Dans le cadre du débat "Qu'est-ce qu'un bon Président ?" (20 avril 2012), cet article balaye succinctement plus de 150 ans de Présidence de la République. C'est l'occasion de revenir sur des mandats marquants mais aussi sur des chefs de l'État tombés dans l'oubli. Rappelons que la République française a connu cinq constitutions (les Etats-Unis en sont toujours, eux, à leur première !). Il faut en préalable préciser que ce qu'il est coutume de nommer Première République n'a de fait jamais été proclamée. Ce premier régime démocratique correspond à la fin de la Royauté (1792) et se termine avec la proclamation du Premier Empire (1804). La Première République a vu se succéder plusieurs modes de gouvernement (Convention nationale, Directoire et Consulat) mais on ne parlera de Président qu'à partir de la Deuxième République.
Deuxième République
Régime inédit dans sa brièveté (4 ans), la IIème République est aussi celui qui se rapproche le plus du régime politique américain. Le Président de la République est élu au suffrage universel pour une durée de 4 ans.
Louis-Napoléon Bonaparte (1808-1873), Président de 1848 à 1852. Premier président de la République, neveu de Napoléon Ier. En 1851, il provoque un coup d'Etat suite à une crise constitutionnelle majeure et devient empereur sous le nom de Napoléon III. Le Second Empire commence.
Troisième République
La Troisième République est une république parlementaire de type bicaméral. Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et la chambre des députés réunis en Assemblée Nationale. Il est nommé pour sept ans et est rééligible.
Adolphe Thiers (1797-1877), Président de 1871 à 1873, ancien royaliste orléaniste, républicain. Après la guerre de 1870-1871, le Second Empire est aboli. Adolphe Thiers devient le premier président de la IIIème République. Son septennat est marqué par la Commune de Paris réprimée dans le sang (de 10 000 à 17 000 morts). Thiers démissionne en raison d'un désaccord avec l'Assemblée Nationale, majoritairement favorable au retour de la monarchie.
Patrice de Mac Mahon (1808-1893), Président de 1873 à 1879, royaliste légitimiste. Il manque de peu de permettre le retour de la monarchie ("Henri V"). La victoire des Républicains en 1877 marque un tournant capital. Mac Mahon démissionne en 1879 suite à une crise avec l'Assemblée Nationale qui met ainsi un point final à un hypothétique retour de la monarchie.
Jules Grévy (1807-1891), Président de 1879 à 1887, gauche républicaine. Premier Président à effectuer un mandat complet, il est même réélu. Toutefois, il est contraint de démissionner suite au scandale des décorations.
Sadi Carnot (1837-1894), Président de 1887 à 1894, gauche républicaine. Son mandat est marqué par l'agitation du Général Boulanger et le scandale de Panama. Il est assassiné.
Jean Casimir-Perier (1847-1907), Président de 1894 à 1895, gauche républicaine. Il s'agit du plus court mandat de l'Histoire de la République : il démissionne au bout de six mois de fonction.
Félix Faure (1841-1899), Président de 1895 à 1899, républicain progressiste. Sous son mandat éclate l'Affaire Dreyfus. Félix Faure meurt d'une congestion cérébrale dans les bras de sa maîtresse.
Émile Loubet (1838-1929), Président de 1899 à 1906, Alliance Républicaine Démocratique (ARD). Sous son mandat sont promulguées les lois de séparation de l'Eglise et de l'Etat (1905).
Armand Fallières (1841-1931), Président de 1906 à 1913. ARD et Parti républicain démocratique (PRD). Renforcement des alliances géostratégiques (Triple Alliance).
Raymond Poincaré (1860-1934), Président de 1913 à 1920. PRD et ARD. Il est Président pendant la première guerre mondiale.
Paul Deschanel (1855-1922), Président en 1920. Parti républicain démocratique et social (PRDS). L'un des plus courts mandats, en raison d'un problème de santé mentale.
Alexandre Millerand (1859-1943), Président de 1920 à 1924. Sans étiquette, ancien républicain socialiste. La victoire du Cartel des Gauches le contraint à la démission.
Gaston Doumergue (1863-1937), Président de 1924 à 1931. Radical. Premier Président protestant. Il est partisan d'un nationalisme dur envers l'Allemagne. Forte instabilité ministérielle.
Paul Doumer (1857-1932), Président de 1931 à 1932. Radical. Il meurt assassiné pendant son mandat.
Albert Lebrun (1871-1950), Président de 1932 à 1940. Alliance démocratique (AD). Son second mandat, marqué par le début de la seconde guerre mondiale, est suspendu de fait par le régime du Maréchal Pétain.
De 1940 à 1944, sous l'ocupation allemande, le Maréchal Pétain, chef de l'Etat, met fin de fait à la IIIème République. A la Libération, Charles de Gaulle, est désigné président du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) du 3 juin 1944 au 20 janvier 1946. Lui succèdent comme Président du GPRF, Félix Gouin, du 20 janvier 1946 au 24 juin 1946, Georges Bidault, du 24 juin 1946 au 16 décembre 1946 et Léon Blum, du 16 décembre 1946 au 16 janvier 1947. Le GPRF met en place le régime de la IVème République.
Quatrième République
Régime bref et mal aimé, il aura souffert des conflits coloniaux et d'une instabilité parlementaire chronique.
Vincent Auriol (1884-1966), Président de 1947 à 1954. Socialiste (SFIO). Guerre d'Indochine.
René Coty (1882-1962), Président de 1954 à 1959. Centre national des indépendants et paysans (CNIP). Son mandat est marqué par la guerre d'Algérie et les crises coloniales. Il appelle le Général de Gaulle comme chef de gouvernement. Ce dernier promulgue la Cinquième République.
Cinquième République
Notre régime politique acttuel est assurément le plus stable depuis l'instauration de la démocratie en France. Contrairement aux IIIème et IVème République, le Président est élu au suffrage universel direct (depuis 1962), pour une durée de sept ans, puis cinq ans depuis 2000.
Charles de Gaulle (1890-1970), Président de 1959 à 1969. Droite gaulliste (UNR et UDR). La guerre d'Algérie se termine sous son mandat. Figure majeure du XXème siècle, le mandat du Général de Gaulle commence par la gestion de la fin des colonies. La France entre également dans une prospérité économique inédite (Trente Glorieuses) et aspire à une indépendance géopolitique en pleine guerre froide. Réélu face à François Mitterand, Charles de Gaulle doit faire face à la crise de mai 1968. Il démissionne un an plus tard, désavoué dans un référundum.
Georges Pompidou (1911-1974), Président de 1969 à 1974. Droite gaulliste (UNR et UDR). Ancien premier ministre de De Gaulle, Pompidou s'en écarte sensiblement dans son désir de rapprochement avec la communauté européenne. Il lance de grands travaux de modernisation (TGV, aéronautique, plans d'urbanisme) avant de décéder à son domicile de la maladie de Waldenström.
Valéry Giscard d'Estaing (né en 1926), Président de 1974 à 1981. Centriste FNRI puis UDF. Il rompt avec l'héritage gaulliste dans une période difficile (crises pétrolières et début de la crise économique). Sa présidence est marquée par la loi sur l'IVG et plus généralement par une volonté de modernisation du pays. La crise économique naissante, des scandales désastreux mais aussi les désaccords au sein de la droite (Jacques Chirac) l'empêchent de briguer un second mandat.
François Mitterrand (1916-1996), Président de 1981 à 1995. Socialiste. Le plus long mandat de l'Histoire de la République. Un mandat marqué par des lois sociales et progressistes importantes (retraite à 60 ans, 5ème semaine de congés payés, abolition de la peine de mort, etc.) mais également par l'installation durable de la crise économique et d'un chômage endémique ("Trente Piteuses") qui l'oblige à des plans de rigueur impopulaires. Consolidant la Vème République de son ancien adversaire politique gaulliste, il s'en détourne aussi en ancrant encore plus la France à l'Europe (Traité de Maastricht). Son mandat est affaibli par ses deux cohabitations avec la Droite (1986-1988 et 1993-1995).
Jacques Chirac (né en 1932), Président de 1995 à 2007. Droite (RPR puis UMP). Son premier mandat est affaibli par une cohabitation précoce (1997-2002) avec un premier ministre socialiste (Lionel Jospin). La crise économique marque le pas pendant cette phase socialiste, embellie économique qui profite paradoxalement non au chef du gouvernement de Gauche mais au chef d'Etat de Droite. Jacques Chirac est réélu en 2002 contre le candidat d'extrême-droite Jean-Marie Le Pen, arrivé par surprise au deuxième tour de l'élection présidentielle (21 avril 2002). Sous la présidence de Chirac, le mandat présidentiel est ramené à cinq ans (2000). La construction européenne s'essoufle (refus par référundum de la constitution européenne en 2005) alors que la menace terroriste devient un enjeu capital (attentats de New York en 2001, Madrid en 2004 et Londres en 2005).
Nicolas Sarkozy (né en 1955), Président de 2007 à 2012. Droite (UMP). Homme de toutes les audaces, il entend moderniser et rajeunir le mandat présidentiel, non sans s'atirer des accusations de populisme. Sous son mandat, il promulgue les lois controversées de sécurité intérieure et revendique un discours de Droite "décomplexée" afin notamment d'affaiblir le parti d'extrême-droite du Front National. En politique extérieur, il assume non sans succès la présidence de l'Union européenne en pleine crise financière (2008), l'organisation du premier G20, la gestion de la crise européenne (dettes nationales d'Europe du sud) et participe aux négociations pour mettre fin à la guerre en Ossétie du Sud (2008).