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Documents - Page 30

  • "Il en faut peu pour être heureux"

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  • Gournelle : L'homme qui voulait être heureux

    laurent-gounelle_l-homme-qui-voulait-etre-heureux.jpgImaginez...Vous êtes en vacances à Bali et peu de temps avant votre retour, vous consultez un vieux guérisseur. Sans raison particulière, juste parce que sa grande réputation vous a donné envie de le rencontrer, au cas où… Son diagnostic est formel : vous êtes en bonne santé, mais vous n'êtes pas… heureux.

    Porteur d'une sagesse infinie, ce vieil homme semble vous connaître mieux que vous-même. L'éclairage très particulier qu'il apporte à votre vécu va vous entraîner dans l'aventure la plus captivante qui soit : celle de la découverte de soi. Les expériences dans lesquelles il vous conduit vous bouleverser votre vie, en vous donnant les clés d'une existence à la hauteur de vos rêves.

    Laurent Gounelle, L'Homme qui voulait être heureux (2010)

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  • Profession philosophe : Bruno Latour, philosophe des modes d'existence

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  • Schopenhauer : L'art d'avoir toujours raison

    La dialectique éristique est l’art de la controverse, celle que l’on utilise pour avoir raison, c’est-à-dire per fas et nefas. On peut en toute objectivité avoir raison, et pourtant aux yeux des spectateurs, et parfois pour soi-même, avoir tort. En effet, si un adversaire réfute une preuve, et par là donne l’impression de réfuter une assertion, il peut pourtant exister d’autres preuves. Les rôles ont donc été inversés : l’adversaire a raison alors qu’il a objectivement tort. Ainsi, la véracité objective d’une phrase et sa validité pour le débatteur et l’auditeur sont deux choses différentes (c’est sur ce dernier que repose la dialectique)

    Arthur Schopenhauer, L'art d'avoir toujours raison (1830-1831)

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  • Brooks : "Un bon philosophe n'a pas peur des concepts"

    Un bon philosophe (gr. philosophos, ami de la sagesse) est une personne reconnue pour sa sagesse. Mais pour moi, c'est aussi quelqu'un qui n'a pas peur des concepts. Il présente une ouverture d'esprit, un accueil envers des façons étrangères de concevoir l'existence et nos rapports à celle-ci. Il est le contraire de la prudence puisqu'il est toujours prêt à l'aventure conceptuelle. Bien sûr, en être humain qu'il est, il peut avoir ses visions personnelles et y être attaché mais ça ne l'empêche pas d'accepter, même de vouloir, que les autres voient le monde différemment. Il est le contraire du fasciste qui, en paresseux intellectuel voudrait que tout le monde pense pareil. Il n'est pas habité de cette insécurité qui ferait que le moindre concept étranger menacerait sa fragile forteresse conceptuelle. Cependant, ce philosophe aime bien les fascistes ; ils sont des repères stables qui lui servent de références.

    Le philosophe qui me met à l'aise est un peu comme un menuisier farfelu qui, avec des matériaux et une technique de construction reconnus laisserait aller son imagination à construire des habitats différents, nouveaux, étranges, pour le seul plaisir de renouveler son décor spirituel. La pensée est le seul lieu où on habite. Faites le tour du monde et vous ne serez jamais ailleurs que dans vos propres pensées. Philosopher, c'est chercher à s'évader en sachant que c'est impossible. Ce philosophe là m'attendrit ; là, je vois de la sagesse.

    François Brooks

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  • "Les vrais et les mauvais chasseurs"

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  • Citations sur les philosophes et la philosophie

    "Ce que je sais, c’est que je ne sais rien" (Platon)

    "Quand ils [Platon et Aristote] se sont divertis à faire leurs Lois et leur Politique, ils l'ont fait en se jouant ; c'était la partie la moins philosophe et la moins sérieuse de leur vie, la plus philosophe était de vivre simplement et tranquillement." (Pascal)

    "C'est de chercher les premières causes et les vrais principes dont on puisse déduire les raisons de tout ce qu'on est capable de savoir : et ce sont ceux qui ont travaillé particulièrement à cela qu'on a nommés Philosophes" (René Descartes)

    "Les philosophes sont si subtils qu'ils savent trouver des difficultés dans les choses qui semblent extrêmement claires aux autres hommes." (René Descartes)

    "Il faut apprendre à philosopher, et non pas la philosophie." (Emmanuel Kant)

    "Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement !" (Emmanuel Kant)

    "En résumé, philosopher, c'est connaître l'univers. L'univers se compose de deux mondes, le monde physique et le monde moral. L'étude de la nature et de l'humanité est donc toute la philosophie." (Ernest Renan)

    "Les vrais philosophes passent leur vie à ne point croire ce qu'ils voient, et à tacher de deviner ce qu'ils ne voient point. (Bernard Le Bouyer de Fontenelle)

    "On ne compte d'ordinaire comme philosophes que ceux qui écrivent ; on a tort ; il y en a qui n'écrivent pas, mais qui pensent." (Ernest Bersot)

    "Les philosophes sont ici-bas pour maintenir un petit nombre de problèmes, pour inquiéter les esprits, comme les poètes pour inquiéter les imaginations et les cœurs. Qui ne veut que vivre tranquille peut se passer des philosophes et des poètes, mais on ne se passe pas d'eux quand on veut vivre avec dignité." (Ernest Bersot)

    "Le philosophe est voué par état à chercher la raison des choses." (Antoine-Augustin Cournot)

    "Les philosophes ne sont vraiment forts que les uns contre les autres. Sans leurs erreurs mutuelles, que seraient-ils ?" (Jules Barbey d'Aurevilly)

    "Le vrai philosophe, selon l'opinion commune, ce n'est pas celui qui se contente de penser, non plus que celui qui se contente d'agir ; c'est celui qui, connaissant plus, agit mieux, celui qui tire de son expérience même un surcroît de lumière et de force, sachant davantage ce qu'il fait parce qu'il a fait d'abord ce qu'il savait." (Maurice Blondel)

    "II est bien impertinent de vouloir montrer à un philosophe une expérience qui trouble ses idées." (Alain)

    "J'estime philosophe tout homme, de quelque degré de culture qu'il soit, qui essaie de temps à autre de se donner une vue d'ensemble de ce qu'il sait par expérience directe, intérieure ou extérieure." (Paul Valéry)

    "La façon d'un philosophe, son entrée en danse est bien connue... II esquisse le pas de l'interrogation. (Paul Valéry)

    "Philosopher, c'est chercher, c'est impliquer qu'il y a des choses à voir et à dire. Or aujourd'hui, on ne cherche guère. On « revient » à l'une ou l'autre des traditions, on la « défend" (Maurice Merleau-Ponty)

    "Les philosophes, dès qu'ils philosophent, sont ou semblent en désaccord sur toutes choses." (Jacques Maritain)

    "Celui qui n’a aucune teinture de philosophie traverse l’existence, prisonnier de préjugés dérivés du sens commun ; […] Dès que nous commençons à penser conformément à la philosophie, au contraire, nous voyons […] que même les choses les plus ordinaires de la vie quotidienne posent des problèmes auxquels on ne trouve que des réponses très incomplètes." (Bertrand Russell)

    "L'éminence d'un philosophe doit se manifester autrement que dans ce caractère si fréquent de demeurer incompréhensible au grand nombre. (Georges Gusdorff)

    "Philosopher revient donc, en somme, à ceci : se comporter à l'égard de l'univers comme si rien n'allait de soi." (Wladimir. Jankélévitch)

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  • Comte-Sponville : Un philosophe, c'est quelqu'un qui pratique la philosophie

    Je ne sais plus si c'est Guitton ou Thibon qui raconte l'anecdote, comme lui étant personnellement arrivée. La scène se passe au début du XXe siècle, dans une campagne un peu reculée. Un jeune professeur de philosophie, se promenant avec un ami, rencontre un paysan, que son ami connaît, qu'il lui présente, et avec lequel notre philosophe échange quelques mots.

    — Qu'est-ce que vous faites dans la vie?, lui demande le paysan.
    — Je suis professeur de philosophie.
    — C'est un métier?
    — Pourquoi non? Ça vous étonne?
    — Un peu, oui!
    — Pourquoi ça?
    — Un philosophe, c'est quelqu'un qui s'en fout... Je ne savais pas que cela s'apprenait à l'école!

    Ce paysan prenait « philosophe » au sens courant, où il signifie à peu près, sinon quelqu'un qui s'en fout, du moins quelqu'un qui sait faire preuve de sérénité, de tranquillité, de recul, de décontraction... Un sage? Pas forcément. Pas totalement. Mais quelqu'un qui tend à l'être, et tel est aussi, depuis les Grecs, l'étymologie du mot (philosophos : celui qui aime la sagesse) et son sens proprement philosophique. On me dit parfois que cela n'est vrai que des Anciens... Ce serait déjà beaucoup. Mais c'est oublier Montaigne. Mais c'est oublier Spinoza. Mais c'est oublier Kant (« La philosophie est la doctrine et l'exercice de la sagesse, écrivait-il dans son Opus postumum, non simple science ; la philosophie est pour l'homme effort vers la sagesse, qui est toujours inaccompli »). Mais c'est oublier Schopenhauer, Nietzsche, Alain... Le philosophe, pour tous ceux-là, ce n'est pas quelqu'un de plus savant ou de plus érudit que les autres, ni forcément l'auteur d'un système ; c'est quelqu'un qui vit mieux parce qu'il pense mieux, en tout cas qui essaye (« Bien juger pour bien faire », disait Descartes : c'est la philosophie même), et c'est en quoi le philosophe reste cet amant de la sagesse, ou cet apprenti en sagesse, que l'étymologie désigne et dont la tradition, depuis vingt-cinq siècles, n'a cessé de préserver le modèle ou l'exigence. Si vous n'aimez pas ça, n'en dégoûtez pas les autres.

    Qu'est-ce qu'un philosophe? C'est quelqu'un qui pratique la philosophie, autrement dit qui se sert de la raison pour essayer de penser le monde et sa propre vie, afin de se rapprocher de la sagesse ou du bonheur. Cela s'apprend-il à l'école? Cela doit s'apprendre, puisque nul ne naît philosophe, et puisque la philosophie est d'abord un travail. Tant mieux si cela commence à l'école. L'important est que cela commence, et ne s'arrête pas. Il n'est jamais ni trop tôt ni trop tard pour philosopher, disait à peu près Épicure, puisqu'il n'est jamais ni trop tôt ni trop tard pour être heureux. Disons qu'il n'est trop tard que lorsqu'on ne peut plus penser du tout. Cela peut venir. Raison de plus pour philosopher sans attendre.

    André Comte-Sponville, Dictionnaire philosophique (2001)

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  • Julia : Qu'est-ce qu'un philosophe ?

    Un philosophe n'est pas nécessairement celui qui écrit une œuvre, crée un système. Socrate est, selon Hegel, un « vrai philosophe », précisément parce qu'il a vécu sa doctrine au lieu de l'écrire. « Être philosophe, disait Socrate, ne consiste pas à savoir beaucoup de choses, mais à être tempérant. » C'est seulement par déviation, et depuis que la philosophie est devenue un métier, une forme d' « enseignement rétribué », que la notion de « philosophe » a perdu sa signification originaire de type exemplaire, de chercheur désintéressé, soutenu par sa seule vocation ; depuis lors, il n'y a plus eu de philosophes, remarque Hegel, mais des philosophies, des systèmes de pensée.

    Didier Julia, Dictionnaire de la philosophie (1991)

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  • Lenoir : Quel est le sens de l'existence?

    Trop d’hommes auront vécus au fil de leurs instincts, de leurs émotions, ou bien des traditions et des coutumes de leur société sans jamais avoir à faire un vrai choix...

    Ils auront connus des petits plaisirs, mais pas de grandes joies. Ils auront vécus des amours rassurantes, mais jamais celles qui déchirent le cœur et l’agrandissent aux dimensions du monde... Ils auront appris un métier et gagné leur vie, mais sans doute jamais découvert l’activité qui aurait pu les mettre dans l’enthousiasme.

    Et lorsqu’ils mourront, ils demanderont "A quoi bon vivre ? L’existence n’a aucun sens ! Où est-il, le bonheur auquel j’ai parfois aspiré ? […] Qu’en est-il, de la vie dont j’ai rêvé lorsque j’étais enfant ?"

    Alors, on leur répondra : "Tu avais en toi un esprit qui pouvait donner un sens à ta vie, te conduire au bonheur et à l’amour véritables, te mener vers la vérité et te faire vivre tes rêves… mais tu l’as ignoré."

    Frédéric Lenoir, L’âme du monde (2012)

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  • Descartes : Pourquoi nous trompons-nous ?

    Parce que nous savons que l'erreur dépend de notre volonté, et que personne n'a la volonté de se tromper, on s'étonnera peut-être qu'il y ait de l'erreur en nos jugements. Mais il faut remarquer qu'il y a bien de la différence entre vouloir être trompé et vouloir donner son consentement à des opinions qui sont cause que nous nous trompons quelquefois. Car encore qu'il n'y ait personne qui veuille expressément se méprendre, il ne s'en trouve presque pas un qui ne veuille donner son consentement à des choses qu'il ne connaît pas distinctement: et même il arrive souvent que c'est le désir de connaître la vérité qui fait que ceux qui ne savent pas l'ordre qu'il faut tenir pour la rechercher manquent de la trouver et se trompent, à cause qu'il les incite à précipiter leurs jugements, et à prendre des choses pour vraies, desquelles ils n'ont pas assez de connaissance.

    René Descartes, Principes de la philosophie (1644)

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  • Voltaire : Candide ou l'optimiste

    Il y avait en Westphalie, dans le château de M. le baron de Thunder-ten-tronckh, un jeune garçon à qui la nature avait donné les mœurs les plus douces. Sa physionomie annonçait son âme. Il avait le jugement assez droit, avec l’esprit le plus simple ; c’est je crois pour cette raison qu’on le nommait Candide. Les anciens domestiques de la maison soupçonnaient qu’il était le fils de la sœur de monsieur le baron et d’un bon et honnête gentilhomme du voisinage, que cette demoiselle ne voulut jamais épouser parce qu’il n’avait pu prouver que soixante et onze quartiers, et que le reste de son arbre généalogique avait été perdu par l’injure du temps.

    Monsieur le baron était un de plus puissants seigneurs de la Westphalie, car son château avait une porte et des fenêtres. Sa grande salle même était ornée d’une tapisserie. Tous les chiens de ses basses-cours composaient une meute dans le besoin ; ses palefreniers étaient ses piqueurs ; le vicaire du village était son grand aumônier. Ils l’appelaient tous monseigneur, et ils riaient quand il faisait des contes.

    Madame la baronne, qui pesait environ trois cent cinquante livres, s’attirait par là une très grande considération, et faisait les honneurs de la maison avec une dignité qui la rendait encore plus respectable. Sa fille Cunégonde, âgée de dix-sept ans, était haute en couleurs, fraîche, grasse, appétissante. Le fils du baron paraissait en tout digne de son père. Le précepteur Pangloss était l’oracle de la maison, et le petit Candide écoutait ses leçons avec toute la bonne foi de son âge et de son caractère.

    Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Il prouvait admirablement qu’il n’y a point d’effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux et madame la meilleure des baronnes possibles.

    "Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. Les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des chausses. Les pierres ont été formées pour être taillées, et pour en faire des châteaux, aussi monseigneur a un très beau château ; le plus grand baron de la province doit être le mieux logé ; et, les cochons étant faits pour être mangés, nous mangeons du porc toute l’année : par conséquent, ceux qui ont avancés que tout est bien ont dit une sottise ; il fallait dire que tout est au mieux."

    Voltaire, Candide, ou l’Optimisme (1755-1759)

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  • "Le Cercle des petits philosophes"

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  • Merleau-Ponty : Revenir aux choses mêmes

    Il s'agit de décrire , et non pas d'expliquer ni d'analyser. Cette première consigne que Husserl donnait à la phénoménologie commençante d'être une 'psychologie descriptive' ou de 'revenir aux choses-mêmes', c'est d'abord le désaveu de la science. Je ne suis pas le résultat ou l'entrecroisement des multiples causalités qui détermine mon corps ou mon psychisme, je ne puis pas me penser comme une partie du monde, comme le simple objet de la biologie, de la psychologie et de la sociologie, ni fermer sur moi l'univers de la science. Tout ce que je sais du monde, même par science, je le sais à partir d'une vue mienne ou d'une expérience du monde sans laquelle les symboles de la science ne voudraient rien dire. Tout l'univers de la science est construit sur le monde vécu et si nous voulons penser la science elle-même avec vigueur, en a&apprécier exactement le sens et la portée, il nous faut réveiller d'abord cette expérience du monde dont elle est l'expression seconde. La science n'a pas et n'aura jamais le même sens d'être que le monde perçu pour al simple raison qu'elle est une détermination ou une explication. Je suis non pas un 'être vivant' ou même un 'homme' ou même 'une conscience' avec tous les caractères que la zoologie, l'anatomie sociale ou la psychologie inductive reconnaissent à ces produits de la nature ou de l'histoire, - je suis la source absolue, mon existence ne vient pas de mes antécédents, de mon entourage physique et social, elle va vers eux et les soutient, car c'est moi qui fait être pour moi (et donc être au seul sens que le mot puisse avoir pour moi) cette tradition que je choisis de reprendre ou cet horizon dont la distance à moi s'effondrerait, puisqu'elle ne lui appartient pas comme une propriété, si je n'étais là pour la parcourir du regard. Les vues scientifiques selon lesquelles je suis un moment du monde sont toujours naïves et hypocrites, parce qu'elles sous-entendent, sans la mentionner, cette autre vue, celle de la conscience, par laquelle d'abord un autre monde se dispose autour de moi et commence à exister pour moi.

    Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la Perception (1945)

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  • Hegel : La philosophie est un système et un cercle

    La science de l'absolu est nécessairement un système parce que le vrai, en tant que vrai concret, n'est tel qu'en se développant en lui-même et en gardant dans ces développements son unité; en d'autres termes, il n'est tel que comme totalité...

    Remarque: Une philosophie qui n'est pas un système ne saurait rien avoir de scientifique. Elle exprime bien plutôt une opinion subjective, et son contenu est un contenu contingent. Car un contenu n'est justifié que lorsqu'il est le moment d'un tout. Hors de ce tout, il n'est qu'une hypothèse ou une affirmation subjective. Il y a un grand nombre d'écrits philosophiques qui n'expriment que des opinions ou des convictions de ce genre. C'est à tort qu'on considère comme constituant une connaissance systématique une philosophie qui repose sur un principe limité et qui se trouve en présence d'un autre principe. La vraie philosophie doit renfermer tous les principes particuliers dans son unité.

    Hegel, Logique (1812-1816)

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  • Platon : Socrate et la philosophie

    Admettons que, malgré cela, vous me teniez ce langage : "Socrate, nous ne voulons pas en croire Anytos, nous voulons t’acquitter, à une condition toutefois : c’est que tu ne passeras plus tout ton temps à examiner ainsi les gens, ni à philosopher. Si on t’y reprend, tu mourras." Cette condition là, juges, si pour m'acquitter, vous vouliez me l'imposer, je vous dirais: "Athéniens, je vous sais gré et je vous aime; mais j'obéirai au dieu plutôt qu'à vous; et tant que j'aurai un souffle de vie, tant que j'en serai capable, soyez sûrs que je ne cesserai de philosopher, de vous exhorter, de faire la leçon à qui de vous que je rencontrerai.

    Et je lui dirai comme j'ai coutume de le faire: "Quoi! cher ami, tu es Athénien, citoyen d'une ville qui est plus grande, plus renommée qu'aucune autre pour sa science et sa puissance, et tu ne rougis pas de donner tes soins à ta fortune, pour l'accroître le plus possible, ainsi qu'à ta réputation et à tes honneurs ; mais quant à ta raison, quant à la vérité, quant à ton âme qu'il s'agirait d'améliorer sans cesse, tu ne t'en soucies pas, tu n'y songes pas!

    Et si quelqu'un de vous conteste, s'il affirme qu'il en a soin, ne croyez pas que je vais le lâcher et m'en aller immédiatement: non, je l'interrogerai, je l'examinerai, je discuterai à fond. Alors, s'il me paraît certain qu'il ne possède pas la vertu, quoi qu'il en dise, je lui reprocherai d'attacher si peu de prix à ce qui en a le plus, tant de valeur à ce qui en a le moins. jeunes ou vieux, quel que soit celui que j'aurai rencontré, étranger ou concitoyen, c'est ainsi que j’agirai avec lui, et surtout avec vous, mes concitoyens, puisque vous me tenez de plus près par le sang. Car c'est là ce que m'ordonne le dieu, entendez-le bien; et, de mon côté, je pense que jamais rien de plus avantageux n'est échu à la cité que mon zèle à exécuter cet ordre.

    Ma seule affaire, c'est en effet d'aller par les rues pour vous persuader, jeunes et vieux, de ne vous préoccuper ni de votre corps, ni de votre fortune aussi passionnément que de votre âme, pour la rendre aussi bonne que possible; oui, ma tâche est de vous dire que la fortune ne fait pas la vertu; mais que de la vertu provient la fortune et tout ce qui est avantageux, soit auxparticuliers, soit à l'État. Si c'est par ce langage que je corromps les jeunes gens, il faut donc que cela soit nuisible. Quant à prétendre que ce n'est pas là ce que je dis, quiconque l'affirme ne dit rien qui vaille." Là-dessus, dirais-je, croyez Anytos ou ne le croyez pas, Athéniens, acquittez-moi ou ne m'acquittez pas - mais tenez pour certain que je ne changerai jamais de conduite, quand je devrais mille fois m'exposer à la mort.

    Platon, Apologie de Socrate (Ve s. av. JC)

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  • Kant : Démonstration mathématique et connaissance philosophique

    Seule une preuve apodictique, en tant qu'elle est intuitive, peut s'appeler démonstration. L'expérience nous enseigne sans doute ce qui est, mais non point que cela ne pourrait en aucun cas être autrement. C'est pourquoi des arguments empiriques ne peuvent fournir nulle preuve apodictique... Seule la mathématique contient donc des démonstrations, parce qu'elle dérive sa connaissance non de concepts, mais de la construction de ceux-ci c'est-à-dire de l'intuition qui peut être donnée a priori comme correspondant aux concepts... Par opposition, la connaissance philosophique doit se passer de cet avantage... Ce pourquoi je donnerais plus volontiers aux preuves philosophiques le nom de preuves discursives que celui de démonstrations, parce qu'elles ne peuvent s'opérer qu'à travers de simples mots (en évoquant l'objet en pensée), tandis que les démonstrations, comme l'expression déjà l'indique, se développent dans l'intuition de l'objet.

    De tout cela s'ensuit donc qu'il n'est nullement adapté à la nature de la philosophie, notamment dans le domaine de la raison pure, de parader en se donnant des airs dogmatiques et de se parer avec les titres et les emblèmes de la mathématique, puisqu'elle ne relève pas du même ordre que celle-ci, quand bien même elle a tous les motifs de placer ses espoirs dans une union fraternelle avec elle. Ce sont là de vaines prétentions qui jamais ne peuvent aboutir, mais qui bien plutôt doivent faire revenir la philosophie à son dessein de découvrir les illusions d'une raison méconnaissant ses limites et ramener, par l'intermédiaire d'une clarification suffisante de nos concepts, la présomption de la spéculation à une connaissance de soi-même modeste, mais solidement étayée. La raison ne pourra donc pas, dans ses tentatives transcendantales, regarder devant elle avec la même assurance que si la route qu'elle a parcourue conduisait directement au but, ni compter sur les prémisses qu'elle a adoptées pour fondement avec une telle audace qu'il ne lui serait pas nécessaire de regarder plus souvent vers l'arrière et de considérer attentivement si d'aventure ne se découvrent pas dans le cours de ses raisonnements des fautes qui seraient passées inaperçues dans les principes et qui rendraient nécessaire soit de les déterminer davantage, soit d'en changer tout à fait.

    Emmanuel Kant, Critique de la raison pure (1781)

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  • Spinoza :"Il n’est pas d’hommes qu’on juge moins propres à gouverner l’État que les philosophes"

    Les philosophes conçoivent les affections qui se livrent bataille en nous, comme des vices dans lesquels les hommes tombent par leur faute, c’est pourquoi ils ont accoutumé de les tourner en dérision, de les déplorer, de les réprimander, ou, quand ils veulent paraître plus moraux, de les détester. Ils croient ainsi agir divinement et s’élever au faîte de la sagesse, prodiguant toutes sortes de louanges à une nature humaine qui n’existe nulle part, et flétrissant par leurs discours celle qui existe réellement. Ils conçoivent les hommes en effet, non tels qu’ils sont, mais tels qu’eux-mêmes voudraient qu’ils fussent : de là cette conséquence, que la plupart, au lieu d’une éthique, ont écrit une satire, et n’ont jamais eu en politique de vues qui puissent être mises en pratique, la politique, telle qu’ils la conçoivent, devant être tenue pour une chimère, ou comme convenant soit au pays d’Utopie, soit à l’âge d’or, c’est-à-dire à un temps où nulle institution n’était nécessaire. Entre toutes les sciences, donc, qui ont une application, c’est la politique où la théorie passe pour différer le plus de la pratique, et il n’est pas d’hommes qu’on juge moins propres à gouverner l’État, que les théoriciens, c’est-à-dire les philosophes.

    Baruch Spinoza, Traité politique (1677)

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  • La valise philosophique du mois

    La "Valise philosophique" du café philo est toujours disponible et vous accompagne pour illustrer nos débats.

    Comme pour chaque séance, nous vous avons préparé des documents, textes, extraits de films ou de musiques servant à illustrer et enrichir les débats mensuels.

    Sur la colonne de droite, vous pouvez retrouver les documents autour de la séance du vendredi 4 octobre 2019, pour les 10 ans du café philo - qui aura pour thème : "Un bon philosophe a-t-il toujours raison?"

    Restez attentifs : régulièrement de nouveaux documents viendront alimenter cette rubrique d'ici la séance.

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  • Nietzsche : Le philosophe est-il de son temps?

    J'ai de plus en plus le sentiment que le philosophe pour être nécessairement un homme du demain et de l'après-demain, s'est toujours trouvé et devait se trouver en contradiction avec son aujourd'hui : son ennemi fut tout à coup l'idéal de l'aujourd'hui. Jusqu'à présent, tous ces extraordinaires promoteurs de l'homme que l'on appelle des philosophes et qui se sentent eux-mêmes rarement amis de la sagesse, mais plutôt bouffons déplaisants et points d'interrogation dangereux -, ont trouvé leur tâche, leur dure tâche, non voulue, inéluctable, mais finalement la grandeur de leur tâche dans le fait d'être la mauvaise conscience de leur temps. En soumettant précisément les vertus de leur temps à la vivisection et en leur plaçant le scalpel sur la poitrine, ils trahirent ce qui était leur propre secret : découvrir une nouvelle grandeur de l'homme, un chemin nouveau, jamais foulé, menant à l'accroissement de sa grandeur. A chaque fois, ils dévoilèrent combien d'hypocrisie, de commodité paresseuse, de laisser-aller et d'avachissement, combien de mensonges se dissimulait sous le type que la moralité de leur temps vénérait le plus, combien de vertu avait fait son temps : chaque fois, ils dirent : "Il nous faut aller par là, nous en aller tout là-bas, là où vous êtes aujourd'hui le moins chez vous."

    Friedrich Nietzsche, Par-delà le Bien et le Mal (1886)

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  • Gramsci : Tous les hommes peuvent philosopher

    Il faut détruire le préjugé très répandu que la philosophie est quelque chose de très difficile du fait qu'elle est l'activité intellectuelle propre d'une catégorie déterminée de savants spécialisés ou de philosophes professionnels ayant un système philosophique. Il faut donc démontrer en tout premier lieu que tous les hommes sont "philosophes", en définissant les limites et les caractères de cette "philosophie spontanée", propre à tout le monde, c'est-à-dire de la philosophie qui est contenue : 1) dans le langage même, qui est un ensemble de notions et de concepts déterminés et non certes exclusivement de mots grammaticalement vides de contenu. 2) dans le sens commun et le bon sens. 3) dans la religion populaire et donc également dans tout le système de croyances, de superstitions, opinions, façons de voir et d'agir qui sont ramassées généralement dans ce qu'on appelle le folklore. Une fois démontré que tout le monde est philosophe, chacun à sa manière, il est vrai, et de façon inconsciente - car même dans la manifestation la plus humble d'une quelconque activité intellectuelle, le "langage" par exemple, est contenue une conception du monde déterminée -, on passe au second moment, qui est celui de la critique et de la conscience, c'est-à-dire à la question : est-il préférable de "penser" sans en avoir une conscience critique, sans souci d'unité et au gré des circonstances, autrement dit de "participer" à une conception du monde imposée mécaniquement par le milieu ambiant; ce qui revient à dire par un de ces nombreux groupes sociaux dans lesquels tout homme est automatiquement entraîné dès son entrée dans le monde conscient (et qui peut être son village ou sa province, avoir ses racines dans la paroisse et dans l' "activité intellectuelle" du curé ou de l'ancêtre patriarcal dont la "sagesse" fait loi, de la bonne femme qui a hérité de la science des sorcières ou du petit intellectuel aigri dans sa propre sottise et son impuissance à agir); ou bien est-il préférable d'élaborer sa propre conception du monde consciemment et suivant une attitude critique et par conséquent, en liaison avec le travail de son propre cerveau, choisir sa propre sphère d'activité, participer activement à la production de l'histoire du monde, être à soi-même son propre guide au lieu d'accepter, passivement et de l'extérieur, une empreinte imposée à sa propre personnalité ?

    Antonio Gramsci, Textes (1932)

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  • Épicure : Nécessité de la philosophie

    Quand on est jeune, il ne faut pas hésiter à s’adonner à la philosophie, et quand on est vieux il ne faut pas se lasser d’en poursuivre l’étude. Car personne ne peut soutenir qu’il est trop jeune ou trop vieux pour acquérir la santé de l’âme. Celui qui prétendrait que l’heure de philosopher n’est pas encore venue ou qu’elle est déjà passée, ressemblerait à celui qui dirait que l’heure n’est pas encore arrivée d’être heureux ou qu’elle est déjà passée. Il faut donc que le jeune homme aussi bien que le vieillard cultivent la philosophie : celui-ci pour qu’il se sente rajeunir au souvenir des biens que la fortune lui a accordée dans le passé, celui-là pour être, malgré sa jeunesse, aussi intrépide en face de l’avenir qu’un homme avancé en âge. Il convient ainsi de s’appliquer assidûment à tout ce qui peut nous procurer la félicité, s’il est vrai que quand elle est en notre possession nous avons tout ce que nous pouvons avoir, et que quand elle nous manque nous faisons tout pour l’obtenir. Tâche, par conséquent, de mettre à profit et d’appliquer les enseignements que je n’ai cessé de t’adresser, en te pénétrant de l’idée que ce sont là des principes nécessaires pour vivre comme il faut.

    Épicure, Lettre à Ménécée (IVe s. av. JC)

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  • Épictète : La philosophie et l'opinion

    Voici le point de départ de la philosophie : la conscience du conflit qui met aux prises les hommes entre eux, la recherche de l'origine de ce conflit, la condamnation de la simple opinion et la défiance à son égard, une sorte de critique de l'opinion pour déterminer si on a raison de la tenir, l’invention d'une norme, de même que nous avons inventé la balance pour la détermination du poids, ou le cordeau pour distinguer ce qui est droit et ce qui est tordu.

    Est-ce là le point de départ de la philosophie ? Est juste tout ce qui paraît tel à chacun ? Et comment est-il possible que les opinions qui se contredisent soient justes ? Par conséquent, non pas toutes. Mais celles qui nous paraissent à nous justes ? Pourquoi à nous plutôt qu'aux Syriens, plutôt qu'aux Égyptiens ? Plutôt que celles qui paraissent telles à moi ou à un tel ? Pas plus les unes que les autres. Donc l'opinion de chacun n'est pas suffisante pour déterminer la vérité.

    Nous ne nous contentons pas non plus quand il s'agit de poids ou de mesures de la simple apparence, mais nous avons inventé une norme pour ces différents cas. Et dans le cas présent, n'y a-t-il donc aucune norme supérieure à l'opinion ? Et comment est-il possible qu'il n'y ait aucun moyen de déterminer et de découvrir ce qu'il y a pour les hommes de plus nécessaire ?

    —Il y a donc une norme.

    Alors, pourquoi ne pas la chercher et ne pas la trouver, et après l'avoir trouvée, pourquoi ne pas nous en servir par la suite rigoureusement, sans nous en écarter d'un pouce ? Car voilà, à mon avis, ce qui, une fois trouvé, délivrera de leur folie les gens qui se servent en tout d'une seule mesure, l’opinion, et nous permettra désormais, partant de principes connus et clairement définis, de nous servir, pour juger des cas particuliers, d'un système de prénotions.

    Épictète, Entretiens (IIe s. ap. JC)

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  • Averroès : Vérité et philosophie

    1. Le propos de ce discours est de rechercher (...) si l'étude de la philosophie et des sciences (…) est permise par la Loi révélée, ou bien condamnée par elle, ou bien encore prescrite, soit en tant que recommandation, soit en tant qu'obligation. Nous disons donc :

    2. Si l'acte de philosopher ne consiste en rien d'autre que dans l'examen rationnel des choses, et dans le fait de réfléchir sur eux en tant qu'ils constituent la preuve de l'existence de l'Artisan (…); et si la Révélation recommande bien aux hommes de réfléchir sur les choses et les y encourage, alors il est évident que l'activité désignée sous ce nom [de philosophie] est, en vertu de la Loi révélée, soit obligatoire, soit recommandée.

    3. Que la Révélation nous appelle à réfléchir sur les choses en faisant usage de la raison, et exige de nous que nous les connaissions par ce moyen, voilà qui appert à l'évidence de maints versets du Livre de Dieu - béni et exalté soit-Il. En témoigne, par exemple, l'énoncé divin : "Réfléchissez donc, ô vous qui êtes doués de clairvoyance" (...) ; ou par exemple l’énoncé divin : "Que n’examinent-ils le royaume des cieux et de la terre."

    18. Puisque donc cette révélation est la vérité, et qu’elle appelle à pratiquer l’examen rationnel qui assure la connaissance de la vérité, alors nous, musulmans, savons de science certaine que l’examen [des choses] par la démonstration n’entraînera nulle contradiction avec les enseignements apportés par le Texte révélé : car la vérité ne peut être contraire à la vérité, mais s’accorde avec elle et témoigne en sa faveur.

    19. S’il en est ainsi, et que l’examen aboutit à une connaissance quelconque à propos d’un étant quel qu’il soit, alors de deux choses l’une : soit sur cet étant le Texte révélé se tait, soit il énonce une connaissance à son sujet. Dans le premier cas, il n’y a même pas lieu à contradiction... Dans le second, de deux choses l’une : soit le sens manifeste de l’énoncé est en accord avec le résultat de la démonstration, soit il le contredit. S’il y a accord, il n’y a rien à en dire; s’il y a contradiction, alors il faut interpréter le sens obvie.

    Averroès, Discours décisif (1180-1190)

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  • Russell : La valeur de la philosophie

    La valeur de la philosophie doit en réalité surtout résider dans son caractère incertain même. Celui qui n’a aucune teinture de philosophie traverse l’existence, prisonnier de préjugés dérivés du sens commun, des croyances habituelles à son temps ou à son pays et de convictions qui ont grandi en lui sans la coopération ni le consentement de la raison.

    Pour un tel individu, le monde tend à devenir défini, fini, évident ; les objets ordinaires ne font pas naître de questions et les possibilités peu familières sont rejetées avec mépris. Dès que nous commençons à penser conformément à la philosophie, au contraire, nous voyons, comme il a été dit dans nos premiers chapitres, que même les choses les plus ordinaires de la vie quotidienne posent des problèmes auxquels on ne trouve que des réponses très incomplètes. La philosophie, bien qu’elle ne soit pas en mesure de nous donner avec certitude la réponse aux doutes qui nous assiègent, peut tout de même suggérer des possibilités qui élargissent le champ de notre pensée et délivre celle-ci de la tyrannie de l’habitude. Tout en ébranlant notre certitude concernant la nature de ce qui nous entoure, elle accroît énormément notre connaissance d’une réalité possible et différente ; elle fait disparaître le dogmatisme quelque peu arrogant de ceux qui n’ont jamais parcouru la région du doute libérateur, et elle garde intact notre sentiment d’émerveillement en nous faisant voir les choses familières sous un aspect nouveau.

    Bertrand Russell, Problèmes de philosophie (1912)

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