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Philo-galerie - Page 2

  • COMPTE RENDU DE LA DERNIÈRE SÉANCE

    Thème du débat : "Mes passions sont-elles des entraves à ma liberté?"

    Date : 4 novembre 2011 à la Brasserie du centre commercial de la Chaussée.

    De 45 à 50 personnes étaient présentes pour ce café philosophique consacré aux passions.

    Claire et Bruno commencent cette séance par un tour de table et poser cette double question : qui a une passion et cette passion peut-elle être un obstacle à la liberté individuelle ? Deux participants interviennent et évoquent leur passion respective. L’un des deux considère que sa passion peut devenir chronophage si l’on n’y prend pas garde. La liberté de s’adonner à une activité "passionnante" peut du même coup nous enferrer et condamner tout autre aspect de la vie. En ce sens, la passion devient aliénante et devient un obstacle à notre liberté. Une participante insiste sur le fait que la passion est ce qui nous construit. S’y consacrer librement c’est choisir de donner un sens à notre vie. Elle peut aussi être un moyen de dépassement : "Rien de grand dans le monde ne s’est accompli sans passion." (Hegel). Un participant considère à son tour sa passion comme un aspect constructif de son existence mais aussi comme un extrême danger pour sa vie personnelle et pour sa liberté individuelle. La passion peut assurément détruire et mettre en danger des couples et des familles. Par ailleurs, il convient de prendre à contre-pied la posture traditionnelle qui considère la passion comme une force d’inertie. Au contraire, il apparaît que la passion n’a rien de passive : elle agit et motive l’action (Kant, Anthropologie, §80). Elle est le fruit de l’intellect. Rappelons que les animaux n’ont pas de passion.

    Dans la droite lignée de cette réflexion une question apparaît : peut-on n’avoir aucune passion ? Est-ce possible et souhaitable ? Une participante répond par l’affirmatif : son absence de passion ne l’empêche pas de se sentir pleinement en accord avec elle-même. Si elle n’a pas à proprement parlé de passions, ses centres d’intérêts sont par contre nombreux. Une autre personne abonde dans ce sens, ajoutant que faute de passion, tel(le) ou tel(le) s’ouvrira librement – et plus librement sans doute que certains passionnés – vers des centres d’intérêt variés. Plus tard dans la séance, l’accent sera mis sur cette notion de centre d’intérêt parfois confondu avec la notion de passion, la passion se caractérisant, selon Bruno, par la notion d’intensité. L’absence de passion est d’emblée une affirmation et une posture surprenante, pour ne pas dire provocatrice. La passion semble être devenu un fait majeur de nos sociétés occidentales. Une opinion courante semble imposer que tout un chacun règle sa vie à ce diapason : on doit être passionné dans sa vie amoureuse, dans sa vie professionnelle (n’est-ce pas un non-sens ?) et cultiver ses passions : qui vit sans passion "n’est pas digne de vivre" pour paraphraser Molière (Don Juan)

    Un participant objecte que si la passion est importante dans notre société c’est qu’elle est un puissant indicateur de la valeur potentielle d’un individu, dans une entreprise par exemple. Pour preuve, les CV contiennent une rubrique "centre d’intérêt" (où, d’ailleurs, singulièrement, les "passions" trouveront leur place) destinée à décrire les potentielles passions du candidat. Cette rubrique est si peu anecdotique que les jeunes diplômés sont très souvent jugés d’après celle-ci. Sans nul doute, la passion façonne un individu autant qu’elle est un marqueur social.

    Une autre question est de savoir si une passion peut se choisir ou si elle nous choisit. Claire propose de revenir à la définition stricto sensu de ce terme. La passion (du latin passio ; pathos - πάθος - en grec) évoque la souffrance (la "Passion du Christ"). Il y a derrière cette acception quelque chose de mystique dans la passion. La liberté, au contraire, est de l’ordre du rationnel et de l’intentionnel. N’est-ce pas antinomique ? Or, ce serait aller vite en besogne que de restreindre la passion à un concept indépendant de notre volonté, de notre liberté. En effet, le désir (de sidus, "l’astre perdu") de la passion, contingent par nature, est de l’ordre de l’élection, s’oppose au besoin à satisfaire, nécessaire et dont font partie le boire ou le manger. Ce qui ne veut pas dire que la passion ne soit pas ressentie comme un "besoin" presque vital, comme une pulsion psychique qui nous déborde. Les théories de Freud peuvent nous aider à comprendre la puissance de ces forces.  

    Oui, la passion semble, aux dires des participants, nous tomber dessus ! D’ailleurs, le propre du pathos est d’être subi. Peut-on comprendre autrement que le crime passionnel soit en général moins sévèrement puni ? La notion de responsabilité – et, par là, de liberté – se pose. La passion nous submergerait comme elle accapare le tueur en série (Dexter !), incapable de lutter. Cet exemple extrême cache mal le bonheur que tel ou tel ressent lorsqu’il découvre sa passion (ou ses passions) et s’y adonne corps et âmes. La déception peut bien entendu être au rendez-vous, tels ces "artistes du dimanche" enthousiastes mais peu doués à qui l’on souhaiterait conseiller d’abandonner cette voie, mus par une pulsion parfois indicible.

    "Le passionné est-il fatalement chiant ?"

    Car le passionné, qui peut susciter admiration et fascination, est parfois ce personnage hors de la société, obnubilé par cette activité qui guide sa vie. "Le passionné est-il fatalement chiant ?" Ou bien n’est-ce pas d’abord qu’une question de personnalité ? La personne timide ou réservée va avoir tendance à taire ce qui meut sa vie ; cela n’augure pas la force de sa passion. 

    Un participant souhaite catégoriser la passion en deux grands types : la passion assumée telle quelle, comme un choix. Ce sera l’artisan ne comptant pas ses heures ou bien la passionnée d’animaux choisissant de consacrer sa vie professionnelle à une activité en rapport avec eux. D’autre part, il y a la passion aliénante : ce coup de foudre qui vous frappe, source de bonheur autant que de souffrance. De telles passions regorgent dans la littérature et le cinéma (un exemple ici). Une question est posée : il semblerait que la passion ait suscité la méfiance, pour ne pas dire la défiance ; en a-t-il été autrement ? Bruno répond que malgré les propos sévères de certains penseurs – tel Alain qui a une mauvaise opinion de l’amour et de la passion qui n’engendrerait que mesquinerie et médiocrité – certains philosophes se sont fait les défenseurs de la passion : Hegel par exemple. Pour en savoir plus, cliquez ici.

    Si la passion peut être une contrainte à notre liberté, la solution ne pourrait-elle pas être de la maîtriser, la contraindre dans des bornes ? Véronique Ovaldé, écrivain, a dit, par exemple, qu’elle avait aménagé chez elle un minuscule bureau sous un escalier et travaillait à sa passion la nuit, en dehors de son travail pour un important éditeur. Pour la plupart des gens présents, la passion doit s’appréhender de cette manière, en la contenant dans des bornes spatiales et/ou temporelles, afin qu’elle ne vampirise pas le passionné et/ou ses proches. Une participante objecte que si la passion est maîtrisée, elle perd du même coup sa faculté de passion. L’est-elle toujours ? Voire. La passion, rappelle-t-elle, est souffrance. Une passion réfrénée aurait tendance à s’édulcorer et à ne devenir qu’un centre d’intérêt plus ou moins vif. Faute d’intensité, sans doute la passion perd-elle de sa nature ; peut-être même en perd-elle même la nature.

    Pour conclure, Bruno insiste sur le fait que les passions, non content d’être intimement liées à la liberté individuelle, nous construisent personnellement. Existe-t-il de bonnes ou de mauvaises passions ? La question n’a pas de sens car les passions sont avant tout un mouvement. D’ailleurs, si l’on va sur ce chemin, la classification des passions n’est qu’historique (cf. Barthes : "Ce n’est plus le sexuel qui est indécent, mais le sentimental", Roland Barthes, Fragments d’un Discours amoureux). Les passions sont donc toutes bonnes par nature comme le dit Descartes. Finalement, rejeter la passion n’a pas de sens car cela équivaudrait à adopter à son tour une attitude passionnée à leur encontre ! Il convient de dédramatiser les passions et de les comprendre. Les penser. Les rationaliser afin qu'elles ne soient pas un obstacle à notre liberté. Ce faisant, cela implique de rattacher nos passions à la nécessité comme le dit Spinoza. C’est comprendre leur origine, être capable de les prévoir et de les maîtriser. Nos passions deviennent alors des actions que nous cessons de subir. Pour Hegel, la passion en soi n’a pas d’intérêt : elle n’est qu’un instrument, certes parfois magnifié. La passion doit être l’instrument de la raison !

    Le débat se termine par le choix du sujet suivant. La majorité de l’assistance vote pour le sujet "Les riches le méritent-ils ?" Rendez-vous est pris le vendredi 9 décembre, même lieu, même heure.

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  • COMPTE RENDU DE LA DERNIÈRE SÉANCE

    Thème du débat : "La vie n'est-elle qu'une suite de hasards ?"

    Date : 30 septembre 2011 à la Brasserie du centre commercial de la Chaussée.

    Environ 45 personnes étaient présentes pour ce premier café philosophique de la saison. Le sujet choisi était particulièrement ardu puisqu’il portait sur le hasard, un concept, dit Bruno, qui a toujours posé problème aux philosophes, lorsqu’il n’a pas été purement et simplement dénié. Pourquoi cette négation ?

    Claire et Bruno proposent de partir d’un exemple. Anne-Marie est une femme qui a des années vécue seule. Elle a fait confiance à sa bonne étoile pour trouver une personne avec qui elle vivrait mais force est de constater que sa destinée ne lui a pas été favorable. Si bien que, jusque vers l’âge de quarante ans, elle reste célibataire. Un jour, un banal accrochage de voiture inopinée la conduit à la gendarmerie. Elle se retrouve nez à nez avec un homme qui ne la laisse pas indifférente. Répondant à son invitation, elle accepte de le revoir, commençant une idylle et une nouvelle vie : "le hasard fait bien les choses", dira-t-elle à leur mariage ! Anne-Marie et cet homme – nous l’appellerons Paul – se marient et vivent ensemble une dizaine d’années, des années heureuses qui confortent Anne-Marie dans sa vision d’une bonne étoile protectrice. Un soir, cependant, la gendarmerie où travaille Paul l’appelle : un accident de voiture a eu lieu. Son mari vient de décéder : une nouvelle fois, le hasard a frappé a sa porte. Un hasard tragique, cette fois.

    Le hasard fait-il les choses ? Il semble y avoir une contradiction à dire cela. Le hasard c’est la contingence. Alors, plutôt que de hasard, peut-on parler ici de prédestination comme guide de l’action guidée par une intelligence supérieure derrière cette suite d’événements ?

    Une première participante émet l’avis que selon elle "rien n’arrive par hasard" (une première négation du hasard) : chacun a un rôle à jouer dans sa vie, même si nous n’en sommes pas conscients. Cette opinion est contestée par plusieurs autres participants qui donnent au hasard une place importante, sans toutefois faire du hasard l’alpha et l’oméga de notre existence : le monde ne serait pas qu’un "vaste chantier sans architecte et sans fin" comme le sous-entendait le poète épicurien du Ier siècle av. J.C. Lucrèce !

    Qu’est-ce donc que le hasard ? Une suite d’événements chaotiques ? La manifestation d’une intelligence supérieure qui nous guiderait tels des pantins ? Finalement, le hasard ne serait que l’interprétation d’événements chaotiques et/ou incompréhensibles (Freud). Ainsi, un participant évoque l’exemple de la naissance du genre humain, provoquée par la chute "hasardeuse" d’une météorite. À cette remarque, un autre participant rebondit en s’interrogeant s’il ne s’agit pas de "science" plutôt que de hasard. Tout est histoire d’interprétation.

    Le hasard ne serait-il donc pas l’ennemi de la raison ? Les philosophes auraient tendance à le penser, tant le hasard, "ce mal-aimé", leur a donné du fil à retordre. Bruno rappelle l’étymologie du terme : le mot hasard tire son origine de l’arabe "az-zahr", le jeu de dés. De ce mot, on en a tiré un autre : "as", le premier chiffre de ce jeu de dés (cf. également cet article).

    Force est de constater que les philosophes n’aiment pas le hasard : face au chaos originel, au désordre, au hasard, l’intelligence humaine répond par le savoir, la science, la compréhension : "Au commencement était le chaos, puis vint l'intelligence qui débrouilla tout" (Anaxagore). Pour Confucius, "La vie de l'homme dépend de sa volonté ; sans volonté, elle serait abandonnée au hasard."  Vain combat, tant le hasard s’entête à guider des pans entiers de notre existence.

    Si la vie est une suite de hasards ou même s’il faut composer avec lui, alors la liberté n’existe pas. Qu’est-ce que le libre-arbitre ? On ne peut donc pas rationnellement se soumettre au seul hasard. D’ailleurs, pour Démocrite, "Tout ce qui existe dans l'univers est le fruit du hasard et de la nécessité." Les penseurs ont très vite cherché à repousser la place du hasard, synonyme de chaos et de désordre, comme de la Fortuna (ou "la Fortune", qui distribue aveuglément coups du sort et bonheur). Leucippe, (v. -460 - -370) affirme ceci : "Aucune chose ne devient sans cause, mais tout est l'objet d'une loi [raison] (λόγος), et sous la contrainte de la nécessité". Plus tard, avec l’avènement du christianisme, les philosophes chrétiens voient dans Dieu le principe d’une nécessité souveraine abolissant le chaos et le hasard : "Ce que nous appelons le hasard n'est que notre incapacité à comprendre un degré d'ordre supérieur" dit Jean Guitton.

    Pour beaucoup de penseurs donc, le hasard est l’opposé de la raison, l’opposé de l’intelligence et la négation de la liberté. Ainsi, être libre c’est être le maître absolu omniscient et omniprésent de son action. C’est un ennemi tenace qui a la peau dure car on a beau "raboter le hasard il en reste toujours quelque chose".

    Un participant considère pourtant que le hasard fait partie intégrante de la raison et de la science. Darwin a ainsi fait du hasard une composante de sa théorie de l’évolution des espèces, ce qui n’a pas été sans lui donner des problème de conscience religieuse.

    Loin d’être ce trou noir inexorable, le hasard peut en outre être paré de toutes les vertus. On peut penser alors à ces jeux de hasard, si populaires ! Ne pourrait-on pas les identifier à cette Bonne Fortune (Fortuna) ancestrale chargée de distribuer les bienfaits sans distinction ? Une Bonne Fortune que l’on peut également parer – à tort ou à raison – des atours des statistiques ! 

    Finalement, le hasard, qu’il soit bienvenu ou non, est la condition de notre liberté. C’est à nous qu’il convient  soit de l’accueillir avec bienveillance, soit de l’affronter avec le courage sartrien ! C’est dans le sens que l’on donne à la situation que se trouve ou pas le hasard. L’action donc me dépasse ; mais attention à la mauvaise foi ! Claire propose que le vrai homme sage irait prendre jusqu’à la posture des Stoïciens pour qui l’on ne devrait se préoccuper que de ce qui dépend de nous et considérer comme négligeable ce qui nous échappe (et la mort en fait partie !). (Manuel d’Épictète) Une posture ambitieuse et difficilement réalisable.

    Pour les croyants ou ceux qui font confiance au pari de Pascal, le hasard peut être la manifestation voire la chance d’une puissance supérieure (un dieu ?). Dans tous les cas, le hasard (ou les hasards), pour chaotique qu’il apparaisse et parce qu’il sait nous surprendre, nous émouvoir (qu’on pense aux arts aléatoires : ce compte-rendu est d'ailleurs illustré de reproductions de peintures faisant appel à cela, cf. infra), nous heurter, doit être considéré et pensé avec étonnement. L’étonnement qui est, comme le disait Platon (Téétète), la première étape vers la philosophie !

    Ce café philosophique s’achève par le vote du thème du prochain débat. Le choix se porte sur ce sujet : "Mes passions sont-elles des entraves à ma liberté ?" Rendez-vous le 4 novembre 2011 à la Brasserie du centre commercial de la Chaussée, à 18H30.

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  • COMPTE RENDU DE LA DERNIÈRE SÉANCE

    Thème du débat : "Qui dit "jeune" dit-il forcément "con" ?"

    Date : 22 juillet 2011 à la Brasserie du centre commercial de la Chaussée.

    Une quarantaine de personnes s’étaient réunies à la Brasserie du centre commercial de la Chaussée pour la dernière séance de la deuxième saison du café philosophique de Montargis. Ce débat avait pour thème "Qui dit "jeune" dit-il forcément "con" ?" Les organisateurs, Claire et Bruno, ont tenu en début de séance à remercier les personnes qui ont aidé à la réussite de cette saison, en particulier le responsable de la brasserie de la Chaussée. Un petit mot a également été dit pour le soutien des Bons Plans de Montargis. Claire a souligné les moments forts de cette saison : le débat sur l’art, celui sur le livre Indignez-vous ! et le remarquable débat avec Catherine Armessen sur la manipulation sectaire en juin dernier.

    Les organisateurs mais aussi les participants du café philosophique ont, en préambule de ce débat, déploré que quelques jours avant le débat les affiches annonçant le rendez-vous de vendredi dernier ont été consciencieusement arrachées. Peut-être s’agissait d’une illustration du débat de ce jour ?

    Le débat du 22 juillet entendait s’intéresser à un poncif stigmatisant la jeunesse comme l’âge par définition stupide. Bruno a placé cette croyance dans son contexte sociologique, qui permet de définir ce qu’est un adulte. "Pendant des siècles, dans nos sociétés, l’existence humaine se partageait en deux périodes : l’enfance et l’âge adulte. Le seul objectif d’un être humain était d’arriver à l’âge adulte par l’éducation et l’apprentissage. L’enfance et l’adolescence étaient finalement considérées comme des âges sans grand intérêt." L’enfant, ajoute Bruno, est étymologiquement l’infans c’est-à-dire "l’être dénué de paroles". L’adulte a pour mission de le sortir de sa "stupidité naturelle" ("sa connerie") pour lui faire acquérir autonomie et sagesse, ce que tout adulte est censé posséder ! Ce n’est qu’à partir du XVIIIème siècle avec Jean-Jacques Rousseau puis la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen que l’enfance est sortie de cette antichambre. Le terme d'adolescent apparaît quelques décennies plus tard. Au XXème siècle, Françoise Dolto est l’une des premières à considérer l’enfant comme un être doué de raison.

    Les participants du café philosophique ont longuement discuté sur ce que représentent aujourd’hui les adultes et les jeunes. "Qu’est-ce qu’être adulte ?" s’interroge Bruno. "Est-ce avoir un travail, une famille, des enfants ?" Un débattant considère qu’être adulte c’est avoir le sens de sa propre destinée et avoir les moyens d’atteindre ses objectifs. Cette notion d’adulte a aujourd’hui des contours plus flous : on est adulte plus tard ("adulescence"), au terme d’une longue période scolaire et on se trouve éjecté du monde du travail très tôt. Force est de constater que le jeune d’aujourd’hui n’est pas celui de 1968, qui n’était pas celui de 1940 pas plus que celui de 1914. Quant à parler de "stupidité" de la jeunesse, un participant ajoute justement que "statistiquement" il est impossible d’avoir 100% d’une tranche d’âge décérébrée…

    Ce qui est vrai, par contre, ajoute une autre personne, c’est que le jeune d’aujourd’hui n’est pas aimé : il est méprisé, caricaturé et considéré comme un vulgaire consommateur. Cette participante considère en outre que l'âge de la maturité civique arrive bien trop tôt : scientifiquement et physiologiquement, 21 ans devrait être choisi, ce qui, certes, va à l'encontre du discours officiel.

    En réponse à ceux qui voudraient voir la jeunesse comme une génération sans but (au contraire de ce qui s’est passé dans les pays arabes), nombre de voix soulignent que les jeunes sont parfaitement lucides sur notre société mais en revanche très critiques sur la classe d’âge de leurs aînés qui les gouvernent, déconsidérés pour la plupart. Finalement, voir le jeune comme un être incapable de penser n’arrange-t-il pas les puissants (les "gérontocrates") ?

    La notion d’apprentissage a été longuement discutée au cours de cette soirée. On devient adulte au terme d’une période d’instruction, d’éducation et d’initiation. Claire ajoute que les rites d’initiation ont pratiquement disparu de nos sociétés occidentales, le baccalauréat pouvant être considéré comme un de nos derniers rites d’initiation. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la philosophie est enseignée uniquement durant cette année de Terminale : l’Éducation Nationale, via ses bulletins officiels, considère que le jeune n’est pas apte à être pleinement autonome par la pensée avant cette dernière année de lycée.

    Les participants du café philosophique en viennent à s’interroger sur cette période d’instruction strictement définie dans le temps : la société considère que l’on ne peut apprendre qu’à un certain âge, ni avant, ni après : l’enfant en école maternelle ou primaire ne pourrait pas utiliser pleinement son entendement (ce contre quoi se battent les organismes Philosophy for Children ou le GREPH) et l’adulte, comme le disait Platon dans Gorgias, se rendrait ridicule s’il continue à philosopher.

    Deux poètes et chanteurs viennent illustrer la fin du débat de ce soir. Léo Ferré d'abord :

    Pour tout bagage on a vingt ans
    On a des réserv's de printemps
    Qu'on jett'rait comm' des miett's de pain
    A des oiseaux sur le chemin
    Quand on aim' c'est jusqu'à la mort
    On meurt souvent et puis l'on sort
    On va griller un' cigarette
    L'amour ça s'prend et puis ça s'jette.

    Georges Brassens ensuite :

    Quand ils sont tout neufs
    Qu'ils sortent de l'œuf
    Du cocon
    Tous les jeunes blancs-becs
    Prennent les vieux mecs
    Pour des cons
    Quand ils sont d'venus
    Des têtes chenues
    Des grisons
    Tous les vieux fourneaux
    Prennent les jeunots
    Pour des cons...
    Moi, qui balance entre deux âges
    J'leur adresse à tous un message

    Le temps ne fait rien à l'affaire
    Quand on est con, on est con
    Qu'on ait vingt ans, qu'on soit grand-père
    Quand on est con, on est con
    Entre vous, plus de controverses
    Cons caducs ou cons débutants
    Petits cons d'la dernière averse
    Vieux cons des neiges d'antan.

    Claire conclut ce débat par une invite à ce que les adultes continuent à garder leur âme d’enfant et que les jeunes les aident à ne pas devenir de "vieux cons" !   

    La séance se poursuit par un blind test :

    - Qui a écrit : "L'adolescent est l'être qui blâme, qui s'indigne, qui méprise." Réponse : Alain

    - Quel écrivain et philosophe français fait débuter son roman Justine à Montargis ? Réponse : le Marquis de Sade

    - Quel philosophe français auteur de l’Anti-Oedipe,  a enseigné au lycée Pothier d'Orléans ? Réponse : Gilles Deleuze

    - Qui a dit : "La psychanalyse est un remède contre l'ignorance. Elle est sans effet sur la connerie." Réponse : Jacques Lacan

    - Qui a dit : "Quand j'étais jeune, on me disait : Vous verrez quand vous aurez cinquante ans. J'ai cinquante ans, et je n'ai rien vu." Réponse : Erik Satie

    - Qui a publié "Le chemin de l’espérance, aux actes citoyens !" ? Réponse : Morin-Hessel

    - Qui a dit : "La première maxime [penser par soi-même] est la maxime de la pensée sans préjugés (...) celle d'une raison qui n'est jamais passive" ? Réponse : Kant

    - Pour qui ne pas philosopher "c’est avoir les yeux fermés sans jamais chercher à les ouvrir" ? Réponse : Descartes

    - Qui a chanté "Jeune et con" Réponse : Damien Saez

    - Qui a été à l’honneur au café philo de décembre dernier. Réponse : Le Père Noël

    - Question supplémentaire : combien y a-t-il eu de cafés philosophiques depuis le début ? Réponse : 16

    La gagnante repart avec le Dico de la Philo de Christophe Verselle. Félicitations à Isabelle.

    Un vote a enfin lieu pour définir le thème du prochain débat le vendredi 30 septembre à 18H30. Le choix se porte sur ce sujet : "La vie n’est-elle qu’une suite de hasards ?".

    Claire et Bruno concluent cette soirée riche et animée par leurs chaleureux remerciements.

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  • SUJETS DU BAC DE PHILOSOPHIE CETTE ANNÉE

    Voici les sujets proposées aux épreuves de philosophie, au bac, cette année. Hélas, aucun sujet sur le bonheur, thème de notre séance "Le café philo passe le bac" mais plusieurs sujets sur l'art, sujet sur lequel nous avons débattu en début d'année (lien ici).

    En filière L

    1er sujet : Peut-on prouver une hypothèse scientifique?

    2ème sujet : L'homme est-il condamné à se faire des illusions sur lui-même?

    3ème sujet : Expliquer le texte suivant:

    "Nous disons bonnes les vertus d'un homme, non pas à cause des résultats qu'elles peuvent avoir pour lui, mais à cause des résultats qu'elles peuvent avoir pour nous et pour la société: dans l'éloge de la vertu on n'a jamais été bien "désintéressé", on n'a jamais été bien "altruiste"! On aurait remarqué, sans cela, que les vertus (comme l'application, l'obéissance, la chasteté, la piété, la justice) sont généralement nuisibles à celui qui les possède, parce que ce sont des instincts qui règnent en lui trop violemment, trop avidement, et ne veulent à aucun prix se laisser contrebalancer raisonnablement par les autres. Quand on possède une vertu, une vraie vertu, une vertu complète (non une petite tendance à l'avoir), on est victime de cette vertu! Et c'est précisément pourquoi le voisin en fait la louange! On loue l'homme zélé bien que son zèle gâte sa vue, qu'il use la spontanéité et la fraîcheur de son esprit: on vante, on plaint le jeune homme qui s'est "tué à la tâche" parce qu'on pense: "Pour l'ensemble social, perdre la meilleure unité n'est encore qu'un petit sacrifice! Il est fâcheux que ce sacrifice soit nécessaire! Mais il serait bien plus fâcheux que l'individu pensât différemment, qu'il attachât plus d'importance à se conserver et à se développer qu'à travailler au service de tous!" On ne plaint donc pas ce jeune homme à cause de lui-même, mais parce que sa mort a fait perdre à la société un instrument soumis, sans égards pour lui-même, bref un "brave homme", comme on dit."

    Nietzsche, Le Gai Savoir

    La filière S

    1er sujet : La culture dénature-t-elle l'homme? 

    2ème sujet : Peut-on avoir raison contre les faits?

    3ème sujet : Expliquer le texte suivant:

    "Chaque degré de bonne fortune qui nous élève dans le monde nous éloigne davantage de la vérité, parce qu'on appréhende plus de blesser ceux dont l'affection est plus utile et l'aversion plus dangereuse. Un prince sera la fable de toute l'Europe, et lui seul n'en saura rien. Je ne m'en étonne pas : dire la vérité est utile à celui à qui on la dit, mais désavantageux à ceux qui la disent, parce qu'ils se font haïr. Or, ceux qui vivent avec les princes aiment mieux leurs intérêts que celui du prince qu'ils servent; et ainsi, ils n'ont garde de lui procurer un avantage en se nuisant à eux-mêmes. Ce malheur est sans doute plus grand et plus ordinaire dans les plus grandes fortunes; mais les moindres n'en sont pas exemptes, parce qu'il y a toujours quelque intérêt à se faire aimer des hommes. Ainsi la vie humaine n'est qu'une illusion perpétuelle ; on ne fait que s'entre-tromper et s'entre-flatter. Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre absence. L'union qui est entre les hommes n'est fondée que sur cette mutuelle tromperie ; et peu d'amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu'il n'y est pas, quoiqu’il en parle alors sincèrement et sans passion. L'homme n'est donc que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soi-même et à l'égard des autres. Il ne veut donc pas qu'on lui dise la vérité. Il évite de la dire aux autres ; et toutes ces dispositions, si éloignées de la justice et de la raison, ont une racine naturelle dans son cœur."

    Pascal, Pensées

    La filière ES

    1er sujet : La liberté est-elle menacée par l'égalité?

    2ème sujet : L'art est-il moins nécessaire que la science? 

    3ème sujet : Expliquez le texte suivant:

    "Si c'est l'intérêt et un vil calcul qui me rendent généreux, si je ne suis jamais serviable que pour obtenir en échange un service, je ne ferai pas de bien à celui qui part pour des pays situés sous d'autres cieux, éloignés du mien, qui s'absente pour toujours ; je ne donnerai pas à celui dont la santé est compromise au point qu'il ne lui reste aucun espoir de guérison ; je ne donnerai pas, si moi-même je sens décliner mes forces, car je n'ai plus le temps de rentrer dans mes avances. Et pourtant (ceci pour te prouver que la bienfaisance est une pratique désirable en soi) l'étranger qui tout à l'heure s'en est venu atterrir dans notre port et qui doit tout de suite repartir reçoit notre assistance; à l'inconnu qui a fait naufrage nous donnons, pour qu'il soit rapatrié, un navire tout équipé. Il part, connaissant à peine l'auteur de son salut; comme il ne doit jamais plus revenir à portée de nos regards il transfère sa dette aux dieux mêmes et il leur demande dans sa prière de reconnaître à sa place notre bienfait; en attendant nous trouvons du charme au sentiment d'avoir fait un peu de bien dont nous ne recueillerons pas le fruit. Et lorsque nous sommes arrivés au terme de la vie, que nous réglons nos dispositions testamentaires, n'est-il pas vrai que nous répartissons des bienfaits dont il ne nous reviendra aucun profit? Combien d'heures l'on y passe! Que de temps on discute, seul avec soi-même, pour savoir combien donner et à qui! Qu’importe, en vérité, de savoir à qui l'on veut donner puisqu'il ne nous en reviendra rien en aucun cas ? Pourtant, jamais nous ne donnons plus méticuleusement; jamais nos choix ne sont soumis à un contrôle plus rigoureux qu'à l'heure où, l'intérêt n'existant plus, seule l'idée du bien se dresse devant notre regard.

    Sénèque, Les Bienfaits

    Les filières techniques de la musique et de la danse

    Sujet 1 : La maîtrise de soi dépend-elle de la connaissance de soi?

    Sujet 2 : Ressentir l'injustice m'apprend-il ce qui est juste?

    Sujet 3

    "Les artistes ont quelque intérêt à ce que l'on croie à leurs intuitions subites, à leurs prétendues inspirations; comme si l'idée de l'œuvre d'art, du poème, la pensée fondamentale d'une philosophie tombaient du ciel tel un rayon de la grâce*. En vérité, l'imagination du bon artiste, ou penseur, ne cesse pas de produire, du bon, du médiocre et du mauvais, mais son jugement, extrêmement aiguisé et exercé, rejette, choisit, combine ; on voit ainsi aujourd'hui, par les Carnets de Beethoven**, qu'il a composé ses plus magnifiques mélodies petit à petit, les tirant pour ainsi dire d'esquisses multiples. Quant à celui qui est moins sévère dans son choix et s'en remet volontiers à sa mémoire reproductrice, il pourra le cas échéant devenir un grand improvisateur; mais c'est un bas niveau que celui de l'improvisation artistique au regard de l'idée choisie avec peine et sérieux pour une œuvre. Tous les grands hommes étaient de grands travailleurs, infatigables quand il s'agissait d'inventer, mais aussi de rejeter, de trier, de remanier, d'arranger."

    Nietzsche, Humain, trop humain, §. 155

    *un rayon de la grâce: une intervention divine.

    **Beethoven : compositeur allemand (1770-1827)

    Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d'abord étudié dans son ensemble. 

    1. Formulez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

    2. Expliquez:

    a. "l'imagination du bon artiste [...] ne cesse pas de produire, du bon, du médiocre et du mauvais, mais son jugement, extrêmement aiguisé et exercé, rejette, choisit, combine";

    b. "c'est un bas niveau que celui de l'improvisation artistique au regard de l'idée choisie avec peine et sérieux pour une œuvre".

    3. La création artistique repose-t-elle sur le jugement plutôt que sur l'inspiration? 


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  • COMPTE-RENDU DE LA DERNIÈRE SÉANCE

    Sujet : "L’art : à quoi ça sert ?"

    Date : vendredi 18 février 2011

    Environ vingt personnes étaient présentes pour ce 12ème café philosophique de Montargis consacré à l'art, thème choisi par les participants de la séance précédente.

    Une fois n’est pas coutume, Bruno propose d’entamer ce café philosophique, non par une problématisation, mais par une question directe aux personnes présentes : s’adressant aux participants et en particulier aux éventuels artistes présents, il demande quelle est selon eux leur vision de l’art et de son utilité. Une personne (un artiste plasticien) réagit en premier en posant d’emblée l’art comme quelque chose de finalement inutile mais également comme la manifestation de techniques à visée esthétique, obéissant à certaines normes. Il apparaît, dit un autre artiste, que la création artistique, même dans sa fonction la plus minimaliste (les monochromes d’Yves Klein par exemple, cf. illustration ci-contre), résulte de gestes précis et pensés qui, s’ils n’ont pas d’objectif concret, entendent aboutir à des créations esthétiques originales et uniques. Ce qui revient à dire que si chacun peut fondamentalement devenir artiste (et s’autoproclamer artiste à la face du monde !), encore faut-il maîtriser pleinement ces gestes : certes, Yves Klein a créé de simples toiles bleues mais pour y arriver, il a dû patiemment œuvrer à mettre au point le pigment de son célèbre bleu (IKB pour International Klein Blue )…

    L’art est une activité humaine, alliant la plus grande vanité (car l’inutilité d’un tableau de Picasso est patente !) à l’utilisation de "normes" très précises. L’art, ajoute Claire, est à distinguer de l’artisanat. Au XVIIIe siècle, on commence à, distinguer ces deux termes, dans le sens où l’art se distingue de l’artisanat par sa recherche de l’innovation et de la singularité (alors que l’artisanat vise la fabrication d’objets manufacturés).

    Il est remarquable, ajoute Bruno, que ces normes, considérées comme l’alpha et l’oméga de la civilisation occidentale depuis des siècles, aient explosé au cours du XXème siècle. Mieux, aujourd’hui un objet d’art ne se conçoit pas autrement que comme une course à la nouveauté et à la transgression (Marcel Duchamp par exemple). De plus, un assistant ajoute que l’art s’est largement ouvert à des domaines longtemps tenues comme étrangères (grottes préhistoriques, arts premiers et populaires, art brut ou naïf, folklores médiévaux, etc.).

    La création d'œuvre à valeur esthétique, résume Claire, semble ne répondre à aucun besoin, elle n'est aucunement vitale. D'ailleurs, l'une des participants affirme que certains hommes n'ont jamais accès à l'art faute de temps, et surtout de moyens. Dès lors, l'art est superflu. D’ailleurs, Platon le premier s’est montré critique envers les objets d’arts, ne visant pour lui qu’à la séduction des sens (au contraire de la philosophie).  

    Pourtant, on trouve de l'art à partir du moment où il y a de l'humain sur terre, et plus particulièrement une société. Si tous les individus d'une société ne sont pas forcément artistes ou amateurs d'art, il demeure que ce dernier semble omniprésent dans le social. Il apparaît donc que l'art est vecteur de culture, signe d'une civilisation. C'est ainsi que Hegel, dans son Esthétique, affirme que là où il y a de l'art, il y a expression d'une vision de l'homme, engagement dans une définition consensuelle. L'œuvre d'art est alors expression de soi mais aussi de sa culture.

    L’art peut être un marqueur social, voire un signe extérieur de richesse : on peut devenir mécène, fréquenter salons, vernissages d’exposition ou concerts pour se montrer et pour montrer son appartenance social. Dans cette mesure, l'artiste cherche à s'exprimer dans son art et l'œuvre possède une fonction sociale de rassemblement. Ne fait-elle pas partie intégrante des devoirs de nombre d’États de promouvoir l’art et la culture (moins de 1 %, il est vrai, dans le budget national mais beaucoup plus au niveau des régions) ?

    Une participante met en avant un aspect négligé de le l’art : sa fonction thérapeutique. Il apparaît qu’alors que les hôpitaux psychiatriques étaient qualifiés de "maisons de fous", l’art servait d’exutoire sinon de moyen d’expressions pour des malades démunis : "certaines œuvres de ces malades de l’Hôpital Sainte-Anne peuvent être considérées comme de véritables œuvres" (sur l'art naïf, cliquez ici).

    Autre aspect "utile" de l’art, beaucoup plus "trivial" : son rapport avec l’argent et la marchandisation des créations, qu’elles soient contemporaines ou classiques (le meilleur exemple pourrait être Jeff Koons par exemple, cf. illustration ci-dessous). L’art devient objet de pure spéculation et placé sur un même plan d’égalité que des actions boursières ou des placements immobiliers. Cette marchandisation peut du reste s’avérer incontournable pour certains modes d’expression comme le cinéma. D’ailleurs, ajoute un participant introduit dans ce milieu, aucun réalisateur ne se satisfait du budget qui lui est alloué, aussi conséquent soit-il ! Par contre, le cinéma, art immédiat et grand public, peut apparaître plus éphémère qu’un musée.     

    Mais l'art est aussi, voire surtout, rappelle un participant, la quête d'un idéal esthétique, du "Beau" au sens très large du terme. Alors, l'œuvre est dépassement de cette immédiateté primitive à la nature qui caractérise l'homme à sa naissance. Elle est, davantage que le besoin, expression d'un désir. Un des participants affirme que l'art est donc bien plus qu'un objet superflu dans nos vies. Il est marque, trace de ma culture, c'est-à-dire de ce qui me distingue de la nature. Il est ainsi œuvre humaine qui, par sa quête du beau, est sublimation de la matière. L'œuvre d'art est transcendance de la nature, elle est création d'une humanité.

    Jackson Pollock dit que l'œuvre est une trace. C'est dans ce sens que l'un des participants affirme que l'art est une façon de ne pas mourir. Non pas tant pour se faire immortel dans notre singularité mais bien plus, pour créer un pont entre l'homme et la nature.

    L'œuvre est un monde, un monde humain. Elle est création de beauté, création de valeur voire de moralité.

    Claire rappelle que Victor Hugo avoue que Les Châtiments ont été son arme la plus efficace contre Napoléon III. Dans ce sens, l'existence même de l'organe de censure dans une société, laisse entendre que l'art possède une efficacité pratique. Un participant abonde dans ce sens en prenant l’exemple du réalisateur argentin Pablo Trapero dont les films engagés ont entraîné des avancées dans la législation de son pays (Pour en savoir plus, cliquez sur ce lien).

    Cela signifie sans doute que l'art est aussi un "maître à penser". Un guide. Henri Bergson affirme ainsi que les artistes sont doués, qu'ils possèdent une forme d'inspiration qui les placent au-dessus du commun des mortels. Les « inspirés » disait Socrate sont en lien avec les dieux.

    C'est sur ces propos et vers 20H que nous concluons cette séance en refusant l'absence de finalité et de fonction à l'art.

    Bien au contraire, il semblerait que l'art nous pousse à lever la tête, à nous dépasser. C'est dans le dépassement de soi, affirmait Emmanuel Kant, que l'homme trouve sa qualité d'homme, à savoir de toujours s'élever.

    L'art est donc éducation !

    Prochaine séance le vendredi 1er avril pour un café philo spécial.

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  • MERCI AUX PARTICIPANTS DU CAFÉ PHILO

    Merci aux participants du dernier café philosophique de Montargis dont le sujet avait thème l'art et son utilité. Nous avons eu droit à un débat passionannt et très ouvert.

    Bientôt, sur ce site, le compte-rendu de ce débat.

    Prochaine séance le vendredi 1er avril, pour un café philo spécial.

     

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  • L'ART : UN SIMPLE DIVERTISSEMENT ?

    kundera.jpgOn a souvent l’impression que l’art influence la population. Il semblerait même que toute génération possède le sien - chaque décennie s’intéressant à un courant musical ou littéraire méprisé par les personnes plus ou moins âgées, du fait de leurs goûts taxés de mauvais, voire même de scandaleux. Dans cette mesure l’art apparaît comme le symbole d’une idéologie et même comme la représentation d’une « philosophie » de vie. Ainsi, un lecteur de Kundera est présupposé anxieux et pessimiste alors qu’un adepte de reggae adopte une certaine quiétude et s’apparente à un épicurien. L’art, qu’il soit populaire ou non, semble donc posséder un certain impact sur la société. Pourtant, son efficacité est moindre dans la mesure où il n’a jamais pu changer la course du monde. Comme George Steiner l’explique dans Le Château de Barbe Bleue l’art est inefficace dans sa volonté pratique. « Quel poème a jamais enrayé ou tempéré le règne de la terreur ? » demande-t-il ainsi ?

    Le propos tenu par Hegel sur la philosophie pourrait ainsi s’appliquer à l’art. Il « vient trop tard. Lorsque [l’art] peint du gris sur du gris, une forme de vie a vieilli et elle ne se laisse pas rajeunir avec du gris sur du gris ». L’art vient en effet trop tard pour changer le monde et peut seulement nous le re-présenter, en peignant « du gris sur du gris ». Se demander si l’art sert à quelque chose, c’est ainsi s’interroger sur l’existence d’une fonction, et plus particulièrement pratique, de l’ensemble des productions humaines visant un idéal esthétique. L’art est-il nécessairement fortuit, gratuit, et vain ou peut-il prétendre à un impact ? Finalement l’art a-t-il un pouvoir sur le monde, doit-il nous enseigner ce qu’il est, ou n’est-il qu’un passe-temps innocent et inoffensif ?

    hugo3.jpgA première vue l’art ne sert à rien, il est lui-même sa propre fin. Il s’inscrit dans la vacuité, la vanité et c’est cela que l’on aime chez lui…

    Pourtant, lorsqu’on s’intéresse à l’histoire des artistes, des exemples, comme l’autorité de Victor Hugo, peuvent frapper. On pourrait rétorquer que son influence résulte de son rôle politique effectif. Néanmoins, c’est le recueil Les Châtiments qui devient son arme la plus efficace contre Napoléon III. L’art a du reste été l’outil de propagande de plus d’un gouvernement, et l’objet de censures multiples. En tant que forme sociale, il semblerait donc que les œuvres d’art soit davantage qu’un divertissement : même fortuites elles apparaissent comme des messages spéciaux ! L’art, pour changer le monde arrive trop tard, mais ne peut-il pas au moins nous révéler une partie de ce qu’il est et que nous ne prenons pas le temps, ou que nous ne pouvons pas voir ?


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  • LA FEMME QUI PLEURE AU CHAPEAU ROUGE

     

    Dora Maar -  Pourquoi, tu me fais si laide ?

    Picasso - Tu n'es pas laide, tu es la femme qui pleure. Tu es la fille de l'art. La fille de la douleur et de la tristesse.

    La Femme qui pleure au Chapeau rouge, téléfilm de Jean-Daniel Verhaeghe, 2011

    Picasso - Femme au chapeau.jpg



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  • PROCHAIN CAFÉ PHILOSOPHIQUE LE 18 FÉVRIER SUR L'ART

    L'art à quoi ça sert image.jpg

    Vendredi 18 février à 18H30 à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée aura lieu le prochain débat du café philosophique de Montargis. Le sujet de discussion, choisi par les participants de la dernière séance, aura pour titre : « L’Art : à quoi ça sert ? »

    Entrée libre et gratuite.

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  • À QUOI SERT L’ART ?

    Platon, en décrivant sa cité idéale, demande que les poètes en soient exclus, à cause de leur regrettable aptitude à susciter l’émotion plutôt qu’à fortifier la raison.

    LA SUITE ICI (version intégrale payante dans le Monde Diplomatique)...

     

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