Austin : "Quand dire c'est faire" (07/11/2023)
"(E.a) « Oui [je le veux] (c’est-à-dire je prends cette femme comme épouse légitime) » – ce « oui » étant prononcé au cours de la cérémonie du mariage.
(E.b) « Je baptise ce bateau le Queen Elisabeth » – comme on dit lorsqu’on brise une bouteille contre la coque.
(E.c.) « Je donne et lègue ma montre à mon frère » – comme on peut lire dans un testament.
(E.d.) « Je vous parie six pence qu’il pleuvra demain ».Pour ces exemples, il semble clair qu’énoncer la phrase (dans les circonstances appropriées, évidemment), ce n’est ni décrire ce qu’il faut bien reconnaître que je suis en train de faire en parlant ainsi, ni affirmer que je le fais : c’est le faire. Aucune des énonciations citées n’est vraie ou fausse : j’affirme la chose comme allant de soi et ne la discute pas. On n’a pas plus besoin de démontrer cette assertion qu’il n’y a à prouver que « Damnation ! » n’est ni vrai ni faux : il se peut que l’énonciation « serve à mettre au courant » – mais c’est là tout autre chose. Baptiser un bateau, c’est dire (dans les circonstances appropriées) les mots « Je baptise… » etc. Quand je dis, à la mairie ou à l’autel, etc. « Oui [je le veux].., je ne fais pas le reportage d’un mariage : je me marie.
Quel nom donner à une phrase ou à une énonciation de ce type ? Je propose de l’appeler une phrase performative ou une énonciation performative ou – par souci de brièveté – un « performatif ». Ce nom dérive, bien sûr, du verbe [anglais] perfom, verbe qu’on emploie d’ordinaire avec le substantif « action » : il indique que produire l’énonciation est exécuter une action (on ne considère pas, habituellement, cette production-là comme ne faisant que dire quelque chose)."
John Langshaw Austin, Quand dire, c’est faire (1970)
Photo : Pexels - Alena Shekhovtcova
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