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[114] "Triple tournée pour le Café Philo!" - Page 2

  • Zola : L'œuvre

    A33982.jpgAh ! cet effort de création dans l’œuvre d’art, cet effort de sang et de larmes dont il agonisait, pour créer de la chair, souffler de la vie ! Toujours en bataille avec le réel, et toujours vaincu, la lutte contre l’ange ! Il se brisait à cette besogne impossible de faire tenir toute la nature sur une toile, épuisé à la longue dans les perpétuelles douleurs qui tendaient ses muscles, sans qu’il pût jamais accoucher de son génie. Ce dont les autres se satisfaisaient, l’à-peu-près du rendu, les tricheries nécessaires, le tracassaient de remords, l’indignaient comme une faiblesse lâche ; et il recommençait, et il guettait le bien pour le mieux, trouvant que ça ne « parlait » pas, mécontent de ces bonnes femmes, ainsi que le disaient plaisamment les camarades, tant qu’elles ne descendaient pas coucher avec lui. Que lui manquait il donc, pour les créer vivantes ? Un rien sans doute. Il était un peu en deçà, un peu au-delà peut-être. Un jour, le mot de génie incomplet, entendu derrière son dos, l’avait flatté et épouvanté. Oui, ça devait être cela, le saut trop court ou trop long, le déséquilibre rement des nerfs dont il souffrait, le détraquement héréditaire qui, pour quelques grammes de substance en plus ou en moins, au lieu de faire un grand homme, allait faire un fou. Quand un désespoir le chassait de son atelier, et qu’il fuyait son œuvre, il emportait maintenant cette idée d’une impuissance fatale, il l’écoutait battre contre son crâne, comme le glas obstiné d’une cloche.

    Emile Zola, L'œuvre (1886)

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  • Descartes : L'art et le beau

    Pour votre question, savoir si on peut établir la raison du beau, c'est tout de même que ce que vous demandiez auparavant, pourquoi un son est plus agréable que l'autre, sinon que le mot beau semble plus particulièrement se rapporter au sens de la vue. Mais généralement, ni le beau ni l'agréable ne signifient rien qu'un rapport de votre jugement à l'objet; et parce que les jugements des hommes sont si différents, on ne peut dire que le beau ni l'agréable aient aucune mesure déterminée. Et je ne le saurais mieux expliquer, que j'ai fait autrefois, en ma Musique ; je mettrai ici les mêmes mots, parce que j'ai le livre entre les mains : "Entre les objets d'un sens, le plus agréable à l'esprit n'est pas celui qui est perçu avec le plus de facilité, ni celui qui est perçu avec le plus de difficulté. C'est celui dont la perception n'est pas assez facile pour combler l'inclination naturelle par laquelle les sens se portent vers leurs objets, et n'est pas assez difficile pour fatiguer le sens." J'expliquais "ce qui est perçu facilement ou difficilement par le sens" comme, par exemple, les compartiments d'un parterre qui ne consisteront qu'en une ou deux sortes de figures, arrangées toujours de même façon, se comprendront bien plus aisément que s'il y en avait dix ou douze, et arrangés diversement; mais ce n'est pas à dire qu'on puisse nommer absolument l'un plus beau que l'autre mais, selon la fantaisie des uns, celui de trois sortes de figures sera le plus beau, selon celle des autres, celui de quatre, ou de cinq, etc. Mais ce qui plaira à plus de gens, pourra être nommé simplement le plus beau, ce qui ne saurait être déterminé.

    René Descartes, Lettre à Mersenne (1630)

    Photo : Pexels - Rene Terp

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  • Camus : "L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire"

    L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l’artiste à ne pas s’isoler ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d’artiste parce qu’il se sentait différent, apprend bien vite qu’il ne nourrira son art, et sa différence, qu’en avouant sa ressemblance avec tous. L’artiste se forge dans cet aller-retour perpétuel de lui aux autre, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher. C’est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. Et, s’ils ont un parti à prendre en ce monde, ce ne peut être que celui d’une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne régnera plus le juge, mais le créateur, qu’il soit travailleur ou intellectuel.

    Albert Camus, Discours de Suède (1958)

    Photo : Pexels - Brett Sayles

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  • Bergson : Le poète

    Le poète est celui chez qui les sentiments se développent en images, et les images elles-mêmes en paroles, dociles au rythme, pour les traduire. En voyant passer devant nous ces images, nous éprouverons à notre tour le sentiment qui en était pour ainsi dire l’équivalent émotionnel ; mais ces images ne se réaliseraient aussi fortement pour nous sans les mouvements réguliers du rythme, par lequel notre âme, bercée et endormie, s’oublie comme en un rêve pour penser et pour voir avec le poète (…). L’artiste vise à nous introduire dans cette émotion si riche, si personnelle, si nouvelle, et à nous faire éprouver ce qu’il ne saurait nous faire comprendre. Il fixera donc, parmi les manifestations extérieures de son sentiment, celles que notre corps imitera machinalement, quoique légèrement, en les apercevant, de manière à nous replacer tout d’un coup dans l’indéfinissable état psychologique qui les provoqua. Ainsi tombera la barrière que le temps et l’espace interposaient entre sa conscience et la nôtre ; et plus sera riche d’idées, gros de sensations et d’émotions le sentiment dans le cadre duquel il nous aura fait entrer, plus la beauté exprimée aura de la profondeur ou d’élévation.

    Henri Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience (1889)

    Photo : Pexels - Eddie Stofe

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  • Ellul : "La technique ne supportant aucun jugement éthique"

    La technique ne supportant aucun jugement éthique […] elle ne tolère pas d'être arrêtée pour une raison morale. Il va de soi qu'opposer des jugements de bien ou de mal à une opération jugée techniquement nécessaire est simplement absurde. Le technicien ne tient tout bonnement aucun compte de ce qui lui paraît relever de la plus haute fantaisie, et d'ailleurs nous savons à quel point la morale est relative. La découverte de la « morale de situation » est bien  commode pour s'arranger de tout : comment au nom d'un bien variable, fugace, toujours à définir, viendrait-on interdire quelque chose au technicien, arrêter un progrès technique ? Ceci au moins est stable et assuré, évident. La technique se jugeant elle-même se trouve dorénavant libérée de ce qui a fait l'entrave principale à l'action de l'homme : les croyances (sacrées, spirituelles, religieuses) et la morale. La technique assure ainsi de façon théorique et systématique la liberté qu'elle avait acquise en fait. Elle n'a plus à craindre quelque limitation que ce soit puisqu'elle se situe en dehors du bien et du mal. On a prétendu longtemps qu'elle faisait partie des objets neutres, et par conséquent non soumis à la morale : c'est la situation que nous venons de décrire et le théoricien qui la situait ainsi ne faisait qu'entériner l'indépendance de fait de la technique et du technicien. Mais ce stade est déjà dépassé : la puissance et l'autonomie de la technique sont si bien assurées que maintenant, elle se transforme à son tour en juge de la morale : une proposition morale ne sera considérée comme valable pour un temps que si elle peut entrer dans le système technique, si elle s'accorde avec lui...

    Sauvy, grand pourfendeur d’idées reçues, clôt son livre sur la croissance, précisément par ce lieu commun : de toute façon, on n’arrête pas la technique. Il reconnaît donc que nous n’en sommes pas maître, mais bien que nous ne pouvons pas nous refuser à ce "progrès". Autrement dit, la technique devient une valeur morale : ce qui la soutient est un bien, ce qui l’entrave est un mal. Et l’on finit par considérer comme normales les monstruosités présentées par Rorvik et Toffler pour le futur (par exemple, le fait de placer à la naissance quelques électrodes dans le cerveau du nouveau né pour accélérer son éducation, accroître ses capacités d’assimilation, de plaisir, etc.) et celles déjà maintenant pratiquées aux Etats Unis depuis au moins 1949…"

    Jacques Ellul, Le système technicien (1977)

    Photo : Pexels - Pixabay

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  • Schmidt : "Une religiosité magique se transforme en une technicité tout aussi magique"

    Dès le XIXe siècle, le progrès technique est si étonnant et il entraîne une transformation si rapide des situations sociales et économiques que tous les problèmes moraux, politiques, sociaux et économiques subissent l'emprise de cette réalité du développement technique. Fasciné par les découvertes et les réalisations surprenantes et toujours nouvelles, l'homme se crée une religion du progrès technique qui consiste à croire que tous les autres problèmes se résoudront d'eux-mêmes grâce à ce même progrès technique. Cette foi était une chose évidente et toute naturelle pour les grandes masses des pays industrialisés. Elles ignorèrent tous les stades intermédiaires qui caractérisent la pensée des élites dirigeantes et, pour elles, le religion qui croit aux miracles et à l'au-delà se muse directement en une religion du miracle technique, de l'exploit humain et de la domination de la nature. Une religiosité magique se transforme en une technicité tout aussi magique. Ainsi donc le XXe siècle à son début se révèle être l'ère, non seulement de la technique, mais encore d'une foi religieuse en cette même technique.

    Carl Schmitt, La notion de politique (1932)

    Photo : Pexels

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  • Postman : Se distraire à en mourir

    La conscience publique n'a pas encore assimilé le fait que toute technique est porteuse d'une idéologie, alors que, devant nos yeux, les nouvelles techniques ont transformé tous les aspects de la vie au cours des quatre-vingts dernières années. En 1905, il pouvait être excusable de ne pas être préparé aux changements culturels que l'automobile allait entraîner. Oui aurait pu soupçonner, alors, que l'automobile nous dirait comment mener nos vies sociales et sexuelles ? Nous amènerait à reconsidérer nos idées sur l'utilisation des forêts et des villes ? Créerait de nouvelles manières d'exprimer notre identité personnelle et notre standing social ?

    Mais la partie est déjà bien avancée et il est inexcusable d'ignorer le score. Ne pas avoir conscience qu'une technique arrive équipée d'un programme de changement social, maintenir que la technique est neutre, penser que la technique est toujours l'amie de la culture est, à cette heure tardive, de la stupidité pure et simple. Nous en avons vu assez pour savoir que les changements techniques dans les modes de communication sont encore plus chargés d'idéologie que les changements dans les modes de transport. Introduisez l'alphabet dans une culture et vous changez ses habitudes cognitives, ses relations sociales, ses notions de communauté, d'histoire et de religion. Introduisez la presse à imprimer avec des caractères mobiles et vous faites de même. Introduisez la transmission d'images à la vitesse de la lumière et vous faites une révolution culturelle. Sans vote. Sans polémiques. Sans résistance ni guérilla. Voilà l'idéologie pure, sinon sereine. Voilà l'idéologie sans mots, d'autant plus forte qu'elle est silencieuse. La seule chose nécessaire pour que tout se passe de la sorte, c'est que la population soit convaincue du caractère inévitable du progrès.

    Neil Postman, Se distraire à en mourir (1985)

    Photo : Pexels - Harrison Haines

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  • Ellul : "Ce n'est pas la technique qui est mauvaise, c'est l'usage de que l'homme en fait"

    Il ne faut jamais dire: d'un côté la technique, d'un autre des abus ; mais presque toujours rendre compte qu'il y a d'un côté et de l'autre des techniques différentes, répondant à des nécessité diverses, mais inséparablement unies. Tout se tient dans le monde technique, comme dans celui des machines, où il faut distinguer l'opportunité du moyen isolé de l'opportunité du « complexe » mécanique. Et l'on sait que celui-ci doit l'emporter lorsque, par exemple, une machine trop coûteuse ou trop perfectionnée risque de mettre en défaut l'ensemble mécanique.

    La grande idée qui résout, paraît-il tous les problèmes techniques, conduit à dire : ce n'est pas la technique qui est mauvaise, c'est l'usage de que l'homme en fait. Changez l'usage, il n'y aura plus d'inconvénient de la technique...

    Tout d'abord, elle repose manifestement sur une confusion que nous avons déjà dénoncée entre la machine et la technique. L'homme peut évidemment utiliser son auto à faire un voyage ou à écraser ses voisins. Mais à ce moment-là, ce n'est pas un usage, c'est un crime : la machine n'a pas été créée pour cela : le fait est négligeable. Je sais bien que ce n'est pas là ce qu'entendent les tenant de cette explication, mais l'homme oriente sa recherche dans le sens du bien et non dans le sens du mal, que la technique cherche à créer des remèdes, et non des gaz asphyxiants, de l'énergie et non la bombe atomique, des avions de commerce et non des avions de guerre, etc. Cela ramènerait bien à l'homme : c'est lui qui décide dans quel sens orienter les recherches. Il faut donc que l'homme devienne meilleur.

    Mais c'est justement une erreur. C'est méconnaître résolument la réalité technique : ceci supposerait d'abord que l'on oriente la technique dans tel sens pour des motifs moraux, par conséquent non techniques. Or c'est précisément l'un des caractères majeurs de la technique […] de ne pas supporter de jugement moral, d'en être résolument indépendante et d'éliminer de son domaine tout jugement moral. Elle n'obéit jamais à cette discrimination et tend au contraire à créer une morale technique tout à fait indépendante...

    En fait, il n'y a rigoureusement aucune différence entre la technique et son usage. Nous formulerons donc le principe suivant : l'homme est placé devant un choix exclusif, utiliser la technique comme elle doit l'être selon les règles techniques, ou ne pas l'utiliser du tout ; mais impossible d'utiliser autrement que selon les règles techniques".

    Jacques Ellul, La technique ou l'enjeu du siècle (1954)

    Photo : Pexels - Dan Cristian Pădureț

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  • Arendt : Travail et asservissement

    Dire que le travail et l'artisanat étaient méprisés dans l'antiquité parce qu'ils étaient réservés aux esclaves, c'est un préjugé des historiens modernes. Les Anciens faisaient le raisonnement inverse : ils jugeaient qu'il fallait avoir des esclaves à cause de la nature servile de toutes les occupations qui pourvoyaient aux besoins de la vie. C'est même par ces motifs que l'on défendait et justifiait l'institution de l'esclavage. Travailler, c'était l'asservissement à la nécessité, et cet asservissement était inhérent aux conditions de la vie humaine. Les hommes étant soumis aux nécessités de la vie ne pouvaient se libérer qu'en dominant ceux qu'ils soumettaient de force à la nécessité. La dégradation de l'esclave était un coup du sort, un sort pire que la mort, car il provoquait une métamorphose qui changeait l'homme en un être proche des animaux domestiques. C'est pourquoi si le statut de l'esclave se modifiait, par exemple par la manumission, ou si un changement des conditions politiques générales élevait certaines occupations au rang d'affaires publiques, la « nature » - de l'esclave changeait automatiquement.

    L'institution de l'esclavage dans l'antiquité, au début du moins, ne fut ni un moyen de se procurer de la main-d'œuvre à bon marché ni un instrument d'exploitation en vue de faire des bénéfices ; ce fut plutôt une tentative pour éliminer des conditions de la vie le travail. Ce que les hommes partagent avec les autres animaux, on ne le considérait pas comme humain. (C'était d'ailleurs aussi la raison de la théorie grecque, si mal comprise, de la nature non humaine de l'esclave. Aristote, qui exposa si explicitement cette théorie et qui, sur son lit de mort, libéra ses esclaves, était sans doute moins inconséquent que les modernes n'ont tendance à le croire. Il ne niait pas que l'esclave fût capable d'être humain ; il refusait de donner le nom d' »hommes » aux membres de l'espèce humaine tant qu'ils étaient totalement soumis à la nécessité.) Et il est vrai que l'emploi du mot « animal » dans le concept d'animal laborans, par opposition à l'emploi très discutable du même mot dans l'expression animal rationale, est pleinement justifié. L'animal laborans n'est, en effet, qu'une espèce, la plus haute si l'on veut, parmi les espèces animales qui peuplent la terre.

    Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne (1958)

    Photo : Pexels - Christina Morillo

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  • Smith : économie, travail et échange

    Il faut observer que le mot valeur a deux significations différentes ;quelquefois il signifie l'utilité d'un objet particulier, et quelquefois il signifie la faculté que donne la possession de cet objet d'en acheter d'autres marchandises. On peut appeler l'une, Valeur en usage, et l'autre, Valeur en échange. - Des choses qui ont la plus grande valeur en usage n'ont souvent que peu ou point de valeur en échange ; et, au contraire, celles qui ont la plus grande valeur en échange n'ont souvent que peu ou point de valeur en usage. Il n'y arien de plus utile que l' eau, mais elle ne peut presque rien acheter ; à peine y a-t-il moyen de rien avoir en échange. Un diamant, au contraire, n'a presque aucune valeur quant à l'usage, mais on trouvera fréquemment à l'échanger contre une très grande quantité d'autres marchandises.

    Ainsi la valeur d'une denrée quelconque pour celui qui la possède, et qui n'entend pas en user ou la consommer lui-même, mais qui a l'intention de l'échanger pour autre chose, est égale à la quantité de travail que cette denrée le met en état d'acheter ou de commander.

    Le travail est donc la mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise... Elles [les marchandises] contiennent la valeur d'une certaine quantité de travail, que nous échangeons pour ce qui est supposé alors contenir la valeur d'une quantité égale de travail. Le travail a été le premier prix, la monnaie payée pour l'achat primitif de toutes choses. Ce n'est point avec de l'or ou de l'argent, c'est avec du travail, que toutes les richesses du monde ont été achetées originairement, et leur valeur pour ceux qui les possèdent et qui cherchent à les échanger contre de nouvelles productions, est précisément égale à la quantité de travail qu'elles le mettent en état d'acheter ou de commander.

    Adam Smith, Recherches sur la nature et sur les causes de la richesse des nations (1776)

    Photo : Pexels - David McBee

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  • Weber : L'éthique protestante dans la civilisation moderne

    L'un des éléments fondamentaux de l'esprit du capitalisme, et non seulement de celui-ci, mais de la civilisation moderne elle-même, à savoir la conduite rationnelle fondée sur l'idée de Beruf, est né de l'esprit de l'ascétisme chrétien - c'est ce que notre exposé s'est efforcé dedémontrer. Si nous relisons à présent le passage de Franklin cité au début de cette étude nous verrons que les éléments essentiels de l'attitude que nous avons alors appelée "esprit du capitalisme" sont précisément ceux que nous avons trouvé être le contenu de l'ascétisme puritain du métier, mais dépourvus du fondement religieux déjà fort affaibli chez Franklin. L'idée que le travail moderne est marqué du sceau de l'ascétisme n'est certes pas nouvelle. Se borner à un travail spécialisé, et par suite renoncer à l'universalité faustienne de l'homme, telle est la condition de toute activité fructueuse dans le monde moderne ; ainsi, de nos jours, "action" et "renoncement" se conditionnent fatalement l'un et l'autre.

    Le puritain voulait être un homme besogneux - et nous sommes forcés de l'être. Car lorsque l'ascétisme se trouva transféré de la cellule des moines dans la vie professionnelle et qu'il commença à dominer la moralité séculière, ce fut pour participer à l'édification du cosmos prodigieux de l'ordre économique moderne. Ordre lié aux conditions techniques et économiques de la production mécanique et machiniste qui détermine, avec une force irrésistible, le style de vie de l'ensemble des individus nés dans ce mécanisme - et pas seulement de ceux que concerne directement l'acquisition économique. Peut-être le déterminera-t-il jusqu'à ce que la dernière tonne de carburant fossile ait achevé de se consumer. Selon les vues de Baxter, le souci des biens extérieurs ne devait peser sur les épaules de ses saints qu'à la façon d'"un léger manteau qu'à chaque instant l'on peut rejeter".

    Mais la fatalité a transformé ce manteau en une cage d'acier.

    Max Weber, L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme (1920)

    Photo : Pexels - Jakub Zerdzicki

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  • Le Café Philo prend quelques jours de vacances

    Le Café Philosophique de Montargis prend quelques jours de vacances.

    Nous sommes de retour très bientôt.

    Prochaine séance le vendredi 26 septembre avec une "Triple tournée pour le Café Philo" !

    Photo : Pexels - Pixabay

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  • Hume : La perception du temps

    De même que nous recevons l'idée d'espace de la disposition des objets visibles et tangibles, de même nous formons l'idée de temps de la succession des idées et des impressions ; et il est impossible que le temps puisse jamais se présenter ou que l'esprit le perçoive isolément.

    David Hume, Traité de la nature humaine (1739)

    Photo : Pexels- Moose Photos

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  • Machiavel : De la difficulté d'être libre

    716opcLR+7L._UF1000,1000_QL80_.jpgS'il est difficile aux États nés libres, mais dont les principes de liberté se sont relâchés d'eux-mémes, comme à Rome, de trouver des lois capables de maintenir leur liberté, il n'est pas étonnant que des États qui ont commencé dans la servitude éprouvent, je ne dis pas de la difficulté, mais même une véritable impossibilité à se constituer de manière à pouvoir vivre à la fois libres et tranquilles.

    Nicolas Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live (1531)

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  • Pascal : "Nous ne nous tenons jamais au temps présent"

    Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l'avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé pour l'arrêter comme trop prompt : si imprudents, que nous errons dans les temps qui ne sont point nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient ; et si vains, que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons (1) sans réflexion le seul qui subsiste. C'est que le présent, d'ordinaire, nous blesse. Nous le cachons à notre vue, parce qu'il nous afflige ; et, s'il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l'avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance pour un temps où nous n'avons aucune assurance d'arriver.

    Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l'avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir. Le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais.

    Blaise Pascal, Pensées (+1662)

    Photo : Pexels - Thirdman

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  • Kant : Liberté et détermination

    On appelle quelquefois effet libre ce dont le principe naturel de détermination réside intérieurement dans l'être agissant, par exemple, ce qu'accomplit un corps lancé dans l'espace, quand il se meut librement ; dans ce cas, on emploie le mot liberté parce que le corps, tandis qu'il est en marche, n'est poussé par rien d'extérieur ; nous nommons de même encore le mouvement d'une montre, un mouvement libre parce qu'elle fait tourner elle-même son aiguille qui n'a pas besoin par conséquent d'être poussée extérieurement ; de même nous appelons libres les actions de l'homme, quoique par leurs principes de détermination qui précèdent dans le temps, elles soient nécessaires : c'est qu'il s'agit de représentations intérieures nées de nos propres forces, par là de désirs excités selon les circonstances et par conséquent ce sont des actions faites selon notre bon plaisir. Ce serait un misérable expédient par lequel quelques hommes se laissent encore leurrer : ils pensent avoir résolu, par une petite chicane de mots, ce problème difficile à la solution duquel tant de siècles ont vainement travaillé ; il n'est guère probable qu'on puisse s'arrêter à une solution si superficielle. En effet, il ne s'agit pas du tout de savoir si la causalité est nécessairement déterminée d'après une loi de nature par des principes de détermination dans le sujet ou en dehors de lui.

    Si ces représentations déterminantes, d'après l'aveu même de ces mêmes hommes, ont la raison de leur existence dans le temps et dans l'état antérieur, celui-ci dans un état précédent et ainsi de suite, ces déterminations peuvent être intérieures, avoir une causalité psychologique et non mécanique, c'est-à-dire produire l'action par des représentations et non par du mouvement corporel, ce sont toujours des principes déterminants de la causalité d'un être, en tant que son existence peut être déterminée dans le temps et par conséquent soumis aux conditions nécessitantes du temps passé, qui, par conséquent, ne sont plus au pouvoir du sujet quand il doit agir. Ils impliquent donc à vrai dire la liberté psychologique (...), mais aussi la nécessité naturelle, et par suite ne laissent pas subsister une liberté transcendantale qui doit être conçue comme indépendante à l'égard de tout élément empirique et par conséquent de la nature en général.

    Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Analytique de la raison pure pratique (1781)

    Photo : Pexels - Ferdinand Studio

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  • Sartre : "L'homme est d'abord ce qui se jette vers un avenir"

    Qu'est-ce que signifie ici que l'existence précède l'essence ? Cela signifie que l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde et qu'il se définit après. L'homme, tel que le conçoit l'existentialisme, s'il n'est pas définissable, c'est qu'il n'est d'abord rien. Il ne sera qu'ensuite et il sera tel qu'il se sera fait. Ainsi il n'y a pas de nature humaine, puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir...

    L'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait. Tel est le premier principe de l'existentialisme... L'homme est d'abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans l'avenir...

    Mais si vraiment l'existence précède l'essence, l'homme est responsable de ce qu'il est. Ainsi la première démarche de l'existentialisme est de mettre tout homme en possession de ce qu'il est et de faire reposer sur lui la responsabilité totale de son existence. Et quand nous disons que l'homme est responsable de lui-même, nous ne voulons pas dire que l'homme est responsable de sa stricte individualité, mais qu'il est responsable de tous les hommes.

    Jean-Paul Sartre, L'existentialisme est un humanisme (1946)

    Photo : Pexels - Karolina Grabowska

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  • Rousseau : L'homme n'est libre qu'à la faveur de la loi naturelle

    Il n'y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu'un est au dessus des lois ; dans l'état même de nature l'homme n'est libre qu'à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n'obéit qu'aux lois et c'est par la force des lois qu'il n'obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu'on donne dans les républiques au pouvoir des magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l'enceinte sacrée des lois : ils en sont les ministres, non les arbitres, ils doivent les garder, non les enfreindre Un peuple est libre, quelque forme qu'ait son gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l'homme, mais l'organe de la loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain.

    Jean-Jacques Rousseau

    Photo : Pexels - Emmylou

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  • Leibniz : L'attente de l'avenir

    Il est vrai qu'encore la raison conseille qu'on s'attende pour l'ordinaire à voir arriver à l'avenir ce qui est conforme à une longue expérience du passé, mais ce n'est pas pour cela une vérité nécessaire et infaillible, et le succès peut cesser quand on s'y attend le moins, lorsque les raisons changent qui l'ont maintenu. C'est pourquoi les plus sages ne s'y fient pas tant qu'ils ne tâchent de pénétrer quelque chose de la raison (s'il est possible) de ce fait pour juger quand il faudra faire des exceptions. Car la raison est seule capable d'établir des règles sûres et de suppléer ce qui manque à celles qui ne l'étaient point, en y insérant leurs exceptions ; et de trouver enfin des liaisons certaines dans la force des conséquences nécessaires ce qui donne souvent le moyen de prévoir l'événement sans avoir besoin d'expérimenter les liaisons sensibles des images où les bêtes sont réduites, de sorte que ce qui justifie les principes internes des vérités nécessaires distingue encore l'homme de la bête.

    Leibniz

    Photo : Pexels - Moose Photos

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  • Sartre : L'homme libre

    S'il est impossible de trouver en chaque homme une essence universelle qui serait la nature humaine, il existe pourtant une universalité humaine de condition. Ce n'est pas par hasard que les penseurs d'aujourd'hui parlent plus volontiers de la condition de l'homme que de sa nature. Par condition ils entendent avec plus ou moins de clarté l'ensemble des limites a priori qui esquissent sa situation fondamentale dans l'univers. Les situations historiques varient : l'homme peut naître esclave dans une société païenne ou seigneur féodal ou prolétaire. Ce qui ne varie pas, c'est la nécessité pour lui d'être dans le monde, d'y être au travail, d'y être au milieu d'autres et d'y être mortel. Les limites ne sont ni subjectives ni objectives ou plutôt elles ont une face objective et une face subjective. Objectives parce qu'elles se rencontrent partout et sont partout reconnaissables, elles sont subjectives parce qu'elles sont vécues et ne sont rien si l'homme ne les vit, c'est-à-dire ne se détermine librement dans son existence par rapport à elles. Et bien que les projets puissent être divers, au moins aucun ne me reste-t-il tout à fait étranger parce qu'ils se présentent tous comme un essai pour franchir ces limites ou pour les reculer ou pour les nier ou pour s'en accommoder.

     Sartre, L'Existentialisme est un Humanisme (1946)

    Photo : Pexels - Olga

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  • S. Augustin : Qu'est-ce que le temps ?

    Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais : mais que je veuille l'expliquer à la demande, je ne le sais pas ! Et pourtant - je le dis en toute confiance - je sais que si rien ne se passait il n'y aurait pas de temps passé, et si rien n'advenait, il n'y aurait pas d'avenir, et si rien n'existait, il n'y aurait pas de temps présent. Mais ces deux temps, passé et avenir, quel est leur mode d'être alors que le passé n'est plus et que l'avenir n'est pas encore ? Quant au présent, s'il était toujours présent sans passer au passé, il ne serait plus le temps mais l'éternité.

    Si donc le présent, pour être du temps, ne devient tel qu'en passant au passé, quel mode d'être lui reconnaître, puisque sa raison d'être est de cesser d'être, si bien que nous pouvons dire que le temps a l'être seulement parce qu'il tend au néant...

    Enfin, si l'avenir et le passé sont, je veux savoir où ils sont. Si je ne le puis, je sais du moins que, où qu'ils soient, ils n'y sont pas en tant que choses futures ou passées, mais sont choses présentes. Car s'ils y sont, futur il n'y est pas encore, passé il n'y est plus. Où donc qu'ils soient, quels qu'ils soient, ils n'y sont que présents.

    Quand nous racontons véridiquement le passé, ce qui sort de la mémoire, ce n'est pas la réalité même, la réalité passée, mais des mots, conçus d'après ces images qu'elle a fixées comme des traces dans notre esprit en passant par les sens.

    Saint Augustin, Confessions (Ve s.)

    Photo : Pexels - JÉSHOOTS

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  • Bergson : Philosophie et art

    La philosophie n'est pas l'art, mais elle a avec l'art de profondes affinités. Qu'est-ce que l'artiste ? C'est un homme qui voit mieux que les autres car il regarde la réalité nue et sans voiles. Voir avec des yeux de peintre, c'est voir mieux que le commun des mortels. Lorsque nous regardons un objet, d'habitude, nous ne le voyons pas; parce que ce que nous voyons, ce sont des conventions interposées entre l'objet et nous ; ce que nous voyons, ce sont des signes conventionnels qui nous permettent de reconnaître l'objet et de le distinguer pratiquement d'un autre, pour la commodité de la vie. Mais celui qui mettra le feu à toutes ces conventions, celui qui méprisera l'usage pratique et les commodités de la vie et s'efforcera de voir directement la réalité même, sans rien interposer entre elle et lui, celui-là sera un artiste. Mais ce sera aussi un philosophe, avec cette différence que la philosophie s'adresse moins aux objets extérieurs qu'à la vie intérieure de l'âme.

    Henri Bergson, "Conférence de Madrid sur l'âme humaine" , in Mélanges (1885-1892)

    Photo : Pexels - Jose Antonio Gallego Vázquez

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  • Hegel : Artiste et/ou philosophe

    Si l'artiste pense à la manière du philosophe, il produit alors une oeuvre précisément opposée à celle de l'art, quant à la forme sous laquelle l'idée nous apparaît; car le rôle de l'imagination se borne à révéler à notre esprit la raison et l'essence des choses, non dans un principe ou une conception générale, mais dans une forme concrète et dans une réalité individuelle. Par conséquent tout ce qui vit et fermente dans son âme, l'artiste ne peut se le représenter qu'à travers les images et les apparences sensibles qu'il a recueillies, tandis qu'en même temps il sait maîtriser celles-ci pour les approprier à son but et leur faire recevoir et exprimer le vrai en soi d'une manière parfaite. Dans ce travail intellectuel qui consiste à façonner et à fondre ensemble l'élément rationnel et la forme sensible, l'artiste doit appeler à son aide à la fois une raison active et fortement éveillée et une sensibilité vive et profonde. C'est donc une erreur grossière de croire que des poèmes comme ceux d'Homère se sont formés comme un rêve pendant le sommeil du poète. Sans la réflexion qui sait distinguer, séparer, faire un choix, l'artiste est incapable de maîtriser le sujet qu'il veut mettre en oeuvre, et il est ridicule de s'imaginer que le véritable artiste ne sait pas ce qu'il fait.

    Hegel, Esthétique (1835)

    Photo : Pexels - Như Vân (Wind’s Buddha)

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  • Hegel : Le but de l'art

    Le but de l'art, son besoin originel, c'est de produire aux regards une représentation, une conception née de l'esprit, de la manifester comme son œuvre propre; de même que, dans le langage, l'homme communique ses pensées et les fait comprendre à ses semblables. Seulement, dans le langage, le moyen de communication est un simple signe, à ce titre, quelque chose de purement extérieur à l'idée et d'arbitraire.

    L'art, au contraire, ne doit pas simplement se servir de signes, mais donner aux idées une existence sensible qui leur corresponde. Ainsi, d'abord, l'œuvre d'art, offerte aux sens, doit renfermer en soi un contenu. De plus, il faut qu'elle le représente de telle sorte que l'on reconnaisse que celui-ci, aussi bien que sa forme visible, n'est pas seulement un objet réel de la nature, mais un produit de la représentation et de l'activité artistique de l'esprit. L'intérêt fondamental de l'art consiste en ce que ce sont les conceptions objectives et originelles, les pensées universelles de l'esprit humain qui sont offertes à nos regards.

    Hegel, Esthétique (1835)

    Photo : Pexels - Una Laurencic

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  • Triple tournée pour le Café Philo (après les vacances !)

    Le Café Philosophique de Montargis fixe d'ores et déjà son prochain rendez-vous le 26 septembre prochain à la Médiathèque de Montargis (sous réserve).

    Pour cette séance, ce n'est pas un mais trois débats qui seront proposé. Les participants seront invités à discuter de trois sujets proposés cette année au Bac de Philo  : "Notre avenir dépend-il de la technique ?", "Sommes-nous libres en toutes circonstances ? et "Avons-nous besoin d’art ?"

    Photo : Pexels - Anastasiya Gepp

    Affiche ici

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