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Delval : Manifestations de la peur

Je me suis réveillé couvert de sueur, la bouche grande ouverte comme si le hurlement que j’avais poussé dans mon rêve continuait d’en sortir. Il faisait encore nuit, mais le petit vent qui murmurait dans les feuilles, devant ma fenêtre ouverte, apportait déjà la fraîcheur de l’aube qui reviendrait bientôt. La nuit suivante, j’ai fait le rêve pour la première fois.

Je marchais sur un sentier montant vers le sommet d’une colline. Un vent de tempête miaulait autour de moi comme une horde de chats furieux, tordant les branches des arbres dont je devinais dans les ténèbres les mouvements désespérés.

Le sentier montait toujours, traversant un bois inconnu et en même temps étrangement familier. J’avais peur, mais il me fallait avancer. Quelque chose m’attendait au sommet de cette colline, quelque chose que je ne voulais pas voir, et que pourtant je devais affronter, quelque chose de noir et de terrible.

Je marchais. Et dans les hurlements du vent, je percevais un nom répété par mille voix, comme une incantation. Mais ce nom, je ne le comprenais pas.

Puis, soudain, ce fut le silence terrifiant. Le vent et les voix s’étaient tus. Sur le sommet dénudé de la colline était dressée une haute pierre noire dont les contours se dessinaient vaguement dans l’obscurité. La forme de cette pierre m’évoquait…quoi
donc ?

Tout à coup, un éclair a illuminé la nuit, et j’ai vu : un chat ! La pierre représentait un chat gigantesque assis dans cette pose d’idole que j’avais tant de fois observée. Comme si l’éclair avait donné vie à la pierre, deux yeux se sont allumés dans la tête de la bête, deux prunelles aux reflets de vif-argent. La gueule de pierre s’est ouverte sur un miaulement horrible. Le ciel s’est déchiré, vomissant des nuées incandescentes. Des astres tombant en longs traits de feu explosaient autour de moi comme des bombes, incendiant notre petite ville que je voyais là-bas, au pied de la colline, se tordre dans un brasier de fin du monde, tandis que l’abominable miaulement sortait sans fin de la gueule de la bête.

Alors j’ai compris que l’enfer était venu prendre possession de notre terre. Renversant la tête en arrière, j’ai hurlé, hurlé, hurlé…

Marie-Hélène Delval, Les Chats (2005)

Photo : Pexels - Avitia Mermek

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