Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Aristote : Vanité de la foule

En ce qui concerne l'auditeur, la démonstration à suivre et notre dessein, en voilà assez. Mais reprenons la question ; puisque toute connaissance et toute décision librement prise vise quelque bien, quel est le but que nous assignons à la politique et quel est le souverain bien de notre activité ? 2. Sur son nom du moins il y a assentiment presque général : c'est le bonheur, selon la masse et selon l'élite, qui supposent que bien vivre et réussir sont synonymes de vie heureuse ; mais sur la nature même du bonheur, on ne s'entend plus et les explications des sages et de la foule sont en désaccord. 3. Les uns jugent que c'est un bien évident et visible, tel que le plaisir, la richesse, les honneurs ; pour d'autres la réponse est différente ; et souvent pour le même individu elle varie : p. ex., malade il donne la préférence à la santé, pauvre à la richesse. Ceux qui sont conscients de leur ignorance écoutent avec admiration les beaux parleurs et leurs prétentions ; quelques-uns par contre pensent qu'en plus de tous ces biens, il en est un autre qui existe par lui-même, qui est la cause précisément de tous les autres. 4. L'examen de toutes ces opinions est apparemment assez vain et il suffit d'étudier les plus répandues et celles qui paraissent avoir un fondement raisonnable. 5. N'oublions pas la différence existant entre les raisonnements qui partent des principes et ceux qui tendent à en établir. Platon lui-même se trouvait sur ce point, et à juste titre, embarrassé et il cherchait à préciser si la marche à suivre allait aux principes ou partait des principes ; de même qu'on peut se demander si les coureurs, dans le stade, doivent partir des athlothètes vers l'extrémité du stade ou inversement. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il faut partir du connu ; or ce qui nous est connu l'est de deux façons : relativement à nous et absolument. 6. Vraisemblablement, ici il nous faut partir de ce qui nous est connu. Ainsi faut-il déjà avoir une bonne éducation morale, si l'on veut entendre parler avec profit de l'honnête, du juste, et en un mot de la politique. 7. Or le principe en cette matière, c'est le fait ; s'il nous apparaissait avec suffisamment d'évidence, nous n'aurions plus besoin du pourquoi . Un homme qui se trouve dans ce cas possède déjà les principes, ou tout au moins serait capable de les acquérir facilement, mais quiconque n'aurait aucun de ces avantages doit écouter les paroles d'Hésiode : "Celui-là a une supériorité absolue, qui sait tout par lui-même / Sage aussi est celui qui écoute les bons conseils ; / Mais ne savoir rien par soi-même et ne pas graver dans son cœur / Les paroles d'autrui, c'est n'être absolument bon à rien."

Aristote, Ethique à Nicomaque (IVe s. av. JC)

Photo : Pexels - Paweł L.

Lien permanent Catégories : =>Saison. 14, Documents, Textes et livres, [098] "La foule a-t-elle toujours raison?" Imprimer 0 commentaire Pin it!

Les commentaires sont fermés.