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=>Saison. 12 - Page 3

  • Kant : Le champ du génie

    Le véritable champ du génie est celui de l'imagination, parce qu'elle est créatrice et qu'elle se trouve moins que d'autres facultés sous la contrainte des règles; ce qui la rend d'autant plus capable d'originalité. La démarche mécanique de l'enseignement, en forçant à toute heure l'élève à l'imitation, est assurément préjudiciable à la levée de germe du génie, en son originalité. Tout art réclame cependant certaines règles mécaniques fondamentales, celle de l'adéquation de l'œuvre à l'idée sous-jacente, c'est-à-dire la vérité dans la représentation de l'objet conçu en pensée. Cette exigence doit être apprise avec la rigueur de l'école, elle est à la vérité un effet de l'imitation. Quant à la libérer l'imagination de cette contrainte et à laisser le talent hors du banal procéder sans règles et s'exalter jusqu'à contredire la nature, cela pourrait bien donner une folie originale qui ne serait tout de même pas exemplaire, et ne pourrait donc pas non plus être rangée dans le génie.

    Emmanuel Kant, Anthropologie d'un point de vue pragmatique (1798)

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  • Hegel : Esthétique

    L’idée essentielle qu’il nous faut noter est que, même si le talent et le génie de l’artiste comportent un moment naturel, ce moment n’en demande pas moins essentiellement à être formé et éduqué par la pensée, de même qu’il nécessite une réflexion sur le mode de sa production ainsi qu’un savoir-faire exercé et assuré dans l’exécution. Car l’un des aspects principaux de cette production est malgré tout un travail extérieur, dès lors que l’œuvre d’art a un côté purement technique qui confine à l’artisanal, surtout en architecture et en sculpture, un peu moins en peinture et en musique, et dans une faible mesure en poésie. Pour acquérir en ce domaine un parfait savoir-faire, ce n’est pas l’inspiration qui peut être d’un quelconque secours, mais seulement la réflexion, l’application et une pratique assidue. Or il se trouve qu’un tel savoir-faire est indispensable à l’artiste s’il veut se rendre maître du matériau extérieur et ne pas être gêné par son âpre résistance.

    Hegel, Esthétique (1837)

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  • D'Alembert : Art et savoir-faire

    On peut en général donner le nom d’Art à tout système de connaissances qu’il est permis de réduire à des règles positives, invariables et indépendantes du caprice ou de l’opinion, et il serait permis de dire en ce sens, que plusieurs de nos sciences sont des arts, étant envisagées par leur côté pratique. Mais comme il y a des règles pour les opérations de l’esprit ou de l’âme, il y en a aussi pour celles du corps, c’est-à-dire pour celles qui bornées aux corps extérieurs, n’ont besoin que de la main seule pour être exécutées. De là la distinction des arts en libéraux et en mécaniques, et la supériorité qu'on accorde aux premiers sur les seconds. Cette supériorité est sans doute injuste à plusieurs égards. Néanmoins parmi les préjugés, tout ridicules qu'ils peuvent être, il n'en est point qui n'ait sa raison, ou pour parler plus exactement, son origine; et la philosophie souvent impuissante pour corriger les abus, peut au moins en démêler la source. La force du corps ayant été le premier principe qui a rendu inutile le droit que tous les hommes avaient d'être égaux, les plus faibles, dont le nombre est toujours le plus grand, se sont joints ensemble pour la réprimer. Ils ont donc établi par le secours des lois et des différentes sortes de gouvernements, une inégalité de convention dont la force a cessé d'être le principe. Cette dernière inégalité étant bien affermie, les hommes en se réunissant avec raison pour la conserver, n'ont pas laissé de réclamer secrètement contre elle par ce désir de supériorité que rien n'a pu détruire en eux. Ils ont donc cherché une sorte de dédommagement dans une inégalité moins arbitraire; et la force corporelle, enchaînée par les lois, ne pouvant plus offrir aucun moyen de supériorité, ils ont été réduits à chercher dans la différence des esprits un principe d'inégalité aussi naturel, plus paisible, et plus utile à la société. Ainsi la partie la plus noble de notre être s'est en quelque manière vengée des premiers avantages que la partie la plus vile avait usurpés ; et les talents de l'esprit ont été généralement reconnus pour supérieurs à ceux du corps. Les arts mécaniques, dépendant d'une opération manuelle, et asservis, qu'on me permette ce terme, à une espèce de routine, ont été abandonnés à ceux d'entre les hommes que les préjugés ont placés dans la classe la plus inférieure. L'indigence qui a forcé ces hommes à s'appliquer à un pareil travail, plus souvent que le goût et le génie ne les y ont entraînés, est devenue ensuite une raison pour les mépriser, tant elle nuit à tout ce qui l'accompagne. A l'égard des opérations libres de l'esprit, elles ont été le partage de ceux qui se sont crus sur ce point les plus favorisés de la nature. Cependant l'avantage que les arts libéraux ont sur les arts mécaniques, par le travail que les premiers exigent de l'esprit, et par la difficulté d'y exceller, est suffisamment compensé par l'utilité bien supérieure que les derniers nous procurent pour la plupart. C'est cette utilité même qui a forcé de les réduire à des opérations purement machinales, pour en faciliter la pratique à un plus grand nombre d'hommes. Mais la société en respectant avec justice les grands génies qui l'éclairent, ne doit point avilir les mains qui la servent. La découverte de la boussole n'est pas moins avantageuse au genre humain, que ne le serait à la physique l'explication des propriétés de cette aiguille. Enfin, à considérer en lui-même le principe de la distinction dont nous parlons, combien de savants prétendus dont la science n'est proprement qu'un art mécanique? et quelle différence réelle y a-t-il entre une tête remplie de faits sans ordre, sans usage et sans liaison, et l'instinct d'un artisan réduit à l'exécution machinale?

    Le mépris qu'on a pour les arts mécaniques semble avoir influé jusqu'à un certain point sur leurs inventeurs mêmes. Les noms de ces bienfaiteurs du genre humain sont presque tous inconnus, tandis que l'histoire de ses destructeurs, c'est-à-dire des conquérants, n'est ignorée de personne. Cependant c'est peut-être chez les artisans qu'il faut aller chercher les preuves les plus admirables de la sagacité de l'esprit, de sa patience et de ses ressources. J'avoue que la plupart des arts n'ont été inventés que peu à peu, et qu'il a fallu une assez longue suite de siècles pour porter les montres, par exemple, au point de perfection où nous les voyons. Mais n'en est-il pas de même des sciences? Combien de découvertes qui ont immortalisé leurs auteurs, avaient été préparées par les travaux des siècles précédents, souvent même amenées à leur maturité, au point de ne demander plus qu'un pas à faire ? Et pour ne point sortir de l'horlogerie, pourquoi ceux à qui nous devons la fusée des montres, l'échappement et la répétition, ne sont-ils pas aussi estimés que ceux qui ont travaillé successivement à perfectionner l'algèbre? D'ailleurs, si j'en crois quelques philosophes que le mépris de la multitude pour les arts n'a point empêchés de les étudier, il est certaines machines si compliquées, et dont toutes les parties dépendent tellement l'une de l'autre, qu'il est difficile que l'invention en soit due à plus d'un seul homme. Ce génie rare dont le nom est enseveli dans l'oubli, n'eût-il pas été bien digne d'être placé à côté du petit nombre d'esprits créateurs, qui nous ont ouvert dans les sciences des routes nouvelles ?

    D’Alembert, Discours préliminaire de l’Encyclopédie

     

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  • Bergson : Le talent de l'artiste

    La photographie d’une personne déterminée (…) pourrait être obtenue dans un instantané absolu. - Considérons au contraire l’exécution d’un portrait par un grand peintre. La composition de cette œuvre exigera de la durée, mais une durée qui ne pourra être allongée ou rétrécie sans que change le portrait ; car le temps que l’artiste met à exécuter son œuvre est occupé par des essais, des tâtonnements, des esquisses, des états d’âme surtout, qui passent et repassent devant l’esprit du peintre et qui l’acheminent vers le portrait définitif : et tous les efforts qu’il a faits il les condense dans son œuvre. Le temps. ici, fait donc bien corps avec l’œuvre et la pénètre ; elle occupe de la durée..

    Et c’est pour cela que le résultat de ce travail est une création et, comme telle, est absolument imprévisible, même si l’on connaît le modèle et le peintre, sa manière et les couleurs dont il se sert. - Dira-t-on qu’une intelligence  surhumaine qui connaîtrait à fond le peintre et son genre de talent saurait d’avance quelle œuvre il produira ? C’est oublier que, pour cela, il faudrait que le talent de l’artiste fût quelque chose de donné une fois pour toutes, de définitivement fixé ; or, il n’en est rien : le talent de !’artiste se fait sans cesse, et se fera en partie par le travail même du portrait, de sorte que celui-ci, en même temps qu’il est l’effet du talent du peintre, contribue en même temps à le former : le talent de j’artiste dépend de son œuvre comme celle-ci de celui-là, et par suite, toute espèce de prévision est ici impossible.

    Henri Bergson, Cours au Collège de France

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  • Il ont dit, au sujet de la réussite

    "On ne devient pas soudain un taureau ou un homme d’élite, il y faut de l’exercice, de la préparation. Et ne pas se lancer à l’aveugle dans des entreprises qui ne sont pas à notre portée." [Épictète]

    " Les hommes − il ne faut pas s’en étonner − paraissent concevoir le bien et le bonheur d’après la vie qu’ils mènent." [Aristote] 

    "Puisque toute connaissance et toute décision librement prise vise quelque bien, quel est le but que nous assignons à la politique et quel est le souverain bien de notre activité ? Sur son nom du moins il y a assentiment presque général : c'est le bonheur." [Aristote]

    "Prends le jour qui s'offre, ne fais pas crédit à demain." [Horace]

    "Il faut retrancher ses deux choses : la crainte de l’avenir, le souvenir des maux anciens. Ceux-ci ne me concernent plus et l’avenir ne me concerne pas encore." [Sénèque]

    "Nul n’est heureux s’il ne jouit de ce qu’il aime." [Saint Augustin]

    "Il ne faut juger notre heur qu’après notre mort." [Montaigne]

    "Qui commence par les certitudes finira par le doute. Mais qui s’éveille au doute trouvera les certitudes." [Francis Bacon]

    "Tous les hommes recherchent d’être heureux. Ceci est sans exception, quelques différents moyens qu’ils y emploient." [Pascal]

    "On n’est jamais si heureux ni si malheureux qu’on s’imagine." [La Rochefoucauld]

    "Cultive tes facultés mentales et corporelles pour les rendre aptes à toutes les fins qui peuvent se présenter à toi, ignorant quelles seront celles qui seront les tiennes." [Emmanuel Kant]

    "Être heureux est nécessairement le désir de tout être raisonnable mais fini (…), c’est un problème qui nous est posé par la nature finie elle-même car nous avons des besoins et ces besoins concernent la matière de notre faculté de désirer." [Emmanuel Kant]

    "“Adieu, tâche de t'en sortir... Moi, j'ai raté ma vie.”" [Émile Zola] 

    "Tu dois devenir qui tu es." [Friedrich Nietzsche]

    "La grandeur de l’homme, c’est qu’il est un pont et non une fin." [Friedrich Nietzsche]

    "Fuis, mon ami, fuis dans ta solitude, là−haut où souffle un vent rude et fort. Ce n’est pas ta destinée d’être un chasse−mouches." [Friedrich Nietzsche]

    "L’homme qui manque de maturité veut mourir noblement pour une cause. L’homme qui a atteint la maturité veut vivre humblement pour une cause." [Wilhelm Steket]

    "Il faut suivre sa pente, mais en montant." [André Gide]

    "Le miracle de la liberté consiste dans ce pouvoir-commencer". [Hanna Arendt]

    "Chaque homme est en lui-même un nouveau commencement". [Hanna Arendt]

    "Contre l'imprévisibilité, contre la chaotique incertitude de l'avenir, le remède se trouve dans la faculté de faire et de tenir des promesses." [Hanna Arendt]

    "Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard." [Aragon]

    "Cet échec vers lequel tu cours, c’est un genre d’échec particulier, et horrible." [JD Salinger] 

    "Je crois que l'on devient ce que notre père nous a enseigné dans les temps morts, quand il ne se souciait pas de nous éduquer. On se forme sur des déchets de sagesse." [Umberto Eco]

    Photo - Stikkerphoto - Pexels

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  • Camus : La révolte

    C’est la révolte qui est la mesure, qui l’ordonne, la défend et la recrée à travers l’histoire et ses désordres. L’origine même de cette valeur nous garantit qu’elle ne peut être que déchirée. La mesure, née de la révolte, ne peut se vivre que par la révolte. Elle est un conflit constant, perpétuellement suscité et maîtrisé par l’intelligence. Elle ne triomphe ni de l’impossible ni de l’abîme. Elle s’équilibre à eux. Quoi que nous fassions, la démesure gardera toujours sa place dans le cœur de l’homme, à l’endroit de la solitude. Nous portons tous en nous nos bagnes, nos crimes et nos ravages. Mais notre tâche n’est pas de les déchaîner à travers le monde ; elle est de les combattre en nous-mêmes et dans les autres. La révolte, la séculaire volonté de ne pas subir dont parlait Barrès, aujourd’hui encore, est au principe de ce combat. Mère des formes, source de vraie vie, elle nous tient toujours debout dans le mouvement informe et furieux de l’histoire.

    Albert Camus, L'homme révolté (1951)

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  • Bergson : Dépasser toutes les résistances

    Ainsi, aux yeux d'une philosophie qui fait effort pour réabsorber l'intelligence dans l'intuition, bien des difficultés s'évanouissent ou s'atténuent.

    Mais une telle doctrine ne facilite pas seulement la spéculation. Elle nous donne aussi plus de force pour agir et pour vivre. Car avec elle, nous ne nous sentons plus isolés dans l'humanité, l'humanité ne nous semble pas non plus isolée dans la nature qu'elle domine.

    Comme le plus petit grain de poussière est solidaire de notre système solaire tout entier, entraîné avec lui dans ce mouvement indivisé de descente qui est la matérialité même, ainsi tous les êtres organisés, du plus humble au plus élevé, depuis les premières origines de la vie jusqu'au temps où nous sommes, et dans tous les lieux comme dans tous les temps, ne font que rendre sensible aux yeux une impulsion unique, inverse du mouvement de la matière et, en elle-même, indivisible.

    Tous les vivants se tiennent, et tous cèdent à la même formidable poussée.

    L'animal prend son point d'appui sur la plante, l'homme chevauche sur l'animalité, et l'humanité entière, dans l'espace et dans le temps, est une immense armée qui galope à côté de chacun de nous, en avant et en arrière de nous, dans une charge entraînante capable de culbuter toutes les résistances et de franchir bien des obstacles, même peut-être la mort.

    Henri Bergson, L’Évolution créatrice (1907)

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  • Aristote : Le bonheur et la réussite

    Sur son nom, en tout cas, la plupart des hommes sont pratiquement d'accord : c'est le bonheur, au dire de la foule aussi bien que des gens cultivés ; tous assimilent le fait de bien vivre 20 et de réussir au fait d'être heureux. Par contre, en ce qui concerne la nature du bonheur, on ne s'entend plus, et les réponses de la foule ne ressemblent pas à celles des sages. Les uns, en effet, identifient le bonheur à quelque chose d'apparent et de visible, comme le plaisir, la richesse ou l'honneur : pour les uns c'est une chose et pour les autres une autre chose ; souvent le même homme change d'avis à son sujet : malade, il place le bonheur dans la santé, et pauvre, dans la richesse ; à 25 d'autres moments, quand on a conscience de sa propre ignorance, on admire ceux qui tiennent des discours élevés et dépassant notre portée.

    Aristote, Ethique à Nicomaque, I, 2

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  • "On n'est pas là pour philosopher, Carpentier"

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  • Zola : Au Bonheur des Dames

    Et Mouret regardait toujours son peuple de femmes, au milieu de ces flamboiements. Les ombres noires s’enlevaient avec vigueur sur les fonds pâles. De longs remous brisaient la cohue, la fièvre de cette journée de grande vente passait comme un vertige, roulant la houle désordonnée des têtes. On commençait à sortir, le saccage des étoffes jonchait les comptoirs, l’or sonnait dans les caisses ; tandis que la clientèle, dépouillée, violée, s’en allait à moitié défaite, avec la volupté assouvie et la sourde honte d’un désir contenté au fond d’un hôtel louche. C’était lui qui les possédait de la sorte, qui les tenait à sa merci, par son entassement continu de marchandises, par sa baisse des prix et ses rendus, sa galanterie et sa réclame. Il avait conquis les mères elles-mêmes, il régnait sur toutes avec la brutalité d’un despote, dont le caprice ruinait des ménages. Sa création apportait une religion nouvelle, les églises que désertait peu à peu la foi chancelante étaient remplacées par son bazar, dans les âmes inoccupées désormais. La femme venait passer chez lui les heures vides, les heures frissonnantes et inquiètes qu’elle vivait jadis au fond des chapelles : dépense nécessaire de passion nerveuse, lutte renaissante d’un dieu contre le mari, culte sans cesse renouvelé du corps, avec l’au-delà divin de la beauté. S’il avait fermé ses portes, il y aurait eu un soulèvement sur le pavé, le cri éperdu des dévotes auxquelles on supprimerait le confessionnal et l’autel. Dans leur luxe accru depuis dix ans, il les voyait, malgré l’heure, s’entêter au travers de l’énorme charpente métallique, le long des escaliers suspendus et des ponts volants. Mme Marty et sa fille, emportées au plus haut, vagabondaient parmi les meubles. Retenue par son petit monde, Mme Bourdelais ne pouvait s’arracher des articles de Paris. Puis, venait la bande, Mme de Boves toujours au bras de Vallagnosc, et suivie de Blanche, s’arrêtant à chaque rayon, osant regarder encore les étoffes de son air superbe. Mais, de la clientèle entassée, de cette mer de corsages gonflés de vie, battant de désirs, tout fleuris de bouquets de violettes, comme pour les noces populaires de quelque souveraine, il finit par ne plus distinguer que le corsage nu de Mme Desforges, qui s’était arrêtée à la ganterie avec Mme Guibal. Malgré sa rancune jalouse, elle aussi achetait, et il se sentit le maître une dernière fois, il les tenait à ses pieds, sous l’éblouissement des feux électriques, ainsi qu’un bétail dont il avait tiré sa fortune.

    Emile Zola, Au bonheur des dames (1883)

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  • Balzac : "Voilà le carrefour de la vie, jeune homme, choisissez"

    Voilà le carrefour de la vie, jeune homme, choisissez. Vous avez déjà choisi : vous êtes allé chez notre cousine de Beauséant, et vous y avez flairé le luxe. Vous êtes allé chez madame de Restaud, la fille du père Goriot, et vous y avez flairé la Parisienne. Ce jour-là vous êtes revenu avec un mot écrit sur votre front, et que j’ai bien su lire : Parvenir ! Parvenir à tout prix. Bravo ! ai-je dit, voilà un gaillard qui me va. Il vous a fallu de l’argent. Où en prendre ? Vous avez saigné vos sœurs. Tous les frères flouent plus ou moins leurs sœurs. Vos quinze cents francs arrachés, Dieu sait comme ! Dans un pays où l’on trouve plus de châtaignes que de pièces de cent sous, ils vont filer comme des soldats à la maraude. Après, que ferez-vous ? Vous travaillerez ? Le travail, compris comme vous le comprenez en ce moment, donne, dans les vieux jours, un appartement chez maman Vauquer, à des gars de la force de Poiret. Une rapide fortune est le problème que se proposent de résoudre en ce moment cinquante mille jeunes gens qui se trouvent tous dans votre position. Vous êtes une unité de ce nombre-là. Jugez des efforts que vous avez à faire et de l’acharnement du combat. Il faut vous manger les uns les autres comme des araignées dans un pot, attendu qu’il n’y a pas cinquante mille bonnes places. Savez-vous comment on fait son chemin ici ? Par l’éclat du génie ou par l’adresse de la corruption. Il faut entrer dans cette masse d’hommes comme un boulet de canon, ou s’y glisser comme une peste. L’honnêteté ne sert à rien. L’on plie sous le pouvoir du génie, on le hait, on tâche de le calomnier, parce qu’il prend sans partager ; mais on plie s’il persiste ; en un mot, on l’adore à genoux quand on n’a pas pu l’enterrer sous la boue. La corruption est en force, le talent est rare. Ainsi la corruption est l’arme de la médiocrité qui abonde, et vous en sentirez partout la pointe. Vous verrez des femmes dont les maris ont six mille francs d’appointements pour tout potage, et qui dépensent plus de dix mille francs à leur toilette. Vous verrez des employés à douze cents francs acheter des terres. Vous verrez des femmes se prostituer pour aller dans la voiture du fils d’un pair de France, qui peut courir à Longchamp sur la chaussée du milieu. Vous avez vu le pauvre bêta de père Goriot obligé de payer la lettre de change endossée par sa fille, dont le mari a cinquante mille livres de rente. Je vous défie de faire deux pas dans Paris sans rencontrer des manigances infernales. Je parierais ma tête contre un pied de cette salade que vous donnerez dans un guêpier chez la première femme qui vous plaira, fût-elle riche, belle et jeune. Toutes sont bricolées par les lois, en guerre avec leurs maris à propos de tout. Je n’en finirais pas s’il fallait vous expliquer les trafics qui se font pour des amants, pour des chiffons, pour des enfants, pour le ménage ou pour la vanité, rarement par vertu, soyez-en sûr. Aussi l’honnête homme est-il l’ennemi commun. Mais que croyez-vous que soit l’honnête homme à Paris ? L’honnête homme est celui qui se tait, et refuse de partager. Je ne vous parle pas de ces pauvres ilotes qui partout font la besogne sans être jamais récompensés de leurs travaux et que je nomme la confrérie des savates du bon Dieu. Certes, là est la vertu dans toute la fleur de sa bêtise, mais là est la misère. Je vois d’ici la grimace de ces braves gens si Dieu nous faisait la mauvaise plaisanterie de s’absenter au jugement dernier. Si donc vous voulez promptement la fortune, il faut être déjà riche ou le paraître. Pour s’enrichir, il s’agit ici de jouer de grands coups ; autrement on carotte, et votre serviteur ! Si dans les cent professions que vous pouvez embrasser, il se rencontre dix hommes qui réussissent vite, le public les appelle des voleurs. Tirez vos conclusions. Voilà la vie telle qu’elle est. Ça n’est pas plus beau que la cuisine, ça pue tout autant, et il faut se salir les mains si l’on veut fricoter ; sachez seulement vous bien débarbouiller : là est toute la morale de notre époque. Si je vous parle ainsi du monde, il m’en a donné le droit, je le connais. Croyez-vous que je le blâme ? Du tout. Il a toujours été ainsi. Les moralistes ne le changeront jamais. L’homme est imparfait. Il est parfois plus ou moins hypocrite, et les niais disent alors qu’il a ou n’a pas de mœurs. Je n’accuse pas les riches en faveur du peuple ; l’homme est le même en haut, en bas, au milieu. Il se rencontre par chaque million de ce haut bétail dix lurons qui se mettent au-dessus de tout, même des lois : j’en suis. Vous, si vous êtes un homme supérieur, allez en droite ligne et la tête haute. Mais il faudra lutter contre l’envie, la calomnie, la médiocrité, contre tout le monde. Napoléon a rencontré un ministre de la Guerre qui s’appelait Aubry, et qui a failli l’envoyer aux colonies. Tâtez-vous ! Voyez si vous pourrez vous lever tous les matins avec plus de volonté que vous n’en aviez la veille.

    Honoré de Balzac, Le Père Goriot (1835)

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  • Stendhal : Le rêve du succès

    Julien prenait haleine un instant à l’ombre de ces grandes roches, et puis se remettait à monter. Bientôt par un étroit sentier à peine marqué et qui sert seulement aux gardiens des chèvres, il se trouva debout sur un roc immense et bien sûr d’être séparé de tous les hommes. Cette position physique le fit sourire, elle lui peignait la position qu’il brûlait d’atteindre au moral. L’air pur de ces montagnes élevées communiqua la sérénité et même la joie à son âme. Le maire de Verrières était bien toujours, à ses yeux, le représentant de tous les riches et de tous les insolents de la terre ; mais Julien sentait que la haine qui venait de l’agiter, malgré la violence de ses mouvements, n’avait rien de personnel. S’il eût cessé de voir M. de Rênal, en huit jours il l’eût oublié, lui, son château, ses chiens, ses enfants et toute sa famille. Je l’ai forcé, je ne sais comment, à faire le plus grand sacrifice. Quoi ! plus de cinquante écus par an ! un instant auparavant je m’étais tiré du plus grand danger. Voilà deux victoires en un jour ; la seconde est sans mérite, il faudrait en deviner le comment. Mais à demain les pénibles recherches. Julien, debout, sur son grand rocher, regardait le ciel, embrasé par un soleil d’août. Les cigales chantaient dans le champ au-dessous du rocher ; quand elles se taisaient tout était silence autour de lui. Il voyait à ses pieds vingt lieues de pays. Quelque épervier parti des grandes roches au-dessus de sa tête était aperçu par lui, de temps à autre, décrivant en silence ses cercles immenses. L’œil de Julien suivait machinalement l’oiseau de proie. Ses mouvements tranquilles et puissants le frappaient, il enviait cette force, il enviait cet isolement. C’était la destinée de Napoléon, serait-ce un jour la sienne 

    Stendhal, Le Rouge et le Noir (1830)

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  • "Tu n’es pas bon à rien, tu es mauvais à tout"

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  • Réussir sans effort et sans talent ?

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  • Merci aux participants pour le retour du café philo, le 20 mai 2022

    Plus de 50 personnes étaient présentes pour la reprise du café philosophique de Montargis, le vendredi 20 mai 2022, au Belman. Le sujet portait sur un sujet d'actualité, "La guerre est-elle contraire à la nature humaine ?" et a été traité et discuté avec passion, sérieux et beaucoup de pertinence.

    Merci aux participants de cette séance qui marquait le retour de l'animation montargoise, après plus de 2 ans d'absence, en raison de la crise sanitaire. 

    L'équipe du café philo fixe d'ores et déjà son prochain rendez-vous au vendredi 24 juin pour un sujet qui avait été choisi en mars 2020 : "Peut-on réussir sans aucun effort ni aucun talent ?"

    Photo : Gratisography

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  • La guerre est-elle contraire à la nature humaine ?

    Le café philosophique de Montargis fait son grand retour le vendredi 20 mai 2022 au Belman, à 19 heures, Après plus de deux ans de silence en raison de la crise sanitaire, l’animation philosophique de Montargis fixe un rendez-vous pour une soirée-débat autour d’un sujet – hélas ! – d’actualité : "La guerre est-elle contraire à la nature humaine ?"

    Le thème choisi par l’équipe du café philo tombait sous le sens, après le déclenchement d’une guerre en Europe. Il ne s’agira pas pour autant de débattre sur les événements qui se passent en Ukraine, mais plutôt de s’interroger sur un thème qui semblait, pour beaucoup ici, appartenir au passé.

    Qu’est-ce que la philosophie a à nous dire au sujet de la guerre ? Et d’abord, que recouvre la guerre ? Il est vrai que ce terme a dépassé le cadre du champ de bataille meurtrier pour recouvrir d’autres aspects : guerre économique, guerre contre le terrorisme, et même guerre contre le Covid… N’y a-t-il pas là une série de contresens ? Qu’entend-on aujourd’hui lorsque l’on parle des guerres ? Sont-elles inéluctables ? Sont-elles du ressort de la nature ou bien peuvent-elles être canalisées ? Peut-on parler de culture guerrière ? Les organisateurs du Café Philo proposeront aussi aux participants de s’interroger sur la nature humaine. L’homme est-il naturellement bon ? Et, dans ce cas, pourquoi la guerre ?

    Ce sont autant de questions qui seront débattues au cours de cette soirée philosophique qui promet d’être riche en surprises.  

    Rendez-vous donc au Belman à Montargis (entrée par l’Hôtel de France), le vendredi 20 mai à 19 heures .

    La participation sera libre et gratuite. Il est seulement demandé aux participants de commander au moins une consommation. 

    Photo : Pexels - Cottonbro

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  • Les Inconnus : La guerre mondiale dans le monde : la planisfère

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  • Ils ont dit, au sujet de la guerre

    "L'objet de la guerre, c'est la paix" (Aristote)

    "A la guerre, l'occasion n'attend pas"     (Thucydide)

    "Qui veut la paix prépare la guerre" (Jules César)

    "ce n'est pas victoire, si elle ne met fin à la guerre" (Montaigne)

    "Il n'y a point de grand conquérant qui ne soit de grand politique. Un conquérant est un homme dont la tête se sert, avec une habileté heureuse, du bras d'autrui"     (Voltaire)

    "Toute guerre naît d'une prétention commune à la même propriété" (Diderot)

    "La guerre préserve la santé morale des peuples" (Hegel) 

    "La guerre est un acte de violence ayant pour but de contraindre un adversaire à accomplir notre volonté… La guerre n’est qu’un prolongement de la politique par d’autres moyens" (Karl von Clausewitz)

    "Dans la guerre, tout est simple, mais le plus simple est difficile" (Carl von Clausewitz)

    "La guerre : c'est l'humanité contre l'humanité malgré l'humanité" (Victor Hugo)

    "Ce serait un crime de montrer les beaux côtés de la guerre, même s'il y en avait !" (Henri Barbusse)

    "Toutes les guerres sont impies"(Jean-Paul Sartre)

    "J'en connais qui seraient capables de tuer pour avoir le prix Nobel de la paix" (Jean Yanne)

    "L'histoire des grandes sociétés est l'histoire des guerres ininterrompues" (Edgar Morin)

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  • Gandhi : la non-violence

    La non-violence ne consiste pas à renoncer à toute lutte réelle contre le mal. La non-violence telle que je la conçois est au contraire contre le mal une lutte plus active et plus réelle que la loi du talion, dont la nature même a pour effet de développer la perversité. J’envisage pour lutter contre ce qui est immoral une opposition mentale et par conséquent morale. Je cherche à émousser complètement l’épée du tyran, non pas en la heurtant avec un acier mieux effilé, mais en trompant son attente de me voir lui offrir une résistance physique. Il trouvera chez moi une résistance de l’âme qui l’obligera à s’incliner.

    Gandhi, Lettres à l’Ashram (1938)

    Photo : Polina Tankilevitch - Pexels

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  • Ricoeur : "Cet appétit de la catastrophe"

    Que la violence soit de toujours et de partout, il n’est que de regarder comment s’édifient et s’écroulent les empires, s’installent les prestiges personnels, s’entre-déchirent les religions, se perpétuent et se déplacent les privilèges de la propriété et du pouvoir... La psychologie sommaire de l’empirisme qui gravite autour du plaisir et de la douleur, du bien-être et du bonheur, omet l’irascible, le goût de l’obstacle, la volonté d’expansion, de combat et de domination, les instincts de mort et surtout cette capacité de destruction, cet appétit de la catastrophe qui est la contrepartie de toutes les disciplines qui font de l’édifice psychique de l’homme un équilibre instable et toujours menacé.

    Paul Ricoeur, Histoire et Vérité (1955)

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  • Alain : La guerre et son ressort animal

    On le dit souvent, que le ressort de la guerre est dans cette partie animale qui a faim, qui a soif, qui a froid ; mais je ne le crois point du tout. J’aperçois un meilleur guerrier, le thorax. Là siège la colère, fille de richesse et non de pauvreté. D’autant plus redoutable que l’homme est plus dispos et mieux nourri.

    Ici commence le tumulte qui vient de la force sans emploi, qui s’augmente de lui-même et s’irrite de son propre commencement.

    Alain, Mars ou la guerre jugée, XXVIII, « L’Intérêt ».

    Photo - Pexels - Pixabay

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  • Arendt : Les instruments de la violence

    Les instruments de la violence ont désormais atteint un tel point de perfection technique qu’il est devenu impossible de concevoir un but politique qui soit susceptible de correspondre à leur puissance destructive ou qui puisse justifier leur utilisation au cours d’un conflit armé. […] La partie d’échecs "apocalyptique" qui s’est engagée entre les superpuissances […] respecte la règle selon laquelle « si l’un  ou l’autre ‘gagne’, c’est la fin des deux » ; il s’agit là d’un jeu qui est totalement différent des jeux guerriers des précédentes périodes. Son objectif « rationnel » n’est pas de remporter la victoire mais de provoquer un effet de dissuasion…

    Hannah Arendt, « Sur la violence », Du Mensonge à la violence (1972)

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  • Freud : "L’être humain n’est pas un être doux"

    téléchargement.jpgL’être humain n’est pas un être doux, en besoin d’amour, qui serait tout au plus en mesure de se défendre quand il est attaqué, mais au contraire il compte aussi à juste titre parmi ses aptitudes pulsionnelles une très forte part de penchant à l’agression. En conséquence de quoi, le prochain n’est pas seulement pour lui une aide et un objet sexuel possibles, mais aussi une tentation, celle de satisfaire sur lui son agression, d’exploiter sans dédommagement sa force de travail, de l’utiliser sexuellement sans son consentement, de s’approprier ce qu’il possède, de l’humilier, de lui causer des douleurs, de le martyriser et de le tuer. Homo homini lupus – l’homme est un loup pour l’homme ; qui aura le courage, après toutes les expériences de la vie et de l’Histoire, de contester cette phrase ?

    Freud, Malaise dans la culture (1930)

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  • Arendt : La banalité du mal

    La stupéfiante complaisance avec laquelle, en Argentine comme à Jérusalem, Eichmann reconnaissait ses crimes, était moins l'effet de sa propre capacité criminelle d'automystification que de l'ambiance de mensonge systématique caractéristique de l'atmosphère générale, et généralement acceptée, du IIIe Reich. « Bien sûr », il avait joué un rôle dans l'extermination des Juifs ; bien sûr, « ils n'auraient pas été livrés à la boucherie s'il ne les avait pas transportés ». « Qu'y a-t-il donc à “reconnaître” ? » demandait-il. Maintenant, poursuivait-il, il « aimerait mieux faire la paix avec [ses] anciens ennemis »

    Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem (1963)

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  • Platon : Les lois, la cité et la guerre

    Trois personnages, un Athénien, qui n'est autre que Pluton, un Crétois nommé Clinias et un Lacédémonien nommé Mégillos, partent de Cnossos, la ville de Minos, pour aller visiter dons la montagne de Dictè l'antre où Zens fut nourri par des abeilles et le temple qui lui a été consacré. Chemin faisant, l'Athénien met la conversation sur les lois de Minos et de Lycurgue et demande à Clinias la raison des repas en commun, qui sont d'usage en Crète et à Lacédémone. C'est en vue de la guerre qu'ils ont été institués, répond Clinias, parce que, lorsque les citoyens sont en campagne, le soin de leur sûreté les oblige à prendre leur repas tous ensemble. Mais cette institution n'a-t-elle en vue que la guerre ? demande l'Athénien. A côté de la guerre avec les ennemis du dehors, n'y a-t-il pas aussi des guerres intestines au sein d'un même État, et au sein même des individus ? Et n'est-il pas nécessaire qu'un bon législateur règle tout ce qui concerne la guerre en vue de la paix, plutôt que de subordonner la paix à la guerre ? Et c'est là une œuvre qui demande plus de vertu que la guerre. Celle-ci n'exige que le courage ; l'autre exige, avec le courage, la justice, la tempérance et la prudence. Si donc la législation de Minos a été inspirée par un dieu, il faut croire que Minos n'a pas eu en vue le courage seul, mais aussi toutes les espèces de vertu. Une bonne législation doit en effet procurer aux hommes tous les biens, les biens humains, comme la santé, la beauté, la vigueur, la richesse, mais avant tout les biens divins, dont le premier est la prudence, le second la tempérance, le troisième la justice et le quatrième le courage. C'est sur ce principe que doit reposer une bonne législation.

    Platon, Les Lois (Ve s. av. JC)

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