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Café philosophique de Montargis

  • Gauvrit et Delouvrée : "L'attachement opiniâtre à des croyances fausses..."

    41r3PTxLAXL._SX195_.jpgL'attachement opiniâtre à des croyances fausses ne semble pas devoir être expliqué par une attirance pour les croyances fausses en général ou par une tendance à acquérir de telles croyances. Pour trouver une explication à ce phénomène, il faut donc se tourner vers d'autres mécanismes, par exemple des mécanismes d'interactions sociales. Ainsi Dan Sperber a-t-il proposé une explication d'une classe de phénomènes qui tombe sous la catégorie de l'attachement obstiné aux croyances fausses sans la recouvrir, à savoir l'attachement à des propositions obscures parce qu'elles sont émises par des locuteurs célèbres. Sperber nomme "effet-gourou" l'ensemble des mécanismes qui aboutissent à l'adhésion de certains à des énoncés dont le sens est tout sauf limpide. Comme il l'indique lui-même au début de son article, vivre à Paris offre des multiples occasions d'être confronté à l'effet-gourou, puisque les écrits de nombreux auteurs comme Lacan, Derrida, Deleuze ou encore Badiou ont suscité à plusieurs reprises des formes d'adhésion dont la compréhension n'était pas le principal moteur. On pourrait dire qu'on dépasse ici le thème de l'attachement à des croyances fausses, puisque les phrases obscures de certains auteurs célèbres n'ont pas toujours de valeur de vérité identifiable - il est bien difficile de dire si elles sont vrais ou fausses. Cependant, ces phrases font parfois l'objet de la même attitude d'adhésion obstinée et imprudente.

    Nicolas Gauvrit et Sylvain Delouvée, Des têtes bien faites (2019)

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  • Pascal : "Nous connaissons la vérité"

    Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le cœur ; c'est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes, et c'est en vain que le raisonnement, qui n'y a point de part, essaye de les combattre. Les pyrrhoniens, qui n'ont que cela pour objet, y travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons point ; quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l'incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le prétendent. Car la connaissance des premiers principes, comme qu'il y a espace, temps, mouvements, nombres, est aussi ferme qu'aucune de celles que nos raisonnements nous donnent. Et c'est sur ces connaissances du cœur et de l'instinct qu'il faut que la raison s'appuie, et qu'elle y fonde tout son discours. Le cœur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace et que les nombres sont infinis ; et la raison démontre ensuite qu'il n'y a point deux nombres carrés dont l'un soit le double de l'autre. Les principes se sentent, les propositions se concluent ; et le tout avec certitude, quoique par différentes voies – et il est aussi inutile et ridicule que la raison demande au cœur des preuves de ses premiers principes, pour vouloir y consentir, que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu'elle démontre, pour vouloir les recevoir.

    Cette impuissance ne doit donc servir qu'à humilier la raison – qui voudrait juger de tout – mais non pas à combattre notre certitude. Comme s'il n'y avait que la raison capable de nous instruire, plût à Dieu que nous n'en eussions au contraire jamais besoin et que nous connussions toutes choses par instinct et par sentiment, mais la nature nous a refusé ce bien ; elle ne nous a au contraire donné que très peu de connaissances de cette sorte ; toutes les autres ne peuvent être acquises que par raisonnement.

    Et c'est pourquoi ceux à qui Dieu a donné la religion par sentiment de cœur sont bienheureux et bien légitimement persuadés, mais ceux qui ne l'ont pas nous ne pouvons la donner que par raisonnement, en attendant que Dieu la leur donne par sentiment de cœur, sans quoi la foi n'est qu'humaine et inutile pour le salut.

    Pascal, Pensées (1670)

    Photo : Pexels - Kevin Malik 

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  • Arnauld & Nicole : ce dont on peut ne pas douter

    Il s'en trouve d'autres, au contraire [des esprits faux], qui, ayant assez de lumières pour connaître qu'il y a quantité de choses obscures et incertaines, et voulant, par une autre sorte de vanité, témoigner qu'ils ne se laissent pas aller à la crédulité populaire, mettent leur gloire à soutenir qu'il n'y a rien de certain : ils se déchargent ainsi de la peine de les examiner et, sur ce mauvais principe, ils mettent en doute les vérités les plus constantes, et la Religion même. C'est la source du Pyrrhonisme, qui est une autre extravagance de l'esprit humain, qui, paraissant contraire à la témérité de ceux qui croient et décident tout, vient néanmoins de la même source, qui est le défaut d'attention ; car comme les uns ne veulent pas se donner la peine de discerner les erreurs, les autres ne veulent pas prendre celle d'envisager la vérité avec le soin nécessaire pour en apercevoir l'évidence. La moindre lueur suffit aux uns pour les persuader de choses très fausses ; et elle suffit aux autres pour les faire douter des choses les plus certaines : mais, dans les uns et dans les autres, c'est le même défaut d'application qui produit des effets si différents.

    La vraie raison place toutes choses dans le rang qui leur convient ; elle fait douter de celles qui sont douteuses, rejeter celles qui sont fausses, et reconnaître de bonne foi celles qui sont évidentes, sans s'arrêter aux vaines raisons des Pyrrhoniens, qui ne détruisent pas l'assurance raisonnable que l'on a des choses certaines, non pas même dans l'esprit de ceux qui les proposent. Personne ne douta jamais sérieusement qu'il y a une terre, un soleil et une lune, ni si le tout est plus grand que sa partie. On peut bien faire dire extérieurement à sa bouche qu'on en doute, parce que l'on peut mentir ; mais on ne peut pas le faire dire à son esprit. Ainsi le Pyrrhonisme n'est pas une secte de gens qui soient persuadés de ce qu'ils disent, mais c'est une secte de menteurs. Aussi se contredisent-ils souvent en parlant de leur opinion, leur cœur ne pouvant s'accorder avec leur langue, comme on peut le voir dans Montaigne, qui a tâché de le renouveler au dernier siècle.

    Antoine Arnauld et Pierre Nicole, La Logique ou l'art de penser (1662)

    Photo : Pexels - Polina Tankilevitch

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  • D'Holbach : Préjugés

    Si douter de tout est un signe de folie, ne douter de rien est le signe d'une extravagance orgueilleuse. La vraie sagesse détrompée par l'expérience se défie de ses forces, et ne cesse de douter que lorsqu'elle voit la certitude et l'évidence. […]

    On blâme avec raison un scepticisme qui affecte de ne rien savoir, de n'être sûr de rien, de jeter du doute sur toutes les questions. Dès que nous serons raisonnables, nous saurons distinguer les choses sur lesquelles nous devons douter de celles dont nous pouvons acquérir la certitude. Ainsi, ne doutons point des vérités évidentes que tous nos sens s'accordent à nous montrer, que le témoignage du genre humain nous confirme, que des expériences invariables constatent à tout moment pour nous. Ne doutons point de notre existence propre ; ne doutons point de nos sensations constantes et réitérées ; ne doutons point de l'existence du plaisir et de la douleur ; ne doutons point que l'un ne nous plaise et l'autre ne nous déplaise ; par conséquent ne doutons point de l'existence de la vertu, si nécessaire à notre être et au soutien de la société ; ne doutons pas que cette vertu ne soit préférable au vice qui détruit cette société, et au crime qui la trouble ; ne doutons point que le despotisme ne soit un fléau pour les États et que la liberté affermie par les Lois ne soit un bien pour eux ; ne doutons point que l’union et la paix ne soient des biens réels, et que l’intolérance, le zèle, le fanatisme religieux ne soient des maux réels, qui dureront aussi longtemps que les peuples seront superstitieux.

    S'il n'est point permis à des êtres raisonnables de douter des vérités qui leur sont démontrées par l'expérience de tous les siècles, il leur est permis d'ignorer et de douter de la réalité des objets qu'aucun de leurs sens ne leur a jamais fait connaître ; qu'ils en doutent surtout quand les rapports qu'on leur en fait seront remplis de contradictions et d’absurdités ; quand les qualités qu’on leur assignera se détruiront réciproquement, quand malgré tous les efforts de l'esprit il sera toujours impossible de s'en former la moindre idée. Qu'il nous soit donc permis de douter de ces dogmes théologiques, de ces mystères ineffables, incompréhensibles même pour ceux qui les annoncent ; doutons de la nécessité de ces cultes si contraires à la raison ; osons douter des révélations prétendues, des préceptes révoltants, des histoires si peu probables que des Prêtres intéressés débitent aux nations pour des vérités constantes. Doutons des titres de la mission de ces imposteurs qui nous parlent toujours au nom d’une divinité qu’ils avouent ne point connaître. Doutons de l'utilité de ces religions qui ne se sont illustrées que par les maux dont elles ont accablé le genre humain. Doutons des principes de ces Théologiens impérieux qui ne furent jamais d'accord entre eux, sinon pour égarer les peuples et faire naître partout des querelles et des combats. Doutons de la réalité de ces vertus divines et surnaturelles qui rendent les hommes engourdis, inutiles et nuisibles, et qui leur font attendre dans le ciel la récompense du mal qu’ils se seront faits à eux-mêmes ici-bas, ou qu'ils auront fait aux autres. L'inutilité et les dangers des préjugés religieux ne peuvent être douteux que pour ceux qui jamais n’en ont envisagé les conséquences fatales ou qui refusent de se rendre à l'expérience de tous les âges.

    On voit donc que le scepticisme philosophique a des bornes fixées par la raison.

    Paul-Henri Thiry D'Holbach, Essai sur les préjugés (1770)

    Photo : Pexels - Suzy Hazelwood

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  • "On peut douter de tout..."

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  • Elias : Cogito ergo sum

    Après avoir conduit son argumentation dans la langue philosophique hautement développée de son temps, [Descartes] résuma ses découvertes dans la fameuse formule latine cogito, ergo sum, voulant dire que si toutes les représentations pouvaient être douteuses, en revanche sa propre pensée et donc sa propre existence ne pouvaient être mises en doute. Et pourtant il exposa tout cela dans des langues telles que le français ou le latin et en s'appuyant sur une tradition érudite à laquelle, en même temps qu'à ces langues, d'autres hommes l'avaient initié. Il tirait donc de ce qu'il avait appris auprès d'autrui jusqu'aux instruments même qu'il utilisait pour découvrir en lui-même, ce qui, à ses yeux, ne pouvait venir de l'extérieur et donc ne pouvait en aucun cas relever de l'illusion. Mais si l'on met en doute, en tant qu'expérience extérieure et donc source possible d'illusion, tout ce qu'on a appris d'autrui, pourquoi ne pas alors considérer également comme autant d'illusions la langue apprise auprès d'autres hommes et l'existence même de ces autres ? Descartes n'a pas poussé le doute assez loin. Il s'est arrêté là même où il aurait pu commencer à ébranler la croyance axiomatique du philosophe en cette absolue indépendance et autonomie de l' « entendement », qui constituait la preuve apparemment définitive de sa propre existence.

    Norbert Elias, Du temps (1984)

    Photo : Pexels - Julia Filirovska

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  • Descartes : Objections

    Il faut prendre garde à la différence qui est entre les actions de la vie, et la recherche de la vérité, laquelle j'ai tant de fois inculquée ; car quand il est question de la conduite de la vie, ce serait une chose tout à fait ridicule de ne s'en pas rapporter aux sens ; d'où vient qu'on s'est toujours moqué de ces sceptiques, qui négligeaient jusques à tel point toutes les choses du monde, que pour empêcher qu'ils ne se jetassent eux-mêmes dans des précipices, ils devaient être gardés par leurs amis ; et c'est pour cela que j'ai dit en quelque part « qu'une personne de bon sens ne pouvait douter sérieusement de ces choses » ; mais lors qu'il s'agit de la recherche de la vérité, et de savoir quelles choses peuvent être certainement connues par l'esprit humain, il est sans doute du tout contraire à la raison, de ne vouloir pas rejeter sérieusement ces choses-là comme incertaines, ou même aussi comme fausses, afin de remarquer que celles qui ne peuvent pas être ainsi rejetées, sont en cela même plus assurées, et à notre égard plus connues, et plus évidentes.

    René Descartes, Cinquièmes réponses aux objections (1641)

    Photo : Pexels - Leeloo The First

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  • Descartes : Du doute"

    Du doute

    1. Que pour examiner la vérité il est besoin, une fois en sa vie, de mettre toutes choses en doute autant qu’il se peut.
    Comme nous avons été enfants avant que d’être hommes et que nous avons jugé tantôt bien et tantôt mal des choses qui se sont présentées à nos sens lorsque nous n’avions pas encore l’usage entier de notre raison, plusieurs jugements ainsi précipités nous empêchent de parvenir à la connaissance de la vérité, et nous préviennent de telle sorte qu’il n’y a point d’apparence que nous puissions nous en délivrer, si nous n’entreprenons de douter une fois en notre vie de toutes les choses où nous trouverons le moindre soupçon d’incertitude.

    2. Qu’il est utile aussi de considérer comme fausses toutes les choses dont on peut douter.
    Il sera même fort utile que nous fausses toutes celles où nous pourrons imaginer le moindre doute, afin que si nous en découvrons quelques-unes qui, nonobstant cette précaution, nous semblent manifestement vraies, nous fassions état qu’elles sont aussi très certaines et les plus aisées qu’il est possible de connaître.

    3. Que nous ne devons point user de ce doute pour la conduite de nos actions.
    Cependant il est à remarquer que je n’entends point que nous nous servions d’une façon de douter si générale, sinon lorsque nous commençons à nous appliquer à la contemplation de la vérité. Car il est certain qu’en ce qui regarde la conduite de notre vie nous sommes obligés de suivre bien souvent des opinions qui ne sont que vraisemblables, à cause que les occasions d’agir en nos affaires se passeraient presque toujours avant que nous pussions nous délivrer de tous nos doutes ; et lorsqu’il s’en rencontre plusieurs de telles sur un même sujet, encore que nous n’apercevions peut-être pas davantage de vraisemblance aux unes qu’aux autres, si l’action ne souffre aucun délai, la raison veut que nous en choisissions une, et qu’après l’avoir choisie nous la suivions constamment, de même que si nous l’avions jugée très certaine.

    4. Pourquoi on peut douter de la vérité des choses sensibles.
    Mais, parce que nous n’avons point d’autre dessein maintenant que de vaquer à la recherche de la vérité, nous douterons en premier lieu si, de toutes les choses qui sont tombées sous nos sens ou que nous avons jamais imaginées, il y en a quelques-unes qui soient véritablement dans le monde, tant à cause que nous savons par expérience que nos sens nous ont trompés en plusieurs rencontres, et qu’il y aurait de l’imprudence de nous trop fier à ceux qui nous ont trompés, quand même ce n’aurait été qu’une fois, comme aussi à cause que nous songeons presque toujours en dormant, et que pour lors il nous semble que nous sentons vivement et que nous imaginons clairement une infinité de choses qui ne sont point ailleurs, et que lorsqu’on est ainsi résolu à douter de tout, il ne reste plus de marque par où on puisse savoir si les pensées qui viennent en songe sont plutôt fausses que les autres.

    5. Pourquoi on peut aussi douter des démonstrations de mathématique.
    Nous douterons aussi de toutes les autres choses qui nous ont semblé autrefois très certaines, même des démonstrations de mathématique et de ses principes, encore que d’eux-mêmes ils soient assez manifestes, parce qu’il y a des hommes qui se sont mépris en raisonnant sur de telles matières ; mais principalement parce que nous avons ouï dire que Dieu, qui nous a créés, peut faire tout ce qui lui plaît, et que nous ne savons pas encore s’il a voulu nous faire tels que nous soyons toujours trompés, même aux choses que nous pensons mieux connaître ; car, puisqu’il a bien permis que nous nous soyons trompés quelquefois, ainsi qu’il a été déjà remarqué, pourquoi ne pourrait-il pas permettre que nous nous trompions toujours ? Et si nous voulons feindre qu’un Dieu tout-puissant n’est point auteur de notre être, et que nous subsistons par nous-mêmes ou par quelque autre moyen, de ce que nous supposerons cet auteur moins puissant, nous aurons toujours d’autant plus de sujet de croire que nous ne sommes pas si parfaits que nous ne puissions être continuellement abusés.

    6. Que nous avons un libre arbitre qui fait que nous pouvons nous abstenir de croire les choses douteuses, et ainsi nous empêcher d’être trompés.
    Mais quand celui qui nous a créés serait tout-puissant, et quand même il prendrait plaisir à nous tromper, nous ne laissons pas d’éprouver en nous une liberté qui est telle que, toutes les fois qu’il nous plaît, nous pouvons nous abstenir de recevoir en notre croyance les choses que nous ne connaissons pas bien, et ainsi nous empêcher d’être jamais trompés.

    René Descartes, Les Principes de la philosophie (1644)

    Photo : Pexels - Tima Miroshnichenko

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  • Kant : Scepticisme

    Il y a un principe du doute consistant dans la maxime de traiter les connaissances de façon à les rendre incertaines et à montrer l'impossibilité d'atteindre à la certitude. Cette méthode de philosophie est la façon de penser sceptique ou le scepticisme...

    Mais autant ce scepticisme est nuisible, autant est utile et opportune la méthode sceptique, si l'on entend seulement par là la façon de traiter quelque chose comme incertain et de le conduire au plus haut degré de l'incertitude dans l'espoir de trouver sur ce chemin la trace de la vérité. Cette méthode est donc à proprement parler une simple suspension du jugement. Elle est fort utile au procédé critique par quoi il faut entendre cette méthode de philosophie qui consiste à remonter aux sources des affirmations et objections, et aux fondements sur lesquels elles reposent, méthode qui permet d'espérer atteindre à la certitude.

    Emmanuel Kant, Logique (1800)

    Photo : Pexels - SHVETS production

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  • Malebranche : Savoir douter

    Qu'on ne s'imagine pas avoir peu avancé si on a seulement appris à douter. Savoir douter par esprit et par raison n'est pas si peu de chose qu'on le pense : car, il faut le dire ici, il y a bien de la différence entre douter et douter. On doute par emportement et par brutalité, par aveuglement et par malice ; et enfin par fantaisie, et parce que l'on veut douter. Mais on doute aussi par prudence et par défiance, par sagesse et par pénétration d'esprit... Le premier doute est un doute de ténèbres qui ne conduit point à la lumière, mais qui en éloigne toujours ; le second naît de la lumière et il aide en quelque façon à la produire à son tour.

    Nicolas Malebranche, De la recherche de la vérité (1674)

    Photo : Pexels - Mizuno K

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  • Descartes : Douter

    Il faut prendre garde à la différence qui est entre les actions de la vie, et la recherche de la vérité, laquelle j'ai tant de fois inculquée ; car quand il est question de la conduite de la vie, ce serait une chose tout à fait ridicule de ne s'en pas rapporter aux sens ; d'où vient qu'on s'est toujours moqué de ces sceptiques, qui négligeaient jusques à tel point toutes les choses du monde, que pour empêcher qu'ils ne se jetassent eux-mêmes dans des précipices, ils devaient être gardés par leurs amis ; et c'est pour cela que j'ai dit en quelque part "qu'une personne de bon sens ne pouvait douter sérieusement de ces choses" ; mais lors qu'il s'agit de la recherche de la vérité, et de savoir quelles choses peuvent être certainement connues par l'esprit humain, il est sans doute du tout contraire à la raison, de ne vouloir pas rejeter sérieusement ces choses-là comme incertaines, ou même aussi comme fausses, afin de remarquer que celles qui ne peuvent pas être ainsi rejetées, sont en cela même plus assurées, et à notre égard plus connues, et plus évidentes.

    René Descartes, Cinquièmes réponses aux objections (1641)

    Photo : Pexels - Nathan Cowley

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  • Descartes : Discours de la méthode

    J'avais depuis longtemps remarqué que pour les mœurs il est besoin quelquefois de suivre des opinions qu'on sait fort incertaines, tout de même que si elles étaient indubitables... Mais pour ce qu'alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu'il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse comme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne resterait point après cela quelque chose en ma créance qui fût entièrement indubitable. Ainsi, à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu'il n'y avait aucune chose qui fût telle qu'ils nous la font imaginer ; et pour ce qu'il y a des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des paralogismes, jugeant que j'étais sujet à faillir autant qu'aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que j'avais prises auparavant comme démonstrations ; et enfin, considérant que toutes les mêmes pensées que nous avons étant éveillés nous peuvent aussi venir quand nous dormons sans qu'il y en ait aucune pour lors qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées en l'esprit n'étaient non plus vraies que les illusions de mes songes. Mais aussitôt après je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais fusse quelque chose : et remarquant que cette vérité, je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les extravagantes suppositions sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie.

    René Descartes, Discours de la méthode (1637)

    Photo : Pexels - Hayati Ayrancı

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  • Russell : "La valeur de la philosophie"

    La valeur de la philosophie doit en réalité surtout résider dans son caractère incertain même. Celui qui n’a aucune teinture de philosophie traverse l’existence, prisonnier de préjugés dérivés du sens commun, des croyances habituelles à son temps ou à son pays et de convictions qui ont grandi en lui sans la coopération ni le consentement de la raison.

    Pour un tel individu, le monde tend à devenir défini, fini, évident ; les objets ordinaires ne font pas naître de questions et les possibilités peu familières sont rejetées avec mépris. Dès que nous commençons à penser conformément à la philosophie, au contraire, nous voyons, comme il a été dit dans nos premiers chapitres, que même les choses les plus ordinaires de la vie quotidienne posent des problèmes auxquels on ne trouve que des réponses très incomplètes. La philosophie, bien qu’elle ne soit pas en mesure de nous donner avec certitude la réponse aux doutes qui nous assiègent, peut tout de même suggérer des possibilités qui élargissent le champ de notre pensée et délivre celle-ci de la tyrannie de l’habitude. Tout en ébranlant notre certitude concernant la nature de ce qui nous entoure, elle accroît énormément notre connaissance d’une réalité possible et différente ; elle fait disparaître le dogmatisme quelque peu arrogant de ceux qui n’ont jamais parcouru la région du doute libérateur, et elle garde intact notre sentiment d’émerveillement en nous faisant voir les choses familières sous un aspect nouveau.

    Bertrand  Russsell, Problème de philosophie (1912)

    Photo : Pexels - David Rojas Villalobos

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  • Alain : "Le doute est le sel de l’esprit"

    Le doute est le sel de l’esprit : sans la pointe du doute, toutes les connaissances sont bientôt pourries. J’entends aussi bien les connaissances les mieux fondées et les plus raisonnables. Douter quand on s’aperçoit qu’on s’est trompé ou que l’on a été trompé, ce n’est pas difficile : je voudrais même dire que cela n’avance guère ; ce doute forcé est comme une violence qui nous est faite ; aussi c’est un doute triste : c’est un doute de faiblesse ; c’est un regret d’avoir cru, et une confiance trompée.

    Le vrai c’est qu’il ne faut jamais croire, et qu’il faut examiner toujours. L’incrédulité n’a pas encore donné sa mesure.

    Croire est agréable. C’est une ivresse dont il faut se priver. Ou alors dites adieu à liberté, à justice, à paix.

    Alain, Propos (1925)

    Photo : Pexels - Liza Summer

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  • Alain : "Penser, c’est dire non"

    Penser, c’est dire non. Remarquez que le signe du oui est d’un homme qui s’endort ; au contraire le réveil secoue la tête et dit non. Non à quoi ? Au monde, au tyran, au prêcheur ? Ce n’est que l’apparence. En tous ces cas-là, c’est à elle-même que la pensée dit non. Elle rompt l’heureux acquiescement. Elle se sépare d’elle-même. Elle combat contre elle-même. Il n’y a pas au monde d’autre combat. Ce qui fait que le monde me trompe par ses perspectives, ses brouillards, ses chocs détournés, c’est que je consens, c’est que je ne cherche pas autre chose. Et ce qui fait que le tyran est maître de moi, c’est que je respecte au lieu d’examiner. Même une doctrine vraie, elle tombe au faux par cette somnolence. C’est par croire que les hommes sont esclaves. Réfléchir, c’est nier ce que l’on croit. Qui croit ne sait même plus ce qu’il croit. Qui se contente de sa pensée ne pense plus rien.

    Alain, Propos (1925)

    Photo : Pexels - Cottonbro

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  • Rosset : L'idiotie

    Un mot exprime à lui seul ce double caractère, solitaire et inconnaissable, de toute chose au monde: le mot idiotie. Idiötès, idiot, signifie simple, particulier, unique; puis, par une extension sémantique dont la signification philosophique est de grande portée, personne dénuée d'intelligence, être dépourvu de raison. Toute chose, toute personne sont ainsi idiotes dès lors qu'elles n'existent qu'en elles-mêmes, c'est-à-dire sont incapables d'apparaître autrement que là où elles sont et telles qu'elles sont: incapables donc, en premier lieu, de se refléter, d'apparaître dans le double du miroir. Or, c'est le sort finalement de toute réalité que de ne pouvoir se dupliquer sans devenir aussitôt autre: l'image offerte par le miroir n'est pas superposable à la réalité qu'elle suggère. C'est le cas, notamment, de l'univers, qu'Ernst Mach a décrit, dans une formule très étrange et très profonde, comme "un être unilatéral dont le complément en miroir n'existe pas ou, du moins, ne nous est pas connu.

    Clément Rosset, Le réel - Traité de l'idiotie (2004)

    Photo : Pexels - Olly

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  • Raisonner le con

    71Q1LfqGaSL.jpgEssayer de raisonner le con, de le changer, vous êtes perdu ! Car si vous estimez de votre devoir de l’amender, c’est que, vous aussi, vous prétendez savoir comment il devrait penser, se comporter… en l’occurrence, comme vous. Et vous voilà con. En plus d’être naïf, car vous vous croyez de taille à relever le défi. Pire encore, plus vous essaierez de réformer un con, plus vous le renforcerez : il sera trop content de se considérer comme une victime qui dérange, et qui a donc raison.

    Jean-François Marmion, Psychologie de la connerie (2018)

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  • Spinoza : "Le consentement sous la conduite de la raison"

    On pense que l’esclave est celui qui agit par commandement et l’homme libre celui qui agit selon son bon plaisir. Cela cependant n’est pas absolument vrai, car en réalité être captif de son plaisir et incapable de rien voir ni faire qui nous soit vraiment utile, c’est le pire esclavage, et la liberté n’est qu’à celui qui de son entier consentement vit sous la seule conduite de la Raison. Quant à l’action par commandement, c’est-à-dire à l’obéissance, elle ôte bien en quelque manière la liberté, elle ne fait cependant pas sur-le-champ un esclave, c’est la raison déterminante de l’action qui le fait. Si la fin de l’action n’est pas l’utilité de l’agent lui-même, mais de celui qui la commande, alors l’agent est un esclave, inutile à lui-même ; au contraire, dans un Etat et sous un commandement pour lesquels la loi suprême est le salut de tout le peuple, non de celui qui commande, celui qui obéit en tout au souverain ne doit pas être dit un esclave inutile à lui-même, mais un sujet. Ainsi cet Etat est le plus libre, dont les lois sont fondées en droite Raison, car dans cet Etat chacun, dès qu’il le veut, peut être libre, c’est-à-dire vivre de son entier consentement sous la conduite de la Raison.

    Baruch Spinoza, Traité théologico-politique (1670)

    Photo : Pexels -  Michael Obstoj

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  • Toole : "La conjuration des imbéciles"

    71IopPgujrL.jpgBien qu'habitant les bords du Mississipi (fleuve célébré par des vers et des chansons exécrables dont le motif prévalant consiste à faire du fleuve une espèce de substitut du père, mais qui n'est en fait qu'un cours d'eau perfide et sinistre, dont les courants et les remous font, chaque année, de nombreuses victimes. Jamais je n'ai connu quiconque qui s'aventurât ne fût-ce qu'à tremper un orteil dans ses eaux brunes et polluées, qui bouillonnent de l'apport des égouts, des effluents industriels et de mortels insecticides. Même les poissons meurent. C'est pourquoi le Mississipi Père-Dieu-Moïse-Papa-Phallus-Bon Vieux est un thème particulièrement mensonger, lancé, j'imagine, par cet affreux imposteur de Mark Twain. Cette complète absence de contact avec la réalité est d'ailleurs, soyons juste, caractéristique de la quasi-totalité de "l'art" d'Amérique. Toute ressemblance entre l'art américain et la nature américaine serait purement fortuite et relèverait de la coïncidence, mais c'est seulement parce que le pays dans son ensemble n'a pas de contact avec la réalité. On tient là une seulement des raisons pour lesquelles j'ai toujours été contraint d'exister à la lisière de sa société, consigné dans les limbes réservés à ceux qui savent reconnaître la réalité quand ils la rencontrent), je n'ai jamais vu pousser le coton et n'en n'éprouve pas le besoin.

    John Kennedy Toole, La conjuration des imbéciles (1980)

     

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  • "Est-ce qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ?"

    Le Café Philosophique de Montargis fixe sa prochaine séance le 28 novembre 2025, 19 heures, à la Médiathèque de l'Agglomération Montargoise.

    Le débat portera sur ce sujet : "Est-ce qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ?"

    A bientôt.

    Affiche de la séance

    Photo : Pexels - Brendan Rühli

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  • Merci aux participants de la séance du vendredi 26 septembre

    Entre 20 personnes étaient présentes à la séance du 26 septembre pour la première séance de saison 16, "Triple tournée pour le Café Philo !"

    Merci aux participants de cette séance à la Médiathèque de l'AME quin débattaient sur non pas un mais trois sujets : "Notre avenir dépend-il de la technique ?", "Avons-nous besoin d’art ?" et "Sommes-nous libres en toutes circonstances ?"

    Les sujets du bac 2025 qui ont été traités n'étaient pas si simples et beaucoup de concepts ont été abordés au cours de cette séance ! Vous pouvez la réécouter sur Soundcloud, comme toutes les séances.

    Le Café Philosophique de Montargis fixe d'ores et déjà son prochain rendez-vous le 28 novembre, à la Médiathèque de l'AME. Le débat portera sur ce sujet : "Est-ce qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ?"

    A bientôt !

    Photo : Pexels -Tima Miroshnichenko

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  • Rousseau : Indépendance et liberté

    On a beau vouloir confondre l’indépendance et la liberté, ces deux choses sont si différentes que même elles s’excluent mutuellement.

    Quand chacun fait ce qu’il lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres, et cela ne s’appelle pas un état libre. La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à n’être pas soumis à celle d’autrui ; elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté  d’autrui à la nôtre. Quiconque est maître ne peut être libre, et régner c’est obéir.  Vos Magistrats savent cela mieux que personne, eux qui comme Othon n’omettent rien de servile pour commander. Je ne connais de volonté vraiment libre que celle à laquelle nul n’a d’opposer de résistance. Dans la liberté commune nul n’a le droit de faire ce que la liberté d’un autre lui interdit, et la vraie liberté n’est jamais destructive d’elle-même.

    Ainsi la sans la justice est une véritable contradiction ; car comme qu'on s’y prenne tout gêne dans l’exécution d’une volonté désordonnée.

    Il n’y a donc point de liberté sans Lois, ni où quelque un est au-dessus des Lois : dans l’état même de nature l’homme n’est libre qu’à la faveur de la Lois naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux Lois, mais il n’obéit qu’aux Lois  et c’est par la force des Lois qu’il n’obéit pas aux hommes. (…) Un peuple est libre, quelque forme qu’ai son Gouvernement, quand dans celui qui gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la loi.

    Jean-Jacques Rousseau, Lettres écrites de la Montagne (1762)

    Photo : Pexels - Tobias Bjørkli

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  • Valéry : Le "détestable" mot de liberté

    C’est un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens : qui chantent plus qu’ils ne parlent : qui demandent plus qu’ils ne répondent ; de ces mots qui ont fait tous les métiers, et desquels la mémoire est barbouillée de Théologie, de Métaphysique, de Morale et de Politique ; mots très bons pour la controverse, la dialectique, l’éloquence ; aussi propres aux analyses illusoires et aux subtilités infinies qu’aux fins de phrases qui déchaînent le tonnerre.

    Je ne trouve une signification précise à ce nom de la « Liberté » que dans la dynamique et la théorique des mécanismes, où il désigne l’excès du nombre qui définit un système matériel sur le nombre de gènes qui s’opposent aux déformations de ce système, ou qui lui interdisent certains mouvements.

    Cette définition qui résulte d’une réflexion sur une observation toute simple, méritait d’être rappelée en regard de l’impuissance remarquable de la pensée morale à circonscrire dans une formule ce qu’elle entend elle-même par « liberté » d’un être vivant et doué de conscience de soi-même et de ses actions. Les uns, donc, ayant rêvé que l’homme était libre, sans pouvoir dire au juste ce qu’ils entendaient par ces mots, les autres, aussitôt, imaginèrent et soutinrent qu’il ne l’était pas. Ils parlèrent de fatalité, de nécessité, et, beaucoup plus tard, de déterminisme ; mais tous ces termes sont exactement du même degré de précision que celui auquel ils s’opposent.

    Ils n’importent rien dans l’affaire qui la retire de ce vague où tout est vrai. Le « déterminisme » nous jure que si l’on savait tout, l’on saurait aussi déduire et prédire la conduite de chacun en toute circonstance, ce qui est assez évident. Le malheur veut que « tout savoir » n’ait aucun sens.

    Paul Valéry, Regards sur le monde actuel (1938)

    Photo : Pexels - Pixabay

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  • Marx : Liberté et travail

    "Tu travailleras à la sueur de ton front !"  Cette malédiction, Adam la reçut de la bouche de Jéhovah, et c'est bien ainsi qu'Adam Smith entend le travail ; quant au « repos » il serait identique à la liberté et au « bonheur ». C'est le moindre souci de Smith que « dans son état normal de santé, de force, d'activité, d'habileté, de dextérité », l'individu ait également besoin d'une quantité normale de travail qui mette fin à son repos. Il est vrai que la mesure du travail semble venir de l'extérieur, dictée par les obstacles à surmonter en fonction du but à atteindre. Il ne soupçonne pas non plus que le renversement de ces obstacles constitue en soi une affirmation de liberté ; il ne voit aucunement la réalisation de soi, l'objectivation du sujet, donc sa liberté concrète qui s'actualise précisément dans le travail. Sans doute Smith a raison lorsqu'il dit que dans ses formes historiques : esclavage, corvée, salariat, le travail est toujours répulsif, qu'il apparaît toujours comme une « contrainte extérieure », et qu'en face de lui, le non travail est « liberté » et « bonheur ». Cela est doublement vrai pour un travail plein de contradictions, un travail qui n'a pas encore su créer les conditions objectives et subjectives (...) qui le rendraient « attractif », propice à l'autoréalisation de l'individu...

     Karl Marx, Principes d'une critique de l'économie politique (1859)

    Photo : Pexels - Felipe Silva

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  • La valise philosophique du mois : "Triple tournée pour le Café Philo !"

    Pour cette nouvelle "Valise philosophique" mensuelle, ce n'est pas une mais trois "valises" sui sont proposées .

    En effet, la la séance du vendredi 27 juin 2025 proposera une "Triple tournée", avec pas moins de trois débats : "Notre avenir dépend-il de la technique ?", "Avons-nous besoin d’art ?"  et "Sommes-nous libres en toutes circonstances ?"

    Cette séance aura lieu à la Médiathèque de Montargis.

    Nous vous avons préparé (colonne de gauche) des documents, textes, extraits de films ou de musiques servant à illustrer et enrichir les débats mensuels.

    Restez attentifs : régulièrement de nouveaux documents viendront alimenter cette rubrique d'ici la séance.

    Photo : Pexels - Caffeine

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