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  • Ricoeur : Le manger

    L’homme est homme par son pouvoir d’affronter ses besoins et de se sacrifier. Or cela doit être constitutionnellement possible, c’est-à-dire inscrit dans la nature même du besoin. Si je ne suis pas maître du besoin comme manque, je peux le repousser comme raison d’agir. C’est dans cette épreuve extrême que l’homme montre son humanité. Déjà la vie la plus banale esquisse ce sacrifice : ce que l’on a appelé la « socialisation des besoins » suppose que le besoin se prête à une action corrective exercée sur lui par les exigences d’une vie proprement humaine (coutumes, règles de politesse, programme de vie…) Mais c’est l’expérience du sacrifice qui est la plus révélatrice ; les récits d’expéditions au pays de la soif ou du froid, les témoignages de combattants sont la longue épopée de la victoire sur le besoin. L’homme peut choisir entre sa faim et autre chose. La non-satisfaction des besoins peut non seulement être acceptée mais systématiquement choisie: tel qui eut sans cesse le choix entre une dénonciation et un morceau de pain préféra l’honneur à la vie. ; Et Gandhi choisit de ne pas manger pour fléchir son adversaire. La grève de la faim est sans doute l’expérience qui révèle la nature vraiment humaine de nos besoins comme, en un certain sens, la chasteté (monacale ou autre) constitue la sexualité en sexualité humaine. Ces situations extrêmes sont fondamentales pour une psychologie de l’involontaire. Le besoin peut donc être un motif comme un autre."

    Paul Ricœur, Le Volontaire et l'Involontaire (1950)

    Photo : Pexels - Yente Van Eynde 

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  • Thelot : Le mangeable et l'immangeable

    Les différences culturelles, celles qu’élaborent les sociétés au gré de leurs histoires, celles dont l’art culinaire est la mise en œuvre, distribuent le mangeable et l’immangeable selon des intérêts réels et imaginaires, selon des interdits et des mythes, selon des conditions environnementales et des projets sociaux, des anticipations et des craintes, des héritages et des situations, des représentations et des tabous, de sorte que se distingueront aussi, dans chaque société ou micro-société, les gras et les maigres, ceux qui ont droit à ce qui se mange et ceux qui n’y ont pas droit, ceux qui nomment les différences et ceux qui les subissent. Gras et maigres, repus et affamés, gloutons et gourmets, boulimiques et anorexiques, mangeants et mangés, jeûneurs et consommateurs, etc., apparaissent dans le monde avec les différentes pratiques alimentaires, sur le fonds de cette différence initiale entre mangeable et immangeable, elle-même ramifiée par les différences sensibles qu’éprouveront les individus, le doux et l’amer, le gluant et le croustillant, l’excitant et l’émollient, le digeste et l’indigest.

    Jérôme Thelot, La faim comme origine de la parole (2015)
    https://journals.openedition.org/transtexts/590

    Photo : Pexels - Zen Chung

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  • Brillat-Savarin : Le plaisir de manger

    Physiologie-du-gout.jpgLe plaisir de manger est la sensation actuelle et directe d’un besoin qui se satisfait. Le plaisir de la table est la sensation réfléchie qui naît des diverses circonstances de faits, de lieux, de choses et de personnes qui accompagnent le repas.

    Le plaisir de manger nous est commun avec les animaux ; il ne suppose que la faim et ce qu’il faut pour la satisfaire. Le plaisir de la table est particulier à l’espèce humaine ; il suppose des soins antécédents pour les apprêts du repas, pour le choix du lieu et le rassemblement des convives.

    Le plaisir de manger exige, sinon la faim, au moins de l’appétit ; le plaisir de la table est le plus souvent indépendant de l’un et de l’autre. Ces deux états peuvent toujours s’observer dans nos festins.

    Au premier service (…), chacun mange évidemment, sans parler, sans faire attention à ce qui peut être dit; et, quel que soit le rang qu’on occupe dans la société, on oublie tout pour n’être qu’un ouvrier de la grande manufacture[2]. Mais, quand le besoin commence à être satisfait, la réflexion naît, la conversation s’engage, un autre ordre de choses commence ; et celui qui, jusque-là, n’était que consommateur, devient convive plus ou moins aimable, suivant que le maître de toutes choses[3] lui en a dispensé les moyens...

    D’ailleurs, on trouve souvent rassemblées autour de la même table toutes les modifications que l’extrême sociabilité a introduites parmi nous : l’amour, l’amitié, les affaires, […] l’ambition, l’intrigue ; voilà pourquoi le conviviat[4] touche à tout ; voilà pourquoi il produit des fruits de toutes les saveurs.

    Jean-Anthelme Brillat-Savarinn, Physiologie du goût (1825)

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  • Zola : présentation d'étals gourmands dans Le Ventre de Paris

    9782253005629-001-T.jpegLe jour se levait lentement d'un gris très doux, lavant toute chose d'une teinte claire et d'aquarelle. Ces tas moutonnants comme des flots pressés, ce fleuve de verdure qui semblait couler dans l'encaissement de la chaussée, pareil à la débâcle des pluies d'automne, prenaient des ombres délicates et perlées, des violets attendris, des roses teintés de lait, des verts noyés dans des jaunes,  toutes les pâleurs qui font du ciel une soie changeante au lever du soleil ; et à mesure que l'incendie du matin montait en jets de flamme au fond de la rue Rambuteau, les légumes s'éveillaient davantage, sortait du grand bleuissement traînant à terre. Les salades, les laitues, les scaroles, les chicorées, ouvertes et grasses encore de terreau, montraient leurs coeurs éclatants ; les paquets d'épinards, les paquets d'oseille, les bouquets d'artichauts, les entassements d'haricots et de pois, les empilements de romaines, liées d'un brin de paille, chantaient toute la gamme du vert, de la laque verte des cosses au gros vert des feuilles ; gamme soutenue qui allait en se mourant, jusqu'aux panachures des pieds de céleris et des bottes de poireaux. Mais les notes aigües, ce qui chantait plus haut, c'étaient toujours les tâches vives des carottes, les tâches pures des navets semées en quantités prodigieuses le long du marché, l'éclairant du bariolage de leurs deux couleurs. Au carrefour de la rue des Halles, les choux faisaient des montagnes ; les énormes choux blancs serrés et durs comme des boulets de métal pâle ; les choux frisés, dont les grandes feuilles ressemblaient à des vasques de bronze ; les choux rouges, que l'aube changeait en des floraisons superbes, lie de vin avec des meurtrissures de carmin et de pourpre sombre. A l'autre bout, au carrefour de la pointe Saint-Eustache, l'ouverture de la rue Rambuteau était barrée par une barricade de potirons orangés, sur deux rangs, s'étalant, s'élargissant leurs ventres. Et le vernis mordoré d'un panier d'oignons, le rouge saignant d'un tas de tomates, l'effacement jaunâtre d'un lot de concombre, le violet sombre d'une grappe d'aubergines, çà et là, s'allumaient ; pendant que de gros radis noirs, rangés en nappe de deuil, laissaient encore quelques trous de ténèbres au milieu des joies vibrantes du réveil.

    Emile Zola, Le Ventre de Paris (1873)

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  • La valise philosophique du mois : Café philo du 26 mai

    Retrouvez notre traditionnelle "Valise philosophique" du mois. Elle est consacrée à la séance du vendredi 26 mai 2023 qui aura pour sujet : "Qu'entend-on par 'Croquer la vie à pleines dents' ?"

    Comme pour chaque séance, nous vous avons préparé (colonne de gauche) des documents, textes, extraits de films ou de musiques servant à illustrer et enrichir les débats mensuels.

    Restez attentifs : régulièrement de nouveaux documents viendront alimenter cette rubrique d'ici la séance.

    Photo : Mikhail Nilov- Pexels

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  • Sénèque : A quoi bon s'empiffrer ?

    J’attendrai pour t’admirer que tu sois parvenu à mépriser le pain bis, à croire vraiment qu’en cas de nécessité, l’herbe ne croît pas seulement pour les bêtes, mais pour l’homme, à savoir que des pousses d’arbres garnissent fort bien ce ventre où nous entassons ainsi les mets coûteux comme s’il recevait pour garder toujours ! Remplissons le sans faire les difficiles. Qu’importe ce qu’on lui donne, puisqu’il est destiné à perdre tout ce qu’on lui donnera ? Tu aimes à voir en stricte ordonnance gibier de terre, gibier de mer, celui-ci que l’on goûte d’autant plus s’il arrive de là-bas, tout frais, sur la table ; celui-là si longtemps alimenté et par force à l’engrais, il est fondant de graisse et crève d’embonpoint ; tu aimes le luisant qu’un art raffiné lui donne. Et pourtant, grands dieux ! ces pièces de choix dénichées avec beaucoup de peine et soumises à mille assaisonnements, une fois entrées dans le ventre seront ramenées à un amalgame immonde.

    Sénèque, Lettre 110 (Ier s. ap. JC)

    Pexels - Pixabay

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  • Platon : Modération

    51BH2lE2OaL.jpg– Dès lors Socrate prit place sur le lit, et quand lui et les autres convives eurent achevé de dîner, on fit des libations, on célébra le dieu, enfin, après toutes les autres cérémonies habituelles, on se mit en devoir de boire.
    Alors, Pausanias prit la parole en ces termes : "Allons, amis, voyons comment nous régler pour boire sans nous incommoder ? Pour moi, je vous déclare que je suis réellement fatigué de la débauche d’hier et que j’ai besoin de respirer, comme aussi, je pense, la plupart d’entre vous ; car vous étiez de la fête d’hier. Avisez donc à boire de façon à nous ménager".
    Aristophane répondit : "C’est bien dit, Pausanias, il faut absolument nous donner du relâche ; car moi aussi je suis de ceux qui se sont largement arrosés hier. "

    Platon, Le Banquet (Ve s. av. JC)

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  • Fischler : Manger de la viande et partager

    Pour manger de la viande, à la différence de beaucoup d’autres types d’aliments, il faut procéder à un partage. Et le partage de la viande est un acte fondamental, sinon fondateur, de la vie sociale. Il revêt un caractère vital, pour des raisons biologiques et sociales à la fois ; mais il a une autre caractéristique : partager la viande, c’est aussi partager la responsabilité de la mise à mort et, en somme, la recycler symboliquement, la transformer en lien social.

    Claude Fischler, L'Homnivore (1993)

    Photo : Pexels - Min An

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  • Riger : Les délices d'Eve

    riger.jpgJe passe les trois jours suivants cloîtrée à la maison, à regarder la télé en mangeant des biscuits. D’habitude, quand je déprime, je cuisine. Mais l’École reste fermée pendant trois jours en signe de deuil et je me dis que la moindre des choses, c’est de faire pareil. Sébastien va et vient, ravi de ces jours de vacances inattendus, et en profite pour faire la fête. Je m’en fiche, les cuisiniers n’ont pas de cœur, c’est bien connu. Il me tire la langue. Et les pâtissiers pas de cerveau.

    Emilie Riger, Les délices d'Eve (2017)

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  • Rabelais : Les excès au pays de Gargantua

    gargantua.jpgVoici en quelle occasion et de quelle manière Gargamelle accoucha, et, si vous ne le croyez pas, que le fondement vous échappe !

    Le fondement lui échappait, par un après-dîner, le troisième jour de février, pour avoir mangé trop de gaudebillaux. Les gaudebillaux sont de grasses tripes de coiraux. Les coiraux sont des bœufs engraissés à la crèche et dans les prés guimaux. Les prés guimaux, ce sont ceux qui donnent de l'herbe deux fois par an. Ces bœufs gras, ils en avaient fait tuer trois cent soixante-sept mille quatorze pour qu'on les sale à mardi gras, afin d'avoir en début de printemps du bœuf de saison en abondance, de façon à pouvoir faire au début des repas un bénédicité de salaisons, et mieux se mettre au vin.

    Les tripes furent copieuses, comme vous vous en doutez, et si savoureuses que chacun s'en léchait les doigts. Mais là où il y eut bien une diablerie à grand spectacle, c'est qu'il n'était pas possible de les mettre longtemps de côté car elles se seraient avariées, ce qui paraissait inadmissible. Il fut donc décidé qu'on les bâfrerait sans rien en perdre. À cette fin, ils convièrent tous les villageois de Cinais, de Seuilly, de La Roche-Clermault, de Vaugaudry, sans oublier ceux du Coudray-Montpensier, du Gué de Vède et les autres, tous bons buveurs, bons compagnons et fameux joueurs de quilles là.

    Le bonhomme Grandgousier y prenait grand plaisir et commandait qu'on y aille à pleines écuelles. Il disait toutefois à sa femme d'en manger le moins possible, vu qu'elle approchait de son terme et que cette tripaille n'était pas une nourriture très recommandable : « On a, disait-il, grande envie de mâcher de la merde, si on mange ce qui l'enveloppe. » En dépit de ces remontrances, elle en mangea seize muids, deux baquets et six pots. Oh ! la belle matière fécale qui devait boursoufler en elle !

    Après dîner, tous allèrent pêle-mêle à la Saulsaie, et là, sur l'herbe drue, ils dansèrent au son des joyeux flageolets et des douces cornemuses, de si bon cœur que c'était un passe-temps céleste que de les voir ainsi se rigoler.

    Rabelais, Gargantua (1534)

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  • Montaigne : Désirs naturels et nécessaires

    Les désirs sont ou naturels et nécessaires, comme le boire et le manger, ou naturels et non nécessaires, comme l’accouplement avec les femelles, ou encore ni naturels ni nécessaires : ceux des hommes sont presque tous de cette dernière sorte, ils sont superflus et artificiels. Car il est étonnant de voir à quel point la nature se contente de peu, et combien peu elle nous a laissé à désirer : ce que l’on prépare dans nos cuisines ne relève pas de son autorité et les Stoïciens disent qu’un homme pourrait se nourrir d’une olive par jour. Elle ne nous dicte pas la qualité de nos vins, ni ce que nous ajoutons de surcroît à nos appétits amoureux : Point n’est besoin du c... de la fille d’un grand consul.

    Montaigne, Essais, II (1580)

    Photo : Pexels - Cottonbro Studio

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  • Nietzsche : "Pas de collations entre les repas, point de café"

    514CtrF8AbL.jpgPas de collations entre les repas, point de café, le café assombrit. Le thé n’est salutaire que le matin. Il faut le prendre en petites quantités, mais très fort ; il devient préjudiciable et peut indisposer pour toute la journée s’il est d’un degré trop faible. » (p.44).

    Être assis le moins possible ; ne pas ajouter foi à une idée qui ne serait venue en plein air, alors que l’on se meut librement. Il faut que les muscles eux aussi célèbrent une fête. Tous les préjugés viennent des intestins. Le cul de plomb -je l’ai déjà dit- c’est le véritable péché contre le Saint-Esprit. 

    Friedrich Nietzsche, Ecce Homo (1908)

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  • "Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger"

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  • Dahl : Charlie et la Chocolaterie

    711nJRkyVqL.jpg"Comme j’aime ma chocolaterie", dit M. Wonka en contemplant l’usine d’en haut. Puis il se tut, tourna la tête et regarda Charlie d’un air extrêmement sérieux.
    "Et toi, Charlie ? L’aimes-tu aussi ? demanda-t-il.
    - Oh ! oui, cria Charlie. Je pense que c’est l’endroit le plus merveilleux du monde !
    - Je suis très heureux de te l’entendre dire", dit M. Wonka, l’air plus sérieux que jamais. Et il continua de regarder fixement Charlie. « Oui, dit-il, je suis vraiment très heureux de te l’entendre dire. Et maintenant, je vais t’expliquer pourquoi. » M. Wonka pencha la tête d’un côté, et, soudain, des tas de petits plus, signes d’un sourire, apparurent aux coins de ses yeux, et il dit : "Vois-tu mon garçon, j’ai décidé de t’en faire cadeau. Dès que tu seras assez grand pour la diriger, toute la chocolaterie t’appartiendra. "
    Charlie ouvrit de grands yeux étonnés sur Mr. Wonka. Grand-papa Joe, lui, ouvrit la bouche pour parler, mais il ne put sortir un mot.
    "C’est la vérité, dit Mr. Wonka qui, à présent, souriait pour de bon. Je te la donne réellement. Tu es bien d’accord ?
    - La lui donner ? suffoqua grand-papa Joe. Vous plaisantez !
    - Je ne plaisante pas, monsieur. Je parle très sérieusement.
    - Mais… mais… pourquoi donneriez-vous votre usine à Charlie ?
    - Ecoutez, dit Mr. Wonka, je suis un vieil homme. Je suis bien plus vieux que vous ne pensez. Je ne durerai pas toujours. Et je n’ai pas d’enfants. Pas de famille, rien. Qui donc s’occupera de ma chocolaterie quand je serai trop vieux pour le faire moi-même ? Il faut que quelqu’un la prenne en main, ne serait-ce qu’à cause des Oompa-Loompas. Songez, il y a des milliers de gens très capables qui donneraient tout au monde pour être à ma place. Mais je ne veux pas de ces gens-là. Je ne veux pas d’une grande personne, ici. Un adulte ne m’écouterait pas ; il n’apprendrait rien. Il tenterait de procéder à sa manière et à la mienne. C’est pourquoi il me faudra un enfant. Un enfant sage, sensible et affectueux, un enfant à qui je puisse confier mes précieux secrets de fabrication – tant que je vivrai encore.

    Roald Dahl, Charlie et la chocolaterie (1964)

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  • Molière : "Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger"

    71Fqn4W8UXL.jpgHarpagon - Nous serons huit ou dix ; mais il ne faut prendre que huit ; quand il y a à manger pour huit, il y en a bien pour dix.

    Valère - Cela s'entend.

    Maître Jacques - Hé bien ! il faudra quatre grands potages, et cinq assiettes. Potages... Entrées...

    Harpagon - Que diable ! voilà pour traiter toute une ville entière.

    Maître Jacques - Rôt...

    Harpagon, en lui mettant la main sur la bouche. - Ah ! traître, tu manges tout mon bien.

    Maître Jacques - Entremets...

    Harpagon - Encore ?

    Valère - Est-ce que vous avez envie de faire crever tout le monde ? et Monsieur a-t-il invité des gens pour les assassiner à force de mangeaille ? Allez-vous-en lire un peu les préceptes de la santé, et demander aux médecins s'il y a rien de plus préjudiciable à l'homme que de manger avec excès.

    Harpagon - Il a raison.

    Valère - Apprenez, maître Jacques, vous et vos pareils, que c'est un coupe-gorge qu'une table remplie de trop de viandes ; que pour se bien montrer ami de ceux que l'on invite, il faut que la frugalité règne dans les repas qu'on donne ; et que, suivant le dire d'un ancien, il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger.

    Harpagon - Ah ! que cela est bien dit ! Approche, que je t'embrasse pour ce mot. Voilà la plus belle sentence que j'aie entendue de ma vie. Il faut vivre pour manger, et non pas manger pour vi... Non, ce n'est pas cela. Comment est-ce que tu dis ?

    Valère - Qu'il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger.

    Harpagon - Oui. Entends-tu ? Qui est le grand homme qui a dit cela ?

    Valère - Je ne me souviens pas maintenant de son nom.

    Harpagon - Souviens-toi de m'écrire ces mots : je les veux faire graver en lettres d'or sur la cheminée de ma salle.

    Molière, L'Avare (1668)

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  • Polet : Petit éloge de la gourmandise

    couv11962431.gifLa gourmandise est toujours sans gravité, c'est ce qui fait tout son charme. La gourmandise est comme un tableau où l'on utiliserait pas le noir, seulement des couleurs claires, des jaunes de Tiepolo, des bleus et des blancs de Boucher, des verts frondaison de Fragonard; la gourmandise à table, c'est la gaieté au théâtre ou la galanterie en amour (trois G), sans gravité, mais allant tout de même, en s'échelonnant, de la grossièreté jusqu'au raffinement le plus exquis.

    Grégoire Polet : Petit éloge de la gourmandise (2010)

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  • "Viens boire un p'tit coup à la maison"

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  • Onfray : Champagne !

    En quoi le champagne est il une exception dans les vins ? Pourquoi est il ce vin des vins, cette quintessence de ce qui fait les qualités des breuvages de Noé ? Vraisemblablement parce qu'il a toutes les qualités des autres vins sans jamais en avoir un seul défaut. Il est fin, subtil, singulier, puissant, aromatique, léger, il permet la gaieté, la fête, la joie, les ébriétés légères. On ne connaît pas d'ivresses dont serait imputable et qui trahiraient la vulgarité, la grossièreté, l'empire du pire. Ni fade, ni lourd, ni bourgeois, ni peuple, parce que aristocrate il peut se boire avec tous les mets, et les sauces elles-mêmes qu'on peut construire avec son aide ne sont épaisses ni pâteuses: sa présence métamorphose la préparation en lui insufflant une éternelle dose de légèreté. Car les bulles sont la pierre philosophale de la table. En elles résident le style de ce vin, son identité.

    Michel Onfray, La Raison gourmande (1995)

    Photo : Pexels - Pixabay

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  • Prochain Café philo à la Médiathèque le 26 mai

    La prochaine séance du Café philosophique de Montargis aura lieu à la Médiathèque de Montargis. 

    Le rendez-vous aura lieu le vendredi 26 mai à 19H et aura pour thème : "Qu'entend-on par croquer la vie à pleines dents ?"

    A bientôt.

    Affiche du café philo du 26 mai 2023

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  • Lionel Poilâne : contre la gourmandise comme péché capital

    Parce que ni l’histoire ni l’étude des mœurs n’apportent la preuve que le gourmand ne saurait s’arrêter de manger…

    Parce que ni la conscience populaire, ni la littérature, ni l’étude sociologique n’apportent la preuve que le gourmand ignorerait le partage…

    Parce que ni la religion, ni la philosophie n’apportent la preuve que le gourmand, dans ses pratiques, affecterait les valeurs humaines ou familiales…

    Et parce qu’enfin, dans ses œuvres pacifistes, le gourmand, supposé “bon”, fait triompher la qualité sur la quantité…

    Avec humilité, nous vous demandons, très saint Père, sachant que la suppression du septième péché est inconcevable, de modifier sa traduction dans la langue française…

    Aussi la présente nous incite à vous suggérer la substitution, dans le texte français du mot “gourmandise” par “gloutonnerie”.

    Lionel Poilâne

    Photo : Pexels - Nappy

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  • Avec nos excuses

    L'équipe du Café philosophique de Montargis tient à s'excuser une nouvelle fois pour l'annulation de la séance du 24 mars qui devait se tenir aux Tanneries. la séance portait sur le thème du rêve et se voulait un contre point à l'exposition "Quart de Nuit".

    Cette annulation, encore une fois, est indépendante du Café philosophique de Montargis. 

    Le projet de reporter cette séance était en discussion avec l'équipe des Tanneries, malheureusement nous n'avons pas pu avoir l'assurance par la direction des Tanneries que cette séance ne serait pas annulée si l'artiste ne pouvait se déplacer. C'est pourquoi, nous avons décidé de ne pas reporter la séance et de l'annuler purement et simplement. 

    Nous le regrettons évidemment.

    La prochaine séance du Café philo aura lieu le vendredi 26 mai 2023, à 19 heures, à la Médiathèque de Montargis. Le sujet sera : "Qu'entend-on par croquer la vie à pleines dents ?"

    A bientôt. 

    Photo : Pexels - Lil Artsy

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  • Barbery : Une gourmandise

    Unegourmandise.jpgJe n'avais à la bouche, sans en comprendre la signification, que le mot « terroir »- mais je sais aujourd'hui qu'il n'y a de « terroir» que par la mythologie qu'est notre enfance, et que si nous inventons ce monde de traditions enracinées dans la terre et l'identité d'une contrée, c'est parce que nous voulons solidifier, objectiver ces années magiques et à jamais révolues qui ont précédé l'horreur de devenir adulte. Seule la volonté forcenée qu'un monde disparu perdure malgré le temps qui passe peut expliquer cette croyance en l'existence d'un « terroir » - c'est toute une vie enfuie, agrégat de saveurs, d'odeurs, de senteurs éparses qui se sédimente dans les rites ancestraux, dans les mets locaux, creusets d'une mémoire illusoire qui veut faire de l'or avec du sable, de l'éternité avec le temps. Il n'y a pas de grande cuisine, tout au contraire, sans évolution, sans érosion ni oubli. C'est d'être sans cesse remise sur l'établi de l'élaboration, où passé et avenir, ici et ailleurs, cru et cuit, salé et sucré se mélangent, que la cuisine est devenue art et qu'elle peut continuer à vivre de n'être pas figée dans l'obsession de ceux qui ne veulent pas mourir.

    Muriel Barbery, Une Gourmandise (2002)

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  • Cassien : Contre la gourmandise

    La concupiscence de la bouche est le premier ennemi qu'il faut vaincre, et nous devons pour cela nous mortifier non seulement par les jeûnes, mais par les veilles, les lectures et le regret continuel des fautes où nous nous rappelons être tombés par surprise ou par faiblesse. Nous devons nous exciter tantôt à l'horreur du vice, tantôt au désir de la perfection et de la pureté, jusqu'à ce que notre âme, tout occupée et possédée de ces saintes pensées, ne regarde plus la nourriture comme une jouissance qui lui est accordée, mais comme un fardeau qui lui est imposé, et qu'elle comprenne bien que si elle est nécessaire au corps , elle n'est point désirable pour l'esprit.

    Lorsque nous serons dans ces dispositions , nous dompterons l'insolence de la chair, qu'excitent toujours les excès de nourriture. Nous repousserons ces dangereuses attaques, et nous éteindrons cette fournaise ardente que le roi de Babylone allume dans notre corps, en y développant le vice et les occasions de pécher. Nous pourrons éteindre, par l'abondance de nos larmes et les regrets de notre ceeur, ces flammes qui nous brûlent plus que la poix et le bitume , et la grâce de Dieu, qui descendra sur nous comme une douce rosée, apaisera toutes les ardeurs de la concupiscence de la chair.

    Jean Cassien, Institutions cénobitiques (IVe s. ap. JC)

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