Aristote : Colères et passions (09/07/2024)
Il n’est pas aisé de déterminer comment, à l’égard de qui, pour quels motifs et pendant combien de temps on doit être en colère, et à quel point précis, en agissant ainsi, on cesse d’avoir raison et on commence à avoir tort. En effet, une légère transgression de la limite permise n’est pas pour autant blâmée, qu’elle se produise du côté du plus ou du côté du moins : ainsi parfois nous louons ceux qui pèchent par insuffisance et les qualifions de doux, et, d’autre part, nous louons les caractères difficiles, pour leur virilité qui, dans notre pensée, les rend aptes au commandement. Dès lors il n’est pas aisé de définir dans l’abstrait de combien et de quelle façon il faut franchir la juste limite pour encourir le blâme : cela rentre dans le domaine de l’individuel, et la discrimination est du ressort de la sensation. Mais ce qui du moins est clair, c’est l’appréciation favorable que mérite la disposition moyenne, selon laquelle nous nous mettons en colère avec les personnes qu’il faut, pour des choses qui en valent la peine, de la façon qui convient, et ainsi de suite, et que, d’autre part, l’excès et le défaut sont également blâmables, blâme léger pour un faible écart, plus accentué si l’écart est plus grand, et d’une grande sévérité enfin quand l’écart est considérable.
Aristote, Rhétorique (IVe s. av JC)
Photo : Pexels - Anna Tarazévitch
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