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  • Elias : Cogito ergo sum

    Après avoir conduit son argumentation dans la langue philosophique hautement développée de son temps, [Descartes] résuma ses découvertes dans la fameuse formule latine cogito, ergo sum, voulant dire que si toutes les représentations pouvaient être douteuses, en revanche sa propre pensée et donc sa propre existence ne pouvaient être mises en doute. Et pourtant il exposa tout cela dans des langues telles que le français ou le latin et en s'appuyant sur une tradition érudite à laquelle, en même temps qu'à ces langues, d'autres hommes l'avaient initié. Il tirait donc de ce qu'il avait appris auprès d'autrui jusqu'aux instruments même qu'il utilisait pour découvrir en lui-même, ce qui, à ses yeux, ne pouvait venir de l'extérieur et donc ne pouvait en aucun cas relever de l'illusion. Mais si l'on met en doute, en tant qu'expérience extérieure et donc source possible d'illusion, tout ce qu'on a appris d'autrui, pourquoi ne pas alors considérer également comme autant d'illusions la langue apprise auprès d'autres hommes et l'existence même de ces autres ? Descartes n'a pas poussé le doute assez loin. Il s'est arrêté là même où il aurait pu commencer à ébranler la croyance axiomatique du philosophe en cette absolue indépendance et autonomie de l' « entendement », qui constituait la preuve apparemment définitive de sa propre existence.

    Norbert Elias, Du temps (1984)

    Photo : Pexels - Julia Filirovska

    Lien permanent Catégories : =>Saison. 16, Documents, Textes et livres, [115] "Est-ce qu'il n'y a que les imbéciles..." Imprimer 0 commentaire Pin it!
  • Elias : "Passé", "présent", "avenir"

    Si la signification de "passé", "présent" et "avenir", en rapport avec la série de changements exprimable selon le comput de notre ère par une série linéaire de chiffres (1605, 1606, 1607, etc.), est en évolution constante, la raison en est que les hommes auxquels ces concepts renvoient et dont ils traduisent l'expérience sont eux-mêmes en évolution constante, et que ce rapport à l'expérience humaine vient s'inscrire dans leur contenu de signification. Ce que sont "passé", "présent" et "avenir" dépend des générations vivantes du moment. Et comme celles-ci se relaient constamment d'âge en âge, le contenu de signification attaché au "passé", au "présent" et à l' "avenir" ne cesse d'évoluer. Ici, comme dans les concepts temporels plus simples de caractère sériel, comme l' "année" ou le "mois", s'exprime la capacité humaine à opérer des synthèses, dans le cas présent à éprouver en simultanéité ce qui ne se produit pas en simultanéité. Mais ces concepts du type "année", "mois" ou "heure" n'intègrent pas cette capacité, que pourtant ils présupposent, dans leur contenu de signification. Ils représentent simplement des séquences continues d'événements de longueur diverse en tant que telles. Les concepts de "passé", de "présent", et d' "avenir", en revanche, expriment la relation qui s'établit entre une série de changements et l'expérience qu'en fait une personne (ou un groupe). Un instant déterminé à l'intérieur d'un flux continu ne prend l'aspect d'un présent qu'en relation à un être humain en train de le vivre, tandis que d'autres prennent l'aspect d'un passé ou d'un futur. En leur qualité de symbolisations de périodes vécues, ces trois expressions représentent non pas seulement une succession, comme l' "année" ou le couple "cause-effet", mais aussi la présence simultanée de ces trois dimensions du temps dans l'expérience humaine. On pourrait dire que "passé", "présent" et "avenir" constituent, bien qu'il .s'agisse de trois mots différents, un seul et même concept."

    Norbert Elias, Du temps (1984)

    Photo : Pexels - Polina Kovaleva

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