Café philo décembre 100e
Vuillard : Les plus grandes catastrophes s'annoncent souvent à petits pas
Enfin, au bout d'un long couloir de discussions, haussant ses lourdes épaules, fatigué, dégoûté sans doute, le vieux Miklas, vers minuit, tandis que les nazis se sont déjà emparés des principaux centres de pouvoir, que Seyss-Inquart refuse toujours obstinément de parapher son télégramme, que dans la ville de Vienne se poursuivent des scènes de folie, émeutiers assassins, incendies, hurlements, Juifs traînés par les cheveux dans des rues jonchées de débris, alors que les grandes démocraties semblent ne rien voir, que l'Angleterre s'est couchée et ronronne paisiblement, que la France fait de beaux rêves, que tout le monde s'en fout, le vieux Miklas, à contrecœur, finit de par nommer le nazi Seyss-Inquart, Chancelier d'Autriche. Les plus grandes catastrophes s'annoncent souvent à petits pas.
Eric Vuillard, L'ordre du Jour (2017)