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  • STENDHAL : "LE ROUGE ET LE NOIR"

    "A six heures, le marquis le fit demander, il regarda avec une peine évidente les bottes de Julien : J'ai un tort à me reprocher, je ne vous ai pas dit que tous les jours à cinq heures et demie, il faut vous habiller.

    le_rouge_et_le_noir_1954,0.jpgJulien le regardait sans comprendre.

    — Je veux dire mettre des bas. Arsène vous en fera souvenir ; aujourd'hui je ferai vos excuses.

    En achevant ces mots, M. de La Mole faisait passer Julien dans un salon resplendissant de dorures. Dans les occasions semblables, M. de Rênal ne manquait jamais de doubler le pas pour avoir l'avantage de passer le premier à la porte. La petite vanité de son ancien patron fit que Julien marcha sur les pieds du marquis, et lui fit beaucoup de mal à cause de sa goutte. Ah ! il est balourd par-dessus le marché, se dit celui-ci. Il le présenta à une femme de haute taille et d'un aspect imposant. C'était la marquise. Julien lui trouva l'air impertinent, un peu comme Mme de Maugiron, la sous-préfète de l'arrondissement de Verrières, quand elle assistait au dîner de la saint Charles. Un peu troublé de l'extrême magnificence du salon, Julien n'entendit pas ce que disait M. de la Mole. La marquise daigna à peine le regarder. Il y avait quelques hommes parmi lesquels Julien reconnut avec un plaisir indicible le jeune évêque d'Agde, qui avait daigné lui parler quelques mois auparavant à la cérémonie de Bray-le-Haut. Ce jeune prélat fut effrayé sans doute des yeux tendres que fixait sur lui la timidité de Julien, et ne se soucia point de reconnaître ce provincial… 

    Les hommes réunis dans ce salon semblèrent à Julien avoir quelque chose de triste et de contraint ; on parle bas à Paris, et l'on n'exagère pas les petites choses.

    Un joli jeune homme, avec des moustaches, très pâle et très élancé, entra vers les six heures et demie ; il avait une tête fort petite.

    — Vous vous ferez toujours attendre, dit la marquise, à laquelle il baisait la main.

    Julien comprit que c'était le comte de La Mole. Il le trouva charmant dès le premier abord.

    Est-il possible, se dit-il, que ce soit là l'homme dont les plaisanteries offensantes doivent me chasser de cette maison !

    A force d'examiner le comte Norbert, Julien remarqua qu'il était en bottes et en éperons ; et moi je dois être en souliers apparemment comme inférieur. On se mit à table. Julien entendit la marquise qui disait un mot sévère, en élevant un peu la voix. Presque en même temps il aperçut une jeune personne extrêmement blonde et fort bien faite, qui vint s'asseoir vis-à-vis de lui. Elle ne lui plut cependant point ; en la regardant attentivement, il pensa qu'il n'avait jamais vu des yeux aussi beaux ; mais ils annonçaient une grande froideur d'âme. Par la suite, Julien trouva qu'ils avaient l'expression de l'ennemi qui examine, mais qui se souvient de l'obligation d'être imposant. Mme de Rênal avait cependant de bien beaux yeux, se disait-il, le monde lui en faisait compliment ; mais ils n'avaient rien de commun avec ceux-ci. Julien n'avait pas assez d'usage pour distinguer que c'était du feu de la saillie que brillaient de temps en temps les yeux de Mlle Mathilde, c'est ainsi qu'il l'entendit nommer. Quand les yeux de Mme de Rênal s'animaient, c'était du feu des passions, ou par l'effet d'une indignation généreuse au récit de quelque action méchante. Vers la fin du repas, Julien trouva un mot pour exprimer le genre de beauté des yeux de Mlle de la Mole : Ils sont scintillants, se dit-il. Du reste, elle ressemblait cruellement à sa mère, qui lui déplaisait de plus en plus, et il cessa de la regarder. En revanche, le comte Norbert lui semblait admirable de tous points. Julien était tellement séduit, qu'il n'eut pas l'idée d'en être jaloux et de le haïr, parce qu'il était plus riche et plus noble que lui."

    Stendhal, Le Rouge et le Noir (1830)

     

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  • PROCHAIN CAFÉ PHILOSOPHIQUE VENDREDI PROCHAIN : "L'AMOUR PEUT-IL SE PASSER DE NORMES ?"

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    Après le corps, l'amour sera au centre des discussions du prochain café philosophique de Montargis, le 3 mai 2013, à 19 heures, à la brasserie du Centre Commercial de La Chaussée. Le débat sera intitulé : "L’amour peut-il se passer de normes ?"


    L'amour est un sentiment maintes fois décliné, aux significations différentes voire contradictoires. Possède-t-il alors des règles ? L'amour se résume-t-il à un tendre attachement ou bien se retrouve-t-il dans les actes ? Le véritable amour, quel est-il ? D'une mère pour son enfant, de bénévolence, de concupiscence ? Quel rôle y joue l'être aimé ? Le choisit-on ? Nous "tombe"-t-il dessus ? 

    Alors, l'amour peut-il se passer de normes ? Telle sera la question qui sera débattue par les participants du prochain café philo, le vendredi 3 mai 2013, à 19 heures, à la Brasserie du Centre commercial de la Chaussée.

    Participation libre et gratuite.

     
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  • OVIDE : NARCISSE OU L'AMOUR DE SA PROPRE IMAGE

    narcisse.jpg"Je suis séduit, je vois, mais ce que je vois et qui me séduit, je ne puis le saisir ; si grande est l’erreur qui m’abuse dans mon amour. Et, pour ajouter encore à ma douleur, ni l’immensité de la mer ne nous sépare, ni une longue route, ni des mon­tagnes, ni des murailles aux portes closes : une mince couche d’eau est tout ce qui empêche notre union. Il aspire lui-même à mon étreinte ; car, chaque fois que j’ai tendu les lèvres à ces ondes limpides, lui, chaque fois, de sa bouche renversée, il a cherché à atteindre la mienne. On croirait qu’on peut le toucher, bien faible est l’ob­stacle entre nos ardeurs. Qui que tu sois, sors, viens ! Pourquoi, enfant sans pareil, te joues-tu de moi ? Quand je te cherche, quelle est ta retraite ? Certes, je ne suis ni d’un air ni d’un âge à te faire fuir ! Des nymphes m’ont aimé, moi aussi. Sur ton visage chéri tu me laisses lire je ne sais quel espoir, et, quand je te tends les bras, tu me les tends de ton côté ; à mon sourire répond ton sourire, et souvent aussi j’ai vu couler tes larmes quand j’en versais ; d’un signe de tête tu réponds aussi à mes signes ; et, autant que je le devine au mouvement de ta bouche charmante, tu me renvoies des mots qui n’arrivent pas à mes oreilles ! — Tu n’es autre que moi-même, je l’ai compris ; je ne suis plus dupe de ma propre image. C’est pour moi que je brûle d’amour, et cette ardeur, je la provoque à la fois et la ressens. Que faire ? Être sollicité ou solliciteur ? Et que solliciter désormais ? Ce que je désire, je le porte en moi-même, mon dénûment est venu de ma richesse. Oh ! si je pouvais me dissocier de mon propre corps ! Souhait insolite chez un amant, ce que j’aime, ce que j’aime, je voudrais en être séparé. Et voici que la douleur m’enlève mes forces ; il ne me reste plus longtemps à vivre et je m’éteins à la fleur de mon âge. Mais mourir ne m’est pas à charge, puisqu’en mourant je déposerai le fardeau de ma douleur. Pour celui qui est l’objet de ma tendresse, j’aurais souhaité une plus longue vie. Maintenant, tous deux, unis de cœur, nous exhalerons ensemble notre dernier souffle.é

    Ovide, Les Métamorphoses, III (v. 1 ap. JC)

     

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  • RUWEN OGIEN, LA MORALE À ZÉRO

    téléchargement.jpgDans la panique morale qui semble gagner le pays sur l’air de «rien ne va plus…», un homme s’astreint à ne pas céder trop vite aux brigades de vertus. "Ce qui est révoltant, ce n’est pas que Cahuzac et d’autres politiques n’aient pas été particulièrement vertueux, dit-il, c’est que leur action publique soit injuste. L’expérience montre qu’il n’y a pas de rapport entre la vertu privée et l’action politique juste." Le ministre de l’Education, Vincent Peillon, souhaite-t-il le retour du catéchisme laïc sur les bancs de l’école ? Ruwen Ogien le tacle aussitôt dans son dernier livre. "Les interventions de l’Etat sont légitimes lorsqu’elles ont pour objectif de promouvoir la justice sociale." Plus les discours en matière de morale semblent inflationnistes, plus ce philosophe provoc cultive le plaisir de les réduire à presque rien. "Cessons d’employer le mot à tort et à travers", dit-il. En ce moment, la tâche semble difficile…

    Recroquevillé dans le canapé de son salon, tel un adolescent qu’il n’est plus depuis fort longtemps mais dont il garde la nonchalante allure et le col rond du pull étudiant, il n’aime guère occuper le devant de la scène. Timidité et amabilité font sincèrement partie de sa personnalité. Or, ses thèses sont aussi radicales qu’il se montre charmant en société. Jamais Ruwen Ogien ne se met en colère, même face à Sylviane Agacinski ou Christine Boutin qui veulent beaucoup interdire. Lui dit oui à tout : prostitution, gestation pour autrui, dépénalisation du cannabis ou du suicide assisté… Est-ce bien raisonnable pour un moraliste ? Il convient que non. "Etant donné que la tradition en philosophie morale est maximaliste, avec son insistance sur les vertus personnelles et les devoirs moraux envers soi-même, c’est toujours dans un certain état de schizophrénie que j’expose mes idées." Il va donc vaillamment à l’encontre de la tradition d’Aristote à Kant, du "y a qu’à…" et du "faut qu’on"...

    LA SUITE ICI...

     
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  • "LE CAKE D'AMOUR" ("PEAU D'ÂNE" DE JACQUES DEMY)

    Lien externe

    Clin d'oeil à l'exposition sur Jacques Demy à la Cinémathèque : pour en savoir plus, cliquez ici


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