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Café philosophique de Montargis - Page 59

  • "AGORA" : UN PÉPLUM SUR HYPATHIE, PHILOSOPHE ET MATHÉMATICIENNE

    Agora, de Alejandro Amenabar (Etats-Unis et Espagne, 2009, 126 mn), avec Rachel Weisz, Oscar Isaac et Max Minghella

    EMI_157203.jpgAu IVe siècle après Jésus-Christ, l'Egypte est sous la domination de l'Empire romain. A Alexandrie, l'astronome et philosophe Hypathie s'est réfugiée dans la Grande Bibliothèque. Elle tente de sauver le bâtiment menacé de destruction par les chrétiens. Deux de ses disciples, Oreste et le jeune esclave Davus, qui se disputent l'amour d'Hypathie, sont à ses côtés. Mais Davus est déchiré entre ses sentiments et la perspective d'être affranchi s'il rejoint les chrétiens...

    France 4, mercredi 17 juillet 2013, à 20H45

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  • MERCI AUX PARTICIPANTS DE LA DERNIÈRE SÉANCE DE LA SAISON ("QU'EST-CE QU'UNE VIE RÉUSSIE ?")

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    Le café philosophique de Montargis réunissait pour sa séance du 28 juin 2013 environ 60 personnes. Le débat s'intitulait : "Qu'est-ce qu'une vie réussie ?"

    Claire et Bruno tiennent à remercier les personnes présentes. Bientôt, sur ce site, vous retrouverez comme d'habitude le compte-rendu de cette séance.

    Il s'agissait de la dernière séance de cette saison 4. L'équipe du café philosophique de Montargis va prendre quelques semaines de vacances avant d'entamer sa cinquième saison. 

    La prochaine séance du café philosophique de Montargis aura lieu le vendredi 27 septembre 2013 à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée. Le premier débat de cette saison 5 sera intitulée : "Justice : surveiller, punir ou guérir ?"

    Claire et Bruno remercient les participants et les soutiens du café philosophique de Montargis. Bonnes vacances à tous et à très bientôt.

     

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  • PROCHAIN CAFÉ PHILOSOPHIQUE CE VENDREDI : "QU'EST-CE QU'UNE VIE RÉUSSIE ?" [DERNIÈRE SÉANCE DE LA SAISON]

    Le prochain café philosophique de Montargis aura lieu le 28 juin à partir de 19 heures à la Brasserie du Centre Commercial de La Chaussée. Cette dernière séance de la saison sera intitulée "Qu’est-ce que qu’une vie réussie ?" Il s'agira alors de s'interroger sur les critères garants d'une vie réussie. 

    citizen-kane.jpgA l'heure où certains passent leur baccalauréat et d'autres luttent pour garder leur emploi, comment faire pour réussir sa vie ?

    S'accomplit-on dans le travail, l'assouvissement de ses passions, sa famille, la morale ? Le constat d'une réussite peut-il se faire en acte ou bien faut-il être au soir de sa vie pour l'interroger ? Est-il possible de savoir qu'on la réussit ou qu’on l’a réussie ? Enfin est-ce seulement souhaitable de s'y interroger, ne risque-t-on pas alors d'être posthumes à nous mêmes ? Ne plus rien attendre de sa vie est-ce le constat du sage ou du dépressif ?

    Rendez-vous est pris le vendredi 28 juin, à Montargis, Brasserie du Centre Commercial de La Chaussée, à 19 h.

    Participation libre et gratuite.

     
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  • SANS COMMENTAIRE

    Burda ! burda ! arrête le fucking taxi

    Sifflait la femme en chaînes comme si

    On était en train de dévoiler la statue de la liberté

     

    Poétesse écolo

    Elle portait un soutien-gorge équitable et,

    Pour la rime, une petite culotte biodégradable

     

    Comme elle relevait son front d'entre ses mains

    Elle vit Jésus-Christ avec les traits humains

    Et les habits qu'il a dans les tableaux d'église.

     

    Branko Cegec, Lune pleine à Istanbul, éd L'Ollave

     

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  • COMPTE-RENDU DE LA SÉANCE "MANIPULATION DANS LE COUPLE..."

    Thème du débat : "Manipulation dans le couple : pourquoi rester ? Comment partir ?" 

    Date : 7 juin 2013 à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée.

    Une centaine de personnes étaient présentes pour le café philosophique du 7 juin 2013 intitulé : "Manipulation dans le couple : pourquoi rester ? Comment partir ?" Pour l’occasion, Claire et Bruno recevaient Catherine Armessen, médecin et écrivain, auteur notamment du roman La Marionnette, une œuvre de fiction ayant pour thème le sujet débattu de ce soir.

    Bruno commence la séance en présentant leur invité : Catherine Armessen est médecin en Seine-et-Marne et romancière. Après avoir écrit pour les petits (3-7 ans), elle a décidé de passer à la littérature adulte. L'auteur traite volontiers des sujets de société, comme l'alcoolisme ou les sectes. Parmi ses livres publiés il cite L’Ariégeoise (2003), Dérapages (2005), Manipulation (2007, Prix Littré), La Fille du Verrier (2008), Le Clan des Secrets (2010), Le Méchant Z (2012) et La Marionnette (2013). Catherine Armessen, qui a déjà été invité par le café philosophique de Montargis pour un débat sur les dérives sectaires ("Dérives sectaires : où s’arrête ma liberté ?"), anime également des conférences ("La douleur de la personne âgée", "Approche non médicamenteuse de la maladie de Parkinson" pour citer les plus récentes). Bruno parle de son dernier roman La Marionnette comme un livre illustrant mieux que beaucoup de documentaires la réalité de la manipulation dans le couple (en savoir plus sur ce lien). 

    Catherine Armessen commence par rappeler que le café philosophique du 6 février 2013 (cf. lien) parlait de sentiment amoureux, de désintéressement et d’épanouissement. Au cours, de cette présente séance sur la manipulation, il sera au contraire question de faux amour, de sentiments tronqués et d’accaparation perverse. Le manipulateur, qui est dans une relation de pouvoir et non d’amour, donne à sa victime l'illusion d'être aimée pour mieux en faire sa chose. 

    ca.jpegCatherine Armessen commence par définir ce qu’est un manipulateur et ce que sont les facteurs qui permettent de définir la manipulation domestique. Des spécialistes ont dressés une typologie du comportement de ces personnes – autant des hommes que des femmes, même si notre invité avoue n’avoir reçu que des femmes en consultation. Trente caractéristiques peuvent définir ces manipulateurs (cf. article sur le site). Conventionnellement, lorsqu’une dizaine de ces caractéristiques apparaissent chez un individu, ce dernier peut être qualifié de manipulateur. Ce dernier se définit comme une personne d’une grande intelligence capable, en usant tour à tour de la flatterie, de l’humiliation, de la remise en cause de la personne en face d’elle et de la violence (qu’elle soit verbale ou physique) de corseter et de contraindre son ou sa partenaire. Ce partenaire glisse progressivement dans un état de dépendance d’autant plus sournois que son manipulateur réussit à éloigner la victime de ses proches – famille ou amis – voire à les manipuler eux-mêmes. Se libérer de cette emprise est d’autant plus difficile pour la victime que celle-ci reste attachée (dans tous les sens du terme !) à cet homme ou cette femme dont elle reste éprise et chez qui elle espère sans cesse une remise en cause, un dédouanement et finalement le retour à l’être aimé des premiers temps. On reste parce qu’il y a toujours l’espoir que tout aille pour le mieux par la suite. Le manipulateur lui-même, après une des multiples crises, peut aisément supplier qu’un tel comportement est inadmissible et qu’il ne se reproduira pas. Il réclame le pardon que la victime, par amour, bien souvent accepte. Vaine illusion, souligne Catherine Armessen ! D’autant plus que dès les premiers temps de la relation, cet être toxique, aimé pour sa sensibilité et son originalité, cachait ce je ne sais quoi de "particulier" : "Il y avait quelque chose qui ne collait pas" disent fréquemment les victimes de harcèlement. Ce "quelque chose", considéré d’abord avec bienveillance voire tendresse, était déjà le signe avant-coureur d’une future dérive. Et pourtant, le manipulateur cache bien son jeu – à supposer même qu’il puisse savoir qu’il l’est ! Il est si charmant en public, si prévenant ! Au point que si sa victime l’accuse de l’isoler et de la faire souffrir, ce ne peut être qu’elle l’affabulatrice ! C’est ce qu’une participante souligne et appuie : la manipulation dans le couple est affaire privée et secret familial bien enfoui ! Lorsque la vérité éclate au grand jour, il est déjà trop tard.

    Catherine Armessen s’arrête sur l’engrenage de cette violence domestique. La stratégie du manipulateur repose sur la séduction, la fascination et la destruction de l’identité de la victime qui se retrouve face à un vampire psychoaffectif qui se nourrit de son énergie. Le manipulateur ne supporte pas d'avoir des défauts : il se veut et se vit parfait. Pour cela il prête à sa victime les intentions qu’il a lui-même. L'autre n'est pas une personne à part entière mais le mauvais reflet de lui qu'il refuse de voir. Souvent, la victime est déstabilisée, voire culpabilisée. Et, parce que "l'amour rend aveugle" (comme le dit l'adage), la proie du manipulateur choisit de rester au lieu de se sauver en courant. La proie est un peu la fourmi prise au piège de l'araignée. Elle est paralysée par une machination dont elle ignore les rouages et qui va la fragiliser. L'araignée entame sévèrement voire détruit l’estime de soi et génère divers troubles de la santé mentale et physique.

    Catherine Armessen lit un extrait de son dernier livre pour illustrer ce que peut être le comportement quotidien d’un manipulateur. Voilà ce que dit Alexandre Lambert, le manipulateur, à sa compagne, Camille :

    "- Tu la ramènes mais tu ne devrais pas. T’es un vrai boulet que je me traîne depuis des mois. Je la ferme mais j’en pense pas moins. Tu me rends la vie impossible. Tu chiales tout le temps, tu te laisses aller. T’es pas fichue de te débrouiller toute seule mais t’écoutes l’autre pétasse qui voudrait que tu prennes ton indépendance. Foutaises ! T’as quinze ans d’âge mental et l’énergie d’un lombric. J’étouffe avec toi !" (La Marionnette, p. 62)

    Catherine Armessen souligne un autre aspect souvent peu évoqué dans la manipulation dans le couple : l’intérêt matériel et financier. Ce point est capital car pour pouvoir soumettre et isoler sa victime, son bourreau s’arrange pour la rendre dépendante. Il la spolie financièrement (on retrouve là un des traits caractéristiques des dérives sectaires) et l’empêcher de quitter le domicile familial. L’isolement joue ainsi un double rôle : la victime se retrouve seule et avec peu de recours pour solliciter une aide extérieure. Les conséquences de la manipulation mentale dans le couple sont au final un effondrement total à la fois de la personne en tant qu'individu et en tant que membre de la société

    Le premier de ces recours n’est-il pas la justice en premier lieu ? Or, Bruno s’interroge sur l’apparente frilosité de l’institution judiciaire pour écouter, accompagner et finalement répondre aux victimes du harcèlement. Catherine Armessen se montre moins sévère, arguant l’importance dans nos institutions démocratiques de preuves capables d’accréditer ou non des cas de harcèlement, dont la caractéristique principale est la répétitivité. Pour cela, il faut des preuves. La justice se doit d’analyser avec froideur tous les éléments en sa possession et d’écouter plaignants et mis en accusation. Or, force est de constater que, très souvent affaiblie, la victime a le plus grand mal à affronter le manipulateur ; un manipulateur qui plus est bien au fait des moyens de retourner toute situation à son avantage, à telle enseigne que tout essai de médiation est impossible car elle se retournait indubitablement contre le plaignant. Le manipulateur est en effet un personnage imperméable aux émotions des autres, égocentrique et prêt à tout pour atteindre son but, y compris par le biais de la médiation judiciaire. 

    Le manipulateur, ajoute Catherine Armessen, vit dans un film dont il est le héros et pulvérise tout ce qui se trouve en travers de son chemin avec des armes qui peuvent être la séduction quand ça l'arrange: il cajole, flatte, adopte le discours qui plait a son interlocuteur, etc. L’autre arme dont il se sert couramment est le mensonge. Il s’en sert pour instrumentaliser autrui. Cet autrui qui devient sa chose : il ne tient aucun compte de ses  besoins des autres ni de ses droits.

    À ce stade du débat, plusieurs participants font une parenthèse, évoquant la place que la manipulation tient dans nos sociétés. Elle a certes des effets pervers ; il n’en reste pas moins vrai qu’elle est omniprésente en politique, dans la publicité, y compris dans nos vies quotidiennes. 

    Bruno s’interroge sur l’influence que pourrait avoir la tradition patriarcale de nos sociétés occidentales. Ne serait-ce pas sur ce substrat multimillénaire que pousserait une violence domestique éminemment masculine ? Catherine Armessen n’apporte pas de réponse définitive, précisant que la manipulation touche autant les hommes que les femmes, même si elle admet n’avoir jusqu’ici reçu que des femmes en consultation.  

    Un participant met en avant l’aspect psychiatrique de la manipulation tout en mettant en garde le public de ne pas confondre comportements et symptômes cliniques : le manipulateur n’est pas un malade (et ce, même si, Bruno le rappelle, il peut avoir des circonstances atténuantes, durant l’enfance ou l’adolescence par exemple, ce que Catherine Armessen évoque dans son dernier roman). Ce même participant tient à ajouter, non sans provocation, que tout bourreau implique une victime qui apporterait une forme de soumission sinon de consentement implicite. Catherine Armessen va dans ce sens, quoique avec plus de nuance. La victimisation est un chemin facile qui ne peut pas donner de solutions aux cas de harcèlements. C’est un combat que le manipulé doit livrer au manipulateur et non pas une soumission ou une abdication qui ne règleraient rien. Détruit par le regard de celui ou celle que l’on aimait, parce que ses défenses ont sauté et que l’estime de soi a disparu, le chemin est long pour recouvrer des forces pour cette lutte sans merci, a fortiori pour se reconstruire, ce que nous évoquerons plus loin. 

    Évoquant cette confrontation terrible, très souvent cachée parce qu’intime, et parce que nous sommes dans un café philo, une question proprement existentielle se pose : celle du rapport à autrui. Dans cette lutte violente, n’est-ce pas moi-même que je défie lorsque je soumets ma victime ? Le regard de l’autre est capital, admet Claire. Jean-Paul Sartre parle de cet autre qui n’est pas moi-même mais qui me renvoie ma propre image. Je me construis dans le monde, rappelle le philosophe existentialiste, et mon rapport au monde se fait au travers d’autrui. Autrui m’est indispensable à ma propre existence. Là, sans doute, se trouve l’aspect le plus tragique dans ce rapport dominant-dominé que nous traitons ce soir. Autrui, qui était l’être aimé, celui en qui nous faisions une confiance aveugle, détruit mon estime de soi par son regard, par ses mots humiliants. Dit autrement, cette confrontation quotidienne au travers de la manipulation contribue à détruire mon être. Dans ma rencontre avec autrui, conceptualise l’existentialisme, je fais l’expérience de l’intersubjectivité : “La nature de mon corps me renvoie à l’existence d’autrui et à mon être-pour-autrui. Je découvre avec lui, un autre mode d’existence aussi fondamental que l’être-pour-soi et que je nommerai être-pour-autrui” (Jean-Paul Sartre, L’Être et le Néant). Dans le tragique de la manipulation, autrui fait de moi un objet. Il me cristallise : je ne suis plus un sujet qu’autrui, que j’aime ou que je croyais aimer,  recherche pour fonder son propre être mais je deviens un non-sujet qu’il cherche à détruire. Je ne suis plus cet être libre que l’autre veut comme absolu et qui est aussi une limitation de sa propre liberté : je ne suis, au contraire, plus qu’un objet (non-sujet) dont autrui (le manipulateur en l’occurrence) cherche à annihiler la liberté comme s’il était seul au monde.

    À ce stade du débat, nous entrons dans une discussion proprement médicale. Catherine Armessen souligne que le harcèlement cesse d’être un problème social et devient un cas médico-social ce qu’une intervenante approuve, pour avoir été elle-même victime. Le manipulateur lamine l'estime de soi. Or celle- ci est vitale pour notre équilibre psychique. Catherine Armessen parle des trois degrés dans l’estime de soi. Il y a d’abord l’amour de soi, qui est le noyau dur. Il nous permet de résister aux tempêtes de la vie et défend notre intégrité. Il résiste aux critiques et au rejet. Il prend sa source dans l'amour inconditionnel que nous avons reçu dans l'enfance. Le deuxième degré est la confiance en soi. Elle permet de se sentir capable d'agir avec efficacité. Elle permet de ne pas vivre un échec comme un drame et de n'avoir qu'une peur raisonnable du jugement de autres. Elle prend sa source dans une éducation mesurée, ni trop perfectionniste ni surprotectrice, ce qui est le défaut actuel dans l’éducation actuelle de nombre d’enfants, ajoute notre invitée ! La confiance en soi peut néanmoins s'acquérir à l’âge adulte. Le troisième et dernier degré est la vision de soi-même. C'est une vision subjective, très influencée à la base par la perception positive ou négative des parents. Ces trois composantes de l'estime de soi se forment très tôt et interagissent. Toute notre vie, l'estime de soi doit être nourrie par l'amour, l'estime, les compétences, etc. Le manipulateur, par la répétition de comportements malveillants, érode l'estime de soi jusqu'a la cassure. Finalement, broyée dans la mécanique manipulatoire, la victime ne fait-elle pas inconsciemment le choix du regard de l’autre plutôt que de l’estime d’elle-même ? C’est la question que plusieurs participants soulèvent au cours du débat.

    Pour s’échapper de ce processus manipulatoire (car le débat de ce soir pose cette question : "Pourquoi rester, comment partir ?"), quelles sont les solutions ? Nous avons dit plus haut que la médiation et la diplomatie n’ont aucun effet sur le manipulateur, passé maître dans l’art de tirer avantage de toute situation grâce à ses "talents".

    La fuite est inéluctable pour se libérer de la manipulation. La fourmi, un jour, décide de sortir de la toile de ĺ’araignée bien que cela, paraisse mission impossible. Pourquoi impossible ? Deux obstacles au moins se dressent en effet : les émotions et les croyances. Le manipulateur a recours a moult stratagèmes pour retenir sa proie: il la culpabilise, se victimise, menace de se suicider. Et cela marche longtemps. La séparation demande du courage. Le manipulateur ne recule devant rien pour retenir sa proie. Le divorce lui parait inconcevable. Il essaiera de manipuler le juge, de terroriser son conjoint, de mettre à dos les proches de sa victime. Tous les coups sont permis. Parmi les grands classiques: les accusations mensongères, le terrorisme financier, la revendication de la garde des enfants. Lorsque la fuite a lieu, au sentiment de délivrance vient se substituer des difficultés matérielles mais aussi des souffrances dues à la destruction psychologique. Pour cela, une longue période est nécessaire et le soutien du corps médical, des autres, de la famille ou des amis s’avèrent indispensables afin de se retrouver et de faire le choix de soi-même. Ce que plusieurs témoins attestent, non sans émotion ! La fuite n’est finalement que la première étape vers la reconstruction psychologique qui est toujours possible. Une participante témoigne que se libérer d’une telle emprise est possible. Pour elle, se fut le cas après cinq années de travail sur elle-même.  

    Sur cette note d’espoir, Claire et Bruno remercient chaleureusement Catherine Armessen pour l’intervention de ce soir. Une séance de dédicaces suit immédiatement ce débat. 

    La soirée se termine par le vote de la dernière séance de cette saison. Plusieurs sujets étaient proposés : "Qu’est-ce qu’une vie réussie ?", "L’histoire se répète-t-elle ?", "Comment vieillir ?", "L’égalité est-elle une utopie ?" et "Comment devient-on femme aujourd’hui ?" Les participants choisissent à quelques voix près (devant le sujet sur la vieillesse) le sujet : "Qu’est-ce qu’une vie réussie ?" Ce sera le thème de la séance du 28 juin 2013, qui sera aussi la dernière de cette saison 4.

    Catherine Armessen a adressé un mot à l'adresse des participants du café philosophique de Montargis. Lire ce message sur ce lien.

    Vous pouvez consulter son site Internet sur ce lien : http://www.catherine-armessen.fr.

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  • BAC PHILO : LES SUJETS

    Série L (littéraire)

    - Le langage n'est-il qu'un outil ?

    - La science se limite-t-elle à constater les faits ?

    - Expliquer un texte de René Descartes extrait de "Lettre à Élisabeth" :

    "Bien que chacun de nous soit une personne séparée des autres, et dont, par conséquent, les intérêts sont en quelque façon distincts de ceux du reste du monde, on doit toutefois penser qu'on ne saurait subsister seul, et qu'on est, en effet, l'une des parties de l'univers, et plus particulièrement encore l'une des parties de cette terre, l'une des parties de cet État, de cette société, de cette famille, à laquelle on est joint par sa demeure, par son serment, par sa naissance. Et il faut toujours préférer les intérêts du tout, dont on est partie, à ceux de sa personne en particulier ; toutefois avec mesure et discrétion, car on aurait tort de s'exposer à un grand mal, pour procurer seulement un petit bien à ses parents ou à son pays ; et si un homme vaut plus, lui seul, que tout le reste de sa ville, il n'aurait pas raison de se vouloir perdre pour la sauver. Mais si on rapportait tout à soi-même, on ne craindrait pas de nuire beaucoup aux autres hommes, lorsqu'on croirait en retirer quelque petite commodité, et on n'aurait aucune vraie amitié, ni aucune fidélité, ni généralement aucune vertu ; au lieu qu'en se considérant comme une partie du public, on prend plaisir à faire du bien à tout le monde, et même on ne craint pas d'exposer sa vie pour le service d'autrui, lorsque l'occasion s'en présente".

    Série S (scientifique)

    - Peut-on agir moralement sans s'intéresser à la politique ?

    - Le travail permet-il de prendre conscience de soi ?

    - Expliquer un texte de Henri Bergson extrait de La pensée et le Mouvant :

    "Qu'est-ce qu'un jugement vrai ? Nous appelons vraie l'affirmation qui concorde avec la réalité. Mais en quoi peut consister cette concordance ? Nous aimons à y voir quelque chose comme la ressemblance du portrait au modèle : l'affirmation vraie serait celle qui copierait la réalité. Réfléchissons-y cependant : nous verrons que c'est seulement dans des cas rares, exceptionnels, que cette définition du vrai trouve son application. Ce qui est réel, c'est tel ou tel fait déterminé s'accomplissant en tel ou tel point de l'espace et du temps, c'est du singulier, c'est du changeant. Au contraire, la plupart de nos affirmations sont générales et impliquent une certaine stabilité de leur objet. Prenons une vérité aussi voisine que possible de l'expérience, celle-ci par exemple : "la chaleur dilate les corps". De quoi pourrait-elle bien être la copie ? Il est possible, en un certain sens, de copier la dilatation d'un corps déterminé à des moments déterminés, en la photographiant dans ses diverses phases. Même, par métaphore, je puis encore dire que l'affirmation "cette barre de fer se dilate" est la copie de ce qui se passe quand j'assiste à la dilatation de la barre de fer. Mais une vérité qui s'applique à tous les corps, sans concerner spécialement aucun de ceux que j'ai vus, ne copie rien, ne reproduit rien."

    Série ES (économique et social)

    - Que devons-nous à l'État ?

    - Interprète-t-on à défaut de connaître ?

    - Expliquer un texte de Saint Anselme extrait De la Concorde :

    "Prenons maintenant un exemple où apparaissent une volonté droite, c'est-à-dire juste, la liberté du choix et le choix lui-même ; et aussi la façon dont la volonté droite, tentée d'abandonner la rectitude, la conserve par un libre choix. Quelqu'un veut du fond du coeur servir la vérité parce qu'il comprend qu'il est droit d'aimer la vérité. Cette personne a, certes, la volonté droite et la rectitude de la volonté ; mais la volonté est une chose, la rectitude qui la rend droite en est une autre. Arrive une autre personne la menaçant de mort si elle ne ment. Voyons maintenant le choix qui se présente de sacrifier la vie pour la rectitude de la volonté ou la rectitude pour la vie. Ce choix, qu'on peut aussi appeler jugement, est libre, puisque la raison qui perçoit la rectitude enseigne que cette rectitude doit être observée par amour de la rectitude elle-même, que tout ce qui est allégué pour son abandon doit être méprisé et que c'est à la volonté de repousser et de choisir selon les données de l'intelligence rationnelle ; c'est dans ce but principalement, en effet, qu'ont été données à la créature raisonnable la volonté et la raison. C'est pourquoi ce choix de la volonté pour abandonner cette rectitude n'est soumis à aucune nécessité bien qu'il soit combattu par la difficulté née de la pensée de la mort. Quoiqu'il soit nécessaire, en effet, d'abandonner soit la vie, soit la rectitude, aucune nécessité ne détermine cependant ce qui est conservé ou abandonné. La seule volonté détermine ici ce qui est gardé et la force de la nécessité ne fait rien là où le seul choix de la volonté opère."


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  • DEMAIN : ÉPREUVE DU BAC DE PHILO

    BAC__la_philosophie_premire_preuve_du_baccalaurat.jpgNous avons une pensée pour les élèves de Terminale qui vont demain passer la première épreuve du baccalauréat, l'emblématique épreuve de philosophie.

    Bon courage à toutes et à tous !

    Dès demain, sur ce site, nous mettrons en ligne les sujets proposés cette année.

     

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  • A QUELQUES JOURS DU BAC : LE "GUIDE DE SURVIE AU BAC PHILO"

    Dans quelques jours, plus de 600 000 lycéens passeront le bac philo.

    Philosophie Magazine lance le 17 avril le Guide de survie au Bac Philo. Comment réussir sans bachoter au dernier moment ? Les bonnes méthodes, des copies corrigées et surtout ce qu’il faut retenir des programmes !

    635024199527140672.jpgNiveau 1: La méthode, objectif zéro stress face au sujet

    Faire face à l’épreuve ? Adopter la bonne attitude face à son sujet. Organiser son temps. Suivre la bonne méthode. L’inspiration seule ne suffit pas. ! Voici toutes les règles, les trucs et les astuces pour ne pas paniquer et viser la moyenne.

    Niveau 2: La pratique, objectif la bonne note !

    Après avoir compris ce qu’il faut faire, Philosophie Magazine vous propose de faire équipe avec des profs ! Ils ont corrigé pour vous les sujets de 2012 et vous offrent des copies parfaites ! Exit les erreurs classiques : vous avez toutes les munitions pour passer de 8 à 14 ! Vous comprendrez même, en entrant dans le secret des réunions d’harmonisation des notes, les critères des professeurs eux-mêmes.

    Niveau 3 : Votre sésame : le programme !

    Pour parfaire votre formation avant le jour J, Philosophie Magazine vous dote d’un mini manuel qui vous dit tout des 23 notions du programme ! De la définition des concepts aux exemples en passant par la pensée de Sartre, Spinoza, Platon ou Hobbes. Vous voilà incollable et prêt à affronter l’épreuve ! Sans oublier les fameux repères conceptuels, que l’on peut comprendre en lisant la folle journée d’un candidat angoissé, le jeune Kevin Sartre. Enfin, testez vos connaissances, et celles des adultes, grâce à un quizz pour le moins vicieux.

    Lundi 17 juin : Épreuve du Bac Philo ! A midi, découvrez les 1ers corrigés

    Plus d'informations : www.philomag.com et page Facebook

    Communiqué de presse téléchargeable ici

     

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  • UN ARTICLE SUR LE CAFE PHILO

    Retrouvez, en cliquant sur l'image ci-dessous, un article sur le café philosophique de Montargis.

    Merci au site de Villanimation.

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  • ÉPICTÈTE : "MANUEL"

    "I. De toutes les choses du monde, les unes dépendent de nous, les autres n'en dépendent pas. Celles qui en dépendent sont nos opinions, nos mouvements, nos désirs, nos inclinations, nos aversions ; en un mot, toutes nos actions. 

    Épictète.jpgII. Celles qui ne dépendent point de nous sont le corps, les biens, la réputation, les dignités ; en un mot, toutes les choses qui ne sont pas du nombre de nos actions. 

    III. Les choses qui dépendent de nous sont libres par leur nature, rien ne peut ni les arrêter, ni leur faire obstacle ; celles qui n'en dépendent pas sont faibles, esclaves, dépendantes, sujettes à mille obstacles et à mille inconvénients, et entièrement étrangères. 

    IV. Souviens-toi donc que, si tu crois libres les choses qui de leur nature sont esclaves, et propres à toi celles qui dépendent d'autrui, tu rencontreras à chaque pas des obstacles, tu seras affligé, troublé, et tu te plaindras des dieux et des hommes. Au lieu que si tu crois tien ce qui t'appartient en propre, et étranger ce qui est à autrui, jamais personne ne te forcera à faire ce que tu ne veux point, ni ne t'empêchera de faire ce que tu veux ; tu ne te plaindras de personne ; tu n'accuseras personne ; tu ne feras rien, pas même la plus petite chose, malgré toi ; personne ne te fera aucun mal, et tu n'auras point d'ennemi, car il ne t'arrivera rien de nuisible. 

    V. Aspirant donc à de si grands biens, souviens-toi que tu ne dois pas travailler médiocrement pour les acquérir, et que, en ce qui concerne les choses extérieures, tu dois entièrement renoncer aux unes, et remettre les autres à un autre temps. Car si tu cherches à les accorder ensemble, et que tu poursuives et ces véritables biens et les richesses et les dignités, peut-être n'obtiendras-tu même pas ces dernières, pour avoir désiré les autres ; mais certainement tu manqueras d'acquérir les biens qui peuvent seuls faire ta liberté et ton bonheur." 

    Épictète, Manuel (Ier siècle ap. JC)

     

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  • UN MOT DE CATHERINE ARMESSEN APRÈS SON INTERVENTION DU 7 JUIN 2013

    armessen"Chers participants,

    Un grand merci pour la qualité et la spontanéité des échanges que j'ai pu avoir avec vous. Je garderai un excellent souvenir de cette rencontre qui m'a personnellement apporté beaucoup. l a discussion est toujours constructive. Écouter le point de vue des autres permet d'éviter le piège  de la pensée solitaire forcément réductrice.

    Au plaisir de vous rencontrer de nouveau autour d'un autre thème."

    Catherine Armessen

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  • PIERRE AUTIN-GRENIER : "TOUTE UNE VIE BIEN RATÉE"

    toute-une-vie-bien-ratee-88584-250-400.jpg"À quoi bon ma vie immobile dans ce trou noir, je me dis, quand partout alentour s'agitent des ingénieurs en aéronautique, parcourent en tous sens la planète Messieurs les Administrateurs des Îles Éparses et que des experts assermentés près les tribunaux expertisent tandis qu'ailleurs attaquent formidablement des banques des bandits prodigieux ? Vrai, comment ne pas se demander ce que l'on est venu faire là au milieu et d'où nous vient cette audace de respirer le même air qu'eux ?

    Il est déjà fort tard dans la nuit quand, sous le couvercle de ma boîte de camembert, je parviens à réduire tous ces gens importants en bouillie et ramener leurs prétentions au niveau des miennes ; alors, adieu plomberie existentielle ! je glisse enfin vers le sommeil, tel un lézard sous la lune, lentement avançant sur ses petites pattes à la recherche de trèfles à quatre feuilles dans le gravier des cimetières."

    Pierre Autin-Grenier, Toute une Vie bien ratée (1997)


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  • SÉANCE DU 28 JUIN 2013 : "QU'EST-CE QU'UNE VIE RÉUSSIE ?"

    Affiche qu'est ce qu'une vie réussie image.png

    La prochaine séance du café philosophique de Montargis aura lieu le vendredi 28 juin 2013 à 19H à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée.

    Le débat sera intitulé : "Qu'est-ce qu'une vie réussie ?"

     


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  • MERCI AUX PARTICIPANTS DE LA SÉANCE DU 7 JUIN 2013

    640984472.JPGLe café philosophique de Montargis du vendredi 7 juin 2013 réunissait de 90 à 100 personnes pour un débat qui s'intitulait : "Manipulation dans le couple : pourquoi rester ? Comment partir ?"

    Claire et Bruno tiennent à remercier en premier lieu Catherine Armessen qui était venue coanimée pour l'occasion cette séance. Bientôt, sur ce site, vous retrouverez comme d'habitude le compte-rendu de cette séance. 

    La prochaine séance du café philosophique de Montargis aura lieu le vendredi 28 juin 2013 à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée. Le débat sera intitulé : "Qu'est-ce qu'une vie réussie ?"

     

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  • COUP DE PROJECTEUR DU SITE VILLANIMATION.COM

    villeanimation.pngLien externe: http://www.villanimation.com

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  • SÉANCE DU 7 JUIN 2013 : "MANIPULATION DANS LE COUPLE"

    manipulation

    La prochaine séance du café philosophique de Montargis aura lieu le vendredi 7 juin 2013 (ATTENTION ! CHANGEMENT DE DATE !) à 19H à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée.

    Le débat sera intitulé : "Manipulation  dans le couple : pourquoi rester ? Comment partir ?"

    Pour cette séance, Claire et Bruno seront accompagnés de Catherine Armessen, médecin et auteur de La Marionnette (éd. Feuillage).


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  • SARTRE : LA LIBERTÉ D'AUTRUI EST LE FONDEMENT DE SON ÊTRE

    "Tout ce qui vaut pour moi vaut pour autrui. Pendant que je tente de me libérer de l'emprise d'autrui, autrui tente de se libérer de la mienne ; pendant que je cherche à asservir autrui, autrui cherche à m'asservir. Il ne s'agit nullement ici de relations unilatérales avec un objet-en-soi, mais de rapports réciproques et mouvants. Les descriptions qui vont suivre doivent donc être envisagées dans la perspective du conflit. Le conflit est le sens originel de l'être-pour-autrui. 

    beauvoir-sartre.jpgSi nous partons de la révélation première d'autrui comme regard, nous devons reconnaître que nous éprouvons notre insaisissable être-pour-autrui sous la forme d'une possession. Je suis possédé par autrui ; le regard d'autrui façonne mon corps dans sa nudité, le fait naître, le sculpte, le produit comme il est, le voit comme je ne le verrai jamais. Autrui détient un secret : le secret de ce que je suis. Il me fait être et, par cela même, me possède, et cette possession n'est rien autre que la conscience de me posséder. Et moi, dans la reconnaissance de mon objectité, j'éprouve qu'il a cette conscience. A titre de conscience, autrui est pour moi à la fois ce qui m'a volé mon être et ce qui fait « qu'il y a » un être qui est mon être. Ainsi ai-je la compréhension de cette structure ontologique ; je suis responsable de mon être-pour-autrui, mais je n'en suis pas le fondement ; il m'apparaît donc sous forme d'un donné contingent dont je suis pourtant responsable, et autrui fonde mon être en tant que cet être est sous la forme du « il y a » ; mais il n'en est pas responsable, quoiqu'il le fonde en toute liberté, dans et par sa libre transcendance. Ainsi, dans la mesure où je me dévoile à moi-même comme responsable de mon être, je revendique cet être que je suis ; c'est-à-dire que je veux le récupérer ou, en termes plus exacts, je suis projet de récupération de mon être. Cet être qui m'est apprésenté comme mon être, mais à distance, comme le repas de Tantale, je veux étendre la main pour m'en emparer et le fonder par ma liberté même. Car, si, en un sens, mon être-objet est insupportable contingence et pure « possession » de moi par un autre, en un autre sens cet être est comme l'indication de ce qu'il faudrait que je récupère et que je fonde pour être fondement de moi. Mais c'est ce qui n'est concevable que si je m'assimile la liberté d'autrui. Ainsi, mon projet de récupération de moi est fondamentalement projet de résorption de l'autre. Toutefois ce projet doit laisser intacte la nature de l'autre. C'est-à-dire que : 1° Je ne cesse pas pour cela d'affirmer autrui, c'est-à-dire de nier de moi que je sois l'autre : l'autre étant fondement de mon être ne saurait se diluer en moi sans que mon être-pour-autrui s'évanouisse. Si donc je projette de réaliser l'unité avec autrui, cela signifie que je projette de m'assimiler l'altérité de l'autre en tant que telle, comme ma possibilité propre. Il s'agit, en effet, pour moi de me faire être en acquérant la possibilité de prendre sur moi le point de vue de l'autre. Mais il ne s'agit pas cependant d'acquérir une pure faculté abstraite de connaissance. Ce n'est pas la pure catégorie de l'autre que je projette de m'approprier : cette catégorie n'est ni conçue ni même concevable. Mais, à l'occasion de l'épreuve concrète, soufferte et ressentie, de l'autre, c'est cet autre concret comme réalité absolue que je veux m'incorporer dans son altérité. 2° L'autre que je veux assimiler n'est aucunement l'autre-objet. Ou, si l'on veut, mon projet d'incorporation de l'autre ne correspond nullement à un ressaisissement de mon pour-soi comme moi-même et à un dépassement de la transcendance de l'autre vers mes propres possibilités. Il ne s'agit pas pour moi d'effacer mon objectivité en objectivant l'autre, ce qui correspondrait à me délivrer de mon être-pour-autrui, mais, bien au contraire, c'est en tant qu'autre-regardant que je veux m'assimiler l'autre et ce projet d'assimilation comporte une reconnaissance accrue de mon être-regardé. En un mot, je m'identifie totalement à mon être-regardé pour maintenir en face de moi la liberté regardante de l'autre et, comme mon être-objet est la seule relation possible de moi à l'autre, c'est cet être-objet seul qui peut me servir d'instrument pour opérer l'assimilation à moi de l'autre liberté. Ainsi, comme réaction à l'échec de la troisième ek-stase, le pour-soi veut s'identifier à la liberté d'autrui, comme fondant son être-en-soi. Etre à soi-même autrui — idéal toujours visé concrètement sous forme d'être à soi-même cet autrui — c'est la valeur première des rapports avec autrui ; cela signifie que mon être-pour-autrui est hanté par l'indication d'un être-absolu qui serait soi en tant qu'autre et autre en tant que soi et qui, se donnant librement comme autre son être-soi et comme soi son être-autre, serait l'être même de la preuve ontologique, c'est-à-dire Dieu. Cet idéal ne saurait se réaliser sans que je surmonte la contingence originelle de mes rapports à autrui, c'est-à-dire le fait qu'il n'y a aucune relation de négativité interne entre la négation par quoi autrui se fait autre que moi et la négation par quoi je me fais autre que l'autre. Nous avons vu que cette contingence est insurmontable : elle est le fait de mes relations avec autrui, comme mon corps est le fait de mon être-dans-le-monde. L'unité avec autrui est donc, en fait, irréalisable. Elle l'est aussi en droit, car l'assimilation du pour-soi et d'autrui dans une même transcendance entraînerait nécessairement la disparition du caractère d'altérité d'autrui. Ainsi, la condition pour que je projette l'identification à moi d'autrui, c'est que je persiste à nier de moi que je sois l'autre. Enfin, ce projet d'unification est source de conflit puisque, tandis que je m'éprouve comme objet pour autrui et que je projette de l'assimiler dans et par cette épreuve, autrui me saisit comme objet au milieu du monde et ne projette nullement de m'assimiler à lui. Il serait donc nécessaire — puisque l'être pour autrui comporte une double négation interne — d'agir sur la négation interne par quoi autrui transcende ma transcendance et me fait exister pour l'autre, c'est-à-dire d'agir sur la liberté d'autrui."

    Jean-Paul Sartre, L'Être et le Néant, troisième partie, chap. III  (1943)


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  • LES 30 CARACTÉRISTIQUES DU MANIPULATEUR

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    Le manipulateur est un individu qui peut utiliser différents masques selon les personnes qu’il côtoie. Il peut passer du sympathique au dictateur caractériel. C’est pour cette raison qu’il est difficile de déceler un agresseur moral.

    Cependant, comme le fait si bien remarqué Isabelle Nazare-Aga : “le manipulateur sympathique ne l’est que jusqu’à une certaine limite. Lorsque nous touchons à son pouvoir ou à son territoire, il se transforme instantanément. Lorsqu’on lui refuse quelque chose, il devient ironique, sarcastique, insistant, voire méchant. Il ne supporte pas plus les remarques ou reproches que n’importe quel autre manipulateur”.

    Isabelle Nazare-Aga a pu déterminer 30 caractéristiques du manipulateur, dont 4 sont des conséquences des 26 autres.

     Pour qualifier une personne de manipulatrice, il faut au moins une dizaine de caractéristiques parmi la liste suivantes :

    1. Elle culpabilise les autres, au nom du lien familial, de l’amitié, de l’amour, de la conscience professionnelle, etc.

    2. Elle reporte sa responsabilité sur les autres ou se démet de ses propres responsabilités.

    3. Elle ne communique pas clairement ses demandes, ses besoins, ses sentiments et ses opinions.

    4. Elle répond très souvent de façon floue.

    5. Elle change ses opinions, ses comportements, ses sentiments selon les personnes ou les situations.

    6. Elle invoque des raisons logiques pour déguiser ses demandes.

    7. Elle fait croire aux autres qu’ils doivent être parfaits, qu’ils ne doivent jamais changer d’avis, qu’ils doivent tout savoir et répondre immédiatement aux demandes et aux questions.

    8. Elle met en doute les qualités, la compétence, la personnalité des autres ; elle critique sans en avoir l’air, dévalorise et juge.

    9. Elle fait faire ses messages par autrui ou par des intermédiaires (téléphone au lieu du face à face, laisse des notes écrites).

    10. Elle sème la zizanie et crée la suspicion, divise pour mieux régner et peut provoquer la rupture d’un couple.

    11. Elle sait se placer en victime pour qu’on la plaigne (maladie exagérée, entourage « difficile », surcharge de travail, …)

    12. Elle ignore les demandes (même si elle dit s’en occuper).

    13. Elle utilise les principes moraux des autres pour assouvir ses besoins (notions d’humanité, de charité, racisme, "bonne" ou "mauvaise" mère,…)

    14. Elle menace de façon déguisée ou fait un chantage ouvert.

    15. Elle change carrément de sujet au cours d’une conversation.

    16. Elle évite ou s’échappe de l’entretien, de la réunion.

    17. Elle mise sur l’ignorance des autres et fait croire à sa supériorité.

    18. Elle ment.

    19. Elle prêche le faux pour savoir le vrai, déforme et interprète.

    20. Elle égocentrique.

    21. Elle peut être jalouse même si elle est un parent ou un conjoint.

    22. Elle ne supporte pas la critique et nie des évidences.

    23. Elle ne tient pas compte des droits, des besoins et des désirs des autres.

    24. Elle utilise très souvent le dernier moment pour demander, ordonner ou faire agir autrui.

    25. Son discours paraît logique ou cohérent alors que ses attitudes, ses actes ou son mode de vie répondent au schéma opposé.

    26. Elle utilise des flatteries pour plaire, fait des cadeaux ou se met soudain aux petits soins pour sa victime.

    27. Elle produit un état de malaise ou un sentiment de non-liberté (piège).

    28. Elle est parfaitement efficace pour atteindre ses propres buts mais aux dépens d’autrui.

    29. Elle fait faire des choses que l’autre n’aurait probablement pas faites de son propre gré.

    30. Elle est constamment l’objet de discussions entre gens qui la connaissent, même si elle n’est pas là. 

    Pour être en présence d’un manipulateur, il faut au moins une dizaine de caractéristiques (14 selon certains spécialistes).


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  • PROCHAIN CAFÉ PHILOSOPHIQUE VENDREDI PROCHAIN : "MANIPULATION DANS LE COUPLE..."

    Le café philosophique de Montargis fixe rendez-vous le vendredi 7 juin 2013 à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée. Le sujet de ce débat aura pour titre et pour thème : "Manipulation dans le couple : pourquoi rester ? Comment partir ?

    CouvMarionnette modif cp.jpgLes participants se pencheront sur le couple, et plus particulièrement sur les couples au sein desquels sévit la manipulation sous toutes ses formes. Aidés de Catherine Armessen, médecin et auteur de La Marionnette (éd. Feuillages), ils essaieront de définir les mécanismes de la manipulation et s'interrogeront sur la réalité de cette dernière lorsque la séduction et le sentiment amoureux y sont mêlés. Pourquoi rester et comment partir lorsque je suis victime d'un manipulateur ? A partir de quand peut-on se dire manipulé ? 

    Ce sont autant de questions qui seront débattues par le public et par les animateurs du café philosophique de Montargis. Rendez-vous pour cette séance le vendredi 7 juin 2013 à 19 heures à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée de Montargis.

    Entrée libre et gratuite.

     
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  • FLASH-BACK...

    Catherine Armessen, qui accompagnera Claire et Bruno pour la prochaine séance "Manipulations dans le couple : Pourquoi rester ? Comment partir ?" avait précédemment co-animé un autre de nos cafés philosophiques. 

    Il s'agissait de la séance du 24 juin 2011 intitulée (saison 2) : "Pensées sectaires : où s'arrête ma liberté ?" Rendez-vous sur ce lien pour en savoir plus.

     

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  • QU'EST-CE QU'UN PERVERS NARCISSIQUE ?

    On parle de manipulation mentale lorsqu’un individu ou un groupe exerce, d’une façon ou d’une autre, une tentative de contrôle, le plus souvent psychique, sur autrui entraînant une déstabilisation des processus décisionnels, de la capacité à juger, du pouvoir d’auto critique.

    Autrement dit, la manipulation mentale est le fait d’obtenir de quelqu’un qu’il fasse ou pense quelque chose, sans qu’il ne s’en aperçoive véritablement, sans qu’il puisse décoder que sa réflexion est hors service.

    Le mécanisme d’emprise par un pervers narcissique

    Nouvel Obs.jpgLorsqu’elle vise à exercer une emprise sur autrui, la manipulation mentale est l’oeuvre d’un manipulateur, en psychopathologie on l’appelle un pervers narcissique. Rien ne le distingue particulièrement, et si nous croisons son chemin, il y a de grandes chances pour que nous le trouvions sympathique, accueillant, intelligent et même cultivé. Les manoeuvres qu’il déploie sont dissimulées et n’alertent pas.

    Cette capacité à manipuler n’est donc pas l’apanage de n’importe qui, elle est celle du pervers narcissique dont la description a été faite à la fin des années 80, notamment par Alberto Eiguier, psychiatre et psychanalyste, dans son livre Le pervers narcissique et son complice.

    Le titre même de l’ouvrage indique la nécessité d’un "autre" sur qui va se déployer la manipulation. Ce "complice" doit également avoir certaines dispositions psychologiques qui vont l’amener à se "soumettre". 

    Le pervers narcissique

    Un pervers narcissique est un individu présentant une personnalité marquée à la fois par un narcissisme exacerbé et des traits de perversion morale :

    - le narcissisme est une composante de toute personnalité, fondation en quelque sorte de notre Moi et de l’amour de soi. Sa fragilité, ses insuffisances conduisent à des troubles dits « narcissiques », comme le besoin inlassable d’être admiré associé à un besoin de reconnaissance et d’empathie.

    - La perversion est aussi une composante commune de la personnalité de chacun : c’est le fait de détourner. La pathologie associée correspond à un type particulier de personnalité, tendant vers la satisfaction de ses désirs et de ses besoins aux dépens des autres. Il va donc utiliser l’autre à ses propres fins sans aucun respect d’autrui. 

    Parler de manipulation ne peut se faire qu’en décrivant comment fonctionne le pervers narcissique. Celui-ci, sous l’influence de son Moi grandiose, essaie de créer un lien avec autrui en s’attaquant tout particulièrement à l’intégrité narcissique de ce dernier, c’est-à-dire au fondement même de sa personnalité afin de la désarmer et de se l’approprier.

    Il attaque la confiance de soi et l’auto-estime chez l’autre ; il cherche et réussit à faire croire que le lien de dépendance de l’autre envers lui est irremplaçable, et que c’est l’autre qui en a besoin et qui le sollicite : voilà le détournement.

    Le pervers narcissique est envieux de la pensée autonome de sa proie, de son intensité émotionnelle et de sa créativité. Ce qui exacerbe sa possessivité, c’est le fait de se lancer « à la conquête » du territoire psychique de l’autre. Il ignore ce qui peut aller à l’encontre de son propre intérêt. Ce qui importe pour lui, c’est de regonfler son Moi et pour cela il veut un « être » qui l’admire et qui va lui renvoyer une image extraordinaire ou prestigieuse de lui-même.

    Le pervers narcissique traite autrui comme une chose, un ustensile. Il faut donc avoir une certaine prédisposition psychopathologique pour pouvoir pratiquer une manipulation mentale, dont le but n’est pas une communication ni un échange, mais un « discours falsifié » qui amène à une conversion.

    Si l’auditeur, dont le parcours de vie se trouve en attente, en questionnement, en défaillance, est disponible pour cette écoute, il est prêt à répondre au chant des sirènes et à écouter toute la fable jusqu’à son dénouement...

    Télécharger ici l'étude complète de l'UNADFI

     
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  • COMPTE-RENDU DE LA SÉANCE "L'AMOUR PEUT-IL SE PASSER DE NORMES ?"

    Thème du débat : "L’amour peut-il se passer de normes ?" 

    Date : 3 mai 2013 à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée.

    Pour débattre du sujet, "L’amour peut-il se passer de normes ?" environ 80 personnes s’étaient données rendez-vous à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée.

    Pour cette 32ème séance, le sujet élu par les participants du débat précédent était l’amour et surtout sur les normes qui pourraient l’encadrer voire le contrarier. Que seraient ces normes ? se demande Bruno. Seraient-ce des règles que l’on définirait en société ? Qui dit norme dit-il normalité, une normalité qui placerait les sentiments amoureux sous l’égide des lois ? Y a-t-il une seule façon d’aimer ? De même, y a-t-il un "art d’aimer", pour reprendre le titre d’une œuvre d’Ovide ? De même, n’y aurait-il pas plusieurs types amours : un homme pour une femme, une mère pour son enfant, etc. 

    L’amour est un sentiment qui vous assaille, dit un premier intervenant : "Le patron c’est le sentiment". Donc, mettre des normes pour contrarier un mouvement naturel et incontrôlable peut paraître absurde. Les questions posées pourraient être celles-ci : doit-on parler plutôt de normes sociales mises en place pour circonscrire l’amour ou bien est-ce le sentiment amoureux qui véhicule ses propres normes ? À ce sujet, une intervenante prend l’exemple de la polygamie (chez les canards, par exemple, comme le rappelle malicieusement une participante). Ce type d’union, proscrit en France, est accepté par certaines civilisations. À son instar, les normes sociales peuvent aller dans des sens différents au sein du genre humain, suivant telle ou telle culture. Une participante émet l’idée que lorsque l’amour est mis à l’épreuve il peut être amené à faire céder des normes : par exemple, on peut tuer pour défendre son enfant, donc enfreindre la loi.

    Finalement, de quelles normes parle-t-on et peuvent-elles être en contradiction avec la nature ? La loi, ajoute Claire, règle et norme la relation amoureuse alors même que l’amour se définit par l’apparition d’un sentiment d’attachement a priori naturel et subi plus que voulu. 

    Mais de quel amour parle-t-on au juste ? En français, contrairement à d’autres langues, le même mot – "amour" – qualifie des notions bien différentes : l’amour "sentiment amoureux", l’amour maternel ou paternel, l’amour religieux, l’amour de la patrie, l’amour amitié, etc. En anglais, dit un participant, il y a au moins deux mots différents : "to like" et "to love". Le français utilise certes un même mot, répond une autre intervenante, mais on peut l’exprimer différemment, avec subtilité : dire "je t’aime" à son ami(e) n’est pas le même "je t’aime" dit à son amoureux(se).

    Un intervenant parle des trois types d’amour identifiés par les philosophes : l’amour sexuel (éros), l’amitié (philia) et l’amour du prochain (agapè). À cela s’ajoute le storgê, l’amour familial. Cette distinction illustre la complexité d’une définition de l’amour, un sentiment à multiples facettes, omniprésent dans nos vies quotidiennes comme dans les arts mais difficilement définissable. Il apparaît en cours de débat que l’amour est une "auberge espagnole" !

    Une participante estime que l’on aime – sauf exceptions – relativement peu de personnes au cours de notre vie. Une autre personne souligne l’amalgame que nous tous, en société, faisons lorsque nous parlons de l’amour : on confondrait l’amour physique, la passion et le véritable amour valorisant et pérenne. Finalement le point commun de ces amours théorisés – éros, philia, agapè et storgê – n’est-ce pas le plaisir d’être ensemble et le bonheur de partager un moment avec autrui ?

    Un jeune intervenant parle de l’importance d’ajouter à cela l’amour-amitié, souvent oublié. Oui, on peut aimer ses amis d’un amour inconditionnel ! C’est ce que beaucoup de jeunes gens connaissent – le débat de ce soir est d’ailleurs suivi par nombre d’adolescents ! 

    Mais si je dis "je t’aime" à un ami, pourrait-ce être le même que pour un amoureux ? Il apparaît pour certains que ce ne soit pas la même chose que le sentiment amoureux. L’un des critères, aujourd’hui plus ou moins lâche, est celui de la sexualité. Dans ce dernier type d’amour – celui qui est le plus valorisé dans notre vécu – se donner à autrui passe par un don du corps et de son intimité. Nous disons "lâche" dans la mesure où je peux avoir une relation sexuelle avec tel(le) ou tel(le) sans que le sentiment amoureux ne soit présent, chez un(e) ami(e) par exemple. La sexualité ne semblerait donc pas être un critère absolu – ne parle-t-on pas d’ailleurs d’amour platonique, comme le remarque un jeune intervenant ? Pour d’autres participants du café philo, l’amitié (que d’aucuns mettent un cran en dessous du sentiment amoureux ) est une forme d’amour en ce qu’il ouvre un vaste champ à l’écoute, au désintéressement, à la complicité, au dépassement dans ma relation avec mon ami(e) et à l’altruisme.  

    Il encore dit que lorsque j’aime, le jugement de l’autre est suspendu au profit du désintéressement. Voilà qui pourrait être le premier point commun de ces différents amours. Je me donne corps et âme à autrui de la même manière que le patriote se sacrifie sans condition par "amour" pour son drapeau, sans douter du bien-fondé de son choix. Bruno rappelle l’exemple d’Alberto Moravia dans Le Mépris (cf. lien). Dans ce texte, l’amour cesse à partir du moment où l’autre commence à me juger. Il y a aussi une part de jeu et de manipulation (ce qui nous renvoie au débat du 7 juin 2013).

    Il est aussi dit que derrière la recherche perpétuelle de l’émotion se cache la quête de soi-même. Je rechercherais une image que le miroir me renvoie. Qu’est-ce que nous attendons réellement de l’amour ? Claire évoque Hegel. Pour ce dernier, la première raison d’être de l’être humain est la reconnaissance d’autrui. L’amour est sans doute polysémique : "amour" est le même mot avec plusieurs réalités mais à chaque fois il est question de reconnaissance pour l’être aimé, un des fondements de l’humanité. 

    Une autre question est alors posée : l’amour doit-il être réciproque ou peut-il être unilatéral ? Peut-on aimer quelqu’un qui ne nous aime pas en retour ? Comme le disait Jacques Lacan, "L’amour c’est donner ce que l’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas." Une phrase terrible et pessimiste – pour ne pas dire cynique mais qui ne semble pas résister à la réalité des faits : qui dit amour dit don mais dit aussi échange.

    Lorsqu’il est question de l’amour, on est dans un processus très intime, résultat d’un passé, d’une enfance, d’une éducation, d’expériences personnelles ; mais il s’agit aussi d’un processus intime inscrit au sein de la société. Nous sommes sans cesse dans le partage, dans la cohabitation avec l’autre et à rechercher chez l’autre un amour, ce qui se concrétise aussi par la sexualité dans la relation amoureuse. Voilà tout le paradoxe de ce sentiment complexe et très personnel : on est sans cesse dans ce mélange de l’intime et du public. 

    Dans une relation amoureuse, il y a dans cet élan émotionnel personnel et égoïste, une relation avec autrui que l’on souhaite voir durer dans le temps. C’est la mise à l’épreuve, voire le manque, qui valident ce sentiment. Un participant s’interroge sur la manière dont l’amour s’aborde dans la durée : comment "transformer le besoin en envie" pour reprendre une phrase du chanteur Daniel Balavoine ("Qu’est-ce qui pourrait sauver l’amour ?") ? Quand on est dans le besoin, on est dans la dépendance, on sent le manque. Le pur amour est dans le "démarrage", dans une liberté guidée simplement par un besoin irrépréhensible d’être avec l’autre, d’être dans le don et l’échange (comment ne pas citer à ce sujet cet extrait du roman Belle du Seigneur d'Albert Cohen ?). Puis, lorsque le couple s’installe dans la durée, lorsqu’un contrat a remplacé le désir dopé par l’interdit (un thème bien connu de la littérature : Roméo et Juliette, Lolita, les tragédies classiques de Corneille, etc.), là commence un nouvel amour, avec deux désirs juxtaposés – du moins si l’ennui n’a pas fait irruption chez l’un ou l’autre ("En amour, il y en a un qui souffre et un qui s’ennuie" disait Honoré de Balzac).   

    Dans le véritable amour, on ne se regarderait pas seulement soi-même, tel le reflet d’un miroir évoqué plus haut, mais aussi et surtout l’autre, dans un regard fait de respect afin de le valoriser, quand ce n’est pas pour le "sauver". Pour le coup, on est dans l’altérité. Une altérité qui peut aller jusqu’à faire des folies et transgresser des normes, tant le besoin d’amour est indubitablement partagé par l’humanité : "plutôt souffrir que vivre sans amour", émet une participante, tant l’homme est un être de communication, de société et d’émotion. 

    La question est ensuite de savoir si un art d’aimer existe et si une norme amoureuse est en jeu dans ma relation avec autrui. 

    Il est difficile, réagit une participante, de normer quelque chose qui n’appartient pas au domaine de la raison. D’autant plus que la physiologie joue à plein lorsque le sentiment amoureux nous envahit. La norme s’adresse au contraire au cortex, alors que l’amygdale est le centre de l’émotion. Ce qui se joue est le jeu d’influence entre l’incontrôlable sentiment amoureux et la raison qui nous serviraient à définir une norme. 

    Face au tsunami que peut constituer la passion amoureuse, la norme a quelque chose de rassurant lorsqu’elle n’est pas coercitive. C’est sûrement possible, dit une participante, qu’une élaboration de schémas mentaux nous permette de baliser un parcours, d’établir des normes afin de garder l’amour sous contrôle. Voilà à quoi ces normes pourraient servir : contrôler. Encore faudrait-il que ce contrôle soit possible. Pour plusieurs participants, il existe et il est actif. La raison joue souvent pleinement son rôle afin d’endiguer la violence des sentiments. On peut certes "aimer à perdre la raison" (Aragon), dans une passion déraisonnée mais l’amour parvient souvent à rester sous contrôle et est délimité par la raison et certaines normes.  

    Qu’entend-on par norme ? La norme c’est d’abord et surtout le regard de la société qui, dans un souci de "normalité", peut contraindre – ou plutôt veut contraindre – à des sentiments amoureux ou à des passions qu’elle juge contraire à ses principes. 

    Que serait donc l’amour "hors norme" ? Une participante évoque un reportage troublant – et, à plus d’un égard, choquant – qui s’intéressait à des personnes pédophiles vivant sous un autocontrôle permanent, car obligés de dompter des désirs interdits et proscrits par la loi. Le "hors norme" est également très représenté dans les arts. La littérature nous en offre des exemples par milliers. Bruno évoque l’aventure du philosophe Abélard et de sa jeune maîtresse Héloïse (cf. cet article ici). Il s’agissait d’une relation jugée scandaleuse et hors norme au XIIème siècle. Mais l’exemple le plus célèbre d’un amour contrarié par la société reste Roméo et Juliette, le célèbre drame de Shakespeare. Or, dans cet exemple, dit Bruno, l’objectif de cet amour hors norme est, justement, de rentrer dans la norme, se faire accepter par leurs familles respectives – les Montaigu et les Capulet – et par la société de Vérone. Pour Roméo et Juliette, cette histoire d’amour n’a-t-elle pas été conditionnée et "dopée" par les barrières qui se sont élevées entre les jeunes amoureux ? N’est-ce pas l’interdit et le hors-norme qui conditionne certains amours ? Dit autrement, l’idylle entre Roméo et Juliette aurait-elle pu s’aimer sans cette barrière et cet interdit ? Cf. aussi cet extrait Roméo et Juliette.

    Un participant réagit en soulignant que lorsque l’on parle de normes transgressées, il ne s’agit pas des normes de l’amour mais d’autres normes – sociétales, religieuses, politiques, etc. Cela ne veut pas dire, répond une intervenante, que les normes de l’amour soient absentes : elles existeraient indubitablement, quand bien même la violation d’autres normes serait nécessaire pour cela. C’est l’exemple dit plus haut avec l’exemple du meurtre pour protéger cet autre que je chéri – mon enfant, mon amant, mes parents, etc.

    Qui dit norme, dit institutionnalisation et dit mariage. La religion prend une place capitale dans l’institutionnalisation des normes – non sans hypocrisie, ajoute un participant. Il existe cependant, ajoute une participante, des normes qui seraient "naturelles" et des désirs universellement réprouvés : la zoophilie, la pédophilie, pour ne prendre que ces exemples, car ces deux penchants représenteraient dans l’inconscient collectif une mise en danger de l’humanité. Finalement, c’est la société qui construit la plupart des normes, dans le cadre d’un sentiment amoureux que l’on peut estimer éphémère ("L’Amour dure trois ans" pour reprendre le titre d’un film récent). Une des normes, justement, serait que les normes sociales ne devraient pas interférer avec celles de l’amour. Pour autant, il y a des règles ("ou des moyennes" !) en amour : "je veux bien être avec lui ou elle à condition de… sauf si…" 

    Pour un participant, quand on parle de norme, il y a la notion de contrat entre plusieurs êtres, dans un consentement mutuel et libre. L’essentiel est de "pouvoir sortir du jeu" lorsqu’on souhaite (par le divorce par exemple). Or, réagit Claire, si on parle de "contrat", cela reviendrait à se contredire sur cette définition de l’amour, ce sentiment naturel qui nous prend par surprise ("Je ne sais pas pourquoi… Je n’y peux rien…") et qui nous mène à défier des normes culturelles. S’il y a consentement, dans le cadre d’un contrat sentimental, la raison prend toute sa place et, du coup, ne fait plus du sentiment amoureux le maître du jeu. 

    Il y a autant d’amours que d’amoureux. Chacun ferait donc ce qu’il veut. Or, nous sommes dans une période socialement perturbée par cette question du mariage pour tous (cf. ce clin d'oeil). Force est de constater que la liberté de jouir de sa relation amoureuse en contractant un mariage semble poser problème à une part importante de la population. Claire précise qu’il n’est bien entendu pas question d’ouvrir un débat sur ce mariage pour tous. Elle constate par contre que le consentement mutuel n’apparaît plus comme une règle exclusive mais serait soumis, pour certains, à des conditions strictes – seuls les hétérosexuels peuvent se marier. La contradiction est là : chacun peut en théorie faire ce qu’il veut de sa vie sentimentale, être avec qui il/elle veut ; cependant, l’idée d’une union universelle, entre deux personnes du même sexe, semble poser problème. Les manifestations contre le mariage pour tous le montre : deux groupes antagonistes, pour ne pas dire irréconciliables, luttent pour imposer leur propre norme du mariage, autrement dit d’une union amoureuse. La norme ne serait-elle pas, réagit un participant : on ne devrait pas interdire le mariage à deux personnes qui souhaitent vivre leur amour pleinement et ensemble ?  

    L’amour maternel ou parental (storgê) est sans doute aussi là où se cristallise le sentiment amoureux. Il nécessite en tout cas des normes, intervient un participant : sans les règles instruites par des parents, que de dégâts ! Il est intéressant, réagit une participante, que l’amour parental soit défini d’une manière très normée. L’amour parental "normal" consisterait en cette vérité d’airain : les parents aiment leur(s) enfant(s). Mais une telle vérité ne résiste pas à l’épreuve des faits, poursuit-elle : combien de pères ou de mères n’aiment pas leur enfants ? Ce qui n’est du reste pas forcément réciproque. Les faits-divers sont remplis de drames ayant pour origine une storgê bancale voire inexistante. La norme qui dit : "J’ai des enfants donc je les aime" est battue en brèche. L’actualité nous le montre quotidiennement, ce que l’on peut bien évidemment déplorer. Ce qui nous semble une "a-normalité" – un enfant non aimé par ses parents – pourra avoir des conséquences sur la vie sentimentale de cet être, sauf si une forme de résilience existe.

    Nous sommes là face à ce qui ressemble à une norme : transmettre quelque chose à quelqu’un. On est dans l’"amour d’obédience" : l’amour de parents pour leur enfant, l’amour-amitié chez les adolescents, la passion amoureuse, etc. On échange des rires, du plaisir, des larmes, parfois plus encore ! Qui dit transmission dit aussi don.  

    L’âge pourrait-il être une norme ? Il semblerait que ce ne soit pas un facteur déterminant, à l’instar de l’exemple de Lolita (Nabokov) car le sentiment amoureux agit sur moi telle une nouvelle virginité. Que le coup de foudre m’assaille à vingt, quarante ou soixante ans, où est la différence ? Vivre par contre avec la même personne pendant des années relève d’une autre perspective ! Il existe en tout cas des phases, des alternances entre l’ennui et la possession (Schopenhauer). 

    De toute manière, le vécu est capital dans le sentiment amoureux. Quelle est la limite que l’on se donne dans la relation à deux, au risque que l’un ou l’autre se perde ? Ce n’est pas un mouvement figé mais qui évolue dans une certaine dynamique : l’amour unilatéral n’existe pas, sauf peut-être lorsque l’on parle d’amour religieux. Il est dit que l’établissement de normes, ou plutôt de bornes, est nécessaire pour la pérennité d’un amour, qu’il soit au sein d’un couple, dans l’amitié ou pour son/ses enfant(s). L’une de ces bornes pourrait être la fidélité à l’autre. Si un minimum de règles est absent, l’épanouissement ne peut se développer pleinement. Dans ce cas, la fuite est sans doute nécessaire. 

    Dans un couple, être poreux vis à vis de l’autre semble n’avoir aucun intérêt. Nous sommes-là face à une seconde norme : sa propre préservation. L’amour, sentiment édifiant et sublimant, peut faire fi des normes sociales ou du moins peut les dépasser afin de m’élever et d’être heureux. En clair, jusqu’où suis-je prêt à aller dans mon projet amoureux ? 

    Lorsque l’on regarde la vie privée des philosophes qui ont parlé d’amour, dit Claire, il apparaît qu’un débat philosophique rationnel sur ce sujet devient problématique. Ces intellectuels ont souvent vécu des expériences peu édifiantes : pour prendre ces exemples, Kant a vécu seul et la vie personnelle de Jean-Jacques Rousseau a été un désastre. Amoureux fou puis marié avec une femme plus âgée que lui – mais qui ne l’aimait pas ! – l’auteur de l’Émile a eu cinq enfants qu’il a tous abandonnés après la mort de sa compagne. Lui-même avouait ceci, non sans lucidité : "Tous ces sages contemplatifs qui ont passé leur vie à l’étude du cœur humaine, en savent moins sur les vrais signes de l’amour que la plus bornée des femmes sensibles". Cf. aussi ce texte de Rousseau. Hegel, qui a fondé la relation intersubjective, disait qu’il avait un besoin d’amour primal pour être reconnu, au risque, assurait-il, d’être sacrifié d’être méprisé et de tomber dans un esclavage sentimental. Il affirmait pouvoir accepter cette aliénation à condition d’être reconnu. Or, Hegel avait beau disserter sur cet élan sentimental, il multipliait les conquêtes sans vergogne, au risque de l’immoralité. D’aucuns pourrait le qualifier de "salaud fini", un dénominatif qui porte en creux une norme qui a déjà été évoquée en cours de débat : la fidélité. Ces exemples illustrent en conclusion la complexité à philosopher sur l’amour, un sentiment "irraisonnable" et difficile à raisonner.

    Pour la séance suivante, rendez-vous est pris le vendredi 7 juin (et non le 31 mai comme prévu à l’origine) pour un café philo exceptionnel intitulé "Manipulation dans le couple : pourquoi rester ? Comment partir ?" Catherine Armessen, médecin et auteur du roman La Marionnette accompagnera Claire et Bruno pour un débat qui n’est pas sans rapport avec le sujet qui était débattu ce soir. 

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  • QUELQUES CHIFFRES AU SUJET DE LA VIOLENCE CONJUGALE

    violence-conjugale.jpgLes violences au sein du couple représentent plus du quart de l’ensemble des actes de violence.

    En France, une femme meurt en moyenne tous les 3 jours.

    47 573 faits ont été enregistrés par la gendarmerie et la police en 2008.

    156 Femmes sont mortes sous les coups de leurs conjoints.

    27 Hommes sont morts tués par leurs compagnes mais les trois quarts battaient leurs femmes.

    25 % de toutes les morts violentes ont eu lieu dans le cadre du couple.

    38 %  des crimes conjugaux sont liés à la séparation.

    37 % des auteurs masculin d’homicides se sont suicidés après leurs actes.

    20 % des homicides sont commis sous l’emprise de l’alcool ou de produits stupéfiants.

    Pour en savoir plus, lire également ce document

     

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  • COMPTE-RENDU DE LA SÉANCE "PUIS-JE FAIRE CE QUE JE VEUX DE MON CORPS ?"

    Thème du débat : "Puis-je faire ce que je veux de mon corps ?"

    Date : 22 mars 2013 à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée.

    Environ 130 personnes étaient réunies pour cette séance du 22 mars 2013, une séance exceptionnelle en ce qu’elle était co-animée par Claire, Bruno et surtout des élèves de Terminale littéraire pour un sujet sur le corps. "Puis-je faire ce que je veux de mon corps ?" : voilà la question posée au public venu en nombre à cette séance.

    Un tel sujet pose la question du corps et de son rapport avec notre propre identité. Dit autrement, le corps est-il sacré ou n’est-il que l’enveloppe corporelle de mon esprit ? Dans ce cas, en quoi la libre disposition de ce corps poserait-elle problème, étant entendu que chaque corps est unique et a priori inaliénable ? Il est vrai que le corps nous accompagne toujours et partout, comme le rappelle Michel Foucault (cf. également ce lien), y compris lorsque ce corps est traumatisé ou à l’état végétatif. Mieux, notre personne se construit autour de notre corps. Chacun peut en apprendre beaucoup sur lui-même grâce à lui. Même s’il peut nous nous trahir, le corps a souvent des messages importants à véhiculer à propos de notre attitude, de nos vêtements, de notre sourire, etc.

    À la question "Puis-je faire ce que je veux de mon corps ?", un premier participant répond que cette liberté que je peux revendiquer vis-à-vis de ce corps qui m’appartient est d’emblée limitée : "La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres" (Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, art. 4), rappelle-t-il. Je suis bien entendu propriétaire de mon corps mais ce corps fait également partie intégrante de la société qui peut avoir son mot à dire. L’État légifère sur la santé, l’éthique, le handicap, la gestation pour autrui, les dons d’organes, etc. Au final, la libre disposition du corps est surveillée et encadrée. Elle est dans les faits soumise à des normes sinon des limites. Tout se passe comme si nos sociétés avaient édicté elles-mêmes des règles pour l’utilisation du corps.  

    Une des co-animatrices s’interroge d’emblée sur cette limite. Elle y voit une contradiction avec le Code civil pour qui le corps est inviolable. Cf. cet article. Cette inviolabilité me rendrait maître de cette enveloppe dont j’ai la possession pleine et entière. Possession ou usufruit ? s’interrogent en substance plusieurs participants.  

    Quels sont les faits qui me permettraient de disposer de mon corps à ma guise ? Cette libre utilisation recouvre des réalités bien différentes et aux conséquences multiples. La première citée par les participants du café philo est celle de la grossesse, un événement courant mais non exempt de dangers. Lorsque je suis enceinte, mon corps est soumis à une épreuve longue et difficile pour le corps physique, épreuve que, généralement, je choisis afin de donner la vie à un être. Cet être ne sera autonome et libre qu’après les neuf mois de ma grossesse. Il est dit que le bébé ne fait pas partie de mon corps : il l’habite. Je choisis de donner la vie à un autre que moi-même qui a lui-même ses propres limites. La grossesse est ce moment où le corps est contraint, avec son lot de douleurs pendant l’accouchement. Mais c’est aussi, rappelle une intervenante, un moment pendant laquelle, très souvent, l’esprit est en harmonie car libre de ce choix. 

    Cette liberté d’utiliser mon de corps pour procréer est traitée de manière frontale dans le film 17 Filles. Inspiré d’un fait divers survenu aux États-Unis en 2008, cette fiction raconte le choix fait par 17 adolescentes encore mineures de tomber enceinte en même temps (bande annonce ici). L’État aurait-il son mot à dire pour interdire cette décision ? Rien n’est moins sûr : dans ce film, un professeur rappelle que ni le législateur ni les parents ne peuvent contraindre une jeune fille ou jeune femme à avorter. La libre disposition du corps à cette fin est donc entière, même si elle peut susciter la réprobation.

    Parler de cet exemple nous conduit inévitablement à parler d’un sujet d’actualité : la gestation pour autrui, interdite par la loi. Le législateur justifie cela pour des raisons éthiques : outre les effets secondaires (psychologiques notamment), le risque est que le corps se marchandise comme n’importe quel bien, avec tous les abus que cela entraîne. Nous y reviendrons plus loin en cours de débat.    

    La libre utilisation du corps recouvre d’autres réalités discutées par les co-organisateurs et les participants. Ceux-ci évoquent la sexualité. Je peux faire le choix d’user librement et gratuitement de mon corps à des fins sexuelles, comme le décrit Catherine Millet dans son récit La Vie sexuelle de Catherine M. Mais je peux également choisir – ce qui est infiniment plus controversé – de louer mon corps à des fins mercantiles. C’est le cas de la prostitution : dans ce cas, je tarife mon corps à des fins sexuelles, une liberté que moralement la société réprouve, voire peut condamner – encore que la personne incriminée peut être autant sinon plus le client que le "prestataire", comme le rappellent plusieurs participants. Cette utilisation du corps à ma guise est d’ailleurs réclamée par un "Syndicat des travailleurs du sexe" (STRASS) pour qui la prostitution est une profession comme une autre, répondant à un besoin spécifique, voire à "une utilité publique" : "En quoi il y a de mal à se payer du plaisir lorsque l’on n’est pas très beau ?" demande une participante.

    Certes, pour parler de ce sujet polémique, le corps devient un outil de travail mais ne l’est-il pas également s’agissant d’autres professions que la société accepte ? Les mannequins imposent un régime sévère à des fins mercantiles afin de coller à certains canons de beauté. Elles peuvent mettre leur santé en jeu lorsque des régimes draconiens leur sont imposé (cf. cet article). Les artistes – l’Homme-lézard pour prendre l’exemple cité par un participant – mettent en scène leur corps – souvent pour le plus grand plaisir du public. Nous pourrions même dire "mettent en danger leur corps" lorsqu’il s’agit de performances extrêmes (cf. cet exemple). L'exemple des acteurs exhibant leur corps au pour le cinéma ou le théâtre est également cité au cours de cette séance. Dans ces cas, la libre disposition du corps ne pose pas de problème à la société car celle-ci considère que ses principes moraux ne sont pas mis en jeu. Puis-je remodeler mon corps par un chirurgien esthétique ? Rien ni personne ne me l’interdit, mise à part certaines conditions (cf. cet extrait de la série Nip/tuck). Des cabinets ont pignon sur rue. Même chose pour les salles de musculation. 

    La société va par contre légiférer contre des pratiques qu’elle considère comme dangereuse pour ses fondements : le suicide, l’euthanasie, la prise de drogue ou la gestation pour autrui posent la question de la liberté, une liberté que l’État et la société met en balance avec ses propres règles collectives, sa morale,  mais aussi avec la protection du ou des individus. Une protection très relative : la consommation de drogues douces comme le cannabis est interdite alors que la consommation d’alcool – qui peut faire des ravages incalculables – est tolérée sinon défendue ; je peux également m’exhiber librement sur un blog ou sur ma page Facebook sans que la société y ait à redire, sauf si cela pose un problème flagrant de protection ou de sécurité la protection des mineurs, par exemple, cf. cet article). De manière bien différente, le port du voile pose des questions d’ordre éthique : liberté religieuse contre défense de la liberté individuelle laïque ; défense de la pratique religieuse contre défense du féminisme (cf. ce lien). 

    Qu’est-ce qui se joue donc dans cette liberté consentie ou non par la société ? Il apparaît que le maître-mot est celui de morale et plus précisément de morale judéo-chrétienne, acceptée en France unanimement pendant des siècles avant d’être discutée voire combattue durant notre période contemporaine. Toute société civilisée impose des règles, qu’elles soient écrites ou non. La pratique de la prostitution heurte de plein fouet une religion catholique traditionnellement dogmatique et mal à l’aise avec la sexualité en général. "Puis-je faire ce que je veux de mon corps ?" Les autorités religieuses semblent répondre par la négative car, comme le rappelle Claire,  derrière le "puis-je", il y a le "dois-je".  

    Un autre facteur intervient : l’argent. Claire pose cette question : peut-on choisir librement lorsque l’argent est la finalité ? Il semble que la morale ne soit pas le seul critère à l’aune duquel la société juge l’utilisation du corps. Autrement dit, je peux juger choquant le témoignage de Catherine Millet lorsqu’elle parle de son choix d’une sexualité débridée, sans que j’aie à y redire toutefois ; mais je peux avoir beaucoup plus de mal à accepter la "vente" ou la "location" du corps de telle ou tel. Une jeune participante parle, certes, du choix pleinement assumé – voire de plaisir ! – de certaines prostituées – femmes ou hommes – à exercer leur métier ; il n’en reste pas moins que, s’agissant de la prostitution, l’argent est toujours la condition sine qua non de cette pratique largement désapprouvée. Ce qui se joue dans cette libre disposition de mon corps est le désintéressement de l’acte. De la même manière, les dons d’organes ou de gamètes sont libres et gratuits en France, contrairement à d’autres pays (comme les États-Unis ou la Grande-Bretagne) : or, singulièrement, c’est dans notre pays que les dons sont les plus faibles si on les compare avec les nations ou les dons sont payés – et même mal payés ! En clair, l’utilisation du corps n’est pas librement consentie lorsque l’argent voire le trafic mercantile (le proxénétisme pour la prostitution) entre en jeu. Un participant cite l’exemple de Fantine dans Les Misérables de Victor Hugo, obligée pour des raisons financières de vendre une partie de son corps, ses cheveux en l’occurrence, pour survivre !

    Oui, l’argent peut être un facteur faussant, voire aliénant (Karl Marx n’est pas loin !), ma liberté de disposer de mon corps. Ce facteur peut être tout autant cruel lorsqu’il devient au contraire un frein à cette liberté : la réflexologie, la sophrologie ou le massage ne sont pas accessibles à tous ne serait-ce que pour des raisons financières.

    Ce qui est encore débattu au cours de ce débat est la question de la relation entre corps et esprit : "Le corps pense", dit Freud. La communication non verbale est parfois bien plus parlante que des mots. Mieux, Emmanuel Levinas rappelle que la première relation – sinon la relation essentielle – que nous pouvons avoir autrui c’est à travers le corps de l’autre. Or, si je choisis de faire de mon corps un outil, dit un participant, je dissocie le corps et l’esprit. Pour d’autres participants, il n’y a pas dissociation : on peut toucher mon corps mais on ne touchera pas à mon esprit. Claire se demande à ce sujet si le scandale qui a eu lieu il y a quelques années à l’occasion de l’exposition "Our Bodies", une exhibition de cadavres à des fins esthétiques, ne tenait pas autant à la présentation de corps morts (issus sans doute d’anciens condamnés à mort chinois, ce qui a indubitablement choqué le public : cf. ce lien) que de leur mise en scène morbide. Installer des corps humains dans des situations grotesques car réservées habituellement à des vivants (par exemple sur une bicyclette), voilà qui heurta bien plus nos concitoyens que la simple présentation de corps sans vie. Bruno rappelle à ce sujet que les archéologues ont l’habitude de déterrer des restes humains sans que cela ne suscite d’émotion particulière. 

    Jusqu’où va la violation du corps, en définitif ? "Il n’est un corps que par homonymie" dit Aristote. On pourrait donc faire de lui ce qu’on veut après notre mort. Pour un croyant, lorsque le corps est décédé l’esprit doit être dissocié, ce qui n’est pas courant dans la tradition judéo-chrétienne. 

    Il apparaît pour plusieurs intervenants qu’il y a symbiose entre le corps et l’esprit. Nous parlions de l’identité lors de la séance précédente (Débat "Puis-je savoir qui je suis ?). Nous y sommes de nouveau car la conscience de l’Être met aussi en scène le corps. Dans notre société, c’est d’abord le corps que nous voyons d’autrui. Mon corps c’est moi : s’il y a asymétrie entre ce que je voudrais que les autres voient de moi et ce qu’ils voient, finalement ne suis-je pas d’abord que ce que les autres voient de moi ? 

    La fin du débat est brièvement consacrée à cette question : lorsque mon corps est une prison, puis-je m’en libérer ? Il apparaît que dans ce cas la société est autorisée à décider pour moi et à m’imposer, pour des raisons éthiques, l’acceptation d’une situation que je peux considérer comme inacceptable. Elle impose que mon corps soit préservé et que je ne puisse pas m’en libérer. L’humoriste Guillaume Bats, un homme déformé par le handicap, en a fait son cheval de bataille, pour ne pas dire la source de son inspiration comique. Oui, nos sociétés imposent que l’individu soit protégé, y compris lorsque le corps est un handicap insurmontable ! Pour pouvoir le surmonter, des expédients seraient proposés afin de permettre une meilleure intégration des personnes handicapées, ne pouvant user librement de leur corps. Une intervenante parle de "fable", tant la société ignore l’adaptation des personnes handicapées : celles-ci "font avec" dans la vie quotidienne, tant les outils mis à leur disposition font souvent peu cas des personnes en état de handicap (distributeurs de billets trop hauts, voies publiques impraticables, feux rouges pour les personnes malvoyantes et aveugles). Puis-je faire ce que je veux de mon corps ? Dans ce cas, la réponse est clairement non !  

    En fin de séance, trois sujets sont mis au vote pour le rendez-vous du café philo du 3 mai 2013 : "Justice : surveiller, punir ou guérir ?", "Histoire contre devoir de mémoire" et "L’amour peut-il se passer de normes ?" Les participants choisissent de désigner ce dernier sujet. 

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  • CHANGEMENT DE DATE DE NOTRE PROCHAINE SÉANCE !

    ATTENTION !

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    Notez bien que la prochaine séance du café philosophique de Montargis aura lieu le vendredi 7 juin 2013 à 19 heures à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée (et non pas le 31 mai comme annoncé précédemment).

    Cette séance, intitulée "Manipulation dans le couple : pourquoi rester ? Comment partir ?", verra la participation exceptionnelle de Catherine Armessen.

    Merci de votre attention et à bientôt !

     

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  • FÊTE DE LA PHILO : DU 25 MAI AU 17 JUIN 2013 (ANNONCE)

    Pour la première année, est organisée en France une fête de la philosophie du 25 mai au 17 juin 2013 :

    fete-de-la-philo.jpgUn rendez-vous inédit de portée nationale pour :

    • renouer avec une philosophie vivante, jouer sur un désir de philo ;

    • dire et partager ensemble les pensées universelles de grands auteurs classiques et d’auteurs contemporains de toutes cultures.

    Une fête populaire et gratuite avec :

    • des événements programmés dans l’espace public, dans des lieux institutionnels de la culture et de l’enseignement (théâtres, musées, instituts,
    clubs, universités...), dans des cafés et des restaurants ;

    • des initiatives en librairies (tables et vitrines philo, rencontres, débats...) ;

    • des appels à la philo diffusés dans les médias, sur le web par les partenaires de la Fête de la philo.

    Un mouvement participatif et citoyen

    • interculturel et intergénérationnel ;

    • porté par des échanges de pensées, de maximes, par des débats et des rencontres inattendues ;

    • lors de happenings philo populaires (lectures, débats, performances dans la rue...) ;

    • sur Internet et les réseaux sociaux.

    • lancement national le 25 mai, jour de la Sainte-Sophie ;

    • des événements tous les jours, jusqu’au 17 juin, jour de l’épreuve de philosophie du Baccalauréat ;

    • de multiples initiatives spontanées dans toute la France ;

    • un site internet dédié : www.fetedelaphilo.com

    En bref : 3 semaines pour explorer et partager des pensées.

    Communiqué de presse téléchargeable.



     

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  • LE CAFÉ PHILO BIENTÔT SUR RADIO CHÂLETTE

    Le café philosophique de Montargis sera bientôt présent sur Radio Chalette dans une série d'émissions intitulées (non sans malice !) "Philosophie de comptoir".

    chalette.jpgLa première émission intitulée "Puis-je savoir qui je suis ?" portera sur le débat qui avait eu lieu à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée le 1er mars 2013. Elle sera composée de larges extraits de ce café philo, d'interventions de Claire et de Bruno ainsi que d'extraits audios et musicaux.

    Très bientôt, sur ce site, nous vous en dirons plus.

     

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