être en un État que d’avoir de vrais philosophes. Et outre cela que, pour chaque homme en particulier, il n’est pas seulement utile de vivre avec ceux qui s’appliquent à cette étude, mais qu’il est incomparablement meilleur de s’y appliquer soi-même ; comme sans doute il vaut beaucoup mieux se servir de ses propres yeux pour se conduire, et jouir par même moyen de la beauté des couleurs et de la lumière, que non pas de les avoir fermés et suivre la conduite d’un autre ; mais ce dernier est encore meilleur que de les tenir fermés et n’avoir que soi pour se conduire. C’est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans philosopher ; et le plaisir de voir toutes les choses que notre vue découvre n’est point comparable à la satisfaction que donne la connaissance de celles qu’on trouve par la philosophie ; et, enfin, cette étude est plus nécessaire pour régler nos mœurs et nous conduire en cette vie, que n’est l’usage de nos yeux pour guider nos pas. Les bêtes brutes, qui n’ont que leur corps à conserver, s’occupent continuellement à chercher de quoi le nourrir ; mais les hommes, dont la principale partie est l’esprit, devraient employer leurs principaux soins à la recherche de la sagesse, qui en est la vraie nourriture ; et je m’assure aussi qu’il y en a plusieurs qui n’y manqueraient pas, s’ils avaient espérance d’y réussir, et qu’ils sussent combien ils en sont capables. Il n’y a point d’âme tant soit peu noble qui demeure si fort attachée aux objets des sens qu’elle ne s’en détourne quelquefois pour souhaiter quelque autre plus grand bien, nonobstant qu’elle ignore souvent en quoi il consiste. Ceux que la fortune favorise le plus, qui ont abondance de santé, d’honneurs, de richesses, ne sont pas plus exempts de ce désir que les autres ; au contraire, je me persuade que ce sont eux qui soupirent avec le plus d’ardeur après un autre bien, plus souverain que tous ceux qu’ils possèdent.

    René Descartes, Principes de la Philosophie (1644)

    Photo : Pexels - Doina Gavrilov

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  • Russell : La valeur de la philosophie

    La valeur de la philosophie doit en réalité surtout résider dans son caractère incertain même. Celui qui n’a aucune teinture de philosophie traverse l’existence, prisonnier de préjugés dérivés du sens commun, des croyances habituelles à son temps ou à son pays et de convictions qui ont grandi en lui sans la coopération ni le consentement de la raison.

    Pour un tel individu, le monde tend à devenir défini, fini, évident ; les objets ordinaires ne font pas naître de questions et les possibilités peu familières sont rejetées avec mépris. Dès que nous commençons à penser conformément à la philosophie, au contraire, nous voyons, comme il a été dit dans nos premiers chapitres, que même les choses les plus ordinaires de la vie quotidienne posent des problèmes auxquels on ne trouve que des réponses très incomplètes. La philosophie, bien qu’elle ne soit pas en mesure de nous donner avec certitude la réponse aux doutes qui nous assiègent, peut tout de même suggérer des possibilités qui élargissent le champ de notre pensée et délivre celle-ci de la tyrannie de l’habitude. Tout en ébranlant notre certitude concernant la nature de ce qui nous entoure, elle accroît énormément notre connaissance d’une réalité possible et différente ; elle fait disparaître le dogmatisme quelque peu arrogant de ceux qui n’ont jamais parcouru la région du doute libérateur, et elle garde intact notre sentiment d’émerveillement en nous faisant voir les choses familières sous un aspect nouveau.

    Bertrand Russell, Problèmes de Philosophie (1968)

    Photo : Pexels - Yaroslav Shuraev

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  • Freud : L'inconscient

    freud.jpgOn nous conteste de tous côtés le droit d'admettre un psychique inconscient et de travailler scientifiquement avec cette hypothèse. Nous pouvons répondre à cela que l'hypothèse de l'inconscient est nécessaire et légitime, et que nous possédons de multiples preuves de l'existence de l'inconscient. Elle est nécessaire parce que les données de la conscience sont extrêmement lacunaires ; aussi bien chez l'homme sain que chez le malade, il se produit des actes psychiques qui, pour être expliqués, présupposent d'autres actes qui, eux, ne bénéficient pas du témoignage de la conscience. Ces actes ne sont pas seulement les actes manqués et les rêves, chez l'homme sain, et tout ce qu'on appelle symptômes psychiques et phénomènes compulsionnels chez le malade ; notre expérience quotidienne la plus personnelle nous met en présence d'idées qui nous viennent sans que nous en connaissions l'origine et dont l'élaboration nous demeure cachée. Tous ces actes conscients demeurent incohérents et incompréhensibles si nous nous obstinons à prétendre qu'il faut bien percevoir par la conscience tout ce qui se passe en nous en fait d'actes psychiques ; mais ils s'ordonnent dans un ensemble dont on peut montrer la cohérence, si nous interpellons les actes inconscients inférés. Or, nous trouvons dans ce gain de sens et de cohérence une raison, pleinement justifiée, d'aller au-delà de l'expérience immédiate. Et s'il s'avère de plus que nous pouvons fonder sur l'hypothèse de l'inconscient une pratique couronnée de succès, par laquelle nous influençons, conformément à un but donné, le cours des processus conscients, nous aurons acquis, avec ce succès, une preuve incontestable de l'existence de ce dont nous avons fait l'hypothèse.

    Sigmund Freud, Métapsychologie (1915)

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  • Alain : L'apparence et la raison

    alain.jpgOn soutient communément que c'est le toucher qui nous instruit, et par constatation pure et simple, sans aucune interprétation. Mais il n'en est rien. Je ne touche pas ce dé cubique. Non. Je touche successivement des arêtes, des pointes, des plans durs et lisses, et réunissant toutes ces apparences en un seul objet, je juge que cet objet est cubique. Exercez-vous sur d'autres exemples, car cette analyse conduit fort loin, et il importe de bien assurer ses premiers pas. Au surplus il est assez clair que je ne puis pas constater comme un fait donné à mes sens que ce dé cubique et dur est en même temps blanc de partout, et marqué de points noirs. Je ne le vois jamais en même temps de partout, et jamais les faces visibles ne sont colorées de même en même temps, pas plus du reste que je ne les vois égales en même temps. Mais pourtant c'est un cube que je vois, à faces égales, et toutes également blanches. […] Revenons à ce dé. Je reconnais six taches noires sur une des faces. On ne fera pas difficulté d'admettre que c'est là une opération d'entendement, dont les sens fournissent seulement la matière. Il est clair que, parcourant ces taches noires, et retenant l'ordre et la place de chacune, je forme enfin, et non sans peine au commencement, l'idée qu'elles sont six, c'est-à-dire deux fois trois, qui font cinq et un. Apercevez-vous la ressemblance entre cette action de compter et cette autre opération par laquelle je reconnais que des apparences successives, pour la main et pour l'œil, me font connaître un cube ? Par où il apparaîtrait que la perception est déjà une fonction d'entendement […] et que l'esprit le plus raisonnable y met de lui-même bien plus qu'il ne croit.

    Alain, Chapitres sur l'esprit et les passions (1917)Alain 

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  • Descartes : "Je pense donc je suis"

    descartes.jpgSi la formule "Je pense, donc je suis" est restée célèbre, c'est qu'elle marque une rupture dans l'histoire de la philosophie. Pour connaître soi et le monde, il faut, comme le souligne Descartes, partir de la conscience de soi et non de l'expérience du monde – voir ainsi le sujet pensant comme première certitude.

    Je ne sais si je dois vous entretenir des premières méditations que j'ai faites ; car elles sont si métaphysiques et si peu communes, qu'elles ne seront peut-être pas au goût de tout le monde. Et toutefois, afin qu'on puisse juger si les fondements que j'ai pris sont assez fermes, je me trouve en quelque façon contraint d'en parler. J'avais dès longtemps remarqué que, pour les mœurs, il est besoin quelquefois de suivre des opinions qu'on sait être fort incertaines, tout de même que si elles étaient indubitables, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, mais, pource [parce] qu'alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu'il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse, comme absolument faux, tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne resterait point, après cela, quelque chose en ma créance, qui fût entièrement indubitable. Ainsi, à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu'il n'y avait aucune chose qui fût telle qu'ils nous la font imaginer. Et pource qu'il y a des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des paralogismes, jugeant que j'étais sujet à faillir, autant qu'aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que j'avais prises auparavant pour démonstrations. Et enfin, considérant que toutes les mêmes pensées, que nous avons étant éveillés, nous peuvent aussi venir quand nous dormons, sans qu'il y en ait aucune, pour lors, qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées en l'esprit n'étaient non plus vraies que les illusions de mes songes.

    Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense donc je suis, était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais.

    René Descartes, Discours de la MéthodeDesc (1637)

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  • Gaulme : "Les femmes de pouvoir sont dangereuses"

    51vEDwYROcL._SX195_.jpgLes femmes sont-elles vraiment meilleures gouvernantes que les hommes ? Ou ne serait-ce qu'en raison des difficultés qu'elles éprouvent d'aller jusqu'au sommet, seules les plus exceptionnelles y parviennent ? Comme l'écrivait Françoise Giroud : " La femme serait vraiment l'égale de l'homme le jour où, à un poste important , on désignerait une femme incompétente.

    Dominique Gaulme, Les femmes de pouvoir sont dangereuses (2020)

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  • Malmose : Borgen, une femme au pouvoir

    - Détournements de fonds ? " Birgitte s'énervait elle aussi. Elle avait entendu ce genre de rumeurs un nombre incalculable de fois, au sujet de pratiquement tous les ministres, depuis qu'elle était à Borgen. Tout comme les rumeurs d'alcoolisme, d'homosexualité, d'infidélité, de violence conjugale, et autres accusations diverses et variées circulant sur à peu près toutes les personnalités connues, royales... et élues.
    " Oui, ou abus de pouvoir... Ou quel que soit le putain de nom que ça porte. En tout cas, c'est illégal.
    - Tu n'as aucune idée de ce qui s'est passé. C'est peut-être un malentendu, dit Birgitte, fatiguée.
    - Le type se sert dans les caisses de l'Etat ! s'énerva Kasper, en écartant les bras.
    - Et tu me proposes de lui foutre la pression ? Le Premier ministre vient de perdre son plus proche conseiller. Tu crois que je suis si ignoble que ça ? "
    Birgitte était partagée entre l'indignation et la colère.
    " La politique est ignoble, bordel ! cria Kasper. On est en guerre ! Tu vas devoir te retirer ! Tu peux pas laisser passer une chance pareille, bon sang. " Que Birgitte n'accepte pas sa proposition en faisant des courbettes le mettait hors de lui. Il ne prenait même pas la peine de le cacher.
    Birgitte ne s'embarrassait plus de convenances non plus. " Je ne pourrais plus me regarder dans un miroir si j'accédais au pouvoir de cette façon ", lança-t-elle, furieuse.
    La réponse de Kasper tomba sans attendre.
    " Alors je doute que tu y parviennes un jour. "

    Jesper Malmose, Borgen : Une femme au pouvoir (2013)

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  • Delale : Le complexe de Cendrillon

    419fNUC4-+L._SX195_.jpgPar-delà le seul chevalier c'est toute une societé qui prostitue ainsi ses filles par les mariages arrangés ou par les liaisons consenties des jeunes hommes bien nés avec des jeunes filles de basse naissance. Pute légale (la femme mariée de force), pute qui n'est pas désignée comme telle (la maitresse, argentée ou non) ou pute tout court (la prostituée des rues ou des bordels) : la seule chose qui differe, au XVIIIe siècle, c'est le contrat signé au départ.

    Manon, au XVIIIe siècle et au-delà : nous sommes encore traversées par de telles représentations, nous qui subissons encore le « complexe de Cendrillon », qui sommes enjointes à attendre notre « prince charmant » et incitées à nous modeler, adolescentes, sur des films comme Pretty Woman plutôt que sur Breakfast at Tiffany.

    Sarah Delale, Pour en finir avec la passion : L'abus en littérature (2023)

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  • Plaut, "F'âme(s)"

    F'âme(s) se veut célébration.
    F'âme(s) se veut ré-enchantement.
    F'âme(s) se veut solidarité, sororité, fraternité.
    F'âme(s) se veut sensibilité.

    Échanges qui rassemblent.
    Qui festoient autour de
    thématiques essentielles.

    F'âme(s) se veut journée culturelle.
    Réunion d'acteu•ice• du territoire. 

    Celles et ceux qui luttent chaque jour.
    Celles et ceux qui travaillent au contact
    de la souffrance.
    De la discrimination.
    Du sexisme.
    De la violence.

    F'âme(s) se veut enfin accord des voix.
    Voix artistiques, sociales, associatives,
    médicales, philosophiques.

    Chorale de valeurs.
    Chorale d'Humanité.

    Pause vitale dans le brouhaha du monde.

    Pour nous écouter
    et mieux nous rassembler.

    Aurélie Plaut, Compagnie Je est un autre

    Photo : Pexels - Wendy Wei

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  • Le Café Philo, partenaire de l'événement "F'âme(s)"

    Le Café Philosophique de Montargis sera partenaire de l'événement "F'âme(s)" à Châlette-sur-Loing, le samedi 16 mars prochain, à 18H.

    Cette journée est consacrée aux femmes, à meurs droits et aux égalités hommes-femmes.

    Pour rappel, le débat du Café Philo portera sur cette question : "Une Cité sans hommes est-elle souhaitable?"

    Affiche de la Journée "F'âme(s)"

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  • Manon Garcia : "Les hommes ne sont pas (tous) coupables"

    On-ne-nait-pas-soumise-on-le-devient.pngLes hommes ne sont pas (tous) coupables

    Dire que la soumission est le fruit de la situation n'est pas seulement émancipeur en ce qu'on comprend ainsi qu'en changeant la situation on pourra espérer échapper à la soumission, mais parce que cela permet de clarifier les responsabilités des individus. Par le concept de situation, Beauvoir montre que les femmes ne sont absolument pas responsables lorsqu'elles consentent à se soumettre, mais elle montre aussi que les hommes, en tant qu'individus, ne sont pas non plus complètement responsables de cette soumission. Les hommes particuliers ne font rien pour soumettre les femmes; comme les femmes, ils sont jetés dans un monde dans lequel des significations, des normes sociales sont toujours déjà là. À ce titre, Beauvoir n'assigne pas de responsabilité individuelle aux hommes. Elle se contente de souligner qu'ils bénéficient, du privilège du dominant, qui consiste à voir sa perspective comme la perspective neutre, objective et donc vraie, et à neutraliser l'altérité des autres.

    Si les femmes, sont contraintes par leur situation, les hommes le sont aussi.

    Manon Garcia, On ne naît pas soumise, on le devient (2018)

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  • Cherry : Matriarchie

    cherryC'est au bout de quelques mois que la stratégie de Maurepas avait porté ses fruits. Forte de trois millions d'inscrits dans toute la France, elle était désormais à la tête d'une communauté qui pesait dans le débat politique. Et si sa demeure ne pouvait accueillir que quelques centaines de sympathisants, elle savait maintenant qu'elle pourrait bénéficier du soutien de milliers d'autres femmes pour créer des initiatives similaires et accueillir le reste de ses inscrits dans de bonnes conditions, car ces dernières étaient maintenant presque toutes de son côté.

    Les sondages sortaient toutes les semaines et il était clair que le taux d'abstention masculin allait être nettement en hausse sur ces élections, certains maris avaient même donné procuration à leur femme. Mais qui est vraiment sûr de la loyauté de son épouse lorsque les enjeux sont aussi colossaux ?

    Flore Cherry, Matriarchie (2022)

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  • Beauvoir : "On ne naît pas femme, on le devient"

    On ne naît pas femme : on le devient. Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine ; c'est l'ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat qu'on qualifie de féminin. Seule la médiation d'autrui peut constituer un individu comme un Autre. En tant qu'il existe pour soi, l'enfant ne saurait se saisir comme sexuellement différencié. Chez les filles et les garçons, le corps est d'abord le rayonnement d'une subjectivité, l'instrument qui effectue la compréhension du monde : c'est à travers les yeux, les mains, non par les parties sexuelles qu'ils appréhendent l'univers. Le drame de la naissance, celui du sevrage se déroulent de la même manière pour les nourrissons des deux sexes ; ils ont les mêmes intérêts et les mêmes plaisirs ; la succion est d'abord la source de leurs sensations les plus agréables ; puis ils passent par une phase anale où ils tirent leurs plus grandes satisfactions des fonctions excrétoires qui leur sont communes ; leur développement génital est analogue ; ils explorent leur corps avec la même curiosité et la même indifférence ; du clitoris et du pénis ils tirent un même plaisir incertain ; dans la mesure où déjà leur sensibilité s'objective, elle se tourne vers la mère : c'est la chair féminine douce, lisse élastique qui suscite des désirs sexuels et ces désirs sont préhensifs ; c'est d'une manière agressive que la fille, comme le garçon, embrasse sa mère, la palpe, la caresse ; ils ont la même jalousie s'il naît un nouvel enfant ; ils la manifestent par les mêmes conduites : colères, bouderie, troubles urinaires ; ils recourent aux mêmes coquetteries pour capter l'amour des adultes. Jusqu'à douze ans la fillette est aussi robuste que ses frères, elle manifeste les mêmes capacités intellectuelles ; il n'y a aucun domaine où il lui soit interdit de rivaliser avec eux. Si, bien avant la puberté, et parfois même dès sa toute petite enfance, elle nous apparaît déjà comme sexuellement spécifiée, ce n'est pas que de mystérieux instincts immédiatement la vouent à la passivité, à la coquetterie, à la maternité : c'est que l'intervention d'autrui dans la vie de l'enfant est presque originelle et que dès ses premières années sa vocation lui est impérieusement insufflée.

    Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe (1949)

    Photo : Pexdels - Alexander Krivitskiy 

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  • Beauvoir : "Un monde où les hommes et les femmes seraient égaux est facile à imaginer"

    Un monde où les hommes et les femmes seraient égaux est facile à imaginer car c’est exactement celui qu’avait promis la révolution soviétique : les femmes élevées et formées exactement comme les hommes travailleraient dans les mêmes conditions et pour les mêmes salaires ; la liberté érotique serait admise par les mœurs, mais l’acte sexuel ne serait plus considéré comme un « service » qui se rémunère ; la femme serait obligée de s’assurer un autre gagne-pain ; le mariage reposerait sur un libre engagement que les époux pourraient dénoncer dès qu’ils voudraient ; la maternité serait libre, c’est-à-dire qu’on autoriserait le birth-control et l’avortement et qu’en revanche on donnerait à toutes les mères et à leurs enfants exactement les mêmes droits, qu’elles soient mariées ou non ; les congés de grossesse seraient payés par la collectivité qui assumerait la charge des enfants, ce qui ne veut pas dire qu’on retirerait ceux-ci à leurs parents mais qu’on ne les leur abandonnerait pas.

    Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe (1949)

    Photo : Pexels - Ryan Klaus

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  • Kleist : Penthésilée

    Penthesilea.jpgPENTHESILEE.
    Et voilà ce qui faut décidé en Conseil par le peuple :
    Libres comme le vent dans les plaines sont
    Les femmes ayant accompli un tel acte héroïque,
    Et elles ne serviront plus le sexe masculin.
    Un État, indépendant, serait bâti,
    Un État des femmes, que désormais aucune autre
    Voix d'homme despotique ne subjuguerait plus,
    Qui se donnerait solennellement ses propres lois,
    Qui n'obéirait qu'à lui-même, se défendrait lui-même.

    Heinrich von Kleist, Penthésilée (1808)

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  • Wollstonecraft : Défense des droits de la femme

    81F1m9EoknL._AC_UF1000,1000_QL80_.jpgSi les Femmes doivent être exclues de la participation aux droits naturels du genre humain, et totalement privées de donner leurs voix, du moins dans ce qui les concerne particulièrement, prouvez d’abord, pour vous laver du reproche d’injustice et d’abus, qu’elles manquent de raison : autrement cette tache dans votre nouvelle constitution, la première qui ait été fondée sur la raison, témoignera toujours aux siècles à venir, que l’homme ne peut s’empêcher d’agir en tyran, et la tyrannie dans quelque partie de la société qu'elle lève son front d’airain, détruira toujours la moralité...

    J’espère trouver grâce aux yeux de mon propre sexe, si je traite les Femmes comme des créatures raisonnables, au lieu de flatter leurs attraits séducteurs, et de les regarder comme dans un état d’enfance perpétuelle, qui les rend incapables de se soutenir sans lisières. Je désire vivement de montrer en quoi consiste la véritable dignité, la félicité réelle de l’homme. Je désire persuader aux Femmes qu’elles doivent tâcher d’acquérir la force de l’âme et du corps, et les convaincre que des phrases mielleuses, la sensibilité exagérée du cœur, la délicatesse outrée de sentiments, et le raffinement exquis du goût sont presque synonymes des différentes épithètes consacrées à exprimer la faiblesse. En un mot, que ces êtres qui ne sont que des objets de pitié, et de cette espèce d’affection qu’on a nommé tendresse, ne tarderont pas à devenir les objets du mépris.

    Mary Wollstonecraft, Défense des droits de la femme (1792)

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  • Machiavel : Dangers du joug matrimonial

    CVT_CVT_Histoire-du-diable-qui-prit-femme_3986.pngÀ ce tapage Roderigo ouvrit de grandes oreilles ; et ne sachant ce que cela voulait dire, dans son étonnement il demanda, plein de trouble, à Giov. Matteo, ce que tout ce tumulte signifiait. Giov. Matteo, feignant une grande frayeur, lui répondit aussitôt : « Hélas ! mon cher Boderigo, Dieu me pardonne, c'est ta femme qui vient te trouver. » C'est vraiment merveille de voir à quel point l'esprit de Roderigo fut épouvanté en entendant prononcer le nom seul de sa femme : sa frayeur fut si grande, que, sans réfléchir s'il était possible ou raisonnable que ce fût elle, sans répondre un seul mot, il s'enfuit tout tremblant, délivrant ainsi la jeune fille, et aimant mieux retourner en enfer rendre compte de ses actions, que de se soumettre de nouveau aux ennuis, aux désagréments et aux dangers qui accompagnent le joug matrimonial.

    Nicolas Machiavel, Histoire du diable qui prit femme (1515)

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  • Platon : Le gouvernement du plus fort

    9782081488113.jpgEt chaque gouvernement établit les lois pour son propre avantage : la démocratie des lois démocratiques, la tyrannie des lois tyranniques et les autres de même ; ces lois établies, ils déclarent juste, pour les gouvernés, leur propre avantage, et punissent celui qui le transgresse comme violateur de la loi et coupable d'injustice.

    Voici donc, homme excellent, ce que j'affirme : dans toutes les cités le juste est une même chose : l'avantageux au gouvernement constitué; or celui-ci est le plus fort, d'où il suit, pour tout homme qui raisonne bien, que partout le juste est une même chose : l'avantageux au plus fort.

    Platon, La République (Ve. s. av JC)

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  • Olympe de Gouges : Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne

    olympedegouges.jpegFemme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n’est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l’usurpation.

    L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. O femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé.

    Dans les siècles de corruption vous n’avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste-t-il )donc ? La conviction des injustices de l’homme. La réclamation de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature ; qu’auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise ? Le bon mot du Législateur des noces de Cana ?

    Craignez-vous que nos Législateurs Français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n’est plus de saison, ne vous répètent : femmes, qu’y a-t-il de commun entre nous et vous? Tout, auriez-vous à répondre. S’ils s’obstinaient, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence en contradiction avec leurs principes, opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité; réunissez-vous sous les étendards de la philosophie; déployez toute l’énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, non serviles adorateurs rampant à vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trésors de l’Etre suprême. Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n’avez qu’à le vouloir.

    Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791)

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  • Christine de Pizan : "Ne les princes ne les daignent entendre"

    christinedepizan.jpgHelas ! ou donc trouveront reconfort
    Pouvres vesves, de leurs biens despoillées,
    Puis qu'en France qui sieult estre le port
    De leur salut, et ou les exillées  
    Seulent fouïr et les desconseillées,
     Mais or n'i ont plus amistié ?
    Les nobles gens n'en ont nulle pitié,
    Aussi n'ont clers li greigneur ne li mendré,
    Ne les princes ne les daignent entendre.

    Des chevaliers n'ont elles nesun port,
    Par les prelaz ne sont bien conseillées,
    Ne les juges ne les gardent de tort,
    Des officiers n'aroient deux maillées  
    De bon respons; des poissans traveillées
     Sont en maint cas, n'a la moitié
    Devers les grans n'aroient exploitié
    Jamais nul jour, alleurs ont a entendre,
    Ne les princes ne les daignent entendre.

    Ou pourront mais fuïr, puis que ressort
    N'ont en France, la ou leur sont baillées
    Esperences vaines, conseil de mort,
    Voies d'Enfer leur sont appareillées,  
    S'elles veulent croire voies broullées
     Et faulz consaulx, ou apointié
    N'est de leur fait, nul n'ont si acointié
    Qui leur aide sanz a aucun mal tendre,
    Ne les princes ne les daignent entendre.

    Bons et vaillans, or soient esveilliées
    Voz grans bontez, ou vesves sont taillées
     D'avoir mains maulz de cuer haitié;  
    Secourez les et croiez mon dittié,
    Car nul ne voy qui vers elles soit tendre,
    Ne les princes ne les daignent entendre.

    Christine de Pizan, Autres Ballades, VI (XVe s.)

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  • Christine de Pizan : La Cité des Dames

    christinedepizan.jpg"Ainsi, ma chère enfant, c’est à toi entre toutes les femmes que revient le privilège de faire et de bâtir la Cité des Dames. Et, pour accomplir cette œuvre, tu prendras et puiseras l’eau vive en nous trois, comme en une source claire ; nous te livrerons des matériaux plus durs et plus résistants que n’est le marbre massif avant d’être cimenté. Ainsi ta Cité sera d’une beauté sans pareille et demeurera éternellement en ce monde.
    "Tu as lu, en effet, comment le roi Tros fonda la grande cité de Troie avec l’aide d’Apollon, de Minerve et de Neptune (que les anciens prenaient pour des dieux), et comment Cadmus fonda la ville de Thèbes sous l’injonction divine ; mais toutefois, avec le temps, ces villes s’écroulèrent et tombèrent en ruine. Mais moi, sibylle véritable, je t’annonce que jamais la Cité que tu fonderas avec notre aide ne sombrera dans le néant ; elle sera au contraire à jamais prospère, malgré l’envie de tous ses ennemis ; on lui livrera maints assauts, mais elle ne sera jamais prise ni vaincue.

    "L’histoire t’enseigne que le royaume d’Amazonie fut autrefois établi grâce à l’initiative de nombreuses femmes fort courageuses qui méprisaient la condition d’esclave. Elles le maintinrent longtemps sous l’empire successif de différentes reines : c’étaient des dames très illustres qu’elles élisaient et qui les gouvernaient sagement en conservant l’Etat dans toute sa puissance. Du temps de leur règne, elles conquirent une grande partie de l’Orient et semèrent la panique dans les terres avoisinantes, faisant trembler jusqu’aux habitants de la Grèce, qui était alors la fleur des nations. Et pourtant, malgré cette force et cet empire, leur royaume – comme il en va de toute puissance – finit par s’écrouler, de sorte que seul le nom en survit aujourd’hui.

    "Mais l’édifice de la Cité que tu as la charge de construire, et que tu bâtiras, sera bien plus fort ; d’un commun accord, nous avons décidé toutes trois que je te fournirais un mortier résistant et incorruptible, afin que tu fasses de solides fondations, que tu lèves tout autour les grands murs hauts et épais avec leurs hautes tours larges et grandes, les bastions avec leurs fossés, les bastides artificielles et naturelles, ainsi qu’il convient à une place bien défendue.

    Sous notre conseil, tu jetteras très profondément les fondations, pour qu’elles en soient plus sûres, et tu élèveras ensuite les murs à une telle hauteur qu’ils ne craindront aucun adversaire. Mon enfant, je t’ai expliqué les raisons de notre venue, et pour que tu accordes plus de poids à mes dires, je veux maintenant te révéler mon nom. Rien qu’à l’entendre, tu sauras que tu as en moi, si tu veux bien écouter mes conseils, une guide et une directrice pour achever ton œuvre sans jamais commettre de faute. On m’appelle Dame Raison ; tu peux te féliciter d’être en si bonnes mains. Mais je m’en tiendrai là pour l’instant. "

    Christine de Pizan, La Cité des Dames (1405)

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  • Ducret : "La dictatrice"

    36ed197b3f31618fdbadb3df86f804bd-1584636497.jpg« Sparte était la seule cité de Grèce dépourvue de murailles et pourtant jamais conquise. Aucune armée étrangère, plus de dix siècles durant, ne réussit à la prendre. Les Spartiates faisaient mur autour d’une idée qui les unissait et les rendait plus forts que la brique, l’eunomie. L’eunomie signifie la bonne législation, l’ordre bien réglé, l’équité, le juste équilibre, l’harmonie.
    — Les problèmes de Sparte n’ont rien à voir avec ceux que nous vivons aujourd’hui.
    — Sont-ils vraiment si différents ? Imagine un État fondé sur cet ordre bien réglé, cette harmonie. Plus d’aristocratie, plus de privilèges, l’équilibre parfait entre les citoyens, dotés des mêmes droits, éduqués dès leur plus jeune âge par la poésie et la philosophie, tournés vers le bien commun. »

    Diane Ducret, La Dictatrice (2020)

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  • Ziga : Chienne

    51kiM224UpL._SX195_.jpgOn ne pardonne pas à la butch et au transgenre, qui sont cousins germains, de ne pas servir les hommes, de ne pas baiser avec eux et donner naissance à leurs fils, leurs héritiers. On ne pardonne pas à la femme féminine radicale d’être appétissante physiquement mais pas constamment disponible sexuellement...

    Il y a quelques années, je jurais mes grands dieux que je m’habillais comme une pute parce que j’en avais envie, indépendamment de ce que pensaient les hommes. Mais ça n’est pas vrai : il est impossible de se construire à la marge du regard hégémonique masculin. Toutes les chiennes avec qui j’ai parlé m’ont expliqué comment leur mise en scène s’est toujours adaptée à leur besoin de répondre aux constantes interpellations publiques de la part des mâles.

    Itziar Ziga, Devenir Chienne (2020)

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  • Beauvoir : A-t-on jamais donné ses chances aux femmes

    le-deuxieme-sexe-les-faits-et-les-mythes-tome-1.jpgLes accomplissements personnels sont presque impossibles dans les catégories humaines collectivement maintenues dans une situation inférieure. « Avec des jupes, où voulez-vous qu'on aille ? » demandait Marie Bashkirtseff [8]. Et Stendhal : « Tous les génies qui naissent femmes sont perdus pour le bonheur du public. » À vrai dire, on ne naît pas génie : on le devient ; et la condition féminine a rendu jusqu'à présent ce devenir impossible.

    Les antiféministes tirent de l'examen de l'histoire deux arguments contradictoires : 1°  les femmes n'ont jamais rien créé de grand ; 2° la situation de la femme n'a jamais empêché l'épanouissement des grandes personnalités féminines. Il y a de la mauvaise foi dans ces deux affirmations ; les réussites de quelques privilégiées ne compensent ni n'excusent l'abaissement systématique du niveau collectif ; et que ces réussites soient rares et limitées prouve précisément que les circonstances leur sont défavorables. Comme l'ont soutenu Christine de Pisan, Poulain de la Barre, Condorcet, Stuart Mill, Stendhal, dans aucun domaine la femme n'a jamais eu ses chances. C'est pourquoi aujourd'hui un grand nombre d'entre elles réclament un nouveau statut ; et encore une fois, leur revendication n'est pas d'être exaltées dans leur féminité : elles veulent qu'en elles-mêmes comme dans l'ensemble de l'humanité la transcendance l'emporte sur l'immanence ; elles veulent qu'enfin leur soient accordés les droits abstraits et les possibilités concrètes sans la conjugaison desquels la liberté n'est qu'une mystification [9]. Cette volonté est en train de s'accomplir. Mais la période que nous traversons est une période de transition ; ce monde qui a toujours appartenu aux hommes est encore entre leurs mains ; les institutions et les valeurs de la civilisation patriarcale en grande partie se survivent. Les droits abstraits sont bien loin d'être partout intégralement reconnus aux femmes : en Suisse, elles ne votent pas encore ; en France la loi de 1942 maintient sous une forme atténuée les prérogatives de l'époux. Et les droits abstraits, nous venons de le dire, n'ont jamais suffi à assurer à la femme une prise concrète sur le monde : entre les deux sexes, il n'y a pas aujourd'hui encore de véritable égalité.

    Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe (1949)

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  • Aristophane : "Je dis qu'il nous faut remettre le gouvernement aux mains des femmes"

    9782081451674_1_75.jpgPRAXAGORA. Voilà un éloge convenable ! « C'est vous, ô peuple, qui êtes la cause de ces maux. Trafiquant des affaires publiques, chacun considère le gain particulier qu'il en tirera : et la chose commune roule comme Ésimos. Pourtant, si vous m'en croyez, vous pouvez encore être sauvés. Je dis qu'il nous faut remettre le gouvernement aux mains des femmes. C'est à elles, en effet, que nous confions, dans nos maisons, la gestion et la dépense. »

    PREMIÈRE FEMME. Bien, bien, de par Zeus ! bien !

    DEUXIÈME FEMME. Parle, parle, mon bon.

    PRAXAGORA. « Combien elles nous surpassent en qualités, je vais le faire voir. Et d'abord toutes, sans exception, lavent les laines dans l'eau chaude, à la façon antique, et tu n'en verras pas une faire de nouveaux essais. La ville d'Athènes, en agissant sagement, ne serait-elle pas sauvée, si elle ne s'ingéniait d'aucune innovation ? Elles s'assoient pour faire griller les morceaux, comme autrefois ; elles portent les fardeaux sur leur tête, comme autrefois ; elles célèbrent les Thesmophories, comme autrefois ; elles pétrissent les gâteaux, comme autrefois ; elles maltraitent leurs maris, comme autrefois ; elles ont chez elles des amants, comme autrefois ; elles s'achètent des friandises, comme autrefois ; elles aiment le vin pur, comme autrefois ; elles se plaisent aux ébats amoureux, comme autrefois. Cela étant, citoyens, en leur confiant la cité, pas de bavardages inutiles, pas d'enquêtes sur ce qu'elles devront faire. Laissons-les gouverner tout simplement, ne considérant que ceci, c'est que, étant mères, leur premier souci sera de sauver nos soldats. Ensuite, qui assurera mieux les vivres qu'une mère de famille ? Pour fournir l'argent, rien de plus entendu qu'une femme. Jamais, dans sa gestion, elle ne sera trompée, vu qu'elles sont elles-mêmes habituées à tromper. J'omets le reste : suivez mes avis, et vous passerez la vie dans le bonheur..

    Aristophane, L'Assemblée des Femmes (IVe s. av. JC)

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  • Aristote : L'universel

    L'universel, ce qui s'applique à tous les cas, est impossible à percevoir, car ce n'est ni une chose déterminée, ni un moment déterminé, sinon ce ne serait pas un universel, puisque nous appelons universel ce qui est toujours et partout. Donc, puisque les démonstrations sont universelles, et que les notions universelles ne peuvent être perçues, il est clair qu'il n'y a pas de science par la sensation. Mais il est évident encore que, même s'il était possible de percevoir que le triangle a ses angles égaux à deux droits, nous en chercherions encore une démonstration, et que nous n'en aurions pas une connaissance scientifique : car la sensation porte nécessairement sur l'individuel, tandis que la science consiste dans la connaissance universelle. Aussi, si nous étions sur la Lune, et que nous voyions la Terre s'interposer sur le trajet de la lumière solaire, nous ne saurions pas la cause de l'éclipse : nous percevrions qu'en ce moment il y a éclipse mais nullement le pourquoi, puisque la sensation ne porte pas sur l'universel . Ce qui ne veut pas dire que par l'observation répétée de cet événement, nous ne puissions, en poursuivant l'universel, arriver à une démonstration, car c'est d'une pluralité de cas particuliers que se dégage l'universel.

    Aristote (IVe s. av. JC)

    Photo ! Pexels - Roberto Nickson 

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  • Hofstadter : Gödel, Escher, Bach

    41d2Kdh0qWL._AC_UF1000,1000_QL80_.jpgJe me suis rendu compte que Gödel, Escher et Bach n'étaient que des ombres projetées dans différentes directions par une essence centrale. J'ai essayé de reconstruire cet objet central, et c'est ce livre. L'ouvrage exploite donc le concept d'analogie, mais aussi celui de paradoxe (et notamment les paradoxes de Zénon), de récursivité, d'infini, et de système formel. Ainsi, l'une des lectures du livre consiste en une analogie entre les systèmes formels et la manière dont se développe l'Univers (la question étant justement de savoir si l'Univers suit ou non des règles assimilables à celle d'un système formel). L'ouvrage questionne également le problème de la conscience, de la pensée humaine, et étudie la façon dont les particules élémentaires ont pu s'assembler pour former un être capable de s'intuitionner lui-même, mais aussi de s'extraire de la logique des systèmes formels (question qui est notamment étudiée par une comparaison entre l'homme et les machines douées d'intelligence artificielle).

    Douglas Hofstadter, Gödel, Escher, Bach : Les Brins d'une Guirlande Éternelle (1979)

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