Sade : Philosophie et plaisir (06/05/2023)

sade.jpgOn leur donna vingt-quatre heures à l'une et à l'autre pour quitter le couvent, leur laissant le soin de se pourvoir, avec leurs cent écus, où bon leur semblerait. Juliette, enchantée d'être sa maîtresse, voulut un moment essuyer les pleurs de Justine, puis voyant qu'elle n'y réussirait pas, elle se mit à la gronder au lieu de la consoler ; elle lui reprocha sa sensibilité ; elle lui dit, avec une philosophie très au-dessus de son âge, qu'il ne fallait s'affliger dans ce monde-ci que de ce qui nous affectait personnellement ; qu'il était possible de trouver en soi-même des sensations physiques d'une assez piquante volupté pour éteindre toutes les affections morales dont le choc pourrait être douloureux ; que ce procédé devenait d'autant plus essentiel à mettre en usage que la véritable sagesse consistait infiniment plus à doubler la somme de ses plaisirs qu'à multiplier celle de ses peines ; qu'il n'y avait rien, en un mot, qu'on ne dût faire pour émousser dans soi cette perfide.

Marquis de Sade, Les Infortunes de la Vertu (1787)

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