Heidegger : "Le temps apparaît comme la succession des maintenants" (19/03/2025)
Le temps apparaît comme la succession des maintenants – desquels chacun, à peine nommé déjà s'évanouit dans le "moment d'avant" et déjà se fait chasser par le "moment d'après". Kant dit, parlant du temps ainsi représenté : "Il n'a qu'une seule dimension" (Critique de la raison pure A 31, B 47). C'est bien le temps entendu comme le coup sur coup dans la suite des maintenants que l'on a dans l'idée lorsqu'on mesure et calcule le temps. Le temps calculé, nous l'avons devant nous, à pouvoir immédiatement le palper – du moins telle est l'apparence – quand nous prenons en main la montre, le chronomètre, quand nous jetons le regard sur la position des aiguilles...
Nous disons "maintenant", et nous avons dans l'esprit le temps. Mais nulle part, attenant à la montre qui nous donne l'heure, nous ne trouvons le temps, ni sur le cadran, ni dans le mouvement...
Perpétuellement, l'absence vient à nous, comme ce qui nous regarde. D'abord en ceci que bien des choses ne se déploient plus à notre rencontre selon le mode de déploiement tel que nous le connaissons, c'est-à-dire au sens du déploiement de présence... Cet être du passé ne s'abîme pas, comme ce qui simplement a cessé d'être, hors du maintenant d'autrefois. L'avoir-été (en tant qu'être du passé) se déploie bien plutôt à notre rencontre, quoique sur son mode propre. Dans l'avoir-été, c'est l'approche d'un être qui est procurée.
Mais l'absence nous regarde et vient à nous encore dans le sens du non-encore-présent, sur le mode du déploiement à notre rencontre, entendu au sens du venir-sur-nous de l'avenir [...]. Dans l'à-venir, dans le venir-sur-nous, l'approche d'un être qui est procuré... L'unité des trois dimensions temporelles repose dans le jeu par lequel chacune se tient et se tend pour chacune. Ce jeu de tension s'avère comme la véritable porrection, celle qui joue dans le propre du temps, donc en quelque sorte comme la quatrième dimension…
Ce qu'en énumérant nous nommons la quatrième dimension […] est la première […]. Elle apporte dans le survenir, dans l'avoir-été, dans le présent, l'avancée d'être qui chaque fois leur est propre, elle les tient – faisant éclaircie – les uns hors des autres, et les tient ainsi les uns pour les autres dans la proximité à partir de laquelle les trois dimensions restent rapprochées les unes des autres. C'est pourquoi (…) nous la nommons : la proximité approchante... Mais elle approche l'avenir, l'avoir-été, le présent les uns des autres dans la mesure où elle libère et déploie un lointain. Car elle tient ouvert l'avoir-été tandis qu'elle empêche sa venue comme présent. Cet approchement de la proximité tient ouvert le sur-venir depuis l'avenir en ce que, dans le venir, elle réserve la possibilité du présent. La proximité approchante a le caractère de l'empêchement et de la réserve."
Heidegger, Temps et Être (1976)
| Tags : heidegger | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer |
|
Facebook | |