Kant : Est-ce que les sens ne trompent pas ? (22/12/2025)
Les sens ne trompent pas. Cette proposition est la négative du reproche le plus grave, mais aussi, lorsqu’il est mûrement réfléchi, le plus mal fondé qui soit adressé aux sens ; et cela, non parce qu’ils jugent toujours juste, mais parce qu’ils ne jugent pas du tout. Ce qui fait constamment retomber l’erreur à la charge de l’entendement. — Cependant, l’apparence sensible (species, apparentia), aboutit toujours à l’entendement, non sans doute pour le justifier, mais cependant pour l’excuser. C’est pourquoi l’homme est souvent dans le cas de regarder le subjectif de son mode de représentation comme objectif (la tour carrée dont le lointain ne lui permet pas de percevoir les angles, comme une tour ronde ; la mer, dont la partie éloignée ne lui est visible que par des rayons lumineux plus élevés, comme plus haute que le rivage (altam mare) ; la pleine lune qu’il aperçoit ? ? l’horizon à travers un air épais, quoique comprise dans le même angle visuel, comme plus éloignée, par conséquent aussi comme plus grande, que lorsqu’elle apparaît au méridien), et, par conséquent, de prendre un phénomène pour une expérience. Mais s’il tombe ainsi dans l’erreur, c’est la faute de l’entendement, ce n’est pas celle des sens.
Un blâme dirigé par la logique contre la sensibilité, c’est qu’on regarde la connaissance qui en provient comme marquée d’étroitesse (individualité, limitation à l’individuel), en même temps qu’on accuse l’entendement de sécheresse, parce qu’il tend au général, et qu’il doit par cette raison se prêter à des abstractions. La manière esthétique, dont la popularité est la première condition, suit une voie qui permet d’éviter cette double faute.
Emmanuel Kant, Anthropologie (1798)
Photo : Pexels - Lil Artsy
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