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Gainsbourg : Evguénie Sokolov

Ce soir-là j’acceptai pour la première fois de me laisser approcher par un journaliste. Ceci à cause du bruit qui régnait dans la place et qui masquerait durant l’interview pensais-je celui de mes flatulences, lesquelles étaient devenues de moins en moins contrôlables. Mais les questions de l’Américain, envoyé par la N.B.C., National Broadcasting Corporation, se voulaient insidieuses du genre, Sokolov what is your political position about art, (...) mais alors qu’il essayait de me cerner par des questions plus perfides, je réalisai soudainement que les invités s’étaient tus, fascinés par le ton hagneux de mes réponses. Me sentant perdu dans le silence à présent total, je pris un air glacé, mister l’intellectuel lui dis-je, about my painting, let me just say this, et lui arrachant le microphone je le portai d’un geste vif à mon fondement d’où j’extirpai un vent d’une telle densité que je sentis les fèces me couler dans les jambes. Les témoins reculèrent, suffoqués par l’odeur, tandis qu’à proximité de la caméra l’ingénieur du son, l’aiguille de son vu-mètre sans doute bloquée à plus trois décibels, vacillait sous l’impact de ce gaz injecté directement dans son cerveau par ses écouteurs de contrôle.

Les Américains passèrent l’intégralité de l’interview, c’est-à-dire avec pet, et vendirent la séquence un peu partout dans le monde où l’on ne se priva point de la diffuser, diffusions donc multiples créant un processus en chaîne où mon gaz prit la force d’une charge nucléaire qui ébranla la terre entière.

Serge Gainsbourg, Evguénie Sokolov (1980)

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