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[098] "La foule a-t-elle toujours raison?" - Page 3

  • Aristote : Vanité de la foule

    En ce qui concerne l'auditeur, la démonstration à suivre et notre dessein, en voilà assez. Mais reprenons la question ; puisque toute connaissance et toute décision librement prise vise quelque bien, quel est le but que nous assignons à la politique et quel est le souverain bien de notre activité ? 2. Sur son nom du moins il y a assentiment presque général : c'est le bonheur, selon la masse et selon l'élite, qui supposent que bien vivre et réussir sont synonymes de vie heureuse ; mais sur la nature même du bonheur, on ne s'entend plus et les explications des sages et de la foule sont en désaccord. 3. Les uns jugent que c'est un bien évident et visible, tel que le plaisir, la richesse, les honneurs ; pour d'autres la réponse est différente ; et souvent pour le même individu elle varie : p. ex., malade il donne la préférence à la santé, pauvre à la richesse. Ceux qui sont conscients de leur ignorance écoutent avec admiration les beaux parleurs et leurs prétentions ; quelques-uns par contre pensent qu'en plus de tous ces biens, il en est un autre qui existe par lui-même, qui est la cause précisément de tous les autres. 4. L'examen de toutes ces opinions est apparemment assez vain et il suffit d'étudier les plus répandues et celles qui paraissent avoir un fondement raisonnable. 5. N'oublions pas la différence existant entre les raisonnements qui partent des principes et ceux qui tendent à en établir. Platon lui-même se trouvait sur ce point, et à juste titre, embarrassé et il cherchait à préciser si la marche à suivre allait aux principes ou partait des principes ; de même qu'on peut se demander si les coureurs, dans le stade, doivent partir des athlothètes vers l'extrémité du stade ou inversement. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il faut partir du connu ; or ce qui nous est connu l'est de deux façons : relativement à nous et absolument. 6. Vraisemblablement, ici il nous faut partir de ce qui nous est connu. Ainsi faut-il déjà avoir une bonne éducation morale, si l'on veut entendre parler avec profit de l'honnête, du juste, et en un mot de la politique. 7. Or le principe en cette matière, c'est le fait ; s'il nous apparaissait avec suffisamment d'évidence, nous n'aurions plus besoin du pourquoi . Un homme qui se trouve dans ce cas possède déjà les principes, ou tout au moins serait capable de les acquérir facilement, mais quiconque n'aurait aucun de ces avantages doit écouter les paroles d'Hésiode : "Celui-là a une supériorité absolue, qui sait tout par lui-même / Sage aussi est celui qui écoute les bons conseils ; / Mais ne savoir rien par soi-même et ne pas graver dans son cœur / Les paroles d'autrui, c'est n'être absolument bon à rien."

    Aristote, Ethique à Nicomaque (IVe s. av. JC)

    Photo : Pexels - Paweł L.

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  • Sénèque : Eviter de suivre la foule

    Rien n'a plus d'importance que d'éviter de suivre, comme le font les moutons, le troupeau de ceux qui nous précèdent, nous dirigeant non pas où il faut aller, mais où il va. Et pourtant rien ne nous empêtre dans de plus grand maux que de nous régler sur les bruits qui courent, dans l'idée que le meilleur c'est ce qui est généralement reçu et c'est vivre non selon la raison mais par imitation, ce dont nous avons de nombreux exemples. De là vient un tel amoncellement des gens les uns sur les autres. Ce qui se passe dans une grande bousculade quand la populace se comprime elle-même ( alors nul ne tombe sans en attirer un autre avec lui et les premiers sont la perte de ceux qui les suivent), tu peux le voir arriver dans toute existence : nul ne se trompe seulement pour son propre compte, mais il est la cause et l'auteur de l'erreur d'autrui. Il est nuisible, en effet, d'être attaché à ceux qui nous précèdent : chacun préférant croire plutôt que juger, one porte jamais de jugement sur la vie, on est toujours dans la croyance ; et l'erreur transmise de main en main nous remue en tous sens et nous mène à notre ruine. Nous périssons par l'exemple des autres. Nous guérirons pour peu que nous nous séparions de la foule. Mais, en réalité, le peuple se dresse contre la raison en défenseur de son propre mal. c'est pourquoi il se produit ce qui se produit dans les assemblées où ceux-là mêmes qui ont fait les magistrats s'étonnent que ce soient ceux-là qui aient été faits, lorsque l'inconstante faveur populaire a changé. Nous approuvons et nous condamnons les mêmes choses : c'est l'issue de tout jugement rendu selon la majorité.

    Sénèque, La Vie heureuse (Ier s. ap. JC)

    Photo : Pexels - Krizjohn Rosales

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  • Le Bon : La foule et l'individu

    Les foules ne sauraient accomplir d’actes exigeant une intelligence élevée. Les décisions d’intérêt général prises par une assemblée d’hommes distingués, mais de spécialités différentes, ne sont pas sensiblement supérieures aux décisions que prendrait une réunion d’imbéciles. Ils peuvent seulement associer en effet ces qualités médiocres que tout le monde possède. Les foules accumulent non l’intelligence mais la médiocrité...

    La première [cause] est que l’individu en foule acquiert, par le fait seul du nombre, un sentiment de puissance invincible lui permettant de céder à des instincts, que, seul, il eût forcément refrénés. Il y cédera d’autant plus volontiers que, la foule étant anonyme, et par conséquent irresponsable, le sentiment de la responsabilité, qui retient toujours les individus, disparaît entièrement.

    Une seconde cause, la contagion mentale, intervient également pour déterminer chez les foules la manifestation de caractères spéciaux et en même temps leur orientation... Chez une foule, tout sentiment, tout acte est contagieux, et contagieux à ce point que l’individu sacrifie très facilement son intérêt personnel à l’intérêt collectif. C’est là une aptitude contraire à sa nature, et dont l’homme ne devient guère capable que lorsqu’il fait partie d’une foule...

    Donc, évanouissement de la personnalité consciente, prédominance de la personnalité inconsciente, orientation par voie de suggestion et de contagion des sentiments et des idées dans un même sens, tendance à transformer immédiatement en acte les idées suggérées, tels sont les principaux caractères de l’individu en foule. Il n’est plus lui-même, mais un automate que sa volonté est devenue impuissante à guider.

    Par le fait seul qu’il fait partie d’une foule, l’homme descend donc plusieurs degrés sur l’échelle de la civilisation. Isolé, c’était peut-être un individu cultivé, en foule c’est un instinctif, par conséquent un barbare. Il a la spontanéité, la violence, la férocité, et aussi les enthousiasmes et les héroïsmes des êtres primitifs.

    Gustave Le Bon, Psychologie des foules (1895)

    Photo : Pexels - Mike Chai

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  • Publicité : Heureux et heureuses dans la foule

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  • Orwell : 1984

    1984.jpgAu sixième jour de la Semaine de la Haine, après les processions, les discours, les cris, les chants, les bannières, les affiches, les films, les effigies de cire, le roulement des tambours, le glapissement des trompettes, le bruit de pas des défilés en marche, le grincement des chenilles de tanks, le mugissement des groupes d’aéroplanes, le grondement des canons, après six jours de tout cela, alors que le grand orgasme palpitait vers son point culminant, que la haine générale contre l’Eurasia s’était échauffée et en était arrivée à un délire tel que si la foule avait pu mettre la main sur les deux mille criminels eurasiens qu’on devait pendre en public le dernier jour de la semaine, elle les aurait certainement mis en pièces ; juste à ce moment, on annonça qu’après tout l’Océania n’était pas en guerre contre l’Eurasia. L’Océania était en guerre contre l’Estasia. L’Eurasia était un allié.

    Il n’y eut naturellement aucune déclaration d’un changement quelconque. On apprit simplement, partout à la fois, avec une extrême soudaineté, que l’ennemi c’était l’Estasia et non l’Eurasia.

    Winston prenait part à une manifestation dans l’un des squares du centre de Londres quand la nouvelle fut connue. C’était la nuit. Les visages et les bannières rouges étaient éclairés d’un flot de lumière blafarde. Le square était bondé de plusieurs milliers de personnes dont un groupe d’environ un millier d’écoliers revêtus de l’uniforme des Espions. Sur une plate-forme drapée de rouge, un orateur du Parti intérieur, un petit homme maigre aux longs bras disproportionnés, au crâne large et chauve sur lequel étaient disséminées quelques rares mèches raides, haranguait la foule. C’était une petite silhouette de baudruche hygiénique, contorsionnée par la haine. Une de ses mains s’agrippait au tube du microphone tandis que l’autre, énorme et menaçante au bout d’un bras osseux, déchirait l’air au-dessus de sa tête.

    George Orwell, 1984 (1948)

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  • La foule a-t-elle toujours raison ?

    Prochain débat du Café Philosophique de Montargis  : le 22 septembre 2023, au Saint Firmin, Amilly.

    Sujet : "La foule a-t-elle toujours raison ?" 

    Affiche du café philo "La foule a-t-elle toujours raison ?"

    Photo : Pexels - Wendy Wei

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  • Hugo : La foule

    lpdp_33392-14.jpgLe pauvre poète jeta les yeux autour de lui. Il était en effet dans cette redoutable Cour des Miracles, où jamais honnête homme n’avait pénétré à pareille heure ; cercle magique où les officiers du Châtelet et les sergents de la prévôté qui s’y aventuraient disparaissaient en miettes ; cité des voleurs, hideuse verrue à la face de Paris ; égout d’où s’échappait chaque matin, et où revenait croupir chaque nuit ce ruisseau de vices, de mendicité et de vagabondage toujours débordé dans les rues des capitales ; ruche monstrueuse où rentraient le soir avec leur butin tous les frelons de l’ordre social ; hôpital menteur où le bohémien, le moine défroqué, l’écolier perdu, les vauriens de toutes les nations, espagnols, italiens, allemands, de toutes les religions, juifs, chrétiens, mahométans, idolâtres, couverts de plaies fardées, mendiants le jour, se transfiguraient la nuit en brigands ; immense
    vestiaire, en un mot, où s’habillaient et se déshabillaient à cette époque tous les acteurs de cette comédie éternelle que le vol, la prostitution et le meurtre jouent sur le pavé de Paris. C’était une vaste place, irrégulière et mal pavée, comme toutes les places de Paris alors. Des feux, autour desquels fourmillaient des groupes étranges, y brillaient çà et là. Tout cela allait, venait, criait. On entendait des rires aigus, des vagissements d’enfants, des voix de femmes. Les mains, les têtes de cette foule, noires sur le fond lumineux, y découpaient mille gestes bizarres. Par moments, sur le sol, où tremblait la clarté des feux, mêlée à de grandes ombres indéfinies, on pouvait voir passer un chien qui ressemblait à un homme, un homme qui ressemblait à un chien. Les limites des races et des espèces semblaient s’effacer dans cette cité comme dans un pandémonium. Hommes, femmes, bêtes, âge, sexe, santé, maladie, tout semblait être en commun parmi ce peuple ; tout allait ensemble, mêlé, confondu, superposé ; chacun y participait de tout. Le rayonnement chancelant et pauvre des feux permettait à Gringoire de distinguer, à travers son trouble, tout à l’entour de l’immense place, un hideux encadrement de vieilles maisons dont les façades vermoulues, ratatinées, rabougries, percées chacune d’une ou deux lucarnes éclairées, lui semblaient dans l’ombre d’énormes têtes de vieilles femmes, rangées en cercle, monstrueuses et rechignées, qui regardaient le sabbat en clignant des yeux. C’était comme un nouveau monde, inconnu, inouï, difforme, reptile, fourmillant, fantastique.

    Victor Hugo, Notre-Dame de Paris (1831-1832)

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  • Prochain débat : le 22 septembre pour la 14e saison

    Le café philosophique de Montargis proposera sa prochaine séance le vendredi 22 septembre 2023.

    Nous démarrerons une nouvelle saison, la 14e. 

    Le débat aura pour sujet : "La foule a-t-elle toujours raison ?"

    Photo - Pexels - Wendy Wei

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  • Merci aux participants de la séance du 23 juin

    Le café philosophique de Montargis se déroulait ce samedi 23 juin pour la première fois au Saint Firmin d'Amilly.

    Merci aux participants pour leur présence et pour les échanges très riches. Et merci aux responsables du Saint Firmin.

    Le Café philo prendra des vacances bien méritées et se fixera sa prochaine séance le 22 septembre, toujours au Saint Firmin. Le sujet portera sur cette question : "La foule a-t-elle toujours raison ?"

    A bientôt.

    Photo : Pexels - Projet Stock RDNE

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