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VIVRE DEBOUT

Et si l'attitude à adopter face à la religion pouvait s'inspirer de ce texte du philosophe Alain ?

"La vie est un travail qu'il faut faire debout. Assis, couché, à genoux, rien de cela n'est bon. Ces pensées me venaient comme je suivais un enterrement de village. Des nuages lourds voilaient le soleil d'instant en instant ; après la route qui serpente à mi-côte, ce fut le chemin pavé et l'escalier de pierre, et la paix d'une vieille église toute blanche, avec des ogives simples et parfaites. Dans ces formes justes, dans le chant liturgique, dans les replis de la cérémonie, on percevait la mesure et la décence convenables à des vivants qui se savent mortels. Car nous avons cette charge à porter; elle nous tient bien aux épaules ; il n'y a qu'à marcher avec ; car nous ne sommes pas des ânes pour nous rouler. Aussi, quand le bât nous blesse, ce n'est pas assez de la nature pour nous rappeler notre métier d'hommes, car elle meurt sans savoir. Il faut des choses humaines, comme l'ogive et les discours liturgiques -, des choses humaines qui soient bien appuyées par terre, qui soient bien égales des deux côtés, et qui marchent selon une règle...

"Tous ces rites sont parfaits ; exactement à notre mesure ; je n'y vois rien de surhumain ; les hommes y ont suffi. Il fallait cette marche réglée, ces chants, ces formes, ces témoignages, cette politesse étudiée, pour discipliner le désespoir.Jusqu'où tomberaient les malheureux si tous leurs semblables s'enfuyaient en se bouchant les yeux et les oreilless ? Ou, pis encore, si tous leurs semblables, réveillant leur propre désespoir, se jetaient dans des lamentations désordonnées ? Mais, tout au contraire, l'humanité se range comme pour dire -. « Nous savons ce que c'est. »

"Parbleu, si l'on voulait, qui donc dans cette foule n'a pas mille bonnes raisons de se précipiter et de mordre la terre? Qui donc, comme ces Mercenaires, n'aurait pas de blessures à montrer? Mais comme il y a des vêtements pour cacher l'animal, ainsi la cérémonie habille les douleurs comme il faut. La religion est vraie en tout le reste, et menteuse seulement en ce qu'elle dit. Car s'il y avait un Dieu au ciel, comment ne pas crier de terreur ou de colère ? Mais il y a une raison commune, fille de la terre comme nous, mais le plus beau fruit de la terre, et le vrai Dieu, s'il nous en faut un, selon laquelle le courage plie en même temps que le corps ; d'où chacun sait bien qu'il faut se redresser et regarder au loin, par-dessus les peines. Non pas couché. Non pas même à genoux. La vie est un travail qu'il faut faire debout."

 

Emile Chartier, dit Alain, Propos d'un Normand

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