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COMPTE-RENDU DE LA DERNIÈRE SÉANCE

Sujet : « Indignez-vous (?) »

Date : vendredi 28 janvier 2011

Une trentaine de personnes étaient présentes pour ce 11ème café philosophique et premier de l’année 2011. 

Bruno explique le choix de ce sujet : fin 2010 est sorti Indignez-vous !, le petit essai de Stéphane Hessel, ancien résistant, ancien membre du Conseil National de la Résistance (initiateur de la reconstruction et d’avancées sociales comme la Sécurité Sociale) et ancien diplomate. Cet opuscule de quelques pages, écrit par un homme public qui était finalement relativement peu connu des médias et du grand public a été non seulement, contre toute attente, un énorme succès de librairie (plus d’un millions d’exemplaires vendus en quelques mois) mais également, un vrai phénomène de société. Bruno souligne que ce livre sur l’indignation, d’abord reçu avec la bienveillance due à un vieil homme à la carrière exemplaire, a suscité, du fait de son succès, de multiples commentaires de philosophes (Edgar Morin et Luc Ferry pour ne citer qu’eux). Voilà qui explique tout l’intérêt d’organiser une discussion philosophique. 

Claire admet que l’on peut être a priori "déçu" par ce court livre (une vingtaine de pages) ; cependant, en dépassant cette lecture, force est de constater que Stéphane Hessel, à défaut d’approfondir ses arguments, balise son texte de quelques références philosophiques – Sartre, en premier lieu.

Une question est posée aux participants (un certain nombre ont apporté avec eux un exemplaire d’Indignez-vous !) : pourquoi ont-ils acheté ce livre ? Il apparaît en faisant un tour de salle que la plupart était interpellé par le titre et en particulier par le point d’exclamation. Ce livre est un appel et cet appel a su toucher une corde sensible… "Un livre qui prend aux tripes" ajoute une participante.

Une personne, familière de Stéphane Hessel, affirme qu’elle a acheté plusieurs exemplaires pour ses petits-enfants, exemplaires qui, ajoute-t-elle, n’ont pas laissé indifférents. Le livre de Stéphane Hessel semble avoir été un sujet de conversation jusque dans les cours de récréation ! Oui, ajoutent plusieurs personnes : l’indignation n’est pas inutile et de multiples sujets invitent à ce sentiment (forum libéral de Davos, le pouvoir et la folie de l’argent, etc.). Claire ajoute que ce sujet sur l’indignation tombe à point nommé : en Tunisie, la révolution qui a fait tomber la dictature de Ben Ali n’a-t-elle pas débuté avec une indignation – le suicide spectaculaire d’un marchand ambulant ?

Encore faudrait-il définir ce qu’est philosophiquement l’indignation. Bruno cite Descartes qui affirme dans les Passions de l’Âme : "Car on n’est indigné que contre ceux qui font du bien ou du mal aux personnes qui n’en sont pas dignes". (http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/file/descartes_passions.pdf) Encore, faut-il être conscient qu’il existe, selon le philosophe Jean-François Mattéi, une fausse et une vraie indignation. Est fausse celle qui se base sur une condamnation de postulats intangibles (le temps qui passe, par exemple, cf. http://agora.qc.ca/dossiers/Indignation). Est vraie l’indignation qui, elle, se base sur des faits concrets, contre mon prochain, celui que je sais tomber dans l’indignité. Il faut aussi être conscient que l’on ne s’indigne jamais contre soi-même : on peu être en colère contre soi-même ou bien s’en vouloir, certes mais l’indignation n’est jamais dirigée contre soi-même. Une personne de l’assistance est d’avis qu’il s’agit d’une simple question de vocabulaire.

Les motifs d’indignation sont nombreux. Durant ce café philosophique, il est remarquable d’entendre deux personnes émettre deux motifs d’indignation diamétralement opposés : indignation contre la supposée impuissance des hommes politiques et indignation contre les attaques faites contre les hommes politiques.

À ce sujet, un participant souligne qu’il n’est pas dans le rôle d’un homme politique de gérer ses dossiers en ayant en tête l’indignation. Bruno va dans ce sens en prenant pour appui Spinoza pour qui l’indignation est d’abord un mouvement qui "vient des tripes", qui est un mouvement de base intrinsèquement déstabilisateur de l’État (http://quelsmondes.free.fr/evenementiel/justice-violence/actes/deldon.htm).

L’indignation, on l’a vu, peut être une première étape vers une révolte de fond, voire une révolution. Hessel lui-même semble « freiner des deux fers » dit Bruno. L’ancien résistant se contente d’entrebâiller quelques portes, et pourquoi pas celle d’une "révolution sans violence". Si l’indignation est là, qui peut augurer de ses effets ? Claire cite Sartre lorsqu’il évoque la révolution française et ses origines : si elle s’est déclenchée et que les hommes sont descendus manifester ce n’est pas que la situation était devenue insupportable mais c’est que des hommes ont déclaré que la situation était insupportable que la révolution s’est déclenchée (http://www.philagora.net/aide-texte/sartre-revolte.php).

C’est sans doute dans le concept même d’indignation que le bât blesse. En effet, comme l’affirme Claire, la déception qui peut naître de la lecture du petit essai  semble être en parfaite adéquation avec l’espèce de vacuité ou de vanité qui accompagnent l’indignation. S’indignez c’est peut-être un bon début, mais cela ne reste qu’un début. Cet essai est un appel au réveil citoyen, mais on reste sur notre faim puisque, précisément, il n’y en a pas de construite. Ni finalité, ni proposition positive (qui permettrait de construire ). Voilà sans doute qui nous laisse un peu "coi"…

Chacun déplore une certaine lâcheté dans les comportements de la majorité des citoyens, capables d’accepter des situations que finalement ils jugent contraires à l’étique. Derrière la soif (très française) d’un idéal révolutionnaire se cachent des réalités quotidiennes triviales : la peur de perdre le peu que l’on possède.

Pour terminer ce débat animé (et trop court selon l’avis de beaucoup), Claire se félicite qu’un homme ait pu cristalliser dans un petit livre un appel à l’indignation ; il reste à construire autre chose : des propositions, propositions qu’émet Edgar Morin dans son essai La Voie (cf. ce lien). Si Hessel ne le fait pas c’est, semble-t-il, parce que là n’est pas son objectif. Il cherche avant tout à transmettre l’idée selon laquelle l’existence précède l’essence. L’homme décide, se projette, se construit. Et en me construisant, je construis l’humanité (Sartre). C’est l’individu qui crée le possible. Dès lors, à partir de là, tout est permis !

Sans doute qu’Hessel n’a pas à proposer à notre place, à composer à notre place. Il l’a fait de son temps et durant toute sa vie citoyenne. Reste à nous battre – pacifiquement - pour nos idées.

Sur la promesse que ce débat pourrait avoir une suite prochainement, il est décidé du débat du café philo suivant, le vendredi 18 février à 18H30 à la Brasserie du centre commercial de la Chaussée : "L’art : à quoi ça sert ?"

Merci à tous. 

 

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