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Plutarque : Réprimer sa colère

Quand on craint d'être assiégé, sans espoir d'aucun secours étranger, on rassemble avec soin toutes les provisions nécessaires. Il faut de même se pourvoir d'avance, contre la colère, des ressources que donne la philosophie. Ce n'est pas au moment d'en faire usage qu'il est facile d'y avoir recours. L'âme, étourdie par le tumulte qu'excité la passion, ne peut rien entendre de ce qui se passe au dehors, à moins que sa propre raison, comme un modérateur salutaire, n'écoute et ne reçoive les avis qu'on lui donne.

Lors même qu'elle peut les entendre, elle méprise des représentations faites avec douceur, et s'irrite d'une généreuse liberté. La colère, naturellement fière, opiniâtre, et, telle qu'un tyran redoutable, inaccessible aux remontrances d'autrui, a besoin d'un contrepoids continuel qui la retienne. Un emportement habituel et des offenses fréquentes produisent un vice que nous appelons colère; et ce vice engendre l'impatience, l'aigreur et une humeur chagrine; et quand une fois l'esprit est ulcéré, les plus petites choses le blessent et l'irritent, semblable à un fer mou et flexible, qui cède à la plus légère pression. Mais quand la réflexion arrête sur-le-champ le mouvement de la colère et en réprime les saillies, elle remédie au mal présent, le prévient pour l'avenir, et fortifie l'âme contre les atteintes de la passion. Pour moi, après avoir résisté deux ou trois fois à la colère, j'ai été comme les Thébains, qui, vainqueurs une fois des Spartiates, qu'ils avaient cru jusqu'alors invincibles, n'eurent plus le dessous dans aucun combat. J'ai senti que la raison pouvait vaincre la colère. J'ai vu, comme le dit Aristote, cette passion s'éteindre par l'eau froide : la crainte et une joie subite ont produit le même effet, selon le témoignage d'Homère.

Je crois donc que cette maladie de l'âme n'est pas incurable, et qu'on peut en guérir quand on le veut sincèrement. Ses commencements sont souvent faibles. C'est un bon mot, une plaisanterie, un signe de tête, un sourire et bien d'autres choses de cette espèce qui la provoquent.

Plutarque, Sur les moyens de réprimer sa Colère (Ier s. ap. JC)

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